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27/06/2024 | FRANCE | N°21/01316

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 27 juin 2024, 21/01316


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



2ème CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 27 JUIN 2024









N° RG 21/01316 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7FR









[V] [B] épouse [K]



c/



S.A.R.L. KAUFMAN & BROAD [Adresse 5]

























Nature de la décision : AU FOND





















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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 novembre 2020 par le Juge des contentieux de la protection de BORDEAUX (RG : 11-19-726) suivant déclaration d'appel du 03 mars 2021





APPELANTE :



[V] [B] épouse [K]

née le 01 Septembre 1964 à [Localité 6] ([Localité 6])

de nationalité ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 27 JUIN 2024

N° RG 21/01316 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7FR

[V] [B] épouse [K]

c/

S.A.R.L. KAUFMAN & BROAD [Adresse 5]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 novembre 2020 par le Juge des contentieux de la protection de BORDEAUX (RG : 11-19-726) suivant déclaration d'appel du 03 mars 2021

APPELANTE :

[V] [B] épouse [K]

née le 01 Septembre 1964 à [Localité 6] ([Localité 6])

de nationalité Française

Profession : Fonctionnaire territorial,

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Guillaume GEIMOT, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me François SARTRE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE :

S.A.R.L. KAUFMAN & BROAD [Adresse 5]

Société à responsabilité limitée, au capital social 1.100 €, inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro 458 206 232, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Fabrice DELAVOYE de la SELARL DGD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Chantal BUREAU

Greffier lors du prononcé : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte notarié du 24 octobre 2012, Madame [V] [B] épouse [K] a acquis en état futur d'achèvement un bien immobilier auprès de la société Kaufman & Broad Coté Bassin, qui est désormais dénommée Kaufman & Broad [Adresse 5] (la Sarl Kaufman).

La cession portait sur un appartement de type T1 identifié E-4.07 constituent le lot 2116 de la résidence étudiante 'les [3] située [Adresse 7] à [Localité 4] pour une valeur de 80 008,36 euros HT, soit 95 898,02 euros TTC.

Compte tenu des délais supplémentaires nécessaires à l'obtention du permis de construire et de son caractère définitif, la Sarl Kaufman a été contrainte de reporter la date prévisionnelle de livraison de la résidence au 31 juillet 2015. Un protocole transactionnel a été signé le 18 avril 2013entre les parties, l'acquéreur en VEFA percevant une indemnisation d'un montant de 2 000 euros.

L'acte authentique de vente a été signé le 30 août 2013.

Le 8 juillet 2015, la Sarl Kaufman a avisé Mme [K] d'un retard de livraison dû à la survenance d'épisodes pluvieux importants ayant provoqué des suspensions significatives de travaux. La livraison a été repoussée au 31 décembre 2015.

Le 16 novembre 2015, le vendeur en VEFA a adressé à Mme [K] une attestation de son maître d'oeuvre certifiant que les modifications du planning de livraison dû à la survenance d'épisodes pluvieux importants ayant provoqué des suspensions significatives de travaux. La livraison était de nouveau repoussée au 31 décembre 2015.

Le 16 novembre 2015, la Sarl Kaufman a adressé à Mme [K] une attestation de son maître d'oeuvre certifiant que le planning de livraison des travaux avait été impacté par 99 jours d'intempéries.

Le 30 décembre 2015, le vendeur en VEFA et le gestionnaire de la résidence Terre Habitat ont procédé aux visites préalables à la livraison.

À cette occasion, ils ont constaté que compte tenu de l'environnement de la résidence, des interventions d'ERDF programmées dans la rue, des nombreuses réserves émises sur les travaux réalisés dans les logements et de la saisonnalité de la clientèle, l'ouverture de la résidence initialement fixée au mois de janvier 2016 devrait être reportée au mois d'août 2016.

Le 29 février 2016, la Sarl Kaufman a proposé à Mme [K] le versement d'une indemnité transactionnelle de 2 900 euros en indemnisation du nouveau retard de livraison. L'acquéreur en VEFA a refusé cette offre en estimant que sa perte de revenus était plus importante.

La livraison de l'appartement est finalement intervenue le 25 juillet 2016.

Par acte du 18 décembre 2018 , Mme [K] a assigné la Sarl Kaufman devant le tribunal d'instance de Bordeaux afin d'obtenir l'indemnisation de la perte de loyers consécutive au retard de livraison ainsi que d'un préjudice moral.

