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25/06/2024 | FRANCE | N°21/06657

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 25 juin 2024, 21/06657


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



1ère CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 25 JUIN 2024









N° RG 21/06657 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MOL5









[I] [N]

[V] [E] [N] épouse [E]

[A] [N] épouse [G]

[U] [N]



c/



[C] [R]

S.A. ALLIANZ VIE

























Nature de la décision : AU FOND







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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 19/00246) suivant déclaration d'appel du 06 décembre 2021





APPELANTS :



[I] [N]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 16]

de nat...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 25 JUIN 2024

N° RG 21/06657 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MOL5

[I] [N]

[V] [E] [N] épouse [E]

[A] [N] épouse [G]

[U] [N]

c/

[C] [R]

S.A. ALLIANZ VIE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 19/00246) suivant déclaration d'appel du 06 décembre 2021

APPELANTS :

[I] [N]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 16]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 12]

[V] [E] [N] épouse [E]

née le [Date naissance 6] 1964 à [Localité 16]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 11]

[A] [N] épouse [G]

née le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 16]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 7]

[U] [N]

née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 15]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 10]

représentés par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître VAISSIERE-QUESNEL substituant Maître Bernard QUESNEL de la SELARL QUESNEL ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

[C] [R]

née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 14]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 9]

représentée par Maître Charlotte DE LAGAUSIE de l'AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A. ALLIANZ VIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social sis [Adresse 4]

représentée par Maître Albin TASTE de la SELAS CABINET LEXIA, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître GUETTMAN substituant Maître Emmanuelle CARDON de la SELARL CVS, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel BREARD, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Paule POIREL

Conseiller : M. Emmanuel BREARD

Conseiller :M. Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE.

M. [B] [N] a adhéré le 11 mars 2003 à un contrat d'assurance collectif sur sa vie "AGF Itinéraires épargnes' référencé sous le numéro 604512 et souscrit par Asper auprès de la compagnie AGF Vie, aux droits de laquelle vient désormais Allianz Vie, lequel contrat prévoyait le versement d'un capital en cas de survie ainsi qu'en cas de décès.

Ce contrat était géré par M. [L], conseiller Allianz.

Mme [C] [R] partageait la vie de M. [N] depuis l'année 2014.

Le 5 avril 2018, M. [L] s'est déplacé au domicile de M. [N], à la demande de celui-ci qui a souhaité modifier la clause bénéficiaire du contrat d'assurance.

M. [N] a modifié la clause bénéficiaire de son contrat dans les termes suivants :

"Mme [C] [R] née le [Date naissance 13] 1956 à [Localité 14] pour 50 000 euros net de fiscalité.

Je désigne comme bénéficiaire du solde mes arrières-petits-enfants vivants, nés ou à naître par parts égales entre eux."

L'avenant a été signé et daté du 5 avril 2018, sous la mention "lu et approuvé".

M. [L] a adressé la demande de modification de la désignation du bénéficiaire à la compagnie Allianz Vie dont il était le mandataire.

Par courrier du 13 avril 2018 reçu par M. [N] le 21 avril 2018, la Compagnie Allianz Vie a indiqué à M. [N] :

"Vous avez souhaité modifier la clause bénéficiaire de votre contrat. Je ne pourrai pas donner une suite favorable à votre demande. En effet, la répartition en somme n'est pas souhaitable sur un contrat d'assurance vie.

Votre capital est susceptible d'évoluer. À votre décès, le risque est qu'il ne corresponde plus à la répartition demandée. C'est pourquoi je vous propose de rédiger une nouvelle demande en pourcentage ou en parts (...)."

M. [B] [N] est décédé le [Date décès 8] 2018.

Le 18 juin 2018, Allianz Vie a reçu une réquisition de la part de la Gendarmerie lui ordonnant de procéder au blocage des fonds du contrat d'assurance vie n°60457277 de [B] [N].

Mme [R] a adressé des mails à M. [L].

Par mail du 27 avril 2018, M. [L] répondait à Mme [R] :

" (...) la dernière clause bénéficiaire que M. [N] a ratifiée a bien été prise en compte in fine par notre service gestion suite à mon intervention.

Intervention dont je n'ai pu vous faire part, m'ayant enclin à ne pas vous contacter.

Merci de me transmettre une adresse afin que nous puissions vous joindre lorsque nous serons en phase de règlement."

La compagnie AVIVA, assureur protection juridique de Mme [R] adressait un courrier recommandé AR à la compagnie Allianz Vie le 18 septembre 2018 enjoignant à celle-ci de procéder au règlement de la clause bénéficiaire à hauteur de 50 000 euros net de fiscalité en faveur de Mme [R].

