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27/06/2024 | FRANCE | N°19/05799

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 27 juin 2024, 19/05799


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 27 JUIN 2024





N° RG 19/05799 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJON







Monsieur [K] [Z]

Madame [F] [Z]

Madame [D] [Z]





c/



Madame [Y] [M] [X]

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

EURL TECHNIC HABITAT

S.A. AXA FRANCE IARD



E.U.R.L. CABINET D'ARCHITECTURE [Y] [M] [X]











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Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 18/03012) ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 27 JUIN 2024

N° RG 19/05799 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJON

Monsieur [K] [Z]

Madame [F] [Z]

Madame [D] [Z]

c/

Madame [Y] [M] [X]

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

EURL TECHNIC HABITAT

S.A. AXA FRANCE IARD

E.U.R.L. CABINET D'ARCHITECTURE [Y] [M] [X]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 18/03012) suivant déclaration d'appel du 03 novembre 2019

APPELANTS :

[K] [Z]

né le 06 Mai 1950 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française

Retraité

demeurant [Adresse 6]

[F] [Z]

née le 06 Février 1947 à [Localité 10]

de nationalité Française

Retraitée,

demeurant [Adresse 6]

[D] [Z]

née le 05 Janvier 1974 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Loïc CHAMPEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

[Y] [M] [X]

de nationalité Française

Profession : Architecte,

demeurant [Adresse 2]

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

société d'assurance mutuelle dont le siège social est à [Adresse 12], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

Représentées par Me Jean-jacques ROORYCK de la SAS AEQUO AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

EURL TECHNIC HABITAT

SARL unipersonnelle au capital social de 180.000 €, inscrite au RCS de [Localité 7] sous le n° 479 036 568, dont le siège social est situé [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Sylvain GALINAT de la SELARL GALINAT BARANDAS, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A. AXA FRANCE IARD

SA immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Amélie CAILLOL de la SCP EYQUEM BARRIERE - DONITIAN - CAILLOL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

E.U.R.L. CABINET D'ARCHITECTURE [Y] [M] [X]

EURL (RCS [Localité 7] n° 814 924 411) dont le siège social est à [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

Représentée par Me Jean-jacques ROORYCK de la SAS AEQUO AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

LES FAITS ET LA PROCÉDURE

Les époux [Z] ont confié à l'EURL [Y] [M]-[X], architecte, assurée à la MAF La rénovation partielle de leur maison d'habitation située chemin des moulins à [Localité 9] (Gironde) outre la construction d'une extension.

L'exécution des travaux a été confiée, selon devis accepté le 10 janvier 2011 à l'EURL Technic Habitat, assurée auprès de la SA AXA France IARD.

Aucun procès-verbal de réception n'a été signé'.

Les époux [Z] se sont plaints de divers désordres et malfaçons et ont sollicité l'organisation d'une expertise judiciaire';

Par ordonnance du 27 février 2012, Monsieur [L] a été désigné en qualité d'expert.

Par ordonnance du 18 février 2013, sa mission a été étendue à de nouveaux désordres.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 10 octobre 2016, lequel a été complété le 3 avril 2017, l'expert ayant omis lors du dépôt de son rapport de répondre à un dire.

Par actes des 27 et 28 mars 2018, les époux [Z] ainsi que leur fille [D] ont saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux de différentes demandes indemnitaires dirigées contre l'architecte, son assureur ou encore l'entreprise et son assureur.

Par jugement du 10 septembre 2019 le tribunal de grande instance de Bordeaux a débouté les consorts [Z] ainsi que la société Technic Habitat de leurs demandes de constat d'une réception tacite ou du prononcé d' une réception judiciaire de l'ouvrage.

Le tribunal a par ailleurs débouté les parties de leurs demandes dirigées contre la société AXA France IARD et a débouté cette dernière de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le tribunal a encore condamné les époux [Z] aux dépens de la partie de l'instance les ayant opposés à la société AXA France IARD.

Enfin, le tribunal a ordonné pour le surplus une mesure d'expertise et a commis pour y procéder Monsieur [S] [O].

