COUR D'APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 02 JUILLET 2024
PP
N° RG 23/02549 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NI7C
[I] [N]
c/
ASSURANCE MUTUELLE DES MOTARDS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE
Nature de la décision : AU FOND
SUR RENVOI DE CASSATION
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 30 mars 2023 (Pourvoi N° M 21-21.070) par la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 11 mai 2021 (RG : 18/03766) par la 1ère Chambre Civile de la Cour d'Appel de BORDEAUX en suite d'un jugement du tribunal de grande instance de BORDEAUX du 6 juin 2018 (6ème Chambre Civile RG : 16/03632), suivant déclaration de saisine en date du 30 mai 2023
DEMANDEUR :
[I] [N]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 3]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 7]
représenté par Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître VEYRIERES substituant Maître Marie MESCAM de la SELARL MESCAM & BRAUN, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
DEFENDERESSES :
ASSURANCE MUTUELLE DES MOTARDS société d'assurance mutuelle prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social sis [Adresse 1]
représentée par Maître CRAN-ROUSSEAU substituant Maître Julie JULES de la SCP DEFFIEUX - GARRAUD - JULES, avocat au barreau de BORDEAUX
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE prise en la personne de son Directeur, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
non représentée, assignée à personne habilitée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mai 2024 en audience publique, en double rapporteur, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Paule POIREL, Président, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries, et Monsieur Emmanuel BREARD, Conseiller,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président
M. Emmanuel BREARD, Conseiller
M. Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Le 2 mars 2010, à [Localité 6] et [Localité 4], alors qu'il circulait sur sa moto de marque Aprilia, M. [I] [N] a été victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule conduit par M. [H] [S], assuré auprès de la compagnie Assurance mutuelle des motards.
L'assureur de M. [S] n'a pas contesté devoir sa garantie.
À son arrivée aux urgences, M. [N] a présenté une fracture de la symphyse pubienne avec disjonction, une fracture de la rotule et une plaie des bourses. Un scanner mettait en évidence une importante disjonction pubienne avec extériorisation de la vessie et collection liquidienne sous vésicale.
Plusieurs réunions d'expertise amiables et contradictoires ont été organisées entre la Mutuelle des Motards et la MACIF, assureur de M. [N] et la Mutuelle de Motards a versé des provisions de 10.000 € et 7.000 € à valoir sur l'indemnisation du préjudice de M. [N] les 24 octobre 2010 et 26 août 2011.
Le rapport d'expertise amiable contradictoire des docteurs [Y] et [U], respectivement médecins conseils de la Mutuelle des Motards et de la MACIF a été rendu le 19 mars 2012.
M. [N] et la société Assurance mutuelle des motards ne s'étant pas entendus sur l'indemnisation des préjudices du premier, l'Assurance mutuelle des motards a pris l'initiative de faire assigner aux fins de liquidation du préjudice M. [N] et la CPAM de la Gironde par exploits d'huissier en date des 29 et 31 mars 2016.
Mme [L] [W] épouse [N] est intervenue volontairement à la procédure.
La CPAM de la Gironde n'a pas comparu. Elle avait fait parvenir à la juridiction un état de ses débours s'élevait à la somme de 259.477,57 €.
Par jugement du 6 juin 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- constaté l'intervention volontaire de Mme [L] [W] épouse [N],
- constaté que la Mutuelle des Motards reconnaît le droit à indemnisation intégrale de M. [I] [N],
- fixé le préjudice subi par M. [I] [N], suite aux faits dont il a été victime le 2 mars 2010, à la somme totale de 293.576,99 € suivant le détail suivant :
* dépenses de santé actuelles DSA : 86.372,46 €
* frais divers FD : 11.290,17 €
* pertes de gains professionnels actuels PGPA : 45.304,52 €
* dépenses de santé futures DSF : 5.157,46 €
* frais de logement adapté FLA : rejet
* perte de gains professionnels futurs PGPF : 8.197,38 €
* incidence professionnelle IP : 50.000,00 €
* déficit fonctionnel temporaire DFT : 8.975,00 €
* déficit fonctionnel permanent DFP : 49.280,00 €
* souffrances endurées SE : 20.000,00 €
* préjudice esthétique temporaire PET : 2.000,00 €
* préjudice esthétique permanent PEP : 4.000,00 €
* préjudice d'agrément PA : 3.000,00 €
* préjudice sexuel PS : rejet ;
- condamné la Mutuelle des Motards à payer à M. [I] [N] la somme de 35.844,74€ à titre de réparation de son préjudice corporel, après déduction de la créance du tiers payeur et de la provision d'ores et déjà perçue, ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- ordonné la capitalisation des intérêts échus dans les conditions fixées par l'article 1343-2 nouveau du code civil,
- déclaré le jugement opposable à la CPAM de la Gironde,
- condamné la Mutuelle des Motards à payer à M. [I] [N] la somme de 211,40€ à titre de réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la Mutuelle des Motards à payer à Mme [L] [N] la somme de 6.200€ en réparation de l'ensemble de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la Mutuelle des Motards aux dépens et à payer à M. [I] [N] et Mme [N] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Les époux [N] ont relevé appel de ce jugement le 27 juin 2018.
Par arrêt en date du 11 mai 2021, la cour d'appel de Bordeaux a :
- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture ;
- fixé la clôture au jour de l'audience de plaidoirie du 16 mars 2021 ;
Confirmé le jugement en l'ensemble de ses dispositions ;
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;
- condamné solidairement M [I] [N] et Mme [L] [N] à payer à la Compagnie d'assurance mutuelle des motards la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.