Il a été répondu par courrier du 25 septembre 2018 à la compagnie AVIVA que sa demande était en cours de traitement.

Par acte d'huissier de justice du 10 décembre 2018, Mme [R], a assigné Allianz Vie devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de la voir condamner à lui verser la somme de 50 000 euros net de fiscalité.

Celle-ci a sollicité, dans le cadre d'une procédure d'incident, qu'un sursis à statuer soit prononcé dans l'attente de la décision définitive sur l'action publique.

Par ordonnance du 5 novembre 2019, le juge de la mise en état près du tribunal de grande instance de Bordeaux a débouté Allianz Vie de cette demande.

Cette décision a été confirmée par arrêt d'appel le 29 juin 2020.

En parallèle, Allianz Vie a assigné en intervention forcée les enfants de [B] [N], désignés bénéficiaires aux termes du bulletin d'adhésion du 11 mars 2003, par exploit du 9 octobre 2019, afin que la procédure leur soit opposable et qu'ils soient ainsi à même de présenter leurs observations sur les demandes formulées par Mme [R]

Par jugement contradictoire du 24 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- dit n'y avoir lieu à vérification d'écriture,

- dit valable le changement de clause bénéficiaire intervenue le 5 avril 2018,

- condamné la compagnie d'assurance Allianz Vie à verser à Mme [R] la somme de 50 000 euros net de fiscalité en application du contrat d'assurance n°604457277 souscrit par [N], tel que modifié par la clause bénéficiaire du 5 avril 2018, dès que la mainlevée du blocage du contrat en sera ordonnée par le Procureur de la république,

- condamné la compagnie d'assurance Allianz Vie à verser à Mme [R] un intérêt du double de l'intérêt légal à compter du 27 mai 2018 jusqu'au 17/06/2018, sur la somme de 50 000 euros,

- dit que cette sanction de majoration du taux d'intérêt légal est suspendue du 18/06/2018 jusqu'à la date de la mainlevée qui sera ordonnée par le procureur de la république et reprendra, le cas échéant, à cette dernière date,

- condamné la Compagnie d'Assurance Allianz Vie à verser par parts égales à Mme [A] [G] [N], Mme [U] [N], M. [I] [N], et Mme [V] [E] [N] le capital du contrat d'assurance vie n°60765974 souscrit par [N],

- condamné la compagnie Allianz Vie à verser à Mme [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Compagnie d'Assurance Allianz Vie à verser par parts égales à Mme [A] [G] [N], Mme [U] [N], M. [I] [N], et Mme [V] [E] [N] la somme globale de 1 000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la compagnie d'assurance Allianz Vie aux entiers dépens de l'instance,

- débouté les parties pour leurs plus amples et autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

M. [I] [N], Mme [V] [N], Mme [A] [N] et Mme [U] [N], ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 6 décembre 2021, en ce qu'il a :

- dit valable le changement de clause bénéficiaire intervenue le 5 avril 2018,

- condamné la compagnie d'assurance Allianz Vie à verser à Mme [R] la somme de 50 000 euros net de fiscalité en application du contrat d'assurance n° 604457277 souscrit par M. [N], tel que modifié par la clause bénéficiaire du 5 avril 2018, dès que la mainlevée du blocage du contrat en sera ordonnée par le Procureur de la république.

Par dernières conclusions déposées le 31 août 2022, M. [I] [N], Mme [V] [N], Mme [A] [N] et Mme [U] [N] demandent à la cour de :

- déclarer recevables et bien-fondés Mme [A] [G] [N], Mme [U] [N], M. [I] [N], et Mme [V] [E] [N] en leur appel,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux rendu le 24 novembre 2021, en ce qu'il :

« dit valable le changement de clause bénéficiaire intervenue le 5 avril 2018,

condamne la compagnie d'assurance Allianz Vie à verser à Mme [R] la somme de 50 000 euros net de fiscalité en application du contrat d'assurance n°604457277 souscrit par M. [N], tel que modifié par la clause bénéficiaire du 5 avril 2018, dès que la mainlevée du blocage du contrat en sera ordonnée par le Procureur de la république, »,

A titre principal

- prononcer la nullité de l'avenant au contrat d'assurance vie n°60457277 pour cause d'incapacité due à l'insanité d'esprit,

En conséquence,

- condamner la Compagnie d'Assurance Allianz Vie à verser par parts égales à Mme [A] [G] [N], Mme [U] [N], M. [I] [N], et Mme [V] [E] [N] le capital du contrat d'assurance vie n°60457277,

A titre subsidiaire

- prononcer la nullité de l'avenant au contrat d'assurance vie n°60457277 pour cause de vice du consentement, à savoir la violence par état de dépendance,

