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04/07/2024 | FRANCE | N°22/05556

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 04 juillet 2024, 22/05556


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 4 Juillet 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/05556 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-NANA





















Monsieur [X] [R]



c/

CPAM DE LA GIRONDE













Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :
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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu l...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 4 Juillet 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/05556 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-NANA

Monsieur [X] [R]

c/

CPAM DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 novembre 2022 (R.G. n°21/01539) par le pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 02 décembre 2022.

APPELANT :

Monsieur [X] [R]- Comparant-

né le 21 Juin 1965 à [Localité 4]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

assisté par Mme [P] [I] de l'ADDAH, munie d'un pouvoir régulier

INTIMÉE :

CPAM DE LA GIRONDE prise enj la personne de son directeur domicilié en cette qualité audit siège social. [Adresse 5]

représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne Gombaud

Greffière lors du délibéré: Sylvaine Déchamps

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] a été employé par la société [3] (la société en suivant) en qualité de cariste.

Le 15 octobre 2020, M. [R] a établi une déclaration de maladie professionnelle en y joignant le certificat médical initial établi le 30 septembre 2020 dans les termes suivants : «burn out. Motif : Harcèlement au travail, dégradation psychologique et physique».

Par décision du 22 juin 2021, la caisse primaire d'assurance maladie la Gironde (en suivant la CPAM), après avis du CRRMP de [Localité 2], a refusé de prendre en charge la maladie professionnelle au titre de la législation des risques professionnels.

Le 19 août 2021, M. [R] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la CPAM. Par décision du 12 octobre 2021, ce recours a été rejeté.

Le 08 décembre 2021, M. [R] a contesté cette décision devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Selon jugement avant dire droit rendu le 28 décembre 2021, le tribunal a désigné le CRRMP d'Occitanie afin qu'il donne son avis sur l'existence d'un lien direct entre la pathologie déclarée et l'exposition professionnelle de M. [R]. Le CRRMP d'Occitanie a rendu son avis le 25 avril 2022.

Par jugement du 22 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

-dit que la pathologie de « burn out » présentée par M. [R] le 15 octobre 2020 ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles,

-débouté M. [R] de son recours à l'encontre de la décision du 12 octobre 2021,

-débouté M. [R] de sa demande de renvoi vers un troisième CRRMP.

Par déclaration du 08 décembre 2022, M. [R] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 11 juillet 2023, M. [R] demande à la cour de :

-le déclarer recevable et bien fondé,

-infirmer le jugement entrepris,

A titre principal,

-écarter les deux avis rendus par les CRRMP,

-dire qu'il existe un lien direct et essentiel entre sa maladie présentée et son activité professionnelle,

-dire que sa pathologie doit faire l'objet d'une prise en charge au titre de la législation professionnelle,

-le renvoyer devant la CPAM de la Gironde pour la liquidation de ses droits,

A titre subsidiaire,

-ordonner le renvoi vers un troisième CRRMP

En tout état de cause, condamner la CPAM aux dépens.

M. [R] fait valoir que sa pathologie est en lien avec son activité professionnelle et conteste dès lors les conclusions des deux CRRMP. Il expose avoir été victime d'une mise à l'écart par la direction, d'avoir subi une surcharge de travail et avoir été confronté à des mauvaises conditions de travail générant chez lui un mal être fort qu'il a exposé à la médecine du travail et fait remonter à sa hiérarchie. Il rappelle que l'avis des CRRMP ne s'impose pas à la cour.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 février 2024, la CPAM demande à la cour de :

-la recevoir en ses demandes et l'en déclaré bien fondée,

-confirmer le jugement entrepris,

-débouter M. [R] de ses demandes,

-condamner M. [R] aux dépens.

La CPAM expose qu'il n'existe pas d'éléments objectifs au dossier autres que les déclarations de M. [R] pour établir la dégradation de ses conditions de travail et qu'elles soient à l'origine de sa dépression. Elle précise que les avis des deux CRRMP sont concordants et étayés.

L'affaire a été fixée à l'audience du 14 mars 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [R]

Selon les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, 'les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :

1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;

2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;

3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.'

En application de l'article R. 142-17-2 du même code, lorsque le litige porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles et entraînant une IPP prévisible supérieure à 25 %, il incombe au tribunal de recueillir préalablement l'avis d'un autre comité régional.

En l'espèce, la maladie déclarée par M. [R] ne figure dans aucun des tableaux de maladie professionnelle mais la caisse ayant estimé que le taux prévisible d'incapacité était supérieur à 25 %, elle a transmis pour avis au CRRMP de [Localité 2] la demande de M. [R].