M. et Mme [N] se sont pourvus en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt en date du 30 mars 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :
- cassé, seulement en ce qu'il fixe la perte de gains professionnels actuels à la somme de 45 304,52 euros, la perte de gains professionnels futurs à la somme de 8 197,38 euros, l'incidence professionnelle à la somme de 50 000 euros, le déficit fonctionnel permanent à la somme de 49 280 euros, rejette la demande au titre du préjudice sexuel, fixe en conséquence le préjudice subi par M. [N] à la suite des faits dont il a été victime le 2 mars 2010 à la somme totale de 293 576,99 euros et condamne la société Assurance mutuelle des motards à payer à M. [N] la somme de 35 844,74 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, après déduction de la créance du tiers payeur et de la provision d'ores et déjà perçue, avec intérêts au taux légal à compter du jour de son prononcé, l'arrêt rendu le 11 mai 2021, par la cour d'appel de Bordeaux et renvoyé les parties devant la même cour, autrement composée,
- condamné la société Assurance mutuelle des motards aux dépens,
- rejeté la demande de la société Assurance mutuelle des motards sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné celle-ci à payer à M. et Mme [N] la somme globale de 3 000 euros sur ce fondement.
Il était reproché à la cour d'appel d'avoir ainsi statué :
- sans rechercher si la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [N], intervenue après son reclassement au sein de l'entreprise dans un poste adapté à ses séquelles, était, ou non, en lien avec son accident, et de n'avoir ainsi pas donné de base légale à sa décision au regard du principe de réparation intégrale.
- sans rechercher si M. [N], avait sollicité l'indemnisation de la perte de ses droits à la retraite pour la période postérieure à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, justifiait, ou non, d'un tel préjudice en lien avec ses séquelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe de réparation intégrale.
- alors que pour liquider à une certaine somme le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent et rejeter la demande d'indemnisation formée au titre du préjudice sexuel, en énonçant que les premiers juges ont justement évalué le déficit fonctionnel permanent au taux de 22 % fixé par les experts, compte tenu du retentissement sexuel et en considérant qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnisation en réparation du préjudice sexuel d'ores et déjà indemnisé, alors que le poste du préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, constitue un préjudice à caractère personnel, distinct du poste du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale.
- alors que pour débouter M. [N] de sa demande d'indemnisation de la perte du bénéfice de la contribution de l'employeur au financement des titres-restaurant, l'arrêt énonce que cette participation ne constitue pas un complément de salaire puisqu'elle correspond à un remboursement des frais engagés par le salarié qui n'a ni la possibilité de regagner son domicile pendant le déjeuner, ni la possibilité de bénéficier d'une solution de restauration au sein de l'entreprise, alors que la contribution de l'employeur à l'acquisition par le salarié des titres-restaurant correspond, pour ce dernier, à un complément de rémunération, la cour d'appel a violé les articles L.3262-1, alinéa 1, du code du travail et 81, 19°, du code général des impôts, dans leur rédaction en vigueur au 2 mars 2010, ainsi que le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
M. [N] a saisi la cour d'appel de Bordeaux par déclaration du 30 mai 2023.
Par conclusions déposées le 21 décembre 2023, il demande à la cour de :
Réformer le jugement rendu le 6 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,
Statuant à nouveau dans les limites de la cassation :
- fixer le préjudice de M. [N] à la somme de :
* 52 526,66 € au titre de la PGPA
* 554 833, 38 € au titre de la PGPF
* 492 310,26 € au titre de l'IP
* 65 000 € au titre du DFP
* 15 000 € au titre de la PS,
- en conséquence allouer à M. [I] [N] à titre de réparation de son préjudice corporel la somme de 1 041 154,61 € (un million quarante et un mille cent cinquante-quatre euros soixante et un centimes) après déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions versées se décomposant de la façon suivante (en vert, confirmation ; en rouge, réformation):
- condamner la Mutuelle des Motards à payer la somme de 1 041 154,61 € (un million quarante et un mille cent cinquante-quatre euros et soixante et un centimes), avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 06 juin 2018 en application de l'article 1231-7 du Code civil,
- juger que, conformément dispositions de l'article L.211-13 du code des assurances, la totalité des indemnités allouées aux victimes avant déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions versées produira intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 19 août 2012 jusqu'au jour où la décision à intervenir sera devenue définitive,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil à compter du jugement du 6 juin 2018,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM de la Gironde,
- condamner la Mutuelle des Motards à payer à M. [N] la somme de 10 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel.
La société Assurance Mutuelle des Motards, dans ses dernières conclusions déposées le 30 avril 2024, demande à la cour de :
Réformer le jugement rendu le 6 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,
Statuant à nouveau dans les limites de la cassation :
- fixer le préjudice de M. [N] comme suit :
- PGPA : 40 254,64 (IJ) + 3 275,92 (primes) + 3 593,85 (tickets restaurant) = 47 124,41 €,
- PGPF : 6 694,93
subsidiairement 53.411,74 €
- IP : 50 000€ (hausse)
subsidiairement 0
- DFP : 44.280 €
- Préjudice sexuel : 5.000 € (hausse)
- le confirmer pour le surplus,
En conséquence allouer à M. [N] à titre de réparation de son préjudice corporel la somme de :
- déclarer irrecevable la demande de condamnation de la Mutuelle des Motards au doublement des intérêts au taux légal,
- subsidiairement, juger que l'offre émise le 23 août 2012 l'a été dans le délai de 5 mois à compter de la réception du rapport fixant la consolidation,
- en conséquence, débouter M. [N] de sa demande au titre des intérêts double taux,
Encore plus subsidiairement, si la Cour devait retenir la date d'établissement du rapport d'expertise fixant la consolidation,
- limiter cette condamnation au titre des intérêts double taux sur la période du 19 août 2012 au 23 août 2012 avec pour assiette l'offre émise le 23 août 2012 par la Mutuelle des Motards outre la créance de la caisse et avant déduction des provisions,
- rejeter l'ensemble des autres demandes, fins et prétention de M. [N],
- condamner M. [N] à payer à la Mutuelle des Motards la somme de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La CPAM de la Gironde n'a pas constitué avocat. Elle a été régulièrement assignée.