En conséquence,

- condamner la Compagnie d'Assurance Allianz Vie à verser par parts égales à Mme [A] [G] [N], Mme [U] [N], M. [I] [N], et Mme [V] [E] [N] le capital du contrat d'assurance vie n°60457277,

A titre infiniment subsidiaire

- prononcer le caractère manifestement exagéré de la prime de 274.406 euros versée en mars 2013 à l'épargne du contrat d'assurance vie n°60457277 ;

En conséquence,

- condamner Mme [R] au paiement de 13,7565% de la soulte, soit 37 748,66 euros,

- condamner les arrière-petits-enfants au paiement du reliquat de la soulte, soit 236.657,34 euros,

En tout état de cause

- condamner in solidum Mme [R] et la compagnie Allianz Vie à verser une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées le 27 novembre 2023, Mme [R] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 24 novembre 2021 dans toutes ses dispositions,

A titre principal :

- déclarer irrecevable la demande formée par les consorts [N] sur le caractère des primes manifestement exagérées,

- les débouter de toutes leurs autres demandes,

- débouter la compagnie Allianz Vie de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire :

-débouter les consorts [N] et la compagnie Allianz Vie de l'ensemble de leurs demandes.

En tout état de cause :

- débouter la compagnie Allianz Vie de l'ensemble de ses demandes,

- condamner in solidum la compagnie Allianz Vie et les consorts [N] à 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Par dernières conclusions déposées le 28 février 2024, Allianz Vie, demande à la cour de:

- infirmer le jugement rendu le 24 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la compagnie Allianz Vie à payer à Mme [R] un intérêt du double de l'intérêt légal à compter du 27 mai 2018 jusqu'au 17 juin 2018 sur la somme de 50.000 euros,

- infirmer le jugement rendu le 24 novembre 2021 en ce qu'il a dit que cette sanction de majoration du taux d'intérêt légal est suspendue du 18 juin 2018 jusqu'à la date de mainlevée qui sera ordonnée par le Procureur de la République et reprendra, le cas échéant, à cette dernière date,

- infirmer le jugement rendu le 24 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la compagnie Allianz Vie à payer à Mme [R] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement rendu le 24 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la compagnie Allianz Vie aux entiers dépens de l'instance,

et, statuant de nouveau,

- débouter Mme [R] de sa demande d'intérêts de retard,

- prendre acte que la compagnie Allianz Vie s'en rapporte à l'appréciation de la Cour s'agissant du bien-fondé de la demande d'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a dit valable le changement de clause bénéficiaire daté du 5 avril 2018 du contrat d'assurance vie « AGF Itinéraires épargnes » n°60457277 souscrit par M. [N] et condamné Allianz Vie à payer à Mme [R] la somme de 50.000,00 euros net de fiscalité dès que la mainlevée du blocage du contrat sera ordonnée par le Procureur de la République,

- prendre acte que la compagnie Allianz Vie s'en rapporte à son appréciation s'agissant du caractère manifestement exagéré des primes versées par M. [N] sur son contrat d'assurance vie « AGF Itinéraires épargnes » n°60457277 et du rapport à la succession dans la limite de la partie des primes jugée excessive,

Dans l'hypothèse où la Cour infirmerait le jugement rendu et, statuant de nouveau, ordonnerait le déblocage des capitaux décès selon la clause bénéficiaire initiale issue du bulletin d'adhésion du 11 mars 2003 :

- juger que le déblocage effectif des capitaux décès issus du contrat d'assurance vie n°60457277 ne pourra intervenir qu'après obtention d'une mainlevée du blocage du contrat de la part du Procureur de la République,

Dans l'hypothèse où la Cour infirmerait le jugement rendu et, statuant de nouveau, ordonnerait le déblocage des capitaux décès selon la clause bénéficiaire initiale issue du bulletin d'adhésion du 11 mars 2003, postérieurement au déblocage des capitaux décès au profit de Mme [R] conformément au jugement rendu le 24 novembre 2021 exécutoire à titre provisoire :

- juger qu'il appartient à Mme [R] de restituer directement aux bénéficiaires désignés, la part des capitaux décès qui serait considérée comme indûment perçue au titre du contrat,

en tout état de cause,

- condamner la partie succombante au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la partie succombante aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit du cabinet LEXIA, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 18 mars 2024.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 4 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

I Sur la nullité de l'avenant au contrat.

Les consorts [N], arguant des articles 1129, 414-1 du code civil, avancent que leur auteur présentait une altération de ses facultés mentales lorsqu'il a modifié le contrat d'assurance vie souscrit le 11 mars 2003 par ses soins.

