COUR D'APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 04 JUILLET 2024
N° RG 21/03383 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-ME64
[N] [M]
c/
S.N.C. CAMELIA AQUITAINE 3
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 juin 2021 par le Tribunal Judiciaire de Bordeaux (chambre : 7, RG : 20/04564) suivant deux déclarations d'appel des 14 et 28 juin 2021
APPELANT :
[N] [M]
né le 26 Janvier 1970 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
appelant dans la déclaration d'appel du 14.06.21 et intimé dans la déclaration d'appel du 28.06.21
Représenté par Me VALENSI substituant Me Myriam SEBBAN de la SELARL MYRIAM SEBBAN AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.N.C. CAMELIA AQUITAINE 3
société en nom collectif immatriculée au RCS de [Localité 4] sous le numéro 809 358 633, dont le siège social est [Adresse 2], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité
intimée dans la déclaration d'appel du 14.06.21 et appelante dans la déclaration d'appel du 28.06.21
Représentée par Me BOULLET substituant Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 21 mai 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte reçu le 4 janvier 2018 par Maître [I] [X], notaire à [Localité 4] (Gironde), Monsieur [N] [M] a acquis en état futur d'achèvement auprès de la Société en Nom Collectif (SNC) Camelia Aquitaine 3 une villa duplex ainsi que deux places de stationnement au sein de la résidence « Cote Pyla » du [Adresse 3] à [Localité 7] au prix de 540 000 €.
La date de livraison du bien a été contractuellement fixée à la fin du 4ème trimestre 2018.
La livraison par remise des clés est intervenue le 21 février 2020.
Reprochant à la la SNC Camelia Aquitaine 3 un retard et une mauvaise exécution du contrat, M. [M] a, le 10 juin 2020, assigné celle-ci devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin d'obtenir, sur fondement des dispositions de l'article 1231-1 du Code civil, l'indemnisation de divers préjudices représentant la somme totale de 119 860 €.
Le jugement rendu le 2 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- constaté que la SNC Camelia Aquitaine 3 :
- a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de M. [M] en ne lui livrant pas les immeubles dans les délais contractuellement convenus,
- en tant que promoteur immobilier, a manqué à son obligation de résultat à l'égard de M. [M] en lui livrant un biencomportant des malfaçons nécessitant d'être reprises,
- constaté toutefois que les désordres d'étanchéité relevés au droit de l'ensemble de la toiture, n'ont pas eu pour effet de rendre l'ouvrage impropre à son utilisation,
- déclaré achevé l'ouvrage le 28 mars 2019 tout en constatant que la notification de l'achèvement n'est intervenue que le 02 avril 2019,
- débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
- condamné M. [M] à verser à la SNC Camelia Aquitaine 3 la somme de 1 620 € au titre des indemnités contractuelles d'intérêts de retard,
- débouté les parties de leurs plus amples et contraires prétentions,
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,
- dit que les dépens pourront être éventuellement recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
La juridiction de première instance a estimé que :
- la SNC Camelia Aquitaine 3 ne justifiait pas des 105 jours d'intempéries arrêtés au 28 mars 2019 figurant dans une attestation de Monsegu, maître d'oeuvre, car le chantier est éloigné de 60 km du lieu où la pluviométrie a été relevée ;
- le bien n'a été mis hors d'eau que le 11 octobre 2019 tout en déclarant l'ouvrage achevé au 28 mars 2019 ;
- la SNC a donc manqué à ses obligations contractuelle sur ce point ;
- aucune pénalité de retard n'est contractuellement prévue ;
- l'acquéreur n'a pas fait suivre son adresse figurant sur le contrat de vente de sorte qu'il ne peut reprocher à la SNC Camelia Aquitaine 3 de ne pas avoir été destinataire de la LRAR prévue au contrat afin de l'informer de la réalisation des événements dont dépend l'exigibilité des fractions du prix ;
- la date d'achèvement peut être fixée au 28 mars 2019
- M. [M] s'est acquitté tardivement des 5% restant qui avaient été consignés.
Par déclaration électronique en date du 14 juin 2021, M. [M] a interjeté appel de la décision.
Suivant une déclaration électronique du 28 juin 2021, la SNC Camelia Aquitaine 3 a relevé appel du jugement de première instance.
Les deux procédures ont été jointes le 14 janvier 2022.
