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25/06/2024 | FRANCE | N°21/02059

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 25 juin 2024, 21/02059


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



3ème CHAMBRE FAMILLE



--------------------------







ARRÊT DU : 25 JUIN 2024







N° RG 21/02059 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBNL









[B] [A]

[Z] [C] [X] [A]



c/



[V] [Z] [W]-[A]

[N] [A]

























Nature de la décision : AU FOND





















28Ar>


Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 décembre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 18/11039) suivant déclaration d'appel du 07 avril 2021





APPELANTS :



[B] [A]

né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 13]

de nationalité Française

demeurant [...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

--------------------------

ARRÊT DU : 25 JUIN 2024

N° RG 21/02059 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBNL

[B] [A]

[Z] [C] [X] [A]

c/

[V] [Z] [W]-[A]

[N] [A]

Nature de la décision : AU FOND

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 décembre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 18/11039) suivant déclaration d'appel du 07 avril 2021

APPELANTS :

[B] [A]

né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 13]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 6]

[Z] [C] [X] [A]

née le [Date naissance 9] 1955 à [Localité 15]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Murielle NOEL de la SELARL EDINLAW, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉS :

[V] [Z] [W]-[A]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 15]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 7]

Représentée par Me Claire ANDRIEUX de la SELARL ACT'IN PART, avocat au barreau de BORDEAUX

[N] [A]

né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 15]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 10]

Représenté par Me Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE - MAILLOT - BLATT ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Adrien THOMAS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Présidente : Hélène MORNET

Conseillère : Danièle PUYDEBAT

Conseillère : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [A] est décédé le [Date décès 11] 2016 à [Localité 16] (33) et a laissé pour recueillir sa succession ses quatre enfants issus de son union avec Mme [D] [A] née [S] prédécédée le [Date décès 8] 1973 :

- Mme [V] [W]-[A].

- Mme [Z] [A].

- M. [B] [A].

- M. [N] [A].

Les successions de M. [L] [A] et [D] [S] son épouse, ont été ouvertes par devant Me [R] [F], notaire à [Localité 12] (33), qui a reçu la dévolution successorale et l'acte de notoriété le 29 janvier 2018.

L'actif successoral est composé d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 13] (33), occupé par M. [B] [A], et du solde de divers comptes bancaires.

Aucun partage amiable de la succession n'a pu aboutir, Mme [V] [W]-[A] s'interrogeant notamment sur le manque d'informations relatives à l'utilisation de liquidités bancaires et les héritiers ne s'accordant pas sur la valeur de l'immeuble.

Mme [V] [W]-[A] a, par actes d'huissier en date du 10 décembre 2018 assigné ses frères et soeur, Mme [Z] [A], M. [B] [A] et M. [N] [A], en liquidation-partage.

Par jugement en date du 8 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [L] [A] décédé le [Date décès 11] 2016 à [Localité 16] et de [D] [S] épouse d'[L] [A] décédée le [Date décès 8] 1973 à [Localité 13] et de leur régime matrimonial,

- désigné pour y procéder M. le président de la Chambre des notaires de la Gironde avec faculté de délégation à tout notaire de son ressort, à l'exception de Maître [R] [F] et Maître [J] [O] et Maître [Y],

- dit qu'en cas d'empêchement du notaire délégué, le président de la Chambre des notaires de la Gironde procédera lui-même à son remplacement par ordonnance rendue à la requête de la partie la plus diligente,

- dit qu'il appartiendra notamment au notaire désigné de dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable et les droits de chacun d'eux conformément aux dispositions de l'article 1368 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en cas d'inertie d'un indivisaire, un représentant au copartageant défaillant pourra être désigné en application des dispositions des articles 841-1 du code civil et 1367 du code de procédure civile,

- rappelé que le notaire désigné devra accomplir sa mission d'après les documents et renseignements communiqués par les parties et d'après les informations qu'il peut recueillir lui même,

- rappelé que le notaire pourra si nécessaire s'adresser au centre des services informatiques cellule FICOBA et cellule FICOVIE qui seront tenues de lui communiquer l'ensemble des informations qu'il réclame,

- dit qu'en application de l'article 1372 du code de procédure civile, si un acte de partage amiable est établi et signé entre les parties, le notaire en informera le juge commis qui constatera la clôture de la procédure,

