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25/06/2024 | FRANCE | N°22/05308

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 25 juin 2024, 22/05308


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



3ème CHAMBRE FAMILLE



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ARRÊT DU : 25 JUIN 2024







N° RG 22/05308 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7TI









[R] [L] [F]



c/



LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

























Nature de la décision : AU FOND





















1

0E



Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 octobre 2022 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG n° 19/08222) suivant déclaration d'appel du 23 novembre 2022





APPELANTE :



[R] [L] [F]

née le 23 Juin 1980 à [Localité 2] (GABON)

de nationalité Française

d...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

--------------------------

ARRÊT DU : 25 JUIN 2024

N° RG 22/05308 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7TI

[R] [L] [F]

c/

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Nature de la décision : AU FOND

10E

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 octobre 2022 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG n° 19/08222) suivant déclaration d'appel du 23 novembre 2022

APPELANTE :

[R] [L] [F]

née le 23 Juin 1980 à [Localité 2] (GABON)

de nationalité Française

demeurant Chez Mme [X] [I] - [Adresse 1]

Représentée par Me Ghislain AKPO, avocat au barreau de LIBOURNE substitué par Me Orane ALLENE ONDO, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ :

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Pauline DUBARRY, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Présidente : Hélène MORNET

Conseillère : Danièle PUYDEBAT

Conseillère : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 juin 2003, le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Etienne a délivré à Mme [R] [F], née le 23 juin 1980 à [Localité 2] (Gabon) un certificat de nationalité française mentionnant qu'elle est française sur le fondement de l'article 18 du code civil, comme étant née de M. [B] [F], son père, lui-même français en vertu de l'article 23-1er du code de la nationalité française comme né en France d'un père qui y est également né.

Par jugement du 13 juin 2011, le tribunal de grande instance de Lyon a débouté le procureur de la République près ce tribunal de sa demande sur le fondement de l'article 29-3 du code civil tendant ce que soit constatée l'extranéité de Mme [F].

Selon déclaration en date du 28 janvier 2011, le procureur de la République a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt rendu par défaut en date du 2 avril 2012, la cour d'appel de Lyon a infirmé le jugement déféré et constaté l'extranéité de Mme [F].

Mme [F] a souscrit le 28 avril 2015 une déclaration de nationalité en vertu de l'article 21-13 du code civil qui a fait l'objet d'un refus d'enregistrement par le greffier du tribunal d'instance de Toulouse.

Puis elle a souscrit de nouveau le 12 mars 2019 une déclaration de nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 21-13 du code civil.

Le 17 avril 2019, le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance de Toulouse a déclaré irrecevable l'enregistrement de celle-ci.

Par exploit d'huissier du 14 août 2019, Mme [F] a saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d'enregistrement de la déclaration d'acquisition de nationalité française souscrite sur le fondement des dispositions de l'article 21-13 du code civil, à raison de sa possession d'état de Française.

Par jugement du 13 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- constaté la délivrance du récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile,

- débouté Mme [F] de l'intégralité de ses demandes,

- constaté l'extranéité de Mme [F],

- ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil,

- condamné Mme [F] aux entiers dépens de l'instance.

Procédure d'appel :

Par déclaration d'appel en date du 23 novembre 2022, Mme [F] a formé appel du jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes, constaté son extranéité, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil et l'a condamnée aux dépens.

Selon dernières conclusions en date du 15 février 2023, Mme [F] demande à la cour d'infirmer le jugement du 22 octobre 2022 des chefs déférés et, statuant à nouveau, de :

- juger que sa déclaration de nationalité est recevable,

- ordonner l'enregistrement de celle-ci,

- constater qu'elle bénéficie de la possession d'état non équivoque de français,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Selon dernières conclusions en date du 7 décembre 2023, le procureur général demande à la cour, à titre principal, de :

- dire que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- déclarer l'appel caduc et les conclusions d'appel irrecevables,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement de première instance,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 14 mai 2024 et mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la caducité de la déclaration d'appel :

Le procureur général oppose la caducité de la déclaration d'appel du 23 novembre 2022 au motif que les conclusions de l'appelante du 23 février 2023 ont été notifiées au procureur de la République et non au procureur général.

Aux termes de l'article 914 du code de procédure civile, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

- prononcer la caducité de l'appel,

- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel,

- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910,

- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.

Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.

En l'état, le procureur général conclut à la caducité de l'appel dans ses conclusions du 7 décembre 2023, adressées à la Cour et non dans des conclusions destinées au conseiller de la mise en état, sans faire valoir que sa cause serait survenue ou aurait été révélée postérieurement.

La cour n'étant pas compétente pour statuer sur cette demande, il n'y a pas lieu à statuer.

- Sur le récépissé de l'article 1040 du code de procédure civile :

Il n'est pas discuté que, suite à l'appel interjeté par Mme [F] par déclaration du 23 novembre 2022, la formalité de l'article 1040 du code de procédure civile a été accomplie et le récépissé a été délivré le 16 mars 2023.

- Sur la déclaration de nationalité française :

En application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, soit en l'espèce à Mme [F].

Aux termes de l'article 21-13 du code civil, peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes qui ont joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français, pendant les dix années précédant leur déclaration.