L'affaire a été renvoyée à l'audience collégiale du 21 mai 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la portée de la cassation :
Il n'est pas discuté que par l'effet de la cassation la cour d'appel est saisie de la détermination des préjudices professionnels (perte de gains actuels, pertes de gains futurs, incidence professionnel), du déficit fonctionnel permanent et du préjudice sexuel, de la détermination du montant total du préjudice de M. [N] et du montant des sommes encore dues par la société Assurances mutuelles des motards à M. [N], assureur du véhicule impliqué qui ne conteste pas devoir sa garantie.
Sur l'indemnisation des préjudices de M. [N] :
Il sera rappelé que dans l'accident de la circulation survenu le 2 mars 2010 dont a été victime M. [N] alors âgé de 39 ans comme étant né le [Date naissance 2] 1970, celui ci a souffert:
-d'un traumatisme crânien sans perte de connaissance,
-d'une fracture de la symphyse pubienne avec disjonction,
- d'une fracture de la rotule
- d'une plaie des bourses;
Le rapport d'expertise amiable contradictoire des docteurs [Y] et [U], respectivement médecins conseils de la Mutuelle des Motards et de la MACIF, du 19 mars 2012, auquel les parties se réfèrent respectivement fixe la date de consolidation des blessures de M. [N] au 24 novembre 2011 (41 ans) et retient notamment :
- arrêt de l'activité professionnelle du 2 mars 2010 au 24 novembre 2011;
- déficit fonctionnel temporaire total du 2 mars 2010 au 31 août 2010;
- déficit fonctionnel temporaire partiel :
* de 50 % du 1er septembre 2010 au 12 mai 2011,
* de 25 % du 13 mai 2011 au 24 novembre 2011,
- déficit fonctionnel permanent 22%
- retentissement professionnel : ne peut pas avoir d'activité de manutention ni de station debout prolongée ;
- préjudice d'agrément : gêne à la pratique de la moto, du ski et du vélo ;
- soins post-consolidation : 50 séances de kinésithérapie par an pendant 2 ans ;
- pas de frais futurs.
I - Les préjudices patrimoniaux
A ) Les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
Seul est soumis à l'appréciation de la cour par l'effet de la cassation à ce titre le préjudice de pertes de gains actuels.
* Les PGPA :
Le tribunal a fixé ce préjudice à la somme de 45 304,52 euros sur la période de 20 mois avant consolidation du 12 mars 2010 au 24 novembre 2011 ayant retenu une perte de rémunération réactualisée à la somme de 1 773,96 euros à laquelle se sont ajoutées une perte de l'intéressement aux résultats de 3 275,92 euros et les sommes servies par la CPAM à hauteur de 40 264,54 euros.
Ce montant n'est pas critiqué en son principe sauf accord des parties pour rectifier une erreur de calcul commise par le tribunal portant finalement le montant de la rémunération que M. [N] aurait dû percevoir sur la dite période à la somme de 43 582,86 euros.
Les parties s'accordent en effet sur le revenu de référence pris en compte par le tribunal au titre de l'année 2009 hauteur de 2 095,33 euros par mois et sur le fait que le tribunal a omis dans son calcul les 24 jours du mois de novembre 2011, soit une somme de 1 676,26 euros (2095,33/30x24) qu'il convient d'ajouter à la somme de 41.906,60 euros correspondant à la rémunération qui aurait été perçue sur 20 mois.
Cependant l'Assurance mutuelle des motards fait valoir qu'il n'est pas justifié par M. [N] qu'il n'a reçu aucune rémunération de son employeur au titre des salaires sur la période de référence et qu'ayant perçu de la CPAM des indemnités à hauteur de 40 254,64 euros, M. [N] ne justifie finalement pas d'une perte de revenus sur la période considérée, l'attestation de l'employeur ne visant que la perte des primes d'intéressement.
Force est en effet d'observer que M. [N] se contente d'indiquer que l'employeur n'a jamais prétendu avoir maintenu des salaires sur la période visée, alors même qu'il n'apparaît pas que l'employeur ait été interrogé sur ce point alors qu'il était aisé à M. [N] de produire une attestation en ce sens comme il l'avait fait pour la perte de participation aux résultats ou des tickets-restaurant, ce alors qu'il ne produit pas non plus ses avis d'imposition sur les revenu de 2010 et 2011, permettant d'affirmer qu'aucun salaire ne lui a été maintenu sur la période allant de mars 2010 à novembre 2011.
En l'état de sa carence probatoire, le jugement qui a retenu une perte de salaire de 1 773,76 euros sur la période au regard des sommes versées par la CPAM est en conséquence infirmé.
La décision n'est pas remise en cause en ce qu'elle a retenu une somme de 3.275,92 euros au titre de la perte de ses droits individuels à participation ainsi qu'attesté par son employeur, somme qu'il convient de retenir.
Quant aux tickets restaurant, il n'est plus contesté par l'intimée que les tickets restaurants constituent un complément de salaire et que la perte du bénéfice de ceux ci doit être indemnisée au titre de la perte de gains professionnels, pour un montant qui n'est pas critiqué en l'espèce de 3 593,85 euros.