- rappelé qu'en cas de désaccord, le notaire délégué dressera un procès verbal de dires où il consignera son projet d'état liquidatif et les contestations précises émises point par point par les parties à l'encontre de ce projet, lequel sera transmis sans délai au juge commis,

- rappelé que le notaire devra achever ses opérations dans le délai d'un an suivant sa désignation par le président de la Chambre des notaires de la Gironde, sauf suspension prévue par l'article 1369 du code de procédure civile ou délai supplémentaire sollicité dans les conditions de l'article 1370 du code de procédure civile,

- commis le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux en qualité de juge-commis pour surveiller les opérations à accomplir,

- rejeté la demande de recel successoral et de rapport formée à l'encontre de Mme [Z] [A] portant sur une somme de 12.560 euros,

- dit que la donation perçue par Mme [Z] [A] suite à la remise de deux chèques de 12.000 euros et 15.000 euros a un caractère rémunératoire dans la limite de 16.000 euros,

- rejeté la demande au titre de l'enrichissement sans cause au delà de cette limite de 16.000 euros,

- rejeté la demande de M. [B] [A] aux fins de voir juger l'existence d'une donation rémunératoire et d'un enrichissement sans cause à hauteur de 30.000 euros,

- dit que M. [B] [A] a bénéficié d'une donation rapportable d'un montant de 30.000 euros,

- ordonné le rapport par M. [B] [A] de la somme de 30.000 euros,

- dit qu'en application des peines du recel successoral, M. [B] [A] ne pourra prendre aucune part sur cette somme de 30.000 euros qu'il doit rapporter,

- rejeté la demande de sanction de recel successoral à l'encontre de M. [B] [A] pour le surplus,

- fixé la valeur de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 13] à la somme de 130.000 euros,

- rejeté la demande d'indemnité d'occupation formée à l'encontre de M. [B] [A] ainsi que la demande d'expertise de la valeur locative,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des parties,

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage successoral,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Procédure d'appel :

Par déclaration au greffe en date du 7 avril 2021, M. [B] [A] et Mme [Z] [A] ont formé appel du jugement de première instance en ce qu'il a dit que :

- la donation perçue par Mme [Z] [A] suite à la remise de deux chèques de 12.000 euros et 15.000 euros a un caractère rémunératoire dans la limite de 16.000 euros,

- rejeté la demande au titre de l'enrichissement sans cause au delà de cette limite,

- rejeté la demande de M. [B] [A] aux fins de voir juger l'existence d'une donation rémunératoire et d'un enrichissement sans cause à hauteur de 30.000 euros,

- dit que M. [B] [A] a bénéficié d'une donation rapportable d'un montant de 30.000 euros et ordonné son rapport,

- dit qu'en application des peines du recel successoral, M. [B] [A] ne pourra prendre aucune part sur cette somme de 30.000 euros qu'il doit rapporter,

- fixé la valeur de l'immeuble de [Localité 13] à la somme de 130.000 euros,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions en date du 19 juillet 2023, M. [B] [A] et Mme [Z] [A] demandent à la cour de :

- juger recevable et bien-fondé l'appel limité interjeté par Mme [Z] [A] et M. [B] [A] à l'encontre du jugement prononcé le 8 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bordeaux,

- réformer le jugement des chefs critiqués,

Statuant à nouveau,

- juger que la donation perçue par Mme [Z] [A] suite à la remise de deux chèques de 12.000,00 euros et 15.000,00 euros, soit 27.000,00 euros au total, a un caractère rémunératoire pour la totalité de la donation,

Si par impossible, la cour ne retenait pas le caractère rémunératoire de la donation,

- juger que Mme [Z] [A] a subi un appauvrissement sans cause d'un montant total de 27.000 euros ayant corolairement entraîné un enrichissement sans cause de M. [L] [A],

- juger que M. [B] [A] a bénéficié d'une donation rémunératoire d'un montant de 30.000 euros et à défaut, d'un appauvrissement du même montant entraînant corolairement un enrichissement sans cause de M. [L] [A] et juger n'y avoir lieu à rapport à succession,

