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27/06/2024 | FRANCE | N°22/04046

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 27 juin 2024, 22/04046


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 27 JUIN 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/04046 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M3QB





















S.A.S. [5]



c/

CPAM DE LA DORDOGNE













Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :


r>LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 ju...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 27 JUIN 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/04046 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M3QB

S.A.S. [5]

c/

CPAM DE LA DORDOGNE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 juillet 2022 (R.G. n°18/00422) par le Pôle social du TJ de Périgueux, suivant déclaration d'appel du 24 août 2022.

APPELANTE :

S.A.S. [5] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

assistée de Me BOUAZIZ Zouhaire substituant Me Gallig DELCROS de l'AARPI GZ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

CPAM DE LA DORDOGNE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

assistée de Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, devant Madame Sophie LESINEAU, Conseillère magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [V] a été employé par la société [5] (la société) en qualité de sérigraphe à partir du 12 juin 1989.

Le 27 juillet 2017, Mme [V] a établi une déclaration de maladie professionnelle en joignant le certificat médical initial établi le 06 juillet 2017. Ce dernier retient comme diagnostic : « asthmes objectivé par EFR en rapport avec une exposition professionnelle aux acrylats pathologie pour laquelle Mme [V] peut entreprendre des démarches de maladie professionnelle au titre du tableau 66 A du régime général de la sécurité sociale ».

Par décision du 16 mars 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne (en suivant la CPAM) a pris en charge la maladie professionnelle au titre de la législation des risques professionnels.

Le 16 avril 2018, la société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la CPAM. Par décision du 04 septembre 2018, ce recours a été rejeté.

Le 18 octobre 2018, la société a contesté cette décision devant la juridiction en charge des contentieux de sécurité sociale.

Par jugement du 21 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a sollicité l'avis du CRRMP de [Localité 3]. Après avoir rendu son avis, le tribunal judiciaire de Bordeaux a, par un jugement en date du 21 juillet 2022, déclaré opposable à la société la décision de prise en charge, au titre du risque professionnel, de la maladie déclarée par Mme [V].

Par déclaration du 24 août 2022, la société [5] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 07 mars 2024, la société [5] demande à la cour de :

-constater que la CPAM ne rapporte pas la preuve de la réalisation par Mme [V] des travaux énumérés dans la liste limitative du tableau n°66 des maladies professionnelles,

-constater que la CPAM a pris en charge une maladie qui ne remplit pas toutes les conditions du tableau de maladie professionnelles concerné sans transmettre au préalable le dossier au CRRMP,

En conséquence,

-lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie du 06 juillet 2017 déclarée par Mme [V].

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 05 mars 2024, la CPAM demande à la cour de :

-la recevoir en ses demandes et l'en déclarer bien fondée,

-confirmer le jugement entrepris,

-débouter la société de ses demandes,

-condamner la société à lui payer la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à l'audience du 14 mars 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

La société fait valoir que le travail de Mme [V] ne correspond pas aux travaux listés de façon limitative dans le tableau de la maladie n°66, l'ingénieur conseil de la Carsat interrogé au cours de l'instruction du dossier par la CPAM indiquant explicitement que rien ne pouve que cette salariée ait été exposée aux acrylates dans le cadre de son travail. La société indique que la pathologie déclarée ne remplissant pas toutes les conditions du tableau, la CPAM aurait dû transmettre le dossier de Mme [V] à un CRRMP avant de reconnaitre le caractère professionnel de sa maladie. Elle considère qu'en l'absence de saisine par la CPAM d'un CRRMP, la décision de prise en charge de la pathologie doit lui être déclarée inopposable, la désignation par le pôle social d'un CRRMP n'y suppléant pas. Elle précise que le jugement du 21 janvier 2021 désignant un CRRMP étant un jugement avant-dire droit, elle ne pouvait en relever appel.

La CPAM fait valoir que l'exposition de Mme [V] aux acrylates contenus dans les produits manipulés durant son activité professionnelle est attestée tant par le centre des pathologies professionnelles qui l'a examinée que par le médecin du travail qui suit la société. Elle rappelle que l'avis de l'ingénieur conseil n'est que consultatif. Ainsi, elle considère qu'elle n'avait pas à saisir un CRRMP, les conditions de prises en charge tant médicales qu'administratives énoncées par le tableau n°66 étant remplies. Elle expose que le pôle social a cependant désigné un CRRMP afin de lever toute ambiguité par jugement du 21 janvier 2021, jugement dont la société n'a pas fait appel. Cet avis est donc valable et mis dans les débats sans qu'il n'entraîne l'inopposabilité du caractère professionnel de la maladie auprès de la société.