Il en résulte un préjudice de 47 124,41 euros (40 254,64 +3 593,85 + 3 275,92) dont à déduire la somme de 40 254,64 euros versée par la CPAM, pour un montant de 6 869,77 euros à revenir à M. [N] (3 593,85 + 3 275,92), soit après actualisation à laquelle M. [N] est en droit de prétendre une somme de 8 499 euros ( actualisation 11/2011- 7/2024).
En définitive, le préjudice total après actualisation est fixé à la somme de 48.753,64 euros (40 254,64 + 8 499) dont à déduire la créance de la CPAM, et le montant revenant à M. [N] à la somme de 8 499 euros.
Le jugement qui en a autrement décidé est en conséquence infirmé.
B ) Sur les préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :
Seuls sont soumis à la cour de renvoi les pertes de gains futurs et l'incidence professionnelle.
1) les pertes de gains professionnels futurs :
Le tribunal a retenu une perte de gains futurs pour M. [N] de 8 197,38 euros constituée par une perte de revenus durant la période de mi-temps thérapeutique post-consolidation et la perte de primes de l'année 2012 pour un total de 6 246,50 euros outre la somme de 1 950,88 euros au titre de la perte de deux jours de congé par an, sur une période de 6 ans et demi à compter du 24 novembre 2011.
La décision qui a alloué la somme de 6 246,50 euros pour la perte de revenus et de primes post-consolidation n'est pas contestée.
En revanche, la société d'assurance conteste l'indemnisation de la perte de deux jours de congés annuels chiffrée sur une période de 6 ans à 6 mois alors même que dès le 1er novembre 2016 est intervenue à l'initiative de M. [N] la rupture conventionnelle de son contrat de travail, date depuis laquelle elle conteste tout droit à indemnisation au titre des PGPF, alors que M. [N] fait au contraire valoir que sa rupture conventionnelle après son reclassement au sein de l'entreprise dans un poste adapté à ses séquelles est une conséquence de l'accident lui ouvrant droit à indemnisation de la perte de revenus qui en est résultée chiffrant son préjudice à la somme de 425 777,47 euros.
Il convient en conséquence de rechercher préalablement, ainsi qu'y invite la cassation de ce chef, si la rupture conventionnelle de son contrat de travail à l'initiative de M. [N] à la date du 10 novembre 2016 est ou non en lien avec l'accident.
Il sera rappelé que ce poste de préjudice indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage, soit la perte de revenus totale ou partielle après la date de consolidation.
Il est constant qu'au jour de l'accident, M. [N] occupait un poste de chef de secteur produits en CDI dans un centre de traitement des déchets industriels dangereux, qu'à la suite de l'accident de mars 2010 il a été en arrêt de travail pendant plus de deux ans et demi jusqu'au 1er septembre 2012 date à laquelle il a repris un emploi au sein de l'entreprise à mi-temps thérapeutique puis, qu' ayant été déclaré inapte à la station debout prolongée et à son poste antérieur, il a accepté à compter de septembre 2013 un reclassement au sein de l'entreprise, d'abord dans un poste sédentaire, avec fauteuil ergonomique, d'assistant d'exploitation à la réception, tout en faisant part à son employeur de la difficulté morale à accepter un tel déclassement. Ce reclassement intervenait cependant sans perte de revenus autres que les deux jours de congé annuels dont l'indemnisation est sollicitée par ailleurs, puis sur un poste plus polyvalent.
Dans la suite de la rupture conventionnelle de son contrat de travail intervenue le 10 novembre 2016, M. [N] a perçu des indemnités de pôle emploi et il a, courant 2017, créé une société avec son épouse exploitant des maisons d'hôtes en Guadeloupe, de laquelle il ne perçoit toujours aucun revenu, de sorte qu'il sollicite l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs totale en lien selon lui avec l'accident.
Cependant, si le reclassement professionnel est en lien incontestable avec l'accident et si M. [N] a subi du fait du reclassement une perte d'intérêt certaine et une pénibilité accrue au travail de même qu'une importante dévalorisation sur le marché de l'emploi le cas échéant indemnisable au titre de l'incidence professionnelle, celui-ci n'en a pas moins conservé une capacité de travail qui lui a permis de continuer à travailler sur un poste adapté de l'entreprise sans perte de rémunération.
Or, ne peut être indemnisée au titre d'une perte de gains futurs totale la victime qui bien qu'inapte à son poste antérieur conserve une capacité de travail, ce qui est incontestablement le cas de M. [N]. Quant à une perte de revenu du fait de son reclassement, il n'en est pas justifié, celui ci étant intervenu à salaire constant, hormis la perte de deux jours de congé annuels ouvrant droit à indemnisation par ailleurs.
M. [N] qui avait en outre accepté ce reclassement au sein de l'entreprise durant plus de 3 ans de septembre 2013 à novembre 2016, ne saurait, sans le moindre élément notamment médical à l'appui, voir juger ainsi qu'il l'affirme que la rupture conventionnelle de son contrat de travail intervenue en novembre 2016, soit à distance de sa consolidation en 2011, est la conséquence directe de son accident.
En effet, si les attestations de collègues ou amis, M. [M], M. [V], et M. [E] [T], qu'il verse aux débats, mettent en avant la difficulté qui a été celle de M. [N] à accepter un reclassement jugé très dévalorisant, elles ne suffisent pas à établir son inaptitude à la poursuite de cet emploi qui ne peut résulter que d'éléments médicaux ou d'une décision en ce sens.