Une nouvelle décision rendue le 24 février 2022 par le premier juge, statuant sur une requête en omission de statuer, a complété le jugement initial en ajoutant la mention : 'Autorise la SNC Camelia Aquitaine 3 à se faire remettre par la Caisse des dépôts et consignation, après signification du présent jugement, les 27 000 euros consignés auprès d'elle'.
Dans ses dernières conclusions du 22 avril 2024, M. [N] [M] demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
- confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a constaté que la SNC Camelia Aquitaine 3 :
- avait manqué à ses obligations contractuelles à son égard en ne lui livrant pas le bien acquis dans les délais contractuellement convenus,
- en tant que promoteur immobilier, a manqué à son obligation de résultat à son égard en lui livrant un bien comportant des malfaçons nécessitant d'être reprises,
- réformer la décision déférée pour le surplus et, statuant à nouveau :
- fixer la date d'achèvement des travaux au 13 septembre 2019,
- dire et juger que les désordres d'étanchéité relevés au droit de l'ensemble de la toiture ont bien eu pour effet de rendre l'ouvrage impropre à sa destination,
- dire et juger que la SNC Camelia Aquitaine 3 a commis une faute dolosive en lui proposant la livraison du bien à la date du 2 avril 2019 alors qu'elle ne pouvait ignorer, en qualité de professionnel de la construction, que le bien était inhabitable à cette date,
- écarter, en conséquence, la règle de la limitation de l'indemnisation aux dommages prévisibles au profit du principe de réparation intégrale du préjudice,
- dire et juger qu'aucun retard de paiement ne saurait lui être imputé,
- réformer, en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de la SNC Camelia Aquitaine 3 tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 1 620 euros au titre des pénalités de retard contractuellement prévues, sur la période allant du 2 avril 2019 au 13 septembre 2019,
- condamner la Société Camelia Aquitaine 3 à lui régler la juste somme de 107 260 euros, en réparation de son préjudice, décomposée comme suit :
- 18.200 euros au titre de la perte de chance,
- 14.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 75.060 euros au titre des pénalités de retard,
- débouter la SNC Camelia Aquitaine 3 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la Société Camelia Aquitaine 3 au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et des entiers dépens de l'instance, en ce compris les coûts de réalisation des constats d'huissier ainsi que les frais d'expertise du Cabinet Riu,
- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.
Suivant ses dernières conclusions du 12 avril 2024, la SNC Camelia Aquitaine 3 demande à la cour :
- de confirmer le jugement du 2 juin 2021 en ce qu'il a :
- déclaré achevé l'ouvrage le 28 mars 2019 tout en constatant que la notification n'est intervenue que le 2 avril 2019,
- débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
- condamné M. [M] à lui verser la somme de 1 620 € au titre des indemnités contractuelles d'intérêts de retard,
- d'infirmer le jugement du 2 juin 2021 en ce qu'il a :
- constaté qu'elle a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de M. [M] en ne lui livrant pas les immeubles dans les délais contractuellement convenus,
- constaté qu'elle a manqué à son obligation de résultat à l'égard de M. [M], l'acquéreur, en lui livrant un bien comportant des malfaçons nécessitant d'être repris,
- débouté les parties de leurs plus amples et contraires prétentions,
- dit que chaque partie conservera la charge des dépens,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conséquent :
- de débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes à son encontre,
- de juger irrecevable la demande de M. [M] au titre de la perte de chance formulée pour la première fois en cause d'appel, ou à tout le moins la juger mal fondée et l'en débouter,
- de juger que la date d'achèvement de l'immeuble doit être fixée au 28 mars 2019,
- de condamner M. [M] à lui payer une pénalité égale à 1% par mois de retard :
- du mois d'avril 2019 au 30 septembre 2019, sur la somme de 54 000 €,
- du mois d'avril 2019 au dernier jour du mois au cours duquel a été réglé le solde restant dû, de 27 000 € (à savoir le 8 avril 2022), soit jusqu'à fin avril 2022.
- de condamner M. [M] au paiement de la somme de 3.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et des entiers dépens, dont distraction au profit de la Scp Laydeker-Sammarcelli-Mousseau, avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera liminairement observé qu'il n'a pas été relevé appel à l'encontre du jugement en omission de statuer du 24 février 2022.
Dans la vente en état futur d'achèvement, l'achèvement est une étape qui précède la livraison de sorte que ces deux notions, qui sont parfois confondues par l'une et l'autre des parties dans leurs dernières conclusions, doivent être distinguées.
Ainsi, lors de l'achèvement, l'immeuble est simplement habitable alors que lors de la livraison, il doit être complètement terminé.