- fixer la valeur de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 13], à la somme de 90.000 euros,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter Mme [V] [W]-[A] de son appel incident,

En conséquence,

- débouter Mme [V] [W]-[A] de ses demandes tendant à voir :

* réformer le jugement en ce qu'il a dit que les donations reçues par Mme [Z] [A] par deux chèques de 12.000 euros et 15.000 euros avaient un caractère rémunératoire à hauteur de 16.000 euros,

* juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession l'intégralité des donations de 12.000 euros et 15.000 euros,

* juger que M. [B] [A] a opéré un recel sur les fonds successoraux d'un montant de 30.000 euros et qu'il sera privé de sa part sur cette somme,

* subsidiairement, dire et juger que la somme de 30.000 euros sera rapportée à la succession respectivement par M. [B] [A],

- juger irrecevables et rejeter comme nouvelles les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel par Mme [V] [W]-[A] tendant à voir :

* à titre principal :

** juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession les donations d'un montant de 68.372,91 euros,

** juger qu'en application des peines du recel successoral Mme [Z] [A] ne pourra prendre aucune part sur les donations d'un montant de 41.372,91 euros,

* à titre subsidiaire :

** juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession les donations d'un montant de 55.908,60 euros,

** juger qu'en application des peines du recel successoral Mme [Z] [A] ne pourra prendre aucune part sur les donations d'un montant de 28.908,60 euros,

** juger que Mme [Z] [A] doit rendre compte des opérations et des dépenses qu'elle a effectuées sur les comptes bancaires de M. [L] [A],

** ordonner sous astreinte de 100 euros par mois à compter de la décision à intervenir que Mme [Z] [A] communique à ses co-héritiers la copie des chèques d'un montant arrondi à la dizaine supérieur ou égal à 80 euros tirés des comptes [17] et [14],

** juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession le montant des donations perçues constituées des chèques tirés des comptes du défunt à son bénéfice dont elle ne pourra justifier d'une affectation pour le compte de celui-ci,

** juger qu'en application des peines du recel successoral, Mme [Z] [A] ne pourra prendre aucune part sur les donations ainsi caractérisées,

** juger que Mme [Z] [A] a opéré un recel successoral sur les retraits en espèce effectués des comptes de M. [L] [A] d'un montant de 12.490 euros entre le 1er janvier 2013 et le 6 avril 2016 et qu'elle sera privée de sa part sur cette somme,

** subsidiairement, dire et juger que les sommes de 12.490 euros sera rapportée à la succession par Mme [Z] [A],

Si par impossible, la cour déboutait les appelants de leur demande tendant à voir juger l'irrecevabilité des demandes nouvelles présentées par Mme [V] [W]-[A],

- les juger mal fondées et débouter Mme [V] [W]-[A] de l'ensemble de ses demandes.

- débouter Mme [V] [W]-[A] de ses demandes tendant à voir :

* juger que Mme [Z] [A] doit rendre compte des opérations et des dépenses qu'elle a effectuées sur les comptes bancaires de M. [L] [A],

* ordonner sous astreinte de 100 euros par mois à compter de la décision à intervenir que Mme [Z] [A] communique à ses cohéritiers la copie des chèques d'un montant arrondi à la dizaine supérieur ou égal à 80 euros tirés des comptes [17] et [14],

* juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession le montant des donations perçues constituées des chèques tirés des comptes du défunt à son bénéfice dont elle ne pourra justifier d'une affectation pour le compte de celui-ci,

* juger à titre subsidiaire que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession la somme de 47.927,56 euros constitués des dépenses par chèques dont elle n'apporte aucun justificatif,

* juger qu'en application des peines du recel successoral, Mme [Z] [A] ne pourra prendre aucune part sur les donations ainsi caractérisées,

* juger que Mme [Z] [A] a opéré un recel successoral sur les retraits en espèces effectués des comptes de M. [L] [A] d'un montant de 12.490 euros entre le 1er janvier 2013 et le 6 avril 2016 et qu'elle sera privée de sa part sur cette somme,

* juger que M. [B] [A] a opéré un recel sur les fonds successoraux d'un montant de 30.000 euros et qu'il sera privé de sa part sur cette somme,

