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27/06/2024 | FRANCE | N°22/04583

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 27 juin 2024, 22/04583


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 27 JUIN 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/04583 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5KW





















Monsieur [M] [W]



c/

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES

MAISON DÉPARTEMENTALE DE PERSONNES HANDICAPÉES DE LA GIRONDE













Nature de la décisi

on : AU FOND









Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





G...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 27 JUIN 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/04583 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5KW

Monsieur [M] [W]

c/

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES

MAISON DÉPARTEMENTALE DE PERSONNES HANDICAPÉES DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mai 2022 (R.G. n°19/00448) par le pôle social du TJ de Bordeaux, suivant déclaration d'appel du 07 octobre 2022.

APPELANT :

Monsieur [M] [W]

né le 26 Novembre 1993 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Paul CESSO, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]

représentée par de Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me LAVILLENIE

MAISON DÉPARTEMENTALE DE PERSONNES HANDICAPÉES DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Madame [D] [L] dûment mandatée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2024, en audience publique, devant Madame Valérie Collet, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

FAIT ET PROCÉDURE

Le 12 septembre 2017, M. [M] [W] a déposé auprès de la maison départementale des personnes handicapées de la Gironde (la MDPH), une demande d'allocations aux adultes handicapés (AAH).

Par décision du 16 octobre 2017, la MDPH lui a accordé le bénéfice de cette prestation au taux de 80%, du 16 octobre 2017 au 31 octobre 2022.

Par courrier du 19 novembre 2017, la MDPH a notifié à M. [W] l'attribution de l'AAH du 1er octobre 2017 au 31 septembre 2022.

Par courrier du 9 novembre 2018, la caisse d'allocations familiales de la Gironde (la CAF) a notifié à M. [W] sa décision de procéder à une retenue de 48 euros par mois sur le RSA, considérant qu'il avait perçu indûment une somme de 24 381,07 euros au lieu de

8 252,70 euros.

Par courrier du 22 novembre 2018, la CAF a informé M. [W] qu'elle déposait plainte contre lui en raison d'une fraude manifeste concernant son dossier d'AAH, consistant en la production de faux documents.

Le 4 décembre 2018, M. [W] a saisi la commission de recours amiable de la CAF aux fins de contester la décision de lui supprimer l'AAH. Cette commission a rejeté le recours de M. [W] le 7 janvier 2019.

Par requête du 4 mars 2019, M. [W] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux afin de contester cette décision explicite de rejet.

Par jugement du 29 juin 2020, le tribunal correctionnel de Bordeaux, devant lequel M. [W] était prévenu, aux côtés de sa mère, de déclaration fausse ou incomplète pour obtenir d'une personne publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu courant janvier 2017 et jusqu'au 31 décembre 2018, a fait droit à l'exception de nullité soulevée par les prévenus et a annulé les réquisitions judiciaires effectuées par l'OPJ et les pièces obtenues dans ce cadre, a dit qu'elles étaient le support nécessaire des poursuites engagées notamment contre M. [W], et renvoyé le Parquet à mieux se pourvoir.

Par jugement avant-dire-droit du 22 septembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [J] avec pour mission de fixer, en se plaçant à la date de la demande, soit le 12 septembre 2017, le taux d'incapacité permanente partielle de M. [W] et de dire, dans l'éventualité d'un taux compris entre 50% et 79%, si compte tenu de son handicap, M. [W] présentait une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

L'expert a déposé son rapport le 29 octobre 2021.

Par jugement du 24 mai 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté M. [W] de son recours en annulation de la décision de la commission de recours amiable de la caisse du 7 janvier 2019 notifié le 19 février 2019 ;

- débouté M. [W] de toutes ses autres demandes ;

- condamné M. [W] aux dépens.