Sur l'achèvement de l'ouvrage
Sur la date d'achèvement
L'article R. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation dispose que l'immeuble vendu à terme ou en l'état futur d'achèvement est réputé achevé au sens de l'article 1601-2 du code civil, reproduit à l'article L. 261-2 du présent code, et de l'article L. 261-11 du présent code lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d'équipement qui sont indispensables à l'utilisation, conformément à sa destination, de l'immeuble faisant l'objet du contrat. Pour l'appréciation de cet achèvement, les défauts de conformité avec les prévisions du contrat ne sont pas pris en considération lorsqu'ils n'ont pas un caractère substantiel, ni les malfaçons qui ne rendent pas les ouvrages ou éléments ci-dessus précisés impropres à leur utilisation.
L'article R.'261-24 du Code de la construction et de l'habitation dispose que la constatation de l'achèvement est attestée par une personne qualifiée désignée par le juge, un organisme de contrôle indépendant ou un homme de l'art.
Afin de démontrer que la date de l'achèvement de l'ouvrage doit être fixée au 28 mars 2019, la SNC Camelia Aquitaine 3 produit une attestation du maître d'oeuvre, en l'occurrence la société Echotec.
M. [M] conteste le bien fondé de ce document et demande que la date du 13 septembre 2019 soit retenue.
En réponse, le vendeur en VEFA indique que l'une des clauses du contrat prévoit expressément que la constatation de l'achèvement de l'ouvrage peut être déterminée par la production d'une attestation du maître d'oeuvre, de sorte que les éléments avancés par l'appelant n'ont pas à être pris en considération. Il reproche à son client d'avoir tardivement versé la somme de 54 000 euros correspondant à 10 % du solde du prix.
Cependant, dans différents courriers adressés au conseil de M. [M], la SNC Camelia Aquitaine 3 indique que la date d'achèvement de l'ouvrage qui doit être retenue est celle du 10 mai 2019 de sorte que celle du 28 mars 2019 doit être écartée.
L'appelant soutient d'une part, sans être démenti sur ce point, que la société Echotec, rédactrice de l'attestation contestée, et la SNC Camelia Aquitaine 3 sont dirigées par un même gérant. Cependant, cette situation ne saurait remettre en cause la validité de ce document conforme à l'accord contractuel.
Il estime d'autre part que les conditions de l'article R. 261-1 précité n'étaient pas remplies de sorte que le vendeur en VEFA ne démontre pas l'état d'achèvement de l'ouvrage au 28 mars 2019.
En matière de vente en l'état futur d'achèvement, la clause prévoyant le recours à l'avis d'une personne qualifiée, à défaut d'accord des parties sur la date d'achèvement, ne fait pas obstacle à ce que le juge vérifie la conformité de cet avis aux critères d'achèvement définis par l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation (Civ.'3ème, 30'novembre 2017, n°16-19.073).
En application de ce dernier texte, l'immeuble est réputé achevé même si certains travaux d'aménagement ou de finition restent à réaliser. Il suffit que soient exécutés les ouvrages et soient installés les éléments d'équipements indispensables à son utilisation (Civ., 3e, 14 janvier 2009, n° 07-20.410). Pour l'appréciation de l'achèvement au sens de l'article précité, ne seront pas prises en considération les malfaçons qui ne rendent pas l'appartement ou la maison vendu impropre à son utilisation (Civ., 3e, 14 avril 2010, n° 09-65.475).
L'acquéreur en VEFA produit un rapport d'expertise rédigé à sa demande par M. Riu qui a assisté à une réunion avec la SNC Camelia Aquitaine 3 le 1er août 2019.
L'expert amiable a conclu que la mise hors d'eau de la construction dans les règles de l'art 'n'est pas atteinte à ce jour' (p5).
Cette pièce, soumise à la contradiction, doit être corroborée par d'autres éléments de preuve pour démontrer que le bien n'était pas achevé à cette date.
