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28/06/2024 | FRANCE | N°24/00148

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 28 juin 2024, 24/00148


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







R N° RG 24/00148 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N26A





ORDONNANCE









Le VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 16h30



Nous, Emmanuel BREARD, président de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de Marie-Françoise DACIEN, greffière,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En prése

nce de Mme [G] [P], représentant du Préfet de LOT ET GARONNE,



En présence de Monsieur [F] [T] né le 29 Juillet 1996 à [Localité 1] (MAROC) de nationalité Marocaine, et de son c...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

R N° RG 24/00148 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N26A

ORDONNANCE

Le VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 16h30

Nous, Emmanuel BREARD, président de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de Marie-Françoise DACIEN, greffière,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Mme [G] [P], représentant du Préfet de LOT ET GARONNE,

En présence de Monsieur [F] [T] né le 29 Juillet 1996 à [Localité 1] (MAROC) de nationalité Marocaine, et de son conseil Me Clara CHOPLIN, avocat au Barreau de Bordeaux,

En présence de Madame [J] [S], interprète en langue arabe, inscrite sur sur la liste des interprètes de la Cour d'appel de Bordeaux,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [F] [T] né le 29 Juillet 1996 à [Localité 1] (MAROC), de nationalité Marocaine, et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 17 novembre 2023 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 27 juin 2024 à 16h07 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de M.[F] [T] pour une durée de 30 jours,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [F] [T], né le 29 Juillet 1996 à [Localité 1] (MAROC) de nationalité Marocaine, le 27 juin 2024 à 17 heures 29,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Avons rendu l'ordonnance suivante:

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

M. [F] [T], né le 29 juillet 1996 à [Localité 1] (Maroc), de nationalité marocaine, a fait l'objet le 24 mai 2024 par M. le préfet du Lot et Garonne d'un placement en rétention administrative.

Saisi d'une requête en prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours, le juge des libertés et de la détention de Bordeaux par ordonnance du 30 mai 2024 a autorisé la prolongation pour 28 jours de la rétention administrative de l'intéressé, décision confirmée le 3 juin suivant.

Par requête enregistrée au greffe le 26 juin 2024 à 12 heures 12, M. le préfet du Lot et Garonne a sollicité, au visa de l'article L.742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ci-après CESEDA), la prolongation de la rétention de l'intéressé dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant une durée de 30 jours.

Par ordonnance rendue le 27 juin 2024 à 16 heures 07, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire à M. [T],

déclaré recevable la requête précitée en prolongation de la rétention administrative du même,

déclaré la procédure diligentée à l'encontre de l'intéressé régulère,

ordonné la prolongation de la rétention administrative de M. [T], pour une durée de 30 jours supplémentaire.

Par requête du 27 juin 2024 à 17 heures 29, le conseil de M. [T], a interjeté appel de cette ordonnance, conclut à réformation de la décision entreprise et demande :

- à être déclaré recevable en son recours,

- de ne pas faire droit à la demande de prolongation de la mesure précitée,

- à ce qu'il soit ordonné la remise en liberté de l'appelant,

- à l'octroi à son bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,

- à la condamnation de l'autorité administrative à payer au conseil la somme de 700 euros sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.

Au soutien de sa déclaration d'appel, ce conseil, en vertu des articles L.741-3 et L.742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, argue d'un défaut de diligences suffisantes de la part de l'autorité préfectorale, faute qu'il soit établi de certitude quant à la délivrance un laissez-passer consulaire.

Il rappelle que, la partie adverse ne justifie pas être en possession dudit laissez-passer et que le départ prévu le 5 juillet prochain vers le Maroc n'est donc pas certain. Il se prévaut également d'une attestation d'hébergement de la part d'un oncle de nationalité française.

La représentante du préfet du Lot et Garonne conclut pour sa part à la confirmation de l'ordonnance et réplique que M. [T], est sans ressources, sans domicile fixe et qu'il est dépourvu de tout document de voyage. S'agissant des démarches en vue du départ de cette personne en rétention, Elle rappelle que le consulat marocain a été saisi aux fins d'obtenir un laissez-passer le 8 avril 2024, qu'il a été entendu par les autorités marocaines le 18 juin suivant, qu'un routing a été prévu au 5 juillet 2024 et qu'un laissez-passer pourra être retiré à compter du 4 juillet 2024. Elle souligne que les autorités consulaires des Etats étrangers sont souveraines dans leur appréciation mais que l'absence de réponse de la part des autorités consulaires marocaines à ce jour ne saurait établir la preuve d'une part d'une insuffisance de diligences de sa part ou d'une absence de perspectives raisonnables d'éloignement.