Ils dénoncent l'existence d'un surdosage médicamenteux lors des derniers moments de la vie de l'intéressé, outre le fait qu'un médecin a attesté de son incapacité à réaliser des actes autres que ceux de la vie courante.

Ils mettent en avant que les résultats de l'autopsie de M. [B] [N] ont fait apparaître que ce dernier avait consommé peu avant son décès divers psychotropes et antalgiques, y compris à des niveaux toxiques. Ils soutiennent que cette surdose médicamenteuse a été quotidiennement administrée par Mme [R], a été constatée par les infirmiers de M. [B] [N], comme cela résulte de leurs attestations, et que cet état a préexisté auparavant. Ils y incluent le moment lors duquel l'intéressé a souscrit l'avenant au contrat d'assurance vie, alors que ces médicaments n'ont pu selon leurs dires qu'altérer ou abolir l'état de conscience du défunt.

Ils observent que l'avenant au contrat d'assurance a été précédé d'un certificat médical du docteur [W] [X] le 4 avril 2018 mentionnant que ce patient 'présente un état de santé des fonctions supérieures qui permet de gérer tous les actes de la vie courante'. Les appelants en déduisent que ce même état de santé ne lui permettait pas d'effectuer des actes de disposition, notamment celui en cause classé comme tel par l'annexe I colonne 2 du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008. Or, s'agissant de la principale réserve financière de leur père, ils considèrent que cette modification ne peut que constituer un acte de disposition. Ils relèvent encore que la signature précédée d'une mention 'lu et approuvé' dont le graphisme dénote des indices de détériorations morphologiques en relation avec son état de santé.

Ils insistent également sur l'existence de pertes de mémoire de la part de M. [B] [N] en ce qu'il a affirmé à son conseiller d'assurance être fâché avec ses enfants qu'il ne voyait plus depuis environ un an, alors que les intéressés étaient en contact avec lui, notamment lors des fêtes de famille, et que celui-ci n'a pas réussi à se rappeler l'identité de ses enfants ou petits enfants.

Ils contestent que le même agent d'assurance ait constaté la parfaite capacité intellectuelle de M. [B] [N], n'étant pas membre du corps médical, et ses déclarations s'opposant aux autres éléments relatifs à la validité de l'avenant objet du présent litige.

Ils estiment pouvoir se prévaloir de l'article 414-2 du code civil, l'opération litigieuse constituant une donation indirecte au vu de l'état de santé et de l'âge de l'intéressé, et non un projet de placement personnel pour l'avenir.

A titre subsidiaire, ils entendent qu'il soit retenu une nullité de l'avenant au contrat d'assurance vie litigieux pour vice du consentement suite à une une violence par état de dépendance.

Les consorts [N] reprochent aux premiers juges de ne pas avoir retenu ce vice du consentement en se référant à une infraction pénale qui n'était pas alléguée et qui ressort d'un autre régime juridique.

Ils indiquent se référer à l'article 1143 du code civil, rappelant que leur père souffrait d'un état de dépendance du fait des multiples pathologies, notamment la maladie de Buerger, de diabète, et que Mme [R] avait une emprise totale sur son époux, comme en attesteraient les infirmiers avant que ceux-ci n'aient plus de relation avec leur patient. Ils rapportent que Mme [R] a tenté d'isoler M. [B] [N] de ses enfants en convainquant le premier de rapports difficiles avec les seconds. Ils affirment que Mme [R] a pour pratique de cibler des hommes en état de vulnérabilité, comme en attesteraient son propre fils et son ex-compagnon.

Ils considèrent donc que Mme [R] a eu une emprise sur leur père expliquant l'arrêt des soins infirmiers, d'un suivi médical adéquat, son sentiment d'abandon par les membres de sa famille, seuls éléments justifiant la modification du contrat d'assurance vie litigieuse.

***

En vertu de l'article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

L'article suivant de ce même code précise que 'De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé.

Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants :

1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;

2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future.

L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu par l'article 2224.'

L'article 1129 du code civil dispose 'Conformément à l'article 414-1, il faut être sain d'esprit pour consentir valablement à un contrat'.

L'article 1143 du même code expose quant à lui qu' 'il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.'

Il est constant que pour pouvoir se prévaloir des articles 414-1, 414-2 ou 1129 du code civil, il appartient aux héritiers qui invoquent une cause d'insanité de démontrer l'existence d'un trouble mental ou d'une altération des facultés.

La cour observe en premier lieu que la preuve d'insanité doit être établie au 5 avril 2018 et que si elle peut être établie par tous moyens, il convient néanmoins de vérifier en premier lieu les éléments médicaux versés aux débats.