Par déclaration du 7 octobre 2022, M. [W] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 11 avril 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

M. [W], s'en remettant à ses conclusions datées du 18 octobre 2022, demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

'- annuler la décision de la CAF de la Gironde du 9 novembre 2018 ensemble le rejet de recours administratif préalable obligatoire du 19 février 2019 ;

- faire injonction à la CAF de la Gironde de le rétablir dans ses droits à l'AAH à compter de la date de la demande à la MDPH ;

- condamner la CAF de la Gironde à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- condamner la CAF de la Gironde à verser à Maître Cesso la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.'

Il affirme avoir été relaxé par le tribunal correctionnel et avoir produit les pièces demandées par le tribunal judiciaire dans le cadre de la réouverture des débats ordonnée par jugement du 25 novembre 2020.

Il fait valoir que le tribunal, dans le jugement déféré, se fonde principalement sur les résultats de l'expertise confiée au Docteur [J] mais affirme que le recours à l'expertise ne règle pas le problème portant sur le fait de savoir si l'AAH lui a été attribuée en raison d'une fraude. Il explique qu'il n'a pas conservé toutes les pièces du dossier, qu'il remplissait la condition relative au taux d'incapacité et que l'expert n'explique pas pour quelle raison il ne subissait pas de restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi. Il affirme qu'il présentait une telle restriction compte tenu de son handicap, ses difficultés relationnelles ne lui permettant pas de s'inscrire dans un parcours professionnel pérenne et collectif de salarié. Il estime que le tribunal a inversé la charge de la preuve, insistant sur le fait que la charge de la preuve pèse uniquement sur celui qui se prévaut de la fraude de sorte qu'aucune carence ne peut utilement lui être reprochée.

Il conteste toute fraude et soutient que la décision de la CAF lui cause un préjudice particulièrement important puisque, reconnu adulte handicapé, la CAF ne lui a finalement plus attribué que le RSA réduit d'une retenue de 48 euros par mois. Il affirme que :

- il a reçu un courrier indiquant que son dossier était complet,

- son dossier a été validé par trois opérateurs, à une période où la MDPH était en plein déménagement et a donc perdu beaucoup de dossiers ;

- le médecin signataire du certificat médical permettant sa demande d'AAH a reconnu avoir lui-même rédigé ce document, étant rappelé qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale ou disciplinaire ;

- l'argument selon lequel son dossier a été traité dans un délai anormalement court est inopérant puisque que la MDPH avait également rejeté des demandes précédentes en quelques semaines ;

- l'épouse du directeur du pôle ressources de la solidarité du département a obtenu une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé en 19 jours sans qu'aucune poursuite n'ait été engagée contre elle ;

- ni la caisse, ni la MDPH ne démontre que le tampon figurant sur son dossier n'était plus utilisé depuis novembre 2016 ;

- son état de santé, et notamment la survenue d'un accident de la circulation, a justifié 21 consultations médicales en six mois en 2019 ;

- le jugement administratif concernant sa mère ne lui est pas opposable puisqu'il n'y est pas partie, et la production de ce jugement ne saurait être recevable sauf à justifier de la légalité de sa provenance, précisant que le jugement administratif est frappé d'appel ;

- le juge civil n'a pas à statuer sur la base de pièces annulées par le juge pénal.

La CAF de la Gironde, s'en référant ses conclusions transmises le 24 avril 2023 par voie électronique, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 24 mai 2022 ;

- débouter M. [W] de ses moyens, fins et prétentions ;

- condamner M. [W] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Elle rappelle que la MDPH a constaté, à l'occasion d'un contrôle interne, que plusieurs dossiers avaient fait l'objet d'une ouverture de droits frauduleuse. Elle affirme que l'expertise, ordonnée par le tribunal et acceptée par M. [W], a permis de confirmer qu'en septembre 2017, M. [W] ne présentait pas d'incapacité l'empêchant d'accéder à un emploi de sorte qu'il ne pouvait pas bénéficier de l'AAH. Elle souligne que l'expertise ne visait pas à rapporter la preuve d'une fraude mais avait seulement vocation à vérifier si M. [W] remplissait les conditions d'attribution d'une AAH. Elle fait valoir que le docteur [J] décrit bien l'état psychologique du requérant, tout en précisant qu'il ne disposait pas de l'intégralité du dossier médical de M. [W] qui a déclaré en avoir égaré une partie. La CAF soutient également que M. [W] ne conteste pas les conclusions faites par le docteur [J] et ne rapporte pas la preuve de l'argumentation qu'il soutient.