* subsidiairement, dire et juger que les sommes de 12.490 euros et 30.000 euros seront rapportées à la succession respectivement par Mme [Z] [A] et M. [B] [A],

- condamner Mme [V] [W]-[A] à verser à Mme [Z] [A] et M. [B] [A] la somme de 2.000,00 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en cause d'appel qu'en première instance,

- débouter Mme [V] [W]-[A] de sa demande tendant à voir condamner Mme [Z] [A] et M. [B] [A] à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [V] [W]-[A] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon dernières conclusions en date du 15 juin 2023, Mme [V] [W]-[A] demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en ses demandes,

- débouter Mme [Z] [A] et M. [B] [A] de leurs demandes,

En conséquence,

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que les donations reçues par Mme [Z] [A] par deux chèques de 12.000 euros en juin 2015 et de 15.000 euros en novembre 2015 avaient un caractère rémunératoire à hauteur de 16.000 euros,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de recel successoral et de rapport formée à l'encontre de Mme [Z] [A] portant sur une somme de 12.560 euros,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession les donations d'un montant de 68.372,91 euros,

- juger qu'en application des peines du recel successoral, Mme [Z] [A] ne pourra prendre aucune part sur les donations d'un montant de 41.372,91 euros,

A titre subsidiaire,

- juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession les donations d'un montant de 55.908,60 euros,

- juger qu'en application des peines du recel successoral, Mme [Z] [A] ne pourra prendre aucune part sur les donations d'un montant de 28.908,60 euros,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que Mme [Z] [A] doit rendre compte des opérations et des dépenses qu'elle a effectuées sur les comptes bancaires de M. [L] [A] sur lesquels elle détenait procuration jusqu'à son décès,

- juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession le montant des donations perçues, caractérisées par les chèques tirés au moyen de sa procuration bancaire, des comptes du défunt à son bénéfice dont elle ne pourra justifier d'une affectation pour le compte de celui-ci,

- juger que Mme [Z] [A] a opéré un recel successoral sur les chèques tirés au moyen de sa procuration bancaire, des comptes du défunt à son bénéfice dont elle ne pourra justifier d'une affectation pour le compte de celui-ci, et qu'elle sera privé de sa part sur cette somme,

- à ce titre, ordonner sous astreinte de 100 euros par mois à compter de la décision à intervenir que Mme [Z] [A] communique à ses co-héritiers la copie des chèques d'un montant arrondi à la dizaine, supérieur ou égal à 80 euros, tirés des comptes [17] et [14] du défunt depuis janvier 2013,

- juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession le montant des donations perçues, caractérisées par les retraits d'espèce des comptes du défunt dont elle ne pourra justifier d'une affectation pour le compte de celui-ci,

- juger que Mme [Z] [A] a opéré un recel successoral sur les retraits en espèces effectués des comptes de M. [L] [A] d'un montant de 12.490 euros entre le 1er janvier 2013 et le 6 avril 2016 et qu'elle sera privée de sa part sur cette somme,

- subsidiairement, dire et juger que la donation de 12.490 euros sera rapportée à la succession par Mme [Z] [A],

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité d'occupation et statuant à nouveau juger que M. [B] [A] est redevable d'une indemnité d'occupation à l'encontre de l'indivision depuis le 16 mars 2018,

A titre subsidiaire, en cas d'irrecevabilité retenue,

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que les donations reçues par Mme [Z] [A] par deux chèques de 12.000 euros en juin 2015 et de 15.000 euros en novembre 2015 avait un caractère rémunératoire à hauteur de 16.000 euros,

Statuant à nouveau,

- juger que Mme [Z] [A] doit rapporter à la succession l'intégralité des donations de 12.000 euros et 15.000 euros perçues en 2015,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de recel successoral et de rapport formée à l'encontre de Mme [Z] [A] portant sur une somme de 12.560 euros,

Statuant à nouveau,

- juger que Mme [Z] [A] a opéré un recel successoral sur les retraits en espèces effectués des comptes de M. [L] [A] d'un montant de 12.490 euros entre le 1er janvier 2013 et le 6 avril 2016 et qu'elle sera privé de sa part sur cette somme,

- subsidiairement, dire et juger que la somme de 12.490 euros sera rapportée à la succession par Mme [Z] [A],