Ainsi, sur la question des médicaments administrés à M. [B] [N], il résulte des conclusions du rapport médico-légal (pièce 13 des appelants) que si les analyses toxicologiques ont mis en évidence une exposition au paracétamol et à des psychotropes à dose thérapeutiques, mais aussi de doses potentiellement toxiques de morphines, ces dernières nécessitent d'être confrontées à l'étude de l'histoire médicale du sujet, aux prescriptions et administrations médicamenteuses.

Il ressort de ce document d'une part qu'aucun élément quant à l'altération des facultés mentales de M. [B] [N] n'est mentionné, mais surtout que cet écrit se rapporte à l'état de santé de l'intéressé lors de son décès, soit le [Date décès 8] 2018 ou 17 jours après la signature de l'avenant.

Du fait du laps de temps écoulé et des effets des médicaments concernés, il n'est pas établi qu'il ait existé le 5 avril précédent des doses potentiellement toxiques de morphines et donc que la prise d'un tel médicament, ou de tout autre mentionné, ait influé sur la signature de l'avenant objet du litige.

Cet argument sera donc rejeté.

S'agissant du certificat médical du docteur [X], il apparaît que celui-ci indique que M. [B] [N] 'présente un état de santé des fonctions supérieures qui permet de gérer tous les actes de la vie courante'. Si cet élément permet sans conteste d'établir la capacité de l'intéressé à effectuer les actes de gestion au sens du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008, il sera relevé qu'il reste totalement taisant sur la question des actes de disposition pouvant être effectués par M. [B] [N].

L'interprétation a contrario effectuée par les consorts [N] de ce certificat ne saurait néanmoins être retenue en ce qu'il n'est pas établi que le médecin ait pratiqué des vérifications complémentaires et poussées afin d'explorer les capacités cognitives du patient et donc si son état de santé le rendait incapable de conclure des actes de dispositions. A l'inverse, en ce qu'il ne saurait être présumé une incapacité de la part de l'intéressé, ces constatations médicales ne peuvent qu'indiquer une certaine clairvoyance dans la gestion de ses affaires par M. [B] [N].

De surcroît, si les appelants se prévalent de leurs pièces 15 et 16 afin de soutenir l'existence d'une atteinte aux capacités mentales de leur auteur l'empêchant d'avoir valablement conclu l'avenant en date du 5 avril 2018, ces deux procès-verbaux d'audition, ceux de M. [T] [L], gestionnaire de patrimoine ayant fait souscrire l'acte litigieux, et de Mme [V] [Y] épouse [D], infirmière, n'établissent pas un tel fait. En effet, Mme [Y] ne fait pour sa part référence qu'à la période pendant laquelle elle a prodigué des soins à M. [B] [N], laquelle a cessé en avril 2017, soit un an avant la signature de l'avenant objet du litige, tout en soulignant qu'à ce moment là (pièce 16 des appelants, page 2 première réponse) 'M. [N] avait toutes ses capacités intellectuelles et était totalement lucide lorsque nous le soignons jusqu'en avril 2017". De même, M. [L] déclare pour sa part que M. [B] [N] était 'sain d'esprit', ne pas avoir eu de doute sur ses capacités et qu'il avait conscience de ce qu'il faisait lorsqu'il l'a rencontré en vu de l'avenant objet du présent litige.

De même, la question des trous de mémoire de M. [B] [N] rapportée par M. [L], en ce qu'elle n'est ni documentée, ni établie quant à son importance, ne saurait en l'état être suffisante par elle-même pour fonder une insanité d'esprit.

Enfin, sur l'argument tiré de la rédaction de la mention 'lu et approuvé', le seul caractère de l'écriture ne saurait établir une absence de capacités intellectuelles pour souscrire l'acte en cause.

Il s'ensuit que l'argument tiré de l'atteinte aux capacités cognitives de M. [B] [N] n'est pas fondé et sera rejeté.

En ce qui concerne les faits de violence par état de dépendance, s'il est exact que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, cet élément présente un régime juridique distinct de l'infraction pénale et que la seule absence de poursuite de Mme [R] ne saurait être suffisante en la matière, il n'en revient pas moins aux requérants d'établir une telle prétention.

Or, s'il ne saurait être remis en cause le fait que M. [B] [N] était dans un état de dépendance dans son quotidien vis-à-vis de l'assistance que lui prodiguait Mme [R], il n'est pas contesté par les consorts [N] que cette dernière était la compagne de leur père. Ainsi, s'agissant du montant de 50.000 € qui lui a été accordé, il ne résulte pas de cette situation, y compris au vu du patrimoine du défunt dont il est admis que cette somme représente environ 13% du total, un avantage excessif, ni, du fait des soins qu'elle lui a apportés lors de nombreuses années, que l'intéressé n'aurait pas souscrit un tel engagement de manière parfaitement éclairée.