La CAF considère que la preuve de la fraude est rapportée en ce qu'elle résulte de :

- la décision de radiation des cadres de Mme [V], mère de M. [W], décision qui a été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux ;

- l'absence de production par M. [W] des pièces utilisées à l'appui de sa demande d'AAH, la CAF ajoutant que rien ne démontre que son dossier aurait été perdu ou détruit et que Mme [V] disposait, en tout état de cause, des habilitations nécessaires pour valider le dossier en informatique.

La CAF fait observer que, le tribunal avait demandé à M. [W], dans un jugement avant-dire-droit du 25 novembre 2020 de produire le jugement du tribunal correctionnel et la procédure pénale biffé des éléments annulés. Elle ajoute que M. [W] n'a jamais produit les pièces demandées de sorte qu'il est mal venu de solliciter la réformation du jugement attaqué au motif que celui-ci serait motivé par des éléments d'une procédure pénale annulée. Elle rappelle que le tribunal correctionnel n'a pas statué au fond de sorte que les faits pour lesquels M. [W] était poursuivi n'ont pas autorité de la chose jugée. Elle indique en outre que le juge civil n'a pas à rapporter la preuve de la culpabilité de M. [W] contrairement au juge pénal, pour le débouter de ses demandes

La MDPH de la Gironde, s'en remettant à ses conclusions datées du 28 février 2024, ne présente aucune prétentions, se bornant à indiquer que la fraude dans le processus d'attribution des prestations sociales est établie, que le juge administratif a considéré que la faute commise par les agents publics, dont faisait partie la mère de M. [W], justifiait leur révocation disciplinaire et que l'absence de condamnation pénale est sans incidence dès lors que le tribunal correctionnel n'a pas jugé le fond de l'affaire.

La MDPH explique plus précisément que :

-M. [W] s'est vu attribuer une AAH en octobre 2017 au taux de 80% alors qu'il avait, jusque là, essuyé plusieurs refus au motif qu'il présentait un taux d'incapacité inférieur au minimum requis de 50 % ;

- le dossier numérisé de M. [W] ne comportait aucun formulaire de demande, aucun certificat médical, aucune pièce justificative et aucune fiche d'évaluation par un professionnel de santé de la MDPH ;

-le formulaire CERFA composant la demande portait la trace d'un tampon erroné qui n'était plus utilisé depuis un moment pour ce type de demande ;

-le dossier de M. [W] a été instruit par le même référent que celui de sa mère, Mme [V], et que celui de son épouse, Mme [U], tous les dossiers, instruits dans des délais anormalement courts, comportant les mêmes anomalies ;

-Mme [V] était employée en qualité d'administrateur fonctionnel d'application au pôle ressources solidarité, bureau projet technique, service numérique social, à la direction générale adjointe de la solidarité et était habilitée au logiciel IODAS,

-l'épouse de M. [W] a également demandé et obtenu les mêmes prestations, mais sous son nom de jeune fille alors qu'ils se sont mariés en 2017 ;

-la mère de M. [W] a été révoquée de son poste pour des man'uvres frauduleuses, tout comme l'un de ses collègues, M. [N] [B], le juge administratif ayant retenu l'existence de manoeuvres frauduleuses ayant abouti à une décision d'octroi injustifiée de prestations sociales par la MDPH ;

-M. [W] ne démontre pas avoir produit les pièces nécessaires au soutien de sa demande et ne justifie pas qu'il remplissait les conditions médicales d'attribution de l'AAH, comme le confirme l'expertise réalisée par le docteur [J] ;

-le docteur [E] reconnaît avoir rempli les dossiers MDPH des époux [W] sous la dictée de Mme [V], mère de l'appelant, et les pièces médicales produites sont inopérantes car illisibles ou non contemporaines à la période d'attribution de l'AAH.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par application des articles L.821-1, L.821-2, D.821-1 et R.821-5 du code de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés est accordée aux personnes qui présentent un taux d'incapacité permanente au moins égal à 80 %, pour une période au moins égale à un an et au plus égale à dix ans.