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé n'y a avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau, condamner Mme [Z] [A] et M. [B] [A] à payer à Mme [V] [W]-[A] la somme de 2.000 euros sur le même fondement pour la première instance,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité d'occupation et statuant à nouveau juger que M. [B] [A] est redevable d'une indemnité d'occupation à l'encontre de l'indivision depuis le 16 mars 2018,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner Mme [Z] [A], M. [B] [A], aux dépens dont distraction au profit de Maître Claire Andrieux pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision,

- les condamner au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions en date du 30 septembre 2021, M. [N] [A] demande à la cour de :

- constater que le concluant ne peut que s'en remettre à justice sur la demande de liquidation partage des successions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il ordonne la dite liquidation partage,

- rejeter toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée à l'encontre de M. [N] [A],

- rejeter toute demande au titre des frais et dépens de première instance et d'appel qui serait formée à l'encontre de M. [N] [A],

- statuer ce que de droit sur les dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 14 mai 2024 et mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour une bonne compréhension du litige, la cour fait siennes les remarques préliminaires du jugement qui, en substance, a affirmé que :

Le litige oppose Mme [V] [W]-[A] à son frère [B] et sa soeur [Z] dans un contexte de succession où elle fait valoir qu'évincée de la prise en charge de son père à compter de 2014, elle considère que son absence a permis la dilapidation d'une partie de l'actif successoral au profit de sa soeur, Mme [Z] [A], laquelle exerçait les fonctions d'assistante de vie rémunérée et de son frère M. [B] [A], et ce dans un contexte où leur père a montré dès 2014 des signes de faiblesse, celui-ci admis en EHPAD le 14 mars 2016 pour avoir perdu toute autonomie, devant décéder le 4 avril 2016.

Mme [Z] [A] et M. [B] [A] soutiennent de leur côté que leur soeur [V] s'est volontairement coupée de la famille pendant plus de 25 ans, montrant une désaffection pour leur père dont elle n'a jamais cherché à s'occuper. Ils soutiennent qu'en dehors d'une pathologie cardiaque, leur père ne présentait aucune altération de ses capacités cognitives de sorte que tout soupçon d'abus sur sa personne doit être écarté.

Le litige porte notamment sur des chèques émis par feu M. [L] [A] et perçus par Mme [Z] [A] et son frère [B], que ceux ci entendent voir qualifiés de donations rémunératoires en raison des bons soins prodigués à leur père, et par suite non rapportables, alors que leur soeur entend les voir dire rapportables et sanctionnées des peines civiles du recel successoral. Celle-ci entend également voir, et pour la première fois en appel, rapporter des retraits de sommes effectués par sa soeur grâce à une procuration accordée par leur père, mandat pour lequel elle n'a pas rendu compte de son utilisation.

M. [N] [A], à l'encontre de qui aucune demande n'est faite, confirme en appel ses dires de première instance à savoir qu'il ne remet pas en cause les sommes qui ont pu être données par leur père à son frère [B] et sa soeur [Z] précisant par ailleurs que leur mère avait eu la volonté de protéger [B] en l'avantageant afin que l'immeuble de famille lui revienne.

- Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes formulées par Mme [V] [W]-[A] :

Les appelants soulèvent l'irrecevabilité des demandes formulées par Mme [V] [W]-[A] au soutien de son appel incident et qui portent sur :

- le rapport à la succession par Mme [Z] [A] de donations d'un montant de 68.372,91 euros avec,

A titre subsidiaire :

- le rapport à la succession par Mme [Z] [A] de donations d'un montant de 55.908,60 €, avec en application des peines du recel, privation de tout droit sur ces donations à concurrence de 28.908,60 euros,

A titre infiniment subsidiaire,

- une demande de reddition de compte des opérations et dépenses effectuées sur les comptes bancaires de leur [L] [A] au visa des dispositions régissant le mandat, Mme [Z] [A] ayant détenu une procuration,

- une demande de condamnation sous astreinte de 100 € par mois à compter de l'arrêt à intervenir à l'encontre de Mme [Z] [A] d'avoir à communiquer la copie des chèques d'un montant arrondi à la dizaine supérieure ou égal à 80 € tirés des comptes [17] et [14] du défunt depuis janvier 2013,

- une demande de rapport à la succession du montant des donations perçues constituées des chèques tirés des comptes du défunt à son bénéfice dont elle ne pourra justifier d'une affectation pour le compte de ce dernier,

- une demande de qualification de recel successoral concernant des retraits en espèce effectués des comptes du de cujus d'un montant de 12.490 € entre le 1er janvier 2013 et le 06 avril 2016, et aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives, une demande subsidiaire visant à voir rapporter l'entier montant à la succession.