Les consorts [Z] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2022, M. [Z], Mme [F] [Z] et leur fille Mme [D] [Z] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1382, 1792 et suivants du code civil:

- de dire juger recevable l'appel par eux diligenté à l'encontre de la décision de justice du 10 septembre 2019,

- de réformer la décision de justice du 10 septembre 2019,

- de dire et de juger que les ouvrages réalisés ont fait l'objet d'une réception tacite le 15 octobre 2011,

à titre infiniment subsidaire,

- de dire et juger d'une réception judiciaire de l'ouvrage à compter du 14 février 2012,

- de dire et de juger de l'existence de désordres décennaux, portant sur la surélévation et l'extension de l'immeuble,

en conséquence,

- de dire et de juger acquise la responsabilité décennale de la Société Technic Habitat, garantie par la compagnie AXA au titre de la garantie décennale,

- de dire et de juger acquise la responsabilité contractuelle de la Société Technic Habitat, garantie par la compagnie AXA pour les désordres aux existants au titre de la garantie responsabilité civile professionnelle,

à titre principal,

- de renvoyer la liquidation de leurs préjudices au contradictoire de toutes les parties dans l'instance pendante devant le Tribunal Judiciaire de Bordeaux sous le n° RG 18/03012 suite au jugement mixte du 10 septembre 2019,

à titre subsidiaire,

- de procéder à la liquidation de leurs préjudices,

- de condamner la compagnie AXA garantissant la société Technic Habitat à leur bénéfice au paiement de :

- 381.871,76 € en réparation des coûts de réfection liés aux désordres grevant la surélévation dont 170 427,49 euros de dommages occasionnés par cette surélévation sur l'ouvrage existant déduction faite de la somme de 3 942 euros correspondant aux désordres portant sur les baies vitrées de l'extension engageant exclusivement la responsabilité contractuelle de la société Technic Habitat, avec indexation sur l'indice BT01 à compter du 3 octobre 2021, date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire,

- 27 684 euros pour la maîtrise d'oeuvre par la société B2S pour la structure bois avec indexation sur l'indice BT01 à compter du 3 octobre 2021, date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire,

- 1032 euros pour l'analyse des devis de réfection par la société B2S avec indexation sur l'indice BT01 à compter du 3 octobre 2021, date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire,

- 1 944 euros de frais d'intervention de la société Socotec dans le cadre de l'expertise judiciaire,

- 8 041,85 euros pour le coût d'une assurance dommage ouvrage avec indexation sur l'indice BT01 à compter du 3 octobre 2021, date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire,

- 47 520 euros pour la maîtrise d''uvre complète avec indexation sur l'indice BT01 à compter du 3 octobre 2021, date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire,

- 132 000,00 euros en réparation du préjudice de jouissance subi depuis octobre 2011 jusqu'à octobre 2022 à parfaire au jour du jugement à intervenir sur une base de 1.000,00 euros mensuels à compter de novembre 2022,

- 9 513,96 euros au titre des frais de déménagement lors de la réalisation de travaux de réfection,

- 50 000 euros au titre de leur préjudice moral,

9 967,20 euros au titre des frais d'expertise amiable privé du cabinet AEB,

- de dire et de juger que la société Technic Habitat, garantie par sa compagnie d'assurance AXA, a commis une faute dans le cadre de l'exécution de leurs contrats occasionnant un préjudice à une tierce personne Madame [D] [Z],

en conséquence,

- de dire et de juger acquise la responsabilité quasi délictuelle de la société Technic Habitat, garantie par la compagnie AXA, au bénéfice de Mme [D] [Z],

- de condamner la compagnie AXA garantissant la société Technic Habitat au bénéfice de Madame [D] [Z] au paiement de :

- 126 350,00 euros de perte de loyers évalués de septembre 2011 à octobre 2022 à parfaire au jour de la décision à intervenir sur une base de 950,00 euros mensuels à compter de novembre 2022,

- 99.000,00 euros au titre de perte de rémunération pour défaut d'accueil d'un troisième enfant du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2022 à parfaire au jour de la décision à intervenir sur une base de 9.000,00 euros annuels,

- de condamner la compagnie AXA garantissant la société Technic Habitat aux intérêts au taux légal à compter de leur assignation du 27 mars 2018 avec application de l'anatocisme,

- de condamner la compagnie AXA garantissant la société Technic Habitat au paiement d'une somme de 15.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à leur bénéfice,