De même, comme l'a exactement retenu le jugement attaqué, il convient de noter que les témoignages des proches de Mme [R] mis en avant, à savoir son fils et son ancien compagnon, outre qu'ils ne sont pas relatifs aux faits objets du présent litige en ce que les intéressés n'étaient pas présents, émanent de personnes qui avaient au préalable de mauvaises relations avec l'intéressée, ce qui ne peut que relativiser leurs déclarations (pièces 21 et 22 des appelants).

Par conséquent, il n'est établi aucune nullité de l'avenant en date du 5 avril 2018, cette demande sera donc rejetée et le jugement attaqué confirmé de ce chef.

II Sur la réintégration de la prime manifestement exagérée.

Les consorts [N] se prévalent à titre infiniment subsidiaire de ce que la prime d'un montant de 274.406 € versée au mois de mars 2013 pour augmenter l'épargne du contrat d'assurance vie objet du présent litige présente un caractère manifestement exagéré.

Cette disproportion emporte selon leurs dires réduction de la prime du fait de l'atteinte à la réserve héréditaire, conformément à l'article L.132-13 du code des assurances. Ils rappellent qu'auparavant, il n'avait été versé par leur auteur qu'un montant de 72.868 € sur ce placement et s'interrogent sur l'utilité de cette opération, notamment au vu de l'âge, de la situation familiale et patrimoniale du souscripteur.

Ainsi, le patrimoine de M. [B] [N], lors de la souscription de cette prime en mars 2013 comprenait à l'actif un solde créditeur de CCP d'un montant de 72.340,54 €, outre, au jour du décès, un livret B créditeur d'un montant de 6.278,41 €, un solde de compte courant créditeur d'un montant de 40,10 €, 5/8èmes en pleine propriété d'une maison d'habitation située commune de [Localité 17] estimés à 162.500 €, outre la prime litigieuse, soit un total de 509.246,54€, pour un passif constitué d'une taxe foncière d'un montant de 200 €.

Au vu de ces éléments, ils relèvent que la prime objet du litige correspondait à 53,9% de l'actif patrimonial, soit plus de la moitié de son actif, et excédait les revenus annuels de l'intéressé, donc que celle-ci est manifestement excessive.

Ils soulignent que leur père était âgé de 76 ans au jour du versement de la prime litigieuse, qu'il ne bénéficiait donc plus des avantages fiscaux liés à celle-ci et donc, au vu de son état de santé, que ce contrat révélait une volonté de transmission d'un actif successoral. Ils considèrent qu'il n'existait aucune utilité personnelle au contrat d'assurance vie en cause, puisque M. [B] [N] se départissait de son épargne au profit d'autres bénéficiaires que lui.

Ils rappellent que la sanction de l'exagération manifeste est la réduction pour atteinte à la réserve qui trouve à s'appliquer. Ils indiquent qu'en présence de plus de trois enfants, la réserve héréditaire représente les trois quarts des biens et la quotité disponible le dernier quart des biens du de cujus en application de l'article 913 du code civil. Au vu des éléments rappelés ci-avant, ils considèrent que l'atteinte à la réserve est caractérisée à hauteur de 147.144,61 € et que la prime concernée doit être réintégrée dans la réserve héréditaire à hauteur de 274.406 €. Une partie des bénéficiaires n'étant pas héritiers réservataires de M. [B] [N], la réduction doit selon eux s'effectuer par versement d'une soulte, celle-ci représentant selon leurs dires la proportion du montant revenant à Mme [R], soit 13,7565% du capital et de la prime excessive, soit un montant de 37.748,66 €.

Ils s'opposent à ce que cette prétention soit déclarée irrecevable au titre de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'une demande ayant la même finalité que les demandes initialement formulées en nullité de l'avenant litigieux.

De même, ils dénient que leur demande en réduction soit irrecevable en l'absence de demande préalable de partage judiciaire au sens de l'article 840 du code de procédure civile, faute d'intégrer le capital de l'assurance vie dans le patrimoine successoral. Ils estiment que Mme [R] fait une interprétation extensive de la règle prévue à l'article L.132-13 du code des assurances en ce qu'il n'existe pas de rapport à la succession, notamment faute que leur adversaire soit elle-même indivisaire successorale et qu'il existe une situation conflictuelle entre indivisaires.

***

L'article 564 du code de procédure civile prévoit que 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

La cour constate que l'action initiale des consorts [N] visait à obtenir la nullité d'un avenant à un contrat d'assurance vie en leur qualité d'héritiers de M. [B] [N], alors que la demande faite en appel vise à la réintégration au sein de la succession d'une prime d'assurance vie exagérée.