Selon les dispositions de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, 'les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.'

En l'espèce, le certificat médical initial joint à la déclaration de maladie professionnelle a été établi le 6 juillet 2017 par le médecin chef du service de médecine du travail et de pathologies professionnelles de [Localité 3], spécialiste des maladies professionnelles. Il relève que 'la patiente présente un asthme léger persistant avec une atteinte des voies aériennes distales réversibles sous ventoline retrouvée par une exploration fonctionnelle respiratoire en date du 20 mars 2017. Sa symptomatologie est rythmée par le travail. Mme [V] est exposée professionnellement à des acrylates par voie cutanée et voie respiratoire au sein de son entreprise où elle est sérigraphe. Elle applique au chiffon ou à la spatule différents vernis, encres en utilisant également des solvants de nettoyage et des diluants depuis 40 ans. On peut donc retenir le diagnostic d'asthme objectivé par EFR en rapport avec une exposition professionnellle aux acrylates, pathologie pour laquelle Mme [V] peut entreprendre des démarches de maladie professionnelle au titre du tableau 66 A du régime général de la sécurité sociale.'

Il ressort des questionnaires de maladie professionnelle tant de l'employeur que de la salariée que cette dernière procède dans le cadre de son travail notamment au nettoyage des écrans (avec des solvants) et à l'alimentation en encre des machines.

Le compte-rendu de consultation au service de médecin du travail et de pathologie professionnelles en date du 29 mai 2017 fait état qu'a pu être récupéré auprès du service de santé au travail de [Localité 4] via le médecin du travail de la société, le docteur [G], une partie de la liste des produits utilisés par Mme [V] dans ses activités professionnelles et que 'bon nombre de ces produits (vernis et encres) contiennent des acrylates connus pour leurs effets respiratoires (asthme et rhinite).' Les médecins concluent que 'la rythmicité des symptômes avec le travail et la nature des produits manipulés sont en faveur d'une origine professionnelle.'

La cour relève que le Docteur [G], médecin du travail au sein de l'entreprise a rédigé le 14 septembre 2017 un avis d'aptitude avec aménagement de poste concernant Mme [V] indiquant 'ne doit plus être exposée aux produits chimiques (vernis, diluants, acétone, acrylates,...). Doit être reclassée à un autre poste : emballage, façonnage, tri, découpe,..'.

Ainsi, il est bien établi que dans le cadre de ses activités à son poste, Mme [V] était exposée aux produits chimiques contenant des produits connus pour leurs effets sur les voies respiratoires, l'avis consultatif de l'ingénieur conseil rendu après analyse de documents dont il n'est précisé ni la nature ni la liste et encore moins leur contenu ne remettant pas en cause les éléments rapportés par la CPAM.

De ce fait, c'est à bon droit que lors du colloque médico-administratif du 28 février 2018, le médecin conseil de la caisse a considéré que la liste limitative des travaux indiquée dans le tableau 66 était bien remplie concernant Mme [V], ainsi que les conditions tenant à l'exposition au risque, au délai de prise en charge et à la durée d'exposition.

Ainsi, il n'était pas nécessaire pour les juges de première instance de désigner un CRRMP aux fins d'établir un lien direct entre la maladie déclarée et le travail de Mme [V], la maladie rentrant bien dans toutes les conditions du tableau 66.

Le caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme [V] le 27 juillet 2017 doit donc être reconnu sur le fondement de l'article L 461-1 alinéa 2 sans qu'il y ait lieu de prendre en considération l'avis du CRRMP désigné à tort par le jugement avant dire droit du 21 janvier 2021.

La présomption d'imputabilité de la maladie professionnelle telle qu'elle résulte de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale doit s'appliquer et la décision de la commission de recours amiable de la CPAM en date du 3 septembre 2018 sera confirmée en ce qu'elle a déclaré opposable à la société la prise en charge à titre professionnel de la maladie professionnelle de la salariée.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

Le jugement déféré sera cependant confirmé en ce qu'il a condamné la société au paiement des dépens. Cette dernière qui succombe en appel sera condamnée au paiement des dépens d'appel et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejettée.

Il est contraire à l'équité de laisser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la charge des frais non répétibles qu'elle a engagée, restés à sa charge. La société devra payer la somme de 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société [5] au paiement des dépens

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONFIRME la décision de la commisison de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne en date du 3 septembre 2018,

DECLARE opposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [T] [V] au titre du risque professionnel,

CONDAMNE la société [5] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société [5] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société [5] aux dépens d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/04046
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.04046 ?
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