La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2024 | FRANCE | N°21/01956

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 27 juin 2024, 21/01956


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 27 JUIN 2024





N° RG 21/01956 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBGY







Monsieur [G] [M] assisté de l'UDAF DE LA CHARENTE, ès qualité de Curateur

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/21/18645 du 02/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)





c/



S.A.S. SOCIETE DE MOTOCULTURE HERRIBERRY




r>





















Nature de la décision : AU FOND





























Grosse délivrée le :



aux avocats





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 janvier 2021 par le TJ hor...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 27 JUIN 2024

N° RG 21/01956 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBGY

Monsieur [G] [M] assisté de l'UDAF DE LA CHARENTE, ès qualité de Curateur

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/21/18645 du 02/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

S.A.S. SOCIETE DE MOTOCULTURE HERRIBERRY

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 janvier 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANGOULEME (RG : 19/01758) suivant déclaration d'appel du 02 avril 2021

APPELANT :

[G] [M]

né le 05 Février 1977 à [Localité 4]

de nationalité Française

Retraité

demeurant Foyer [6] - [Adresse 2]

assisté de l'UDAF DE LA CHARENTE, ès qualité de Curateur, désigné à cette fonction par Jugement rendu par le Tribunal d'Instance d'ANGOULEME le 22 février 2013, dont le siège social est [Adresse 3] à [Localité 4]

Représenté par Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

et assisté de Me Benoît BERTAUD, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉE :

S.A.S. SOCIETE DE MOTOCULTURE HERRIBERRY

Société par Actions Simplifiée, au capital de 864 000 € inscrite au registre du commerce et des sociétés d'Angoulême sous le n°324 488 808, dont le siège social est situé [Adresse 1], pris en la personne de son représentant légal en exercice

Activité : , demeurant [Adresse 7]

Représentée par Me Souheyl FERSI substituant Me Arnaud FLEURY de la SELAS DEFIS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

LES FAITS ET LA PROCEDURE

M. [G] [M] a acheté à la SARL Motoculture Herribey, le 5 janvier 2017, une voiture sans permis au prix de 8700 euros TTC.

M. [M] avait été placé sous curatelle selon jugement rendu par le tribunal d'instance d'Angoulême du 22 février 2003.

Le 9 septembre 2017, M. [M] a été victime d'un accident de la circulation.

Il a sollicité en référé une expertise judiciaire de son véhicule.

M. [J] a été désigné à cette fin et a déposé son rapport le 18 août 2018.

M. [M] a sollicité la résolution de la vente de son véhicule au motif qu'il résultait du rapport d'expertise que le kilométrage du véhicule affiché le jour de la vente ne correspondait pas au kilométrage réellement réalisé.

Par jugement du 10 juillet 2019, le tribunal d'instance d'Angoulême qui avait été saisi s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de cette même ville.

Par jugement du 7 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Angoulême a déclaré irrecevable l'action en justice de M. [M], dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné celui-ci aux dépens et frais d'expertise.

Le tribunal a en effet considéré que l'assignation qui avait été délivrée à la requête de M. [M] ne mentionnait pas l'assistance de son curateur.

M. [M], assisté de son tuteur, l'UDAF de la Charente, a relevé appel de cette décision.

Aux termes des dernières conclusions qu'il a déposées, il demande à la cour d'appel de juger son action recevable et fondée, de réformer le jugement entrepris, d'ordonner la résolution de la vente, et de condamner la SARL Herriberry à lui verser la somme de 8700 euros au titre du prix de vente, celle de 18 487, 50 euros au titre de son préjudice de jouissance, celle de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens et frais d'expertise.

Pour sa part la SAS de motoculture Herriberry ( ci après société Herriberry) demande à la cour de confirmer le jugement, à titre subsidiaire de juger nul le rapport d'expertise judiciaire et de débouter l'appelant de ses demandes, et en tout état de cause de condamner M. [M] à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action de M. [M]

M. [M] soutient que dans la mesure où il est clairement assisté de son curateur devant la cour d'appel, celui-ci apparaissant dans sa déclaration d'appel, la procédure a été régularisée et ses demandes sont ainsi recevables.

La société Herriberryaffirme pour sa part que la procédure ne pouvait être régularisée par une intervention du curateur du demandeur devant la cour d'appel. En effet, cette intervention intervient plus de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise si bien que la régularisation n'est pas intervenue dans le délai de l'action prévue à l'article 1648 du code civil.

***

La loi a pour vocation de protéger les personnes les plus fragiles par des régimes de protection adaptés à leurs situations. La personne placée sous curatelle n'est pas hors d'état d'agir elle-même mais doit être assistée dans les actes les plus importants. Notamment la personne sous curatelle ne peut agir en justice sans l'assistance de son curateur. Toutefois, s'agissant d'un régime de protection , l'acte introductif d'instance ne peut être annulé que s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice.

En effet, l'article 465 2° du code civil dispose': «' 2° Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, l'acte ne peut être annulé que s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice'»

Il s'agit d'une nullité relative que l'incapable ou son curateur pouvaient seuls demander.

En l'espèce, ce n'était pas à la société Herriberry de soulever une telle nullité qui en outre présentait un caractère facultatif, le texte sus-visé utilisant le verbe «'pouvoir'» ce qui signifie que la nullité ne doit pas être systématiquement prononcée et notamment pas quand aucun préjudice n'est établi pour la personne protégée.