Le jugement rendu le 4 novembre 2020 par le pôle proximité et protection du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de loyers,

- débouté Mme [K] de sa demande d'indemnité au titre de préjudice moral,

- condamné Mme [K] aux dépens,

- condamné Mme [K] à verser à la société Kaufman la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toute demande contraire ou plus ample.

Mme [K] a relevé appel du jugement le 3 mars 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 février 2024, Mme [V] [B] épouse [K] demande à la cour, sur le fondement des articles 1101 et suivants, 1148 et suivants, 1602-1 et suivants du code civil :

- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a reconnu recevable son action intentée contre la Société Kaufman

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation pour la perte de loyer et de dommages et intérêts pour le préjudice moral,

- de juger que la société Kaufman a :

- livré le bien le 25 juillet 2016 au lieu du 31 juillet 2015,

- a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas le délai de livraison prévu dans les différents documents contractuels signés et notamment l'acte notarié,

par conséquent :

- de condamner la société Kaufman au paiement des sommes de :

- 3 423 euros au titre de l'indemnisation de la perte de loyers qu'elle aurait dû percevoir sur 13 mois, avec intérêts de droit à compter du 1er jour de retard de livraison,

- 5 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral, avec intérêts de droit à compter de la demande,

- 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Kaufman and Broad aux entiers dépens.

Elle fait notamment valoir que :

- son action est recevable. Dans le cas d'un acte d'huissier adressé à une personne morale, l'assignation est délivrée soit à un représentant légal, soit à un fondé de pouvoir ou à toute autre personne habilitée à cet effet. Il n'est pas nécessaire que cette personne soit au service de la société. La société Kaufman, ayant mandaté un avocat pour être défendu dans la procédure actuelle, accepte ainsi l'action en justice intentée à son encontre,

- la société Kaufman n'a pas été en mesure de livrer son appartement dans les délais fixés dans le contrat. Elle a été informée du retard de livraison de l'immeuble sans aucune réelle justification. La force majeure et les causes légitimes de report ne sont pas caractérisées. Dans la vente en état futur d'achèvement, les jours d'intempéries antérieurs à la date d'acquisition peuvent ne pas être considérés comme causes légitimes de suspension du délai de livraison. Il en est de même des défaillances des entreprises, faute par le vendeur de pouvoir justifier du lien de causalité entre ces défaillances et le retard de livraison. Si l'une de ces causes survient, le promoteur doit prouver la survenance de l'événement et son impact sur l'allongement de la durée du chantier.

De plus, la seule attestation justificative d'un responsable technique de la société Kaufman n'est pas suffisamment probante,

- il y a force majeure en matière contractuelle selon de strictes conditions. Il pèse sur le maître d'oeuvre une obligation de justifier que le retard pris par le chantier ne lui est imputable et est dû notamment à des intempéries,

- elle doit se voir indemniser son préjudice moral lié aux incertitudes de la livraison, l'information de la société Kaufman étant nettement insuffisante.

Suivant ses dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2024, la société Kaufman & Broad [Localité 4] rive gauche demande à la cour, sur le fondement des articles 654 et 690 du code de procédure civile, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 :

à titre principal :

- de réformer le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré recevable l'action intentée par Mme [K],

- de condamner Mme [K] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

à titre subsidiaire :

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté purement et simplement Mme [K] de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner Mme [K] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.

Elle fait notamment valoir que :

- l'action de Mme [K] est irrecevable puisque l'acte a été signifié à une adresse qui ne constitue pas son siège social.

- les délais de livraison ont été légitimement suspendus tel que cela a été contractuellement prévu aux termes de l'acte authentique de vente. La clause de suspension légitime des délais de livraison est valide. Il ne peut lui être reproché aucune faute du fait du retard de livraison du bien acquis. De plus, l'événement peut revêtir la qualité de force majeure. Le type de clause, qui prévoit que la preuve de l'existence d'une cause de suspension s'effectuera au moyen d'une attestation de l'architecte, est valable.

- Il n'y a pas lieu à dommages intérêts lorsque par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de faire ce à quoi il s'était obligé.

- le préjudice moral de Mme [K] n'est pas étayé ou justifié.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2024.

MOTIVATION

Nonobstant un rappel du greffe adressé par RPVA le 05 avril 2024 à l'intimée, cette dernière n'a pas fourni le timbre fiscal prévu à l'article 963 du Code de procédure civile et l'article 1635 bis P du Code général des impôts.

L'irrecevabilité des conclusions d'une partie n'ayant pas acquitté le timbre fiscal à la date où la cour statue doit être relevée d'office (2e Civ., 3 mars 2022, n°20-23.329).