Ils soutiennent que ces demandes n'ont pas été débattues en première instance, que l'intimée n'apporte aucun élément nouveau pouvant les justifier et qu'il s'agit en conséquent de demandes nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile auxquelles il ne peut être donné suite.

Mme [V] [W]-[A] répond que ses demandes sont parfaitement recevables en faisant valoir que les parties peuvent toujours soumettre à la cour des nouvelles prétentions s'il s'agit de faire écarter les prétentions adverses, qu'il en est ainsi en matière de partage dès lors que les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement du passif et que toute demande doit alors être considérée comme une défense à une prétention adverse. Elle soutient en outre qu'une demande afférente à l'évolution du quantum des sommes mises en cause n'est pas une demande nouvelle et que la demande de production d'éléments comptables sous astreinte n'est également que l'accessoire d'une demande préexistante.

Sur ce il convient de rappeler que si l'article 564 du code de procédure civile prévoit qu'une irrecevabilité relevée d'office doit être opposée aux demandes présentées pour la première fois en appel, il admet une exception pour les demandes tendant à faire rejeter les prétentions adverses. Par suite, ainsi que le soulignent à bon droit les intimés, en matière de liquidation partage, dès lors que les parties sont respectivement demanderesse et défenderesse, toute demande doit être considérée comme une défense à la prétention adverse.

Le moyen d'irrecevabilité est donc rejeté.

- Sur les demandes faites à Mme [Z] [A] :

Aux termes de l'article 843, alinéa 1, du code civil, tout héritier (...) venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

L'existence d'une donation se caractérise par la réunion d'un élément matériel (l'appauvrissement du donateur) et d'un élément intentionnel (l'intention libérale).

Par ailleurs, aux termes de l'article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Sur l'appel principal sur le rapport des sommes provenant de chèques émis par M. [L] [A] au profit de sa fille [Z].

Dans son assignation, Mme [V] [W]-[A] a conclu à la qualification de recel successoral concernant sa s'ur Mme [Z] [A], portant notamment sur deux chèques dont elle demandait le rapport avec privation de droits par application des peines du recel successoral :

- Chèque de 15.000,00 € en date du 17 novembre 2015

- Chèque de 12.000,00 € en date du 30 juin 2015

Mme [Z] [A] a opposé à cette qualification de donation rapportable la qualification de donation rémunératoire qui serait venue récompenser les services rendus à son père lesquels ont dépassé la piété filiale, affirmant que par ailleurs aucune intention libérale de la part de son père n'a pu être caractérisée dans la remise des chèques en question.

Le jugement entrepris a retenu la qualification de donation rémunératoire à la seule hauteur de 16.000,00 euros, considérant que le surplus, soit 11.000,00 euros, devait être rapporté.

En cause d'appel, Mme [V] [W]-[A] entend que la totalité des sommes ainsi perçues par chèques soit rapportée faute pour sa soeur [Z] d'avoir rendu compte de son mandat et de démontrer par suite que les soins apportés à son père ont dépassé les obligations liées à la piété filiale. Elle soutient par ailleurs que les chèques ainsi perçus ne peuvent être considérés comme constituant une donation rémunératoire dès lors que sa soeur avait déjà été rémunérée pour les soins apportées dans le cadre de son emploi d'aide à la personne de leur père. Elle considère que sa soeur ne saurait profiter d'une double rémunération.

Mme [Z] [A] soutient pour sa part que son père, M. [L] [A] a entendu la gratifier par deux chèques de 15 000 euros et 12 000 euros pour les soins qu'elle lui a apportés pendant près de trente ans, et que ceux ci doivent donc recevoir la qualification de donation rémunératoires, les deux autres chèques de 1 000 euros mis en cause devant profiter de la même qualification.