Ainsi, M. [N] ne justifie pas qu'il a 'tenté un reclassement qui aurait finalement échoué' en raison de son état séquellaire alors qu'il apparaît qu'il a choisi de mettre fin à son emploi et de mener à bien un projet de vie radicalement différent d'ouverture de maisons d'hôte en Guadeloupe, ce quand bien même il aurait perçu jusqu'à leur terme des indemnités
de chômage et une allocation de solidarité spécifique dans la suite de la rupture conventionnelle de novembre 2016.
La relation de causalité entre la rupture conventionnelle de son contrat de travail et l'accident n'étant pas établie, M. [N] ne saurait en conséquence prospérer en ses demandes indemnitaires à ce titre.
Partant, doit être également réduite à 3 ans, 2 mois et 9 jours la période durant laquelle, du 1er septembre 2013 au 10 novembre 2016 il a perdu le bénéfice de deux jours de congés annuels.
S'agissant de la base calcul du salaire journalier, le premier juge a retenu une base journalière 73,97 euros, soit pour 6 jours, un montant de 443,82 euros.
Or, en proposant une somme de 448,43 euros pour six jours, l'intimée retient une somme de 74,74 euros par jour quand M. [N] réclame une indemnisation à ce titre sur une base journalière de 82,72 euros, ce après juste revalorisation de son salaire annuel de référence. Il convient donc de retenir pour chiffrer cette perte de revenus un salaire journalier de 82,72 euros.
Dès lors, pour six jours de congés perdus sur l'ensemble de la période, M. [N] est en droit de prétendre à une somme réactualisée de 496 euros, qu'il n'y a pas lieu de capitaliser jusqu'à sa retraite en regard de la rupture conventionnelle du 10 novembre 2016.
Il s'ensuit que ce poste de préjudice s'élève à la somme totale de 6 742,50 euros (6246,50 + 496), de sorte qu'après imputation de la créance de la CPAM à hauteur de la somme de 126.222,70 euros versée au titre du capital représentatif de la rente AT, il ne revient rien à M. [N], le jugement étant confirmé en ce qu'il a retenu qu'il n'était finalement dû aucune somme à M. [N], sauf à l'infirmer en ce qu'il a fixé le montant total de ce préjudice à la somme de 8.197,38 euros.
Le solde du capital représentatif de la rente AT le cas échéant imputable sur l'incidence professionnelle s'élève en conséquence à la somme de 119 480,20 euros.
2) l'incidence professionnelle :
Le tribunal a accordé de ce chef à M. [N] une somme de 50 000 euros, ayant retenu un retentissement professionnel certain de l'accident sur son activité professionnelle ne l'autorisant plus à une station debout prolongée, un déclassement professionnel et une dévalorisation qui en est résulté pour M. [N] ainsi qu'une absence d'intérêt au travail et une fatigabilité et pénibilité au travail accrues.
M. [N] demande une indemnisation de ce chef à hauteur de 492 310,26 euros observant que ce poste indemnise également la perte de droits à retraite qu'il va devoir supporter du fait de l'accident et de ses séquelles qui l'handicapent, observant que ce poste de préjudice ne peut être évalué forfaitairement mais en raison de la situation concrète de la victime.
Cependant, pour calculer une perte de droits à retraite, M. [N] pose en principe 'qu'il a perdu son emploi et ne retrouvera plus d'activité lui procurant des revenus' et dans le calcul de ses droits perdus il rappelle la perte de son emploi par suite de l'échec de son reclassement (ses conclusions page 29) mais il n'allègue, ni ne prétend avoir perdu des droits à retraite entre l'accident et sa reprise de travail, puis ensuite jusqu'à la rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Or, il a été précédemment exclu tout lien de causalité entre la rupture conventionnelle de son contrat de travail et l'accident de sorte que M. [N] ne saurait prospérer de ce chef.
Pas davantage il ne justifie d'une perte de chance de voir évoluer sa carrière professionnelle à laquelle il a choisi de mettre un terme.
En revanche, il sollicite à bon droit l'indemnisation du préjudice causé par la perte de sa profession antérieure justement chiffrée à la somme de 30 000 euros.
Par ailleurs, le tribunal a justement retenu que ce préjudice était constitué par une plus grande pénibilité et une fatigabilité accrue au travail qui sont résultées pour lui de l'accident, y compris sur un poste aménagé et M. [N] met également justement en avant un sentiment de dévalorisation et un moindre intérêt aux travail justifiant également indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, à hauteur de 20 000 euros de ces chefs, pour un préjudice total de 50 000 euros.
Le jugement qui a alloué à M. [N] de ce chef une somme de 50 000 euros et dit qu'après imputation du solde du capital représentatif la rente AT (solde de 69.480,20 euros) il n'est rien dû à M. [N] est en conséquence confirmé.
II - Les préjudices extra-patrimoniaux :
La cour n'est saisie à ce titre que de l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux permanents après consolidation que sont le DFP et le préjudice sexuel.
Le tribunal a chiffré le DFP préjudice sur la base d'un taux de 22% tenant compte des troubles orthopédiques et du retentissement sexuel en retenant au regard de l'âge de la victime à la date de la consolidation (41 ans) une valeur du point de 2 240 euros, pour un total de 49 280 euros, sur lequel il a imputé le solde du capital représentatif de la rente AT non absorbé par les PGPF et l'incidence professionnelle.
M. [N] sollicite l'octroi d'une somme de 65 000 euros au total de ce chef, demandant d'indemniser l'incidence de l'atteinte aux fonctions physiologiques à hauteur de 55 000 euros, d'y ajouter une somme de 10 000 euros au titre de la dimension privée, familiale et sociale caractérisée par une perte de qualité de vie que l'expert a totalement omise et conteste toute imputation du solde de la rente AT sur ce préjudice demandant encore à la cour de n'opérer aucune déduction au titre du préjudice sexuel mais d'indemniser son préjudice sexuel de manière autonome à hauteur de 15 000 euros.