Or, il ressort des assertions mêmes des appelants que non seulement le fondement n'est pas le même, que la fin n'est pas la même, car il ne s'agit plus d'annuler une disposition contractuelle mais de réintégrer une prime d'assurance vie à la succession et que les faits fondant les deux actions ne sauraient être confondus.

En effet, il n'est pas remis en cause que si l'action en annulation vise l'avenant signé par M. [B] [N] le 5 avril 2018, la prime dont la réintégration à la succession est sollicitée a été versée au mois de mars 2013, soit plus cinq ans auparavant, de sorte que les arguments factuels sont totalement différents.

Dès lors, la présente demande ne saurait tendre aux mêmes fins que celles en annulation soumises au premier juge et sera donc déclarée irrecevable.

III Sur la rédaction de la clause bénéficiaire, le versement du montant revenant à Mme [R] et le paiement des intérêts de retard.

La société Allianz Vie rappelle, au visa de l'article L.132-8 du code des assurances, que si la désignation des bénéficiaires de l'assurance vie objet du présent litige par M. [B] [N] n'est soumise à aucune règle de forme, elle doit néanmoins être exprimée de manière certaine et non équivoque.

Elle estime à ce titre que la clause bénéficiaire ne doit engendrer aucune difficulté d'interprétation ou d'exécution lors du dénouement du contrat et que s'il existe un défaut rendant la nouvelle clause impossible à exécuter ou sujette à interprétation quant à son exécution, il lui revient, au titre de son devoir de conseil, de la faire modifier.

Or, elle affirme que tel est le cas de la clause transmise par M. [B] [N] le 5 avril 2018, ledit contrat étant sujet à fluctuation du fait de ses éléments constitutifs dont la valeur est variable et qu'un montant alloué à l'un des bénéficiaires ne peut être enregistré, notamment si la valeur de rachat du contrat au jour du décès était inférieure au capital alloué à ce bénéficiaire. Elle indique que seul un pourcentage du capital ou une part peut faire l'objet d'un enregistrement, ce au titre de son devoir de conseil, de même que la mention 'net de fiscalité', faute d'avoir les informations nécessaires de la part de l'administration fiscale pour connaître les droits dus par les intéressés.

Elle souligne d'ailleurs avoir invité son assuré à modifier la clause bénéficiaire par courrier daté du 13 avril 2018, mais qu'il n'a pas été répondu à ce dernier du fait de l'état de santé de M. [B] [N].

Elle ne remet pas en cause le fait qu'il existe des capitaux suffisants au jour du décès du souscripteur pour respecter la répartition souhaitée par l'intéressé, mais que si la demande de modification de la clause bénéficiaire ne porte pas en elle-même la preuve d'un quelconque trouble mental, il ne lui appartient pas de se livrer à la moindre interprétation en la matière.

Au final, elle indique s'en remettre pour le déblocage des capitaux, sous réserve d'un nécessaire aménagement de l'exécution de la présente décision.

En outre, elle rappelle être tenue par la réquisition émise par le parquet du tribunal judiciaire de Bordeaux du 18 juin 2018 bloquant les fonds et ne peut verser ces fonds tant qu'elle n'a pas été destinataire d'une mainlevée, malgré des relances régulières.

La société d'assurance sollicite l'infirmation de la décision attaquée s'agissant du règlement d'intérêts de retard entre les mains de Mme [R] entre le 27 mai 2018 et le 17 juin 2018 au double de l'intérêt légal sur la somme de 50.000 €, tout en précisant que cette majoration serait suspendue entre le 18 juin 2018 et la mainlevée ordonnée par le procureur de la République.

Elle soutient avoir été contrainte à la suspension du versement des capitaux décès du fait de cette réquisition et si elle ne remet pas en question les délais encadrant le versement des capitaux décès prévus par l'article L.132-3-1 du code des assurances, elle indique ne pas voir pu y procéder, faute d'avoir pu disposer de l'ensemble des informations nécessaires, puis d'y avoir été autorisée.

Elle rappelle qu'une difficulté subsiste à ce jour, une enquête pour homicide étant toujours ouverte suite au décès de M. [B] [N] pour homicide et, en application de l'article L.132-4 du code des assurances, s'il était établi que l'un des bénéficiaires désigné par le contrat d'assurance vie avait donné la mort à l'assuré, les effets de cette convention cesseraient à son égard et la répartition du capital serait modifiée.

Elle en déduit ne pas avoir eu d'autre choix que de suspendre le règlement des capitaux décès et que cette situation ne saurait lui être reprochée, soulignant qu'elle s'est enquise auprès des services du ministère public sur le devenir de la réquisition précitée, sans que celle-ci ait été levée.