Si le handicap n'est pas susceptible d'une évolution favorable, l'allocation aux adultes handicapés peut être attribuée sans limitation de durée.

Le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés peut être accordé à partir de l'âge de vingt ans ou aux requérants âgés d'au moins seize ans qui cessent de réunir les conditions exigées pour ouvrir droit aux allocations familiales.

Cette prestation est également versée à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est inférieur à 80 % et supérieur ou égal à 50 %, et qui, compte tenu de son handicap, est atteinte d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi telle que définie à l'article D.821-1-2 du code précité.

Le taux d'incapacité est évalué en fonction du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées inscrit à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles. Ce document est purement indicatif et prévoit plusieurs degrés de sévérité du handicap parmi lesquels :

- forme légère : taux de 1 à 15 % ;

- forme modérée : taux de 20 à 45 % ;

- forme importante : taux de 50 à 75 % ;

- forme sévère ou majeure : taux de 80 à 95 %.

Conformément aux dispositions de l'article D.821-1-2 du code précédemment cité, 'la restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. À cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l'origine du handicap ;

b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L. 114 1 1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L. 243 4 du code de l'action sociale et des familles ;

b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles'.

Il résulte de ce texte que relèvent de la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

- les personnes dont les tentatives d'insertion ou de réinsertion professionnelle se sont soldées par des échecs en raison des effets du handicap ;

- les personnes ponctuellement en emploi ordinaire de travail d'une durée supérieure ou égale à un mi-temps, mais dont le handicap fluctuant ne leur permet pas une insertion pérenne sur le marché du travail ;

- les personnes en emploi avec un contrat de travail d'une durée supérieure ou égale à un mi-temps, mais dont les conséquences du handicap ne leur permettent plus un maintien pérenne dans leur travail ;

- les personnes connaissant des arrêts de travail prolongés d'une durée à venir prévisible d'au moins un an dont les conséquences du handicap ne leur permettent pas un exercice effectif et un maintien dans une activité professionnelle ;

- les personnes connaissant des arrêts de travail répétés et réguliers en lien direct avec un handicap au cours d'au moins une année ;

- les personnes ayant strictement besoin de formation pour être employables.

A contrario, ne relèvent pas de la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi:

- des personnes exerçant une activité professionnelle (entreprise adaptée incluse) pour une durée de travail supérieure ou égale à un mi-temps sans rencontrer de difficultés disproportionnées liées au handicap pour s'y maintenir (éventuellement avec un aménagement de poste) ;

- des personnes en arrêt de travail prolongé dont la durée prévisible est inférieure à un an;

- des personnes n'ayant pas strictement besoin de formation pour être employables (d'autres compétences acquises sont mobilisables et permettent d'envisager l'accès et le maintien dans l'emploi) ou si la formation ne peut pas être suivie pour des raisons autres que le handicap.

Afin d'évaluer les capacités d'accès ou de maintien dans l'emploi de la personne handicapée, il faut tenir compte :

- des facteurs liés au handicap,

- des facteurs personnels (durée de l'inactivité, formation initiale),

- des facteurs environnementaux (marché du travail, réseau de transports)

Doivent, en revanche, être exclues les restrictions d'accès à l'emploi liées à des facteurs étrangers au handicap telles que la situation familiale, le logement, les ressources et la barrière linguistique.

Par ailleurs, aux termes de l'article L.821-5-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige : 'Tout paiement indu de prestations mentionnées au présent titre est, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, récupéré sur l'allocation à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution. A défaut, l'organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues, soit au titre des prestations familiales mentionnées à l'article L. 511-1, soit au titre de l'allocation de logement mentionnée à l'article L. 831-1, soit au titre de la prime d'activité mentionnée à l'article L. 841-1, soit au titre de l'aide personnalisée au logement mentionnée à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation, soit au titre du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles.[...]'