Le CRRMP de [Localité 2] a rendu le 16 juin 2021 un avis motivé défavorable considérant que les éléments de preuve d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l'exposition professionnelle incriminée n'était pas réunis dans ce dossier. Il précise que l'action délétère du contexte professionnel sur l'état de santé de l'assuré n'est pas établie.

Le CRRMP d'Occitanie a été désigné par le tribunal qui par un avis motivé à la lumière des facteurs de risques psychosociaux prévus dans le guide des CRRMP n'a pas retenu de lien direct et essentiel entre la pathologie présentée et l'activité professionnelle réalisée par M. [R]. Il nomme une charge de travail au mieux identique voire diminuée, une latitude décisionnelle en rapport avec le poste occupé, un soutien social du salarié par le CSE dont il est membre, une allégation par ce dernier de violences physiques ou psychiques en relevant cependant que le licenciement a été autorisé secondairement par le ministère du travail, une reconnaissance professionnelle non retrouvée, et un conflit éthique ou qualité empêchée rapporté par l'assuré.

Il ressort de la lecture de l'enquête de la caisse ainsi que de l'étude réalisée par la société [6] une mauvaise qualité du dialogue social au sein de l'entreprise, une absence de management associée à une désorganisation de l'activité, un management inéquitable, un manque de reconnaissance professionnelle des salariés, une surcharge de travail liée à l'absentéisme et des tensions entre salariés.

M. [R] considère avoir été victime de ces manquements, en sus d'une mise à l'écart et d'un isolement lié à ses différents mandats syndicaux ainsi qu'une discrimination par sa direction, générant ainsi un fort mal être.

Cependant, il n'est pas démontré, autrement que par les allégations du salarié, que ce dernier a dû personnellement supporter une surcharge de travail, ses collègues et les autres salariés pouvant reprocher au contraire à M. [R] de devoir effectuer son travail en sus du leur, compte tenu de ses nombreuses décharges syndicales.

Il n'est pas non plus démontré par M. [R] qu'il ait été particulièrement ciblé et touché par les difficultés globales de la société ou par un management inéquitable.

Les différents témoignages d'autres salariés de l'entreprise communiqués à la cour, singulièrement ceux de M. [Z] et de M. [J], font bien état d'une mise à l'écart de M. [R] au sein du collectif de travail, M. [Z] indiquant que 'la direction a mené des campagnes de dénigrements du personnel' et M. [J] évoquant que 'cela faisait longtemps que la boîte voulait le faire sortir'. Mais il ressort des mêmes témoignages un surinvestissement du salarié et des postures personnelles générant des positions de rejet ou d'évitement de ses collègues. Ainsi, 'M. [R] a fait preuve d'investissement excessif. ses collègues lui tournait le dos car il n'a pas forcément la manière de faire, il peut partir dans tous les sens', '[X] a des convictions très fortes, trop fortes parfois, il avait des délégations à gogo, en retour était rejeté, ignoré par ses collègues'.

La directrice adjointe des ressources humaines reconnaît que M. [R] a pu se sentir épié mais expose qu'ils avaient décidé, dans le cadre de leur pouvoir de direction, de suivre les heures de délégation syndicales qu'il posait car il avait été objectivé des dépassements certains mois justifiant des retenues sur salaire.

Au regard de ces éléments, il n'est pas démontré que la dégradation des conditions de travail évoquée par M. [R] soit essentiellement à l'origine de sa dépression.

Il n'est pas contesté la souffrance de M. [R] et la nécessité pour ce dernier de bénéficier d'un accompagnement psychologique comme cela ressort des différentes pièces médicales communiquées. Cependant, de la même manière que les deux CRRMP appelés à se prononcer sur la maladie déclarée par M. [R], la cour relève que le lien direct et essentiel entre cette dernière et son travail n'est pas caractérisé, justifiant de fait que sa pathologie ne soit pas prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles.

Enfin, il conviendra de débouter M. [R] de sa demande de saisine d'un troisième CRRMP, les deux précédents avis ayant été rendus dans des conditions de parfaite régularité.

Ainsi, le jugement déféré qui a dit que la pathologie de 'Burn out' présentée par M. [R] le 15 octobre 2020 ne pouvait être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles sera confirmé.

Sur les frais du procès

Le jugement déféré qui a laissé à chaque partie la charge de ses dépens sera confirmé.

M. [R], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y Ajoutant,

CONDAMNE M. [X] [R] aux paiement des dépens d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/05556
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.05556 ?
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