Le premier constat d'huissier non contradictoire versé aux débats par M. [M] est daté du 5 mai 2019. L'officier ministériel a relevé :
- des traces blanchâtres sur les portes et encadrements du garage ;
- un écart important au niveau de l'avant-toit et des traces de peinture ;
- l'absence de peinture en sous-face de l'avant-toit ;
- des saletés sur des bandeaux de la chambre et un défaut de jonction, sans précision ;
- deux trous sur des poteaux et d'autres parties en bois ;
- une différence entre les deux contrevents de la chambre avec affaissement de l'arbalétrier de la ferme ;
- des rayures sur les huisseries du salon ;
- une jonction qualifiée de disgracieuse au niveau de la charpente ;
- des salissures au niveau des poutres ;
- l'endommagement de la porte de garage ;
- un grincement du portillon qui présente un aspect disgracieux ;
- l'écaillement de la peinture de certains volets ;
- une fissuration sur certaines parties boisées avec écaillement de la peinture ;
- l'endommagement d'une partie de la gouttière située en façade ;:
- le caractère visible des noeuds de certains contrevents ;
- des traces noirâtres sur la terrasse avec le bris de certaines parties de l'habillage bois ;
- la présence de certains crépis épaufrés au niveau de la fenêtre de la salle de bains sur laquelle la sous-face du volet roulant est absente ;
- des gravats et autres objets provenant du chantier dans le jardin.
Au regard des observations ci-dessus, les défauts d'exécution ou éventuelles malfaçons décrits ci-dessus ne présentent pas le caractère de gravité permettant de considérer que l'ouvrage n'était pas achevé.
Le constat susvisé mentionne aussi :
- la présence de deux 'bosses' au niveau de la toiture ;
- l'insuffisance de la descente d'eaux pluviales ;
- le bris de plusieurs tuiles à l'étage et un écart de 2 cm de la volige de l'auvent.
Ces constatations, dont le caractère partiellement imprécis doit être relevé, ne sont pas de nature à corroborer celles contenues dans le rapport d'expertise amiable, étant ajouté qu'un commissaire de justice ne dispose pas de compétences spécifiques en matière de construction.
En revanche, le second constat des 6, 7, 8, 10, 13 et 27 juillet 2019 fait apparaître que :
- la couverture de l'auvent a été déposée sans pose d'une bâche permettant d'éviter la pénétration d'eau en dessous ;
- les désordres d'étanchéité ont été relevés au droit de l'ensemble de la toiture ;
- des lattes de la terrasse, qui est entièrement découverte, ont été retirées ;
- l'enlèvement de la toiture sur le côté droit de l'habitation ;
- certaines gouttières et descentes d'eau pluviale ont été retirées et font l'objet de travaux de reprise.
L'importance des travaux en cours observés à ces différentes dates, qui dépassent la simple reprise de légères malfaçons ou défauts d'exécution, et l'enlèvement d'une importante partie de la toiture et de la terrasse, démontrent que le bien immobilier n'était toujours pas achevé à la date du 1er août 2019.
Le nouveau procès-verbal de constat dressé le 13 septembre 2019 par Me [O] relève, en présence de l'ensemble des parties, un certain nombre de finitions à réaliser (peinture, fixation de tuiles, changement d'une porte, nettoyage de gouttières). Toutefois, les éléments qui permettaient de déterminer au mois d'août que l'immeuble était impropre à son utilisation avaient disparu à la suite des nombreux travaux de reprise réalisés durant l'été.
Il doit donc être considéré que l'immeuble était achevé au 13 septembre 2019.
En conséquence, l'appelant ne saurait être condamné au paiement à l'intimée de pénalités de retard entre le 28 mars 2019 et le 13 septembre 2019. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.
Pour autant, l'acquéreur n'établit pas suffisamment que son vendeur en VEFA a usé de manoeuvres dolosives à son encontre pour tenter de lui faire croire que la construction était achevée le 28 mars 2019. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Il ne peut être également reproché à M. [M] de n'avoir versé le 13 septembre 2019 que la moitié du solde dû ( 27 000 correspondant à 5% du prix de vente), consignant par la suite les derniers 5% entre les mains de la Caisse des dépôts compte-tenu d'un certain nombre de malfaçons et défauts d'exécution à reprendre.
Sur la livraison de l'ouvrage
Le procès-verbal de constat dressé le 13 septembre 2019 par Me [O] fait apparaître que M. [M] ne pouvait prendre livraison du bien le 13 septembre 2019 lors de la réunion contradictoire qui s'est tenue ce jour là dans la mesure où la SNC Camelia Aquitaine 3, à laquelle n'avait pas été produit le justificatif de la consignation des 5%, a justement refusé de lui remettre les clés en considérant que son client devait s'acquitter à cette date de la totalité du solde des travaux.
Dans sa décision du 6 janvier 2020 non frappée d'appel, le juge des référés a ordonné à la SNC Camelia Aquitaine 3, sous réserve de la justification de la consignation des 5% restant par l'acquéreur, de procéder à la remise des clés à ce dernier.