L'article 47 du code civil dispose que tout acte d'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments de l'acte lui-même établissent le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

L'article 17 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, modifié par le décret n02019-1507 du 30 décembre 2019, prévoit que, pour souscrire à la déclaration prévue par l'article 21-13, le déclarant doit fournir son acte de naissance.

D'autre part, dans le cas d'espèce, s'agissant des légalisations effectuées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022, il convient d'appliquer l'article 3 du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 pris en application de l'article 16-II de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui prévoit que l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français peut légaliser :

1° les actes publics émis par les autorités de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de cet Etat,

2° les actes publics émis par les autorités diplomatiques et consulaires d'Etats tiers présents sur le territoire de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de ce même Etat tiers.

En l'espèce, la décision déférée à la cour a retenu que Mme [F] échouait à justifier d'un état civil certain à la date de la souscription de sa déclaration de nationalité et qu'en conséquence ses demandes ne pouvaient favorablement aboutir en ce que :

- l'acte de naissance n° 641 du 10 juillet 1980 ne mentionnait pas le nom de l'officier d'état civil l'ayant dressé, mention pourtant substantielle, et n'avait pas été légalisé valablement, la signature de l'autorité l'ayant délivré n'ayant pas été authentifiée par le consul du Gabon en France ou le consul de France au Gabon,

- l'acte de naissance n° 35 dressé le 10 mars 2015, sur transcription d'un jugement n° 197/2014-2015, ne mentionne pas les dates et lieux de naissance de ses parents, est signé d'un seul déclarant, non identifiable, et le père ne peut y déclarer reconnaître Mme [F],

- le jugement supplétif d'acte de naissance n° 197/2014-2015 n'a pas été délivré en expédition conforme contrairement aux dispositions de la convention d'aide mutuelle judiciaire entre la France et le Gabon,

- le jugement n° 23/2019-2020 du 5 mars 2020 comporte des erreurs d'orthographe grossières, n'a pas été délivré en expédition conforme, sa légalisation n'a pas été réalisée conformément au décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ; et ce jugement comporte en outre des incohérences.

En appel, Mme [F] admet que son acte de naissance n° 641 n'était pas inexistant mais que la souche ayant été détruite par un incendie, elle a fait établir le jugement n° 197/2014-2015 et l'acte de naissance n° 35. Mais elle admet dorénavant aussi que le jugement comporte "des erreurs et omissions" ce qui l'a conduit à solliciter et obtenir un second jugement n° 23/2019-2020 portant annulation de l'acte n° 35.

Elle indique avoir alors obtenu un acte de naissance n° 33 (sa pièce 12) actualisant la formalité de la légalisation de son acte de naissance selon les prescriptions légales et soutenant que ce serait à tort que la décision déférée a considéré que l'acte de naissance établi à l'issue du jugement supplétif n'était pas conforme aux prescriptions de l'article 47 précité et dénué de valeur probante en omettant toutefois de dire que la décision déférée n'a pas statué sur l'acte n° 33 mais sur l'acte n° 35.

Elle indique encore que le procureur ne peut critiquer l'authenticité du document d'état civil dès lors qu'il n'a pas fait usage des dispositions de l'article 5-5 de l'accord Franco-Gabonnais du 5 juillet 2007 qui prévoit qu'en cas de doute sur l'authenticité d'un tel document, la vérification peut en être faite directement auprès de l'autorité de celle des parties qui l'a établi par les représentants de l'autre partie.

Mais c'est à juste titre que le parquet général réplique que le jugement n° 23/2019-2020 n'est pas versé aux débats en expédition conforme, la cour de constater que n'a été versée au surplus que la première page dudit jugement malgré demande faite en cours de délibéré au conseil de l'appelante, ce qui empêche de retenir sa valeur probante.

Quant à l'acte n° 33, il n'est pas probant au sens de l'article 47 puisque le jugement sur transcription duquel il a été dressé ne l'est pas ; il est en outre affecté de fautes d'orthographe (ainsi naissance "survenu" sans "e"), et n'a pas été valablement légalisé, la seule autorité compétente pour légaliser entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022, période d'application du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020, étant l'ambassade de France au Gabon. La cour relève encore que le volet n° 3 de cet acte n° 33 vise un jugement n° 23/2019-2020, ce qui est en contradiction avec le jugement n° 33/2019-2020 dont la première page est communiquée en pièce 11.

Enfin, au jour où Mme [F] a souscrit sa déclaration d'acquisition de nationalité française, le 12 mars 2019, elle ne justifiait pas d'un état civil certain par un acte probant puisque le jugement gabonais n° 23/2019-2020 a annulé son acte de naissance n° 35 dressé le 10 mars 2015 comme étant irrégulier et que le nouvel acte n'a été dressé que le 9 mars 2020.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée qui a justement retenu que, faute pour Mme [F] de justifier d'un état civil fiable et probant, ce qui est toujours le cas devant la cour, l'extranéité de cette dernière devait être constatée et sa déclaraiton de nationalité française déclarée irrecevable.

- Sur les dépens :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme [F], qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Se déclare incompétente pour statuer sur la caducité de l'appel ;

Constate que le récépissé prévu par l'article 1040 du code de procédure civile a été délivré ;

Confirme le jugement rendu le 13 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [R] [F] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 22/05308
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.05308 ?
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