- de condamner la compagnie AXA garantissant la société Technic Habitat aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de référé et d'expertise judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 avril 2024, la société mutuelle des architectes français et l'Eurl cabinet d'architecture [Y] [M] [X] demandent à la cour :

- de réformer le jugement en ce qu'il « déboute M. [Z] et Mme [F] [Z], Mme [D] [Z], l'Eurl Technic Habitat, Mme [M] [X] et la Mutuelle des Architectes Francais de leurs demandes dirigées contre la SA AXA France Iard,

- de faire droit à leur appel incident,

- de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire pour qu'il soit statué au contradictoire de la société d'assurances AXA France Iard sur les responsabilités et sur les demandes indemnitaires des consorts [Z],

subsidiairement,

- de débouter la société Axa France Iard de ses demandes dirigées contre eux,

- de juger que l'Eurl Technic Habitat et son assureur AXA France Iard doivent les garantir et relever intégralement indemnes de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elles au profit des consorts [Z],

- de condamner tout succombant au paiement d'une indemnité de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 juillet 2020, l'Eurl technic habitat demande à la cour, sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1382 et suivants dans leur ancienne rédaction 1792 et suivants du code civil :

- de dire de juger recevable l'appel interjeté par les consorts [Z],

sur la réception,

- de réformer partiellement la décision entreprise en date du 10 septembre 2019 en ce que celle ci a débouté les époux [Z] et l'Eurl technic habitat de leurs demandes de constat d'une réception tacite ou de prononcé d'une réception judiciaire de l'ouvrage,

en conséquence,

à titre principal,

- de constater que les travaux, objets du litige, étaient parfaitement en état d'être réceptionnés en date du 15 octobre 2011,

- de constater que la réception tacite est intervenue le 15 octobre 2011,

à titre subsidiaire,

- de fixer la réception judiciaire à la date du 14 février 2012,

sur les autres demandes,

à titre principal,

- de constater que le cadre de l'appel limité des Consorts [Z] est dépassé, notamment en ce que leurs autres demandes concernent principalement le surplus dont il a été fait état par le tribunal de grande instance de Bordeaux dans sa décision en date du 10 septembre 2019, et pour lequel une mesure d'expertise est toujours en cours,

- de débouter purement et simplement les consorts [Z] de l'ensemble de leurs

demandes, fins et conclusions à ce titre,

à titre subsidiaire,

- de condamner Mme [M] [X] en sa qualité d'architecte ayant une mission complète à la relever et garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

en tout état de cause et faisant droit à son appel provoqué,

- de condamner la compagnie AXA France Iard, ès qualité d'assureur responsabilité civile et décennale de la société technic habitat, à la relever et garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- de condamner in solidum les époux [Z] ainsi que leur fille à régler à la compagnie AXA une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, distraits au profit de la Selarl Tosi Galinat Barandas sur réclamation de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions, la SA AXA France IARD demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement entrepris et à titre subsidiaire de diriger qu'elle est fondée à opposer une bonne garantie s'agissant des désordres affectant la surélévation et leurs conséquences sur les fondations existantes.

Il convient de rappeler que dans le cadre de la procédure devant la cour d'appel, la société AXA a saisi le conseil de la mise en état afin qu'il constate la péremption de l'instance, et par ordonnance du 20 décembre 2023, celui-ci a rejeté une telle demande.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

MOTIFS

Sur l'existence d'une réception tacite

Le tribunal a jugé qu'en l'absence d'un procès-verbal de réception contradictoirement signé par le maître de l'ouvrage et les constructeurs il convenait de rechercher la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir tacitement celui-ci qui ne pouvait résulter de la seule entrée dans les lieux'; Or, le premier juge a considéré au contraire qu' il résultait d'un document établi par M. [Z] que celui-ci se plaignait d'un abandon de chantier depuis le 16 septembre 2011, et que s'il espérait une réception des ouvrages pour le 15 octobre suivant , il avait dressé une longue liste de travaux à effectuer avant cette date et qu' aucune suite n'avait été donnée à sa réclamation'; Le tribunal a ajouté que le maître de l'ouvrage n'avait pas soldé les factures de l'entreprise et de l'architecte et enfin qu'il résultait des propos de M. [Z] rapportés par l'expert judiciaire que celui-ci refusait de réceptionner les travaux, ceux-ci n'étaient pas terminés et qu'il ne paierait ces derniers qu'une fois ces travaux terminés. Le tribunal a donc conclu à un refus ferme du maître de l'ouvrage de réceptionner l'ouvrage y compris avec des réserves. Une telle attitude a été corroborée par le maître de l'ouvrage qui le 30 janvier 2012 a mis un terme prématuré à la mission de l'architecte.