Elle conteste la sanction appliquée entre le 27 avril 2018 et le 17 juin 2018 par les premiers juges, soutenant ne jamais avoir été destinataire des pièces nécessaires au déblocage des capitaux décès et en particulier des documents fiscaux, à savoir une attestation sur l'honneur au titre de l'article 990I du code général des impôts, un certificat d'acquittement ou de non-exigibilité au titre de l'article 757B du code général des impôts, ou s'il y a des droits à régler, un courrier signé autorisant la compagnie à régler les droits.

***

L'article L.132-23-1 du code des assurances mentionne que 'L'entreprise d'assurance dispose d'un délai de quinze jours, après réception de l'avis de décès et de sa prise de connaissance des coordonnées du bénéficiaire ou au terme prévu pour le contrat, afin de demander au bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie de lui fournir l'ensemble des pièces nécessaires au paiement.

A réception de ces pièces, l'entreprise d'assurance verse, dans un délai qui ne peut excéder un mois, le capital ou la rente garantis au bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie.

Plusieurs demandes de pièces formulées par l'entreprise d'assurance ne peuvent concerner des pièces identiques ou redondantes.

Au-delà du délai prévu au deuxième alinéa, le capital non versé produit de plein droit intérêt au double du taux légal durant deux mois puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au triple du taux légal. Si, au-delà du délai de quinze jours mentionné au premier alinéa, l'entreprise a omis de demander au bénéficiaire l'une des pièces nécessaires au paiement, cette omission n'est pas suspensive du délai de versement mentionné au présent article.'

En application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Comme l'ont exactement relevé les premiers juges le capital n'étant pas décrit comme insuffisant, l'avenant étant tenu pour valable par la cour, la société Allianz sera condamnée à verser à Mme [R] le montant de la clause bénéficiaire lui revenant. Il ne saurait exister de difficulté à ce titre, le montant revenant à Mme [R] pouvant être déterminé et l'assureur ne pouvant se retrancher derrière une difficulté n'existant pas s'agissant de l'avenant au contrat comme relevé ci-avant. Il est en revanche exact, comme l'ont retenu les premiers juges, que ce versement est suspendu dans l'attente de la mainlevée de la réquisition émise par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bordeaux

Le jugement attaqué sera donc également confirmé de ce chef.

Sur la question de la sanction du doublement des intérêts, il sera observé que suite à l'échange de mails en date du 27 avril 2018, la compagnie d'assurance était destinataire des informations nécessaires au versement des fonds objet du présent litige, étant relevé qu'elle n'a réclamé aucune pièce complémentaire auprès de Mme [R].

La société Allianz Vie ne justifie pas avoir sollicité, malgré les courriers émis par ses soins et alors qu'aucun acte de notoriété n'était nécessaire au vu de la désignation spécifique de cette bénéficiaire par l'avenant objet du présent litige.

Il est donc exact, comme l'ont fait les premiers juges, qu'il convient de retenir comme date de versement du capital dû la date du 27 mai 2018 et que la carence en la matière doit être qualifiée de fautive de la part de l'assureur jusqu'à la réquisition en date du 18 juin 2018.

Dès lors, la décision attaquée, en ce qu'elle a retenu ces mêmes dates et a suspendu la sanction relative au doublement du taux d'intérêt légal à compter du 18 juin 2018 jusqu'à la mainlevée de la réquisition, est parfaitement fondée.

Les prétentions contraires de la société Allianz Vie seront donc rejetées et le jugement en date du 24 novembre 2021 sera confirmé de ce chef.

IV Sur les demandes annexes.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Au vu de ce qui précède, l'équité n'exige pas que les dispositions de la décision attaquée au titre des frais irrépétibles soient infirmées. Elles seront donc confirmées. La même équité commande que les consorts [N] et la société Allianz Vie soient condamnés in solidum à verser à Mme [R] une somme de 2.000 €, soit 1.000 € chacun au final, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance d'appel.

Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, les consorts [N] et la société Allianz Vie, qui succombent au principal, supporteront in solidum la moitié de la charge des entiers dépens.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

Confirme la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 24 novembre 2021 ;

Déclare irrecevable le moyen soulevé par Mme [A] [G] [N], Mme [U] [N], M. [I] [N], et Mme [V] [E] [N] au titre de la réintégration de la prime manifestement exagérée ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum les consorts [N] et la société Allianz Vie à régler à Mme [R] une somme de 2.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance d'appel, soit 1.000 € au final pour chacun d'entre elles;

Condamne in solidum les consorts [N] et la société Allianz Vie à supporter la moitié des entiers dépens de la présente instance.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06657
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.06657 ?
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