La société d'assurance fait valoir que le DFP à 22% retenu par l'expert prenait notamment en compte le préjudice sexuel de sorte que s'il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un préjudice autonome, il est demande de réduire le poste DFP stricto sensu à 42.280 euros telle que retenue par le tribunal mais après déduction d'une somme de 5 000 euros qui constituera le montant du préjudice sexuel lequel sera indemnisé comme tel dans cette même proportion. Elle observe enfin que la perte de qualité de vie fait partie intégrante du DFP et que ses difficultés orthopédiques et notamment ses difficultés à la station debout ou assise participe de la perte de qualité de vie inhérente à ces troubles.
Il convient de statuer d'abord le préjudice sexuel pour se prononcer ensuite sur l'indemnisation du DFP incluant à tort cette composante.
*l'indemnisation du préjudice sexuel :
Il est constant que ce préjudice est un préjudice autonome distinct du préjudice d'agrément et du déficit fonctionnel permanent que le rapport [Z] définit comme recouvrant trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement que sont :
- l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels,
- l'aspect mécanique empêchant l'acte sexuel (perte de libido, perte de capacité physique, frigidité),
- la fertilité (fonction de reproduction).
L'indemnisation tient compte de l'atteinte effective à la sphère sexuel dans tous ses aspects mais doit également être modulée de manière subjective en tenant compte
du retentissement subjectif de l'atteinte selon l'âge et la situation familiale de la victime.
Le rapport d'expertise relève que l'urologue a observé en septembre 2010 la persistance de troubles de l'érection ayant débuté de façon très modérée avant le traumatisme et préconisé un traitement par Levitra. Il retient qu'ensuite M. [N] a indiqué qu'il a pu avoir des rapports sexuels à partir de février 2011 en prenant ce traitement qu'il a arrêté début 2012 tout en soulignant conserver quelques difficultés d'érection. Dans ses conclusions il retient un DFP à 22% comprenant le retentissement sexuel.
Il s'ensuit que demeurait pour M. [N] une atteinte modérée à sa fonction érectile bien compensée par la prise du traitement mais demeurant de manière résiduelle après l'arrêt du traitement, la relation de causalité de ce trouble avec l'accident n'étant pas remise en cause par l'expertise bien qu'ayant observé une apparition de troubles de l'érection modérés ayant débuté avant l'accident.
Au regard de l'âge de M. [N] à la date de la consolidation (41 ans) ce préjudice sera justement indemnisé par l'octroi d'une somme de 8 000 euros de dommages et intérêts.
* Sur l'indemnisation du DFP :
Il s'agit d'indemniser ici l'atteinte subsistant au delà de la consolidation aux fonctions physiologiques mais également les douleurs persistant après la consolidation de même que la perte de qualité de vie ou les troubles définitifs dans les conditions d'existence et il appartient à l'expert de mettre en évidence toutes les composantes de ce préjudice et au juge de l'indemniser intégralement sans perte ni profit pour la victime.
Tout d'abord, il ne saurait être déduit du montant total de ce préjudice retenu par le tribunal le montant alloué par la cour au titre du préjudice sexuel autonome pour obtenir l'indemnisation du DFP, alors que celui-ci est remis en cause dans son intégralité et qu'il appartient à la cour de chiffrer ce préjudice en tenant compte de toutes ses composantes mais rien que ses composantes.
Il apparaît que l'expert a retenu in fine un DFP de 22% constitué par 'les troubles orthopédiques' et le retentissement sexuel dont il a été dit qu'il ne devait pas être pris en compte de ce chef.
M. [N] demande une indemnisation de 10 000 euros au titre de la perte de qualité de vie qui participe de ce préjudice. Si le tribunal a indemnisé de manière définitive l'impossibilité pour M. [N] de s'adonner à la pratique de la moto au titre du préjudice d'agrément il n'a pas retenu à ce titre l'impossibilité de s'adonner aux travaux de bricolage, de jardin, ou au ski et au vélo à défaut pour M. [N] de justifier de la pratique antérieure régulière de ces activités.
Or, il est retenu par l'expertise une gêne dans ces activités de la vie quotidienne ou de simple loisirs qui participe d'une perte de qualité de vie et doit être indemnisée au titre du DFP, activités auxquelles M. [N] justifie qu'il s'adonnait avant l'accident même de manière non régulière. Il n'y a cependant pas lieu de prévoir une indemnisation distincte au titre de la perte de qualité de vie dans le cadre de l'indemnisation du DFP.
Il n'apparaît pas en l'espèce qu'ait été pris en compte au titre du déficit fonctionnel permanent la perte de qualité de vie pour M. [N] induite par l'accident, ni les douleurs sacrées bi- latérales qui subsistaient lors de l'examen du 19 mars 2012, à la palpation (pages 9 et 11). Cependant pour chiffrer ce préjudice à 22%, l'expert a pris en compte un retentissement sexuel qu'il n'y avait pas lieu de retenir à ce titre et au regard de la description des séquelles tant physiologiques que douloureuses et de l'âge de M. [N] à la consolidation (41 ans), le jugement qui a fixé ce préjudice à la somme totale de 29 280 euros sur la base d'un point à 2 240 euros est infirmé, le préjudice de M. [N] étant fixé à la somme de 54.230 euros sur la base d'un point à 2 465 euros.
Enfin, le jugement est infirmé en ce qu'il a imputé à tort sur ce préjudice à caractère strictement personnel, le solde du capital représentatif de la rente AT servie par la CPAM, de sorte que la somme de 54 230 euros revient entièrement à M. [N].