Elle considère donc que cette gratification exonérée de rapport ne peut être limité à 16.000 euros dès lors qu'elle a commencé à travailler comme assistante de vie pour son père, rémunérée en CESU depuis le mois d'avril 2014, ce qui représente un total de 22 mois et non de 16 contrairement à ce que le premier juge a retenu. Elle avance par ailleurs que le caractère rémunératoire d'une donation doit s'apprécier au regard de son caractère proportionné ou disproportionné et de l'équivalence des services rendus et considère donc que la somme globale de 27 000 euros correspondant aux deux chèques soit être retenue à l'aune du dévouement manifesté.

Elle sollicite à titre subsidiaire l'application de la notion d'enrichissement sans cause dès lors qu'en apportant des prestations qui excèdent les exigences de la piété filiale, elle s'est appauvrie et que par suite les sommes reçues en compensation ne peuvent être rapportées à la succession.

Sur ce, il y a lieu de rappeler qu'une donation rémunératoire emprunte à la donation son élément matériel, en ce sens qu'elle opère dessaisissement irrévocable du donateur en faveur du donataire. En revanche, l'élément intentionnel n'est pas le même, puisque le donateur n'est pas mû par une intention libérale, mais par la volonté de rétribuer le donataire ou de l'indemniser pour un service rendu ou une aide apportée, en dehors de toute obligation juridique. Elle est dispensée de rapport.

Il est constant que Mme [Z] [A] a été déclarée à l'URSAFF à compter du 23 avril 2014, comme assistante de vie de son père [L] [A]. Elle a été rémunérée pour cela et jusqu'à l'entrée en EHPAD de ce dernier par des chèques emplois service au taux horaire de 11 euros conforme au SMIC.

A cet égard, c'est de manière pertinente que les premiers juges ont affirmé :

- qu'en considération des déclarations de revenus de Mme [Z] [A] et des quelques bulletins de salaires produits aux débats, il s'établit à son profit une rémunération mensuelle variant de 880 euros à 1 100 euros d'avril 2014 à mars 2016 pour une moyenne de 80 à 100 heures par mois,

- que cette rémunération, au regard d'une assistance, de longue date mais devenant quotidienne et de plus en plus importante à compter de novembre 2014 du fait de la perte d'autonomie de [L] [A] telle qu'établie par les différentes pièces médicales figurant au bordereau de pièces communiquées par les appelants, apparaît partielle pour un engagement excédant les exigences de la piété filiale.

C'est par une juste appréciation des faits que ces mêmes juges ont par ailleurs considéré que les chèques remis constituaient une donation rémunératoire et ce en raison notamment d'un écrit de M. [L] [A] qui tend à l'affirmer.

Les appelants produisent en effet en pièce 6, une attestation manuscrite et signée datée du 20 novembre 2015, qui porte les mentions suivantes : "je soussignée [A] [L], avoir avantager (sic) ma fille [Z] pour les soins qu'elle m'a porté au cours de la vie, jour et nuit, ces années durant. Je certifie avoir fait deux chèques pour valoir ce que de droit."

Ce document dont l'attribution à M. [L] [A] n'est pas contestée par l'intimée, vient établir la volonté du défunt d'indemniser sa fille pour le temps passé à lui apporter des soins au delà même de la rémunération qu'elle percevait en sa qualité d'aide à la personne.

Cette indemnisation doit être rapprochée des deux chèques émis dans un temps quasi contemporain, soit celui de 15.000,00 € en date du 17 novembre 2015 et celui 12.000,00 € en date du 30 juin 2015.

Cette volonté clairement exprimée par le de cujus doit donc conduire à infirmer le jugement qui a limité à 16 000 euros le montant de la donation rémunératoire opérant un calcul arbitraire d'une rémunération supplémentaire de 1 000 euros par mois dont M. [L] [A] aurait voulu faire profiter sa fille [Z] alors que cela ne ressort absolument pas de son écrit de novembre 2015. Ce faisant les premiers juges ont ajouté à la volonté exprimée par le de cujus.