Par courrier du 27 janvier 2020, le conseil de M. [M] a enfin transmis à celui du vendeur en VEFA le justificatif de la consignation et a sollicité la fixation d'une date pour la remise des clés.
Par la suite, les échanges de courriers et de courriels intervenus entre les deux parties démontrent l'existence d'un désaccord sur la nature exacte des documents à produire pour attester la validité de la retenue de garantie.
Les clés ont été remises à l'acquéreur en VEFA le 21 février 2020, date qui n'est pas très éloignée de celle de la réception de la correspondance précitée et constitue donc celle de la livraison de l'ouvrage.
Sur le retard de livraison
En matière de vente en l'état futur d'achèvement, la loi n'a pas prévu de pénalités en cas de retard dans la livraison du bien vendu. Mais les parties sont libres de le prévoir. Dans ce cas, les modalités de calcul du retard sont prévues par le contrat.
L'acte authentique du 4 janvier 2018 stipule, au paragraphe 'délai d'exécution des travaux', que :
- le vendeur s'oblige à poursuivre les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments définis ci-dessus soient achevés et les locaux objet des présentes livrés dans les délais ci-dessus visés en première partie du présent acte ;
- ce délai serait différé en cas de force majeure ou d'une autre cause légitime ;
- pour l'application de cette disposition pourraient notamment être considérées comme causes légitimes de suspension de ce délai :
- les intempéries retenues par le maître d''uvre, empêchant les travaux ou l'exécution du corps d'état considéré, et dûment justifiées par un relevé de la station météorologique la plus proche de l'immeuble ;
- les grèves (qu'elles soient générales, particulières au bâtiment et à ses industries annexes ou à ses fournisseurs ou spéciales aux entreprises travaillant sur le chantier) ;
- la cessation de paiement, le redressement ou la liquidation judiciaire des ou de l'une des entreprises effectuant les travaux (même postérieure à la fin des travaux dans la mesure où les événements ayant conduit à la mise en 'uvre de ces procédures auront provoqué la cessation ou l'interruption du marché de travaux par cette ou ces entreprises ;
- les jours de retard provenant de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par le vendeur à l'acquéreur, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le maître d''uvre du chantier à l'entrepreneur défaillant ;
- les jours de retard entraînés par la recherche et la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante et à l'approvisionnement du chantier par celle-ci ;
- la résiliation d'un marché de travaux due à la faute de l'entreprise, les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou arrêter les travaux (à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au Maître d'ouvrage) ;
- les jours de retard consécutifs à l'intervention de la Direction des Monuments Historiques ou autres administrations en cas de découverts de vestiges archéologique dans le terrain ;
- les troubles résultant d'hostilités, révolutions, cataclysmes naturels, d'inondations, d'incendies, les accidents de chantier ;
- les retards de la mise à disposition par les organismes concessionnaires des différents fluides ;
(...)
- retard de paiement de l'acquéreur tant en ce qui concerne la partie principale, que les intérêts de retard et les éventuels travaux supplémentaires ou modificatifs que le vendeur aurait accepté de réaliser. Ce cas sera justifié par le seul constat du non-paiement d'une fraction exigible du prix à l'échéance ;
- l'incidence des éventuels travaux complémentaires ou modificatifs demandés par l'acquéreur et acceptés par le vendeur.
Au regard des observations figurant ci-dessus, le bien immobilier était en état d'être livré à la date du 13 septembre 2019 alors que celle contractuellement prévue avait été fixée à la fin du quatrième trimestre de l'année 2018.
Dans ses dernières conclusions, la SNC Camelia Aquitaine 3 ne critique aucunement la motivation retenue par le tribunal qui a observé que les suivis météorologiques annexés au courrier du maître d'oeuvre concernent un chantier localisé à Bordeaux-Merignac (33) alors que devait être prise en considération, conformément aux stipulations contractuelles, la station météorologique située à 9 km des travaux de construction de l'ouvrage de M. [M].
En l'état, le jugement ayant écarté les 210 jours d'intempéries allégués par le vendeur en VEFA pour suspendre le délai de livraison et échapper aux pénalités de retard sera confirmé.
Le retard porte donc sur la période comprise entre d'une part le 1er janvier 2019 et le 13 septembre 2019 (270 jours) et d'autre part entre le 27 janvier 2020 et le 21 février 2020 (31 jours), soit une période totale de 301 jours.