L'affaire a été mise en délibéré et le conseiller délégué de la première présidente a indiqué que la décision sera rendue par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024 à 16 heures 30.

MOTIFS DE LA DECISION :

1 Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel formé par M. [T], le 27 juin 2024 est recevable comme étant intervenu dans le délai légal.

2 Sur le fond:

Il résulte de l'article L742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que « Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».

Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, "un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

M. [T] est dépourvu de document de transport, de ressources légales, de domicile et fait l'objet d'une interdiction du territoire français pour une durée d'un an. En l'absence de ces éléments, il ne remplit pas les conditions des articles L.742-1 et L.742-4 du CESEDA. Il est en cours de reconnaissance auprès des autorités consulaires marocaines saisies le 8 avril 2024, autorités dont il n'est pas contesté qu'elles rencontré l'intéressé le 8 juin 2024 afin de permettre son départ vers leur territoire et qu'un routing devrait intervenir.

Il en résulte que les autorités préfectorales ont effectué les diligences nécessaires au sens de l'article L.741-3 du CESEDA précité pour obtenir un laisser-passer consulaire. En outre, comme l'a exactement retenu le premier juge, il ne saurait être reproché aux autorités françaises les délais d'examen des autorités consulaires étrangères, ce d'autant que celui-ci relève de leur appréciation souveraine.

Ce moyen ne sera donc pas retenu.

S'agissant des conditions liées à l'article L.743-13 du CESEDA, il doit être insisté sur le fait qu'il n'existe pas de garantie de représentation en l'absence de revenu stable, de perspective d'emploi, de résidence stable, alors même qu'il ne conteste pas faire l'objet d'une interdiction du territoire français, et ne s'explique pas sur ses intentions de départ.

Il ne ressort pas de ces dernières circonstances qu'il puisse être réunies les conditions de l'article L.743-13 dernier alinéa du CESEDA pour permettre une dérogation à cet article, faute que le comportement de M. [T] permette d'affirmer qu'il exécutera de lui-même son obligation de quitter le territoire français en cas d'assignation à résidence.

Aussi, les garanties de représentation de l'intéressé ne sauraient être réunies.

Dès lors, ce moyen sera également rejeté et la décision attaquée confirmée de ce chef.

3 Sur les demandes connexes.

L'article 700 du code de procédure civile dispose « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.

La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 % ».

L'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 prévoit que « les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre.

Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat.

Si, à l'issue du délai de quatre ans à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci.

Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article ».

Aux termes de l'article 38 alinéa 1er de la loi n°55-366 du 3 avril 1955, " Toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire de l'Etat. "

La cour constate en premier lieu, s'agissant d'une demande en dommages et intérêts précisée à l'encontre de l'Etat lors des débats, que celle-ci n'a pas été intentée à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat, alors qu'aucune disposition du CESEDA ne vient déroger au texte précité du 3 avril 1955.

C'est pourquoi, au vu de l'article 38 alinéa 1er de la loi du 3 avril 1955 précitée, cette demande sera déclarée nulle et rejetée.

A titre superfétatoire, il sera relevé que la demande faite au titre des frais irrépétibles au profit du conseil de l'appelant n'est qu'une possibilité offerte à la cour, qui n'a donc aucune obligation en la matière en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile, y compris en attribuant ces montants non à l'auxiliaire de justice, mais à son client.

Ainsi, il sera relevé en particulier, quel que soit le mérite du conseil, que l'équité contraint la juridiction à relever que M. [T] fait toujours l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour sur celui-ci, permettant, si ces injonctions ne sont pas respectées dans un bref délai, le prononcé d'une nouvelle mesure de rétention à l'égard de l'intéressé. Dès lors, la même équité ne saurait exiger une condamnation de l'Etat français, représenté par son agent judiciaire à la moindre somme au titre des frais irrépétibles.

De même, il sera relevé qu'il n'y a pas lieu à application de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, l'assistance du conseil se déroulant dans le cadre de la permanence et l'aide juridictionnelle étant de droit à ce titre.

PAR CES MOTIFS .

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,

-DECLARONS l'appel régulier, recevable et bien fondé;

-CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bordeaux en date du 27 juin 2024 ;

- CONSTATONS la nullité de la demande faite au titre des frais irrépétibles du conseil de M. [T] à l'encontre de l'Etat français,

- La rejetons,

- CONSTATONS que M. [T] bénéficie de l'aide juridictionnelle

-DISONS que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R743-19 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Le Greffier, Le Conseiller délégué.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00148
Date de la décision : 28/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-28;24.00148 ?
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