En l'espèce, il est vain pour M. [W] de soutenir que la seule question devant être tranchée dans le présent litige est celle de la fraude alors qu'il importe prioritairement de déterminer si, à la date de la demande d'AAH, M. [W] était éligible à cette allocation avant d'examiner, le cas échéant, l'existence d'une fraude.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire du Dr [J] que :

- 'en se plaçant à la date présumée de la demande du 12 septembre 2017, nous ne disposons pas du certificat descriptif de la MDPH établi par le médecin traitant le Docteur [E]',

- en tenant compte d'un certificat médical établi par le Dr [E] du 18 juin 2015 pour la MDPH, de l'absence d'élément concernant un suivi spécialisé par le CMP ou par le psychiatre, d'un certificat médical du 2 août 2019 du Dr [G] évoquant des troubles somatiques et une fibromyalgie, d'un certificat médical du Dr [A] (psychiatre) du 16 octobre 2019 évoquant un syndrome anxio-dépressif avec prescription d'un traitement psychotrope,

l'expert considère que 'il apparaît qu'à la fin de l'année 2016 et début d'année 2017 Monsieur [W] présentait selon le certificat du Docteur [A] psychiatre un syndrome anxio-dépressif avec traitement simple comportant la plus petite dose de Séroplex et un anxiolytique Lexomil à dose filée. Il n'apparaît pas à cette période l'existence de signes sévères de la rubrique psychotique comme décrit dans le certificat MDPH de 2015, ni la notion d'un lourd traitement de type neuroleptique. A partir de ces éléments mis à notre disposition, nous estimons que les troubles psychiatriques et somatiques étaient de nature à justifier par référence au guide barème un taux d'IP compris entre 50% et 79% sans restriction substantielle et durable d'accès à un emploi.'

La cour observe que M. [W] ne conteste pas la conclusion de l'expert retenant un taux d'IPP compris entre 50% et 79% et ne produit d'ailleurs aucune pièce de nature à remettre en cause cette évaluation.

M. [W] se contente uniquement de contester l'avis du Dr [J] portant sur l'absence de restriction substantielle et durable d'accès à un emploi, sans pour autant produire de pièce étayant sa contestation. Ainsi, le seul fait d'affirmer de manière péremptoire que, malgré l'obtention d'un bac pro, il a des difficultés durables d'accès à l'emploi compte tenu de son handicap, est insuffisant pour caractériser une restriction substantielle et durable d'accès à un emploi.

Il s'ensuit donc qu'à la date du 12 septembre 2017, M. [W] ne remplissait pas les conditions prévues par les articles L.821-1, L.821-2, D.821-1, D.821-1-2 et R.821-5 précités. C'est, en conséquence, de manière indue qu'il a perçu l'AAH à compter du 1er octobre 2017. La CAF de la Gironde était donc bien fondée à procéder à une retenue sur les prestations versées à M. [W] en remboursement du trop versé au titre de l'AAH.

Dans la mesure où la preuve de l'indu est établie, les développements des parties sur le point de savoir si M. [W] a commis une fraude pour se voir octroyer l'AAH à compter du 1er octobre 2017 sont inopérants.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de son recours.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [W]

L'article 1240 du code civil énonce que 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

La cour a retenu que l'indu reproché à M. [W] était caractérisé. La CAF de la Gironde n'a donc commis aucune faute en cessant de verser à M. [W] une AAH qui ne lui était pas due et en procédant à une retenue pour le remboursement des paiements indus. Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [W] qui succombe, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel, le jugement entrepris étant confirmé ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance. Par voie de conséquence, M. [W] est débouté de sa demande au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Enfin, la situation économique des parties commande de débouter la CAF de la Gironde de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 mai 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [W] aux dépens de la procédure d'appel ;

Déboute M. [M] [W] et la caisse d'allocations familiales de la Gironde de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Paule Menu, présidente,et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps P. Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/04583
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.04583 ?
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