Les époux [Z], maîtres de l'ouvrage, entendent au contraire démontrer l'existence d'une réception tacite des ouvrages litigieux. Ils contestent avoir tenu les propos prêtés à M. [Z] et rapportés par l'expert judiciaire faisant valoir qu'aucune partie ne peut rapporter la moindre preuve de leur refus de réceptionner ces travaux. Bien au contraire, ils affirment qu'ils ont réceptionné tacitement ceux-ci le 15 octobre 2011, date à laquelle ils en ont pris possession, après avoir adressé à l'architecte, par courriel, le 15 octobre 2011, la liste des réserves. Par ailleurs, contrairement aux expertises privée puis judiciaire, l'ouvrage était réceptionnable, les désordres les plus graves n'ayant été découverts que dans le cadre de l'expertise.

L'EURL Technic Habitat considère également que l'ouvrage a été tacitement réceptionné le 15 octobre 2011, alors que le maître d'ouvrage a prie possession des lieux qui étaient habitables, et qu'il a payé la quasi-totalité des travaux.

La SA AXA France IARD considère au contraire qu'il ne peut exister de réception tacite laquelle est en contradiction avec la réalité des faits. Elle expose qu'il n'y a pas eu de prise de possession de l'ouvrage alors que la maison était déjà occupée lors des travaux. En outre il résulte de leurs propres écritures que les travaux réalisés ne sont pas utilisables. Au mois de septembre 2011, M. [Z] a envisagé une reception sous réserve qu'un certain nombre de travaux soient réalisés ce qui n'est jamais advenu. Le chantier n'a jamais été terminé et aucune déclaration d'achèvement des travaux n'a été régularisée. Le maître de l'ouvrage a interrompu la mission de l'architecte'et a saisi la justice.

Mme [Y] [M] [X] et la MAF contestent l'existence d'une reception tacite de l'ouvrage.

***

L'article 1792-6 du code civil dispose que': «' La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement...'»

Il peut exister une réception tacite de l'ouvrage en présence d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux réalisés.

Une telle réception tacite peut être décelée en présence de critères objectifs comme celui de prendre possession de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage ou encore le paiement sans réserve du montant des travaux.

En l'espèce, il ne peut exister de prise de possession de l'ouvrage, dès lors que celui-ci était déjà occupé pendant les travaux et les appelants ne démontrent pas avoir investi l'extension de leur immeuble le 15 octobre 2011.

Il n'existe pas davantage de paiement sans réserve des travaux alors que bien au contraire les factures de l'entreprise n'ont pas été soldées, et celle du maître d''uvre, pas davantage.

En outre, en septembre 2011, M. [Z] a considéré que le chantier était abandonné et a dressé la liste des désordres et travaux inachevés et n'a subordonné la possibilité d'une réception qu'à la reprise de ceux-ci. Or, une telle reprise n'est pas intervenue.

Aussi, les appelants ne démontrent pas l'existence de présomption d'une réception tacite.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a considéré qu'aucune réception tacite ne pouvait être constatée.

A titre surabondant, l'expert judiciaire a rapporté les propos qu'aurait tenus le maître de l'ouvrage à l'occasion des opérations d'expertise, aux termes desquels il rappelait que l'ouvrage ne pouvait être réceptionné. Si les appelants contestent que M. [Z] ait tenu ces propos, il convient de rappeler que l'expert judiciaire est soumis aux exigences d'équité comme aux principes directeurs du procès et, à ce titre, il est tenu au respect du contradictoire. L'exigence du contradictoire conduit notamment à obliger l'expert à garantir aux parties leur droit à prendre connaissance des mesures d'instruction et de les discuter, c'est-à-dire de formuler des observations. Or en l'espèce, la cour d'appel constate que les maîtres de l'ouvrage n'ont pas cru utile d'adresser un dire à l'expert judiciaire pour se plaindre d'un pré-rapport erroné sur les propos qu'ils auraient tenus lors des opérations d'expertise, ce qui aurait permis à l'expert judiciaire de s'expliquer et de leur répondre.