En définitive, le préjudice total de M. [N] ressort à la somme de 308 521,23 euros ainsi qu'il suit :
Postes de préjudice
Evaluation du préjudice
dû à la CPAM
dû à la victime
DSA
86 372,46 €
86 221,79 €
150,67 €
FD
11 290,17 €
5 079,36 €
6 210,81 €
PGPA
48 753,64 €
40 254,64 €
8 499,00 €
DSF
5 157,46 €
1 699,08 €
3 458,38 €
PGPF
6 742,50 €
6 742,50 / 126 222,70 €
-
IP
50 000,00 €
50 000 / 119 480,20 €
-
DFT
8 975,00 €
-
8 975,00 €
SE
20 000,00 €
-
20 000,00 €
PET
2 000,00 €
-
2 000,00 €
DFP
54 230,00 €
-
54 230,00 €
PEP
4 000,00 €
-
4 000,00 €
PA
3 000,00 €
-
3 000,00 €
PS
8 000,00 €
8 000,00 €
TOTAL
308 521,23 €
189 997,37 €
118 523,86 €
Provisions
-17 000,00 €
SOLDE VICTIME
101 523,86 €
Dès lors, après imputation de la créance de l'organisme social, comme sus-retenu et déduction des provisions de 17 000 euros, l'Assurance mutuelle des motards sera condamnée à verser à M. [I] [N] une somme totale de 101 523,86 euros.
Sur la recevabilité de la demande au titre du doublement de l'intérêt au taux légal:
M. [N] formule pour la première fois devant la cour de renvoi une demande de doublement des intérêts au taux légal sur le montant total de son préjudice, ce avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions, du 19 août 2012 jusqu'au jour où le présent arrêt sera devenu définitif et avec capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du jugement du 6 juin 2018, que la société Assurances mutuelles des motards demande de déclarer irrecevable comme étant nouvelle en appel.
Cependant, l'interdiction faite aux parties par l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, de présenter des demandes nouvelles en appel ne leur interdit pas de présenter, ainsi que les y autorisent les dispositions de l'article 566 du code de procédure civile, des demandes qui sont l'accessoires des demandes formulées en première instance et la sanction du doublement de l'intérêt au taux légal sur le montant total du préjudice hors déduction de la créance des organismes sociaux et des provisions déjà versées, dont il est acquis qu'elle a le caractère d'intérêts moratoires, se trouve en ce sens être l'accessoire de la demande d'indemnisation, au même titre que la demande de capitalisation des intérêts, en sorte qu'elle peut être présentée pour la première fois en cause d'appel dès lors que demeure en litige le montant total du préjudice de M. [N] et celui de la condamnation de la société Assurance mutuelle des motard à indemniser M. [N], dispositions expressément atteintes par la cassation.
D'ailleurs, la société d'assurance qui se prévaut aussi de la chose définitivement jugée sur ce point convient dans ses écritures que M. [N] n'avait jamais présenté une telle demande avant ses conclusions devant la cour de renvoi.
Ces demandent tendent en outre aux mêmes fins que la demande d'indemnisation intégrale des préjudices subis par M. [N] avec lesquelles elles sont en lien même si leur fondement juridique est différent, à savoir fixer définitivement le préjudice de M. [N] résultant de l'accident en principal et intérêts moratoires y afférents.
Le fait qu'une telle demande puisse le cas échéant faire l'objet d'une action autonome lorsque la sanction du doublement de l'intérêt légal n'a jamais été sollicitée à l'occasion d'une précédente action indemnitaire n'exclut pas que présentée à l'occasion de l'action indemnitaire elle en est l'accessoire et la jurisprudence citée par la Mutuelle des motards autorise une telle action distinctement en raison de l'absence d'autorité de chose jugée.
L'Assurance mutuelle des motards soutient encore que cette demande au titre du doublement de l'intérêt légal serait irrecevable comme prescrite car, de deux choses l'une, soit elle est une demande autonome, ce que soutient principalement la société d'assurance, et elle est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, soit elle en constitue l'accessoire et se trouve prescrite comme l'action indemnitaire elle même dans les dix ans de la consolidation, soit depuis le 24 novembre 2021 et antérieurement aux présentes demandes devant la cour de renvoi.
Or, une demande au titre des intérêts moratoires est une demande accessoire qui peut être formulée en tout état de cause dès lors que la question de l'indemnisation à laquelle elle est afférente n'est pas tranchée et qu'elle n'a pas été précédemment et définitivement rejetée, sans encourir une prescription autonome.
Dès lors, la cour de cassation ayant également cassé l'arrêt en ce qu'il a statué sur le montant total des sommes dues à M. [N], celui-ci est recevable à formuler pour la première fois devant la cour d'appel de renvoi, une demande de doublement de l'intérêt au taux légal assortie de la capitalisation des intérêts sur le montant de ces mêmes sommes qui en est l'accessoire.
Sur le bien fondé de la demande de doublement de l'intérêt au taux légal :
Selon les dispositions de l'article L 211-9 du code des assurances l'assureur est tenu de présenter une offre d'indemnisation dans les trois mois à compter de la demande qui lui est présentée et en tout état de cause dans le délai maximum de 8 mois à compter de l'accident. Lorsque l'assureur n'a pas été avisé de la consolidation dans les trois mois de l'accident, l'offre peut revêtir un caractère provisionnel, l'offre définitive devant intervenir dans les cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation. En tout état de cause le délai le plus favorable à la victime s'applique.