Au regard des clauses contractuelles usuelles en matière de VEFA qui permettent de retenir, au delà de 30 jours de retard de livraison, une pénalité de 1/3000ème/jour du montant du prix de la transaction), la SNC Camelia Aquitaine 3 doit être condamnée à verser à l'appelant la somme de 48 780 euros (1/3000ème de 540 000 euros sur une période de 301-30 jours). Le jugement attaqué ayant rejeté la demande d'indemnisation à ce titre sera donc infirmé.
Sur la demande en paiement présentée par la SNC Camelia Aquitaine 3 au titre du retard dans le paiement du solde du prix de vente
M. [M] ne peut être tenu pour responsable de l'omission de statuer du tribunal qui n'a pas répondu à la demande présentée par la SNC Camelia Aquitaine 3 tendant à obtenir le déblocage à son profit du montant de 27 000 euros.
Dès lors, la demande indemnitaire présentée par le vendeur en VEFA tendant à obtenir la condamnation de l'acquéreur au paiement d'indemnités de retard sera rejetée.
Sur les autres demandes de dommages et intérêts
L'appelant abandonne sa demande au titre d'un préjudice financier résultant du coût de la location du bien immobilier qu'il a dù occuper dans l'attente de la livraison de l'immeuble acquis en VEFA mais réclame le versement d'une somme de 18 200 euros au titre d'une perte de chance de ne pas avoir pu soumettre le bien immobilier à la location du fait du retard de livraison imputable à la SNC Camelia Aquitaine 3.
Cette prétention est recevable car complémentaire aux autres demandes indemnitaires fondées sur les mêmes éléments.
Si le bien acquis par M. [M] devait être soumis à la location, il n'est pas suffisamment établi, au regard des aléas du marché locatif, que celui-ci a subi une perte de chance de percevoir des revenus dédiés. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Il ne peut davantage justifier d'un préjudice de jouissance du bien, notamment durant la période estivale qu'il qualifie d'attractive, tout en soutenant que l'immeuble devait être soumis à la location. Il sera ajouté, comme le fait justement observer l'intimée, que l'appelant ne justifie en rien avoir quitté son logement situé dans la commune de [Localité 5] pour emménager au sein du bien acquis. La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.
Enfin, si l'appelant sollicite qu'il soit constaté que, en tant que promoteur immobilier, l'intimée a manqué à son obligation de résultat en lui livrant comportant des malfaçons nécessitant d'être repris, il n'en tire aucune conclusion sur le plan indemnitaire.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Si la décision de première instance doit être confirmée, il y a lieu en cause d'appel de mettre à la charge de la SNC Camelia Aquitaine 3 le versement au profit de M. [M] d'une indemnité de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes présentées sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
- Confirme le jugement rendu le 2 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a :
- constaté que la société en nom collectif Camelia Aquitaine 3 :
- a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de M. [N] [M] en ne lui livrant pas les immeubles dans les délais contractuellement convenus,
- en tant que promoteur immobilier, a manqué à son obligation de résultat à l'égard de M. [N] [M] en lui livrant un bien immobilier comportant des malfaçons nécessitant d'être reprises,
- débouté M. [N] [M] de ses demandes indemnitaires présentées au titre d'un préjudice de jouissance ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :
- Dit que l'ouvrage était achevé à la date du 13 septembre 2019 ;
- Dit que la date de livraison doit être fixée au 21 février 2020 ;
- Rejette les demandes en paiement de pénalités de retard présentées par la société en nom collectif Camelia Aquitaine 3 à l'encontre de M. [N] [M] ;
- Condamne la société en nom collectif Camelia Aquitaine 3 à verser à M. [N] [M] la somme de 48 780 euros au titre de l'indemnisation du retard de livraison du bien immobilier ;
- Condamne la société en nom collectif Camelia Aquitaine 3 au paiement des dépens de première instance ;
Y ajoutant ;
- Déclare recevable la demande présentée par M. [N] [M] au titre de la perte de chance de percevoir des revenus locatifs ;
- Rejette la demande présentée par M. [N] [M] au titre de l'indemnisation de la perte de chance de recevoir des revenus locatifs ;
- Condamne la société en nom collectif Camelia Aquitaine 3 à verser à M. [N] [M] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne la société en nom collectif Camelia Aquitaine 3 au paiement des dépens d'appel qui comprendront le coût de l'expertise amiable du cabinet Riu.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,