Sur la réception judiciaire de l'ouvrage

L'article 1792-6 du code civil prévoit que la réception judiciaire peut être sollicitée à défaut de réception amiable, à la requête de la partie la plus diligente.

Si ce texte ne prévoit pas de condition à une telle réception judiciaire, la jurisprudence considère de manière constante qu'une telle réception ne peut être prononcée si les travaux ne sont pas en état d'être reçus et que l'ouvrage construit, en l'espèce une extension et une surélévation, et non l'immeuble dans son ensemble, doit être habitable, même si certaines réserves persistent.

Toutefois, en l'espèce l'ouvrage réalisé n'est pas en état d'être reçu. En effet, il résulte des propres explications des maîtres de l'ouvrage que les travaux ont été réalisés pour permettre à leur fille [D] d'y habiter, avec son époux et leurs trois enfants et d'exercer son métier d'assistante maternelle mais ceux-ci n'ont pu déménager dans ces nouveaux locaux et ils n'ont pu ainsi pas louer comme ils l'avaient prévu leur propre maison située à [Localité 8]. ( cf leurs conclusions devant la cour d'appel pages 55 à 59)

Cette impossibilité pour la fille des époux [Z] de déménager témoigne ainsi que les travaux réalisés n'étaient pas en état d'être reçus.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande pour que soit prononcée une réception judiciaire.

Sur la mise hors de cause de la société AXA France IARD

La cour d'appel n'ayant pas constaté de réception tacite de l'ouvrage et ne pouvant prononcer de réception judiciaire, elle ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie de la compagnie AXA ne pouvait être mobilisée au titre des désordres qui seraient de nature décennale.

En effet, la garantie décennale peut être acquise pendant un délai de dix ans, délai qui ne court qu'à partir de la réception de l'ouvrage.

En revanche, le tribunal n'ayant pas tranché les responsabilités contractuelles des constructeurs ne pouvait pas prématurément écarter l'éventuelle garantie du même assureur au titre du contrat souscrit par son assurée, l'EURL Technic Habitat au titre de sa responsabilité civile professionnelle dans l'hypothèse où il apparaîtrait que celle-ci serait mobilisable, étant précisé qu'il appartiendra au tribunal d'en juger alors qu'il ne s'est pas prononcé sur ce point, et qu'il n'appartient pas en l'état à la cour d'appel d'en connaître.

En conséquence, si la garantie de la société AXA ne peut être mobilisée au titre de la garantie décennale des constructeurs, cette partie doit être maintenue dans la procédure tant que le tribunal n'aura pas statué sur les responsabilités encourues et afin qu'il soit statué sur les autres garanties souscrites par son assurée.

En conséquence, le jugement sera réformé sur ce point et en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes dirigées contre la société AXA France IARD et a débouté cette dernière de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Sur l'appel incident de l'architecte et de son assureur

Sous la réserve de ce qu'il a été jugé par la cour sur l'absence de réception de l'ouvrage, et des conséquences de celle-ci sur la garantie décennale, il sera fait droit à la demande de l'architecte et de son assureur de voir renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire afin qu'il soit statué sur les responsabilités dans les désordres affectant l'immeuble des consorts [Z].

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Les consorts [Z] succombant devant la cour d'appel seront condamnés aux dépens d'appel. En revanche, il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu'elle a engagé devant la cour d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [K] [Z], Mme [F] [Z], Mme [D] [Z], L'Eurl Technique Habitat, Mme [Y] [M]-[X] et la Mutuelle des Architectes Français (la MAF) de leurs demandes dirigées contre la Société anonyme AXA France Iard (la SA AXA), en ce qu'il a débouté la SA AXA de sa demande au titre des frais irrépétibles, et qu'il a condamné M. [K] [Z] et Mme [F] [Z] aux dépens de la partie de l'instance les ayant opposés à la SA AXA, et statuant à nouveau sur ces chefs du jugement réformés':

Réserve les dépens de la société AXA devant le tribunal, et dit que celui-ci devra statuer sur ceux-ci dans son jugement au fond, y ajoutant':

Condamne M. [Z], Mme'[F] [Z] et Mme [D] [Z] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/05799
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;19.05799 ?
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