Selon l'article L 211-13, lorsque l'offre n'a pas été faite dans ces délais, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou celle fixée par le juge produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
Par ailleurs l'offre visée à l'article L 211-9 doit comprendre tous les éléments de préjudice indemnisables connus et il est admis qu'elle ne doit pas être manifestement insuffisante, l'assiette de la sanction reposant sur l'offre indemnitaire lorsqu'elle n'est que tardive et sur la totalité de l'indemnité allouée par le juge avant imputation de la créance des tiers payeurs et sans déduction des provisions lorsqu'elle est insuffisante.
Les parties s'accordent en l'espèce pour considérer que M. [N] n'ayant pas été consolidé dans les trois mois de l'accident s'appliquent les dispositions de l'article L 221-9 alinéa 3 selon lesquelles 'Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation'.
M. [N] fait valoir que le rapport d'expertise selon lequel sa date de consolidation a été fixée est en date du 19 août 2012 et que l'Assurance mutuelle des motards n'ayant présenté son offre que 23 août 2012 a encouru la sanction.
Cependant, s'il n'est pas contesté que l'Assurance mutuelle des motards n'a adressé son offre que le 23 août, elle verse aux débats le rapport daté du 19 mars 2012 que lui a adressé le médecin conseil sur lequel figure son tampon de réception au service Gestion/documentaire du 26 mars 2012, ce qui apparaît congruent avec la date du rapport d'expertise et n'est pas utilement contredit. Il s'ensuit que son offre formulée le 23 août l'a été dans les cinq mois suivant la date à laquelle elle a été informée de la consolidation.
Quant à apprécier le caractère de complétude de l'offre, il est constant que le juge doit se placer à la date où celle-ci a été formulée et tenir compte des éléments dont disposait l'assureur à cette date.
Il résulte de cette offre que l'assurance mutuelle des Motards envisageait tous les postes de préjudices et qu'étaient réservés les postes dépenses de santé actuelles et futures et PGPA de manière étayée par une demande de justificatifs, que la proposition de 0,00 euros au titre de l'incidence professionnelle se trouvait justifiée par le capital représentatif de la rente servie par la CPAM d'un montant supérieur à sa proposition, qu'une proposition de 0,00 euros était faite pour le poste PGPF sans aucune explication alors que M. [N] n'avait pas repris son travail à la suite de l'accident, qu'il avait perçu des indemnités journalières et qu'il était consolidé avec des séquelles et une incidence professionnelle, qu'une proposition de 0,00 euros était formulée au titre du préjudice esthétique temporaire dont M. [N] ne sollicitait toutefois pas alors l'indemnisation et qu'il n'était de formulé aucune proposition au titre du préjudice sexuel pourtant envisagé par le rapport d'expertise quand bien même l'expert l'avait inscrit à tort au titre du DFP.
Cette proposition à 0,00 euros sur chacun des postes PGPF et préjudice sexuel correspond à une absence de proposition sur ceux-ci, malgré les conclusions du rapport d'expertise, ce qui permet de retenir le caractère incomplet de l'offre qui a en conséquence fait courir la sanction du doublement de l'intérêt légal à compter du 26 août 2022.
La Mutuelle des motards n'allègue par ailleurs aucune offre postérieure susceptible d'en présenter les caractères et d'arrêter le cours de la sanction du doublement de l'intérêt légal.
Il s'ensuit qu'en l'absence d'offre complète, la sanction du doublement de l'intérêt légal portera sur les sommes allouées par le juge, soit en conséquence sur la somme de 308.521,23 euros avant imputation de la créance de l'organisme social et avant déduction des provisions, ce du 26 août 2012 jusqu'au jour où le présent arrêt deviendra définitif.
Enfin, M. [N] est en droit de prétendre à la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil à compter de la date du 6 juin 2018 ainsi qu'il le sollicite.
Au vu de l'issue du présent recours, l'Assurance mutuelle des motards en supportera les dépens et sera équitablement condamnée à payer à M. [N] une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Déclare recevables les demandes de M. [I] [N] de doublement de l'intérêt légal avec capitalisation sur le montant total du préjudice de M. [N] avant imputation de la créance de l'organisme social et déduction des provisions déjà versées.
Au fond :
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur le montant des PGPA, et PGPF, du DFP et du préjudice sexuel, ainsi qu'en conséquence sur le montant du préjudice total de M. [N] et sur le montant de la condamnation de l'Assurance mutuelle des motards à indemnisation de M. [N].
Statuant à nouveau de ces chefs :
Fixe à la somme de 48 753,64 euros le montant du préjudice de pertes de gains professionnels actuels,
Fixe à la somme de 6 742,50 euros le montant du préjudice de pertes de gains professionnels futurs,
Fixe à la somme de 54 230 euros le montant du déficit fonctionnel permanent,
Fixe à la somme de 8 000 euros le montant du préjudice sexuel
En conséquence,
Fixe le montant du préjudice total de M. [I] [N] à la somme de 308.521,23 euros.
Condamne la société Assurance mutuelle des motards à payer à M. [I] [N] après imputation de la créance de la CPAM de la Gironde et déduction des provisions de 17.000 euros déjà versées, la somme de 101 523,86 euros.
Confirme le jugement entrepris pour le surplus et y ajoutant :
Déclare le présent arrêt commun à la CPAM de la Gironde.
Dit que le doublement de l'intérêt légal s'applique sur la somme de 308.521,23 euros du 26 août 2012 jusqu'au jour où le présent arrêt deviendra définitif, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil à compter du 6 juin 2018.
Condamne la société Assurance mutuelle des motards à payer à M. [I] [N] la somme de 6 000 euros au titre de ses rais irrépétibles d'appel.
Condamne la société Assurance mutuelle des motards aux dépens du présent recours
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, Président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,