En application des dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Ce texte a vocation à s'appliquer dans l'hypothèse où les conclusions de l'intimée ont été déclarées irrecevables (2ème Civ., 10 janvier 2019, n°17-20.018).

La cour n'est donc pas saisie du moyen soulevé par la Sarl Kaufman tendant à la réformation du jugement entrepris qui a déclaré recevable l'action intentée par Mme [B] épouse [K].

Le contrat de réservation a fixé la date de livraison du bien immobilier au mois de septembre 2014.

A la suite de la transaction susvisée, la date de livraison a été contractuellement reportée au 31 juillet 2015.

L'appelante estime que le retard de livraison du bien immobilier est de 13 mois alors qu'il n'est en réalité que de 11 mois et 25 jours (31 juillet 2015/25 juillet 2016) de sorte que sa perte de loyer invoquée doit être calculée le cas échéant sur cette dernière période.

En pages 30 et 31 du contrat de vente en l'état futur d'achèvement du 30 août 2013 a été insérée une clause de suspension légitime des délais de livraison.

Selon cette stipulation contractuelle, ce délai 'serait différé en cas de survenance d'un cas de force majeure ou d'une autre cause légitime'.

L'acte de vente cite, parmi les causes légitimes :

- les intempéries, au sens de la réglementation des chantiers du bâtiment et des jours chômés conséquence de ces intempéries. Il s'agit des conditions atmosphériques et des inondations lorsqu'elles rendent effectivement l'accomplissement du travail dangereux ou impossible conformément aux dispositions de l'article L731-2 du Code du travail ;

- des retards imputables aux compagnies concessionnaires (E.D.F ' G.D.F, etc.), ou services publics.

Au regard des relevés pluviométriques que l'appelante communique, il apparaît que le chantier a pu être perturbé par des intempéries significatives. Les 99 jours relevés par Mme [S] dans son attestation du mois de novembre 2015 sont donc partiellement démontrés.

Certes, le rédacteur de ce document fait incontestablement partie des membres du personnel de la Sarl Kaufman mais il n'était pas contractuellement exigé, en l'absence de communication par l'appelante de documents le démontrant, que la preuve du retard soit rapporté par une personne extérieure aux cocontractants, notamment par un architecte.

Si Mme [K] justifie avoir signé le 8 février 2014 un contrat de bail commercial avec la société Terre Habitat dans le but de louer son bien immobilier à un étudiant dès sa livraison, il n'est pas certain, au regard de l'aléa locatif, que son bien aurait trouvé preneur durant toute la durée correspondant au retard de livraison.

La Sarl Kaufman, dans son courrier du 29 février 2016, a proposé une nouvelle indemnisation à l'acquéreur ainsi que la restitution des appels de fonds 'achèvement' et 'livraison', qu'elle estime avoir perçus par erreur. Cependant, cette offre de dédommagement ne saurait traduire de sa part une reconnaissance du caractère totalement injustifié du retard de livraison.

Au regard de ces éléments, le vendeur en VEFA ne justifie pas suffisamment que le retard de livraison est imputable à des causes contractuellement énumérées à l'acte de vente.

En conséquence, le jugement entrepris ayant rejeté la demande d'indemnisation du retard de livraison ayant généré une perte de loyers présentée par l'acquéreur doit être infirmé.

L'intimée sera condamnée à indemniser l'appelante à hauteur de la somme de 2 900 euros, somme qui correspond tout à la fois à la perte de perception de loyers mais également au montant de l'indemnisation proposée amiablement par le vendeur en VEFA.

Ne justifiant d'aucun préjudice moral en l'absence d'atteinte à son honneur ou sa considération, l'appelante ne saurait réclamer à l'encontre de l'intimée le versement de dommages et intérêts à ce titre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties, tant en première instance qu'en cause d'appel, le versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

- Dit que la cour n'est pas régulièrement saisie des dernières conclusions de la société Kaufman & Broad Rive Gauche en date du 11 janvier 2024 ;

- Confirme le jugement rendu le 04 novembre 2020 par le pôle proximité et protection du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a rejeté la demande présentée par Mme [V] [B] épouse [K] au titre :

- d'un préjudice moral ;

- de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau ;

- Condamne la société Kaufman & Broad Rive Gauche à payer à Mme [V] [B] épouse [K] la somme de 2 900 euros au titre de la perte de loyers ;

- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Kaufman & Broad Rive Gauche au paiement des dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Kaufman & Broad Rive Gauche au paiement des dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01316
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.01316 ?
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