En conséquence, le jugement entrepris sera réformé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de l'appelant alors que la cour constate que celle-ci ne pouvait pas porter préjudice à M. [M] alors que bien au contraire elle avait pour dessein de voir annuler un contrat qui lui portait préjudice.

Dés lors cette assignation a interrompu les délais de prescription prévus à l'article 1648 du code civil. En effet, un acte de procédure, qui traduit sans équivoque la volonté de poursuivre l'instance, interrompt la péremption, même s'il est affecté d'une irrégularité de fond. Ainsi, des conclusions aux fins de rétablissement au rôle, prises par un majeur protégé, sans l'assistance de son curateur, constituent une diligence interruptive de péremption ( cf': Cour de cassation, 1re chambre civile, 18 Mars 2020 ' n° 19-15.160)

Sur le fond

Il résulte du rapport d'expertise que le véhicule vendu à l'appelant présente de nombreux désordres alors que le triangle de suspension gauche est abîmé, que la jante à droite est déformée, que la face avant du véhicule a subi des réparations non conformes aux règles de l'art, que la façade technique a été bricolée, que la courroie de l'alternateur est trop longue, que la cale de réglage de la vitesse a été modifiée, que le compteur kilométrique a été changé si bien que le kilométrage qui Était affiché lors de la vente ne correspondait pas au kilométrage effectivement réalisé, que l'étrier de frein arrière droit était défectueux, que les deux amortisseurs arrières fuyaient, le plancher arrière n'était pas d'origine et n'était pas conforme, la traverse avant été déformée et enfin la baie de pare-brise était fendue.

L'expert judiciaire a précisé que ces désordres existaient avant la vente qu'en outre ils ne pouvaient être décelés par une personne profane.

L'expert judiciaire a ajouté que ces désordres étaient de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination et à son usage normal.

Il a chiffré le montant des travaux de reprise à la somme de 4132,40euros TTC';

La société Herriberry demande à la cour d'annuler ce rapport au motif que l'expert N'aurait pas exercé ses missions avec diligence et objectivité'; Elle en veut pour preuve une erreur matérielle dans la mesure où il est indiqué dans le rapport d'expertise que la facture de vente ne mentionne pas le kilométrage du véhicule alors que celle-ci fait bien état d'un kilométrage de 19 941 kms.

Toutefois cette erreur est sans conséquence, puisque l'expert judiciaire établira que contrairement à ce qui était indiqué sur cette facture, le véhicule vendu avait en réalité accompli 43 210 kms.

La société Herriberry affirme en outre que les constatations de l'expert judiciaire seraient dépourvues d'analyse technique et de pertinence alors que la cour constate que l'expert judiciaire a bien répondu à la mission qui lui avait été confiée, que son rapport est détaillé et son analyse pertinente et logique, qu'en revanche l'intimée n'a pas adressé à l'expert de dire portant sur tout ou partie de sa mission.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'annuler le rapport d'expertise judiciaire.

Par ailleurs en application des dispositions de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Or, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le véhicule vendu présentait des vices non apparents qui rendent le véhicule impropre à son usage.

En conséquence Monsieur [M] est fondé à solliciter la résolution de la vente du véhicule sur le fondement de l'article 1641 du code civil'. Dès lors l'intimée sera condamnée à lui restituer le prix de vente, et l'appelant devra restituer le véhicule dans l'état où il se trouve.

Par ailleurs, la société [M] étant un vendeur professionnel était censé connaître les vices affectant le véhicule. Aussi, elle doit répondre de tous les préjudices annexes que l'appelant a pu connaître.

Or, M. [M] justifie avoir été privé pendant 2125 jours de son véhicule au jour de ses conclusions, et il affirme sans être démenti n'avoir pas pu «' retrouvé'» un nouveau véhicule. Toutefois, il ne démontre pas les démarches qu'il aurait entreprises pour en trouver un, ou des difficultés financières auxquelles il aurait été confronté l'empêchant d'acquérir un tel véhicule.

En conséquence, la cour fixera cette indemnisation à la somme de 5000 euros.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

La société Herriberry, succombant, sera condamnée aux entiers dépens et frais d'expertise.

En outre, il serait inéquitable que M. [M] supporte les frais irrépétibles qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits.

En conséquence, la société Herriberry sera condamnée à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement entrepris,et statuant à nouveau':

Déclare [G] [M] , assisté de l'UDAF de la Charente recevable et bien fondé en son action et en ses demandes, en conséquence':

Ordonne la résolution de la vente du véhicule VSP Microcar immatriculé [Immatriculation 5].

Condamne la SAS de motoculture Herriberry à payer à M. [G] [M] la somme de 8700 euros.

Dit que M. [G] [M] restituera à la SAS de motoculture Herriberry le véhicule VSP Microcar immatriculé [Immatriculation 5] dans l'état où il se trouve.

Condamne la SAS de motoculture Herriberry à payer à M. [G] [M] la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Condamne la SAS de motoculture Herriberry à payer à M. [G] [M] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS de motoculture Herriberry aux entiers dépens et frais d'expertise.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01956
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.01956 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award