Par suite le jugement sera infirmé de ce chef et il sera dit que la donation perçue par Mme [Z] [A] suite à la remise de deux chèques de 12.000,00 euros et 15.000,00 euros, soit 27.000,00 euros au total, a un caractère rémunératoire pour la totalité de la donation et se trouve donc dispensée de rapport.

Les peines du recel successoral réclamées par l'intimée ne sauraient être appliquées à ces sommes dès lors qu'elles sont dispensées de rapport.

En tout état de cause il ressort de la pièce 30-11 des appelants, que Mme [Z] [A] a dès l'ouverture de la succession informé Me [F], notaire chargé des opérations de liquidation et partage, de l'existence de ces deux chèques perçus par elle. Il n'y a donc eu aucune dissimulation coupable.

Sur l'appel incident portant sur des sommes retirées sur les comptes ouverts au nom de M. [L] [A]. grâce à une procuration établie au bénéfice de Mme [Z] [A]

Outre les chèques litigieux déjà évoqués, Mme [V] [W]-[A] soutient que certains retraits d'espèce ou chèques tirés sur les comptes bancaires du défunt entre 2013 et 2016, grâce notamment à la procuration accordée par leur père à sa fille [Z], n'ont pas été utilisés au bénéfice du défunt. Elle sollicite donc que les sommes dont il est établi le détournement, "sauf à parfaire", soient qualifiées de donations donnant lieu à rapport à la succession mais avec application de la peine du recel successoral, les détournements opérés étant venus rompre l'égalité enter les héritiers.

En première instance, Mme [W]-[A] faisait déjà état de l'existence des procurations bancaires sur les comptes du défunt établie au bénéfice de Mme [Z] [A] reprochant à celle-ci des détournements de fonds au préjudice de la succession pour un montant de 12.560 euros, "somme à parfaire en cas de découvertes ultérieures", dont elle demandait le rapport.

En appel, Mme [W]-[A] porte ses demandes à 68.372,91 euros ou à titre subsidiaire à 55 908,60 euros avec à chaque fois une demande pour partie de privations de droits sur les sommes en application des peines du recel successoral.

A titre infiniment subsidiaire elle réduit sa demande à 12 490 euros mais réclame la production par [Z] [A] d'un compte rendu de l'ensemble des opérations effectuées et de rapporter le montant des donations perçues par chèques.

Elle soutient au visa de l'article 1993 du code civil, que Mme [Z] [A] n'a jamais rendu compte de l'utilisation de la procuration qu'elle détenait sur les comptes ouverts de M. [L] [A], et par la même elle a dissimulé l'émission de chèques et de retraits opérés à son profit à partir entre 2013 et 2016 qui n'ont pu être mis en lumière que grâce à ses propres recherches.

Les appelants répliquent que leur père avait en effet confié procuration à Mme [Z] [A] tout en conservant le contrôle sur la gestion de ses comptes et placements et contestent tout abus et encore moins toute dissimulation, preuve étant qu'[Z] [A] a spontanément informé les co-héritiers des deux gratifications perçues par les chèques déjà évoqués.

Sur ce, ainsi que l'a rappelé le jugement, en application de l'article 1993 du code civil, le mandataire a l'obligation de rendre compte du mandat et de justifier tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, en particulier en matière successorale où l'héritier qui avait reçu procuration doit rendre compte de l'utilisation des fonds. Les juges du fond fixent souverainement, après déduction des dépenses estimées pour les besoins du défunt, le montant des retraits non justifiés.

Mme [V] [W]-[A] s'emploie dans ses conclusions à établir des tableaux à partir des relevés de comptes courant de la [17] sur lequel sa soeur détenait procuration, desquels il s'établit un total de chèques et retraits à hauteur de 60 147,56 euros pour la période de janvier 2013 au 6 avril 2016, outre les deux chèques de 12 000 et 15 000 euros déjà évoqués, et un chèque de 30.000 euros établi au profit de [B] [A].

Elle considère que sa soeur n'a pas justifié de son mandat en ne détaillant pas les motifs de ces chèques et retraits.

De l'examen de l'ensemble des pièces produites il s'établit que :

- nombre de chèques ont été émis en paiement de l'emploi d'[Z] [A]. (à titre d'exemple, un chèque [17] n° 441 de 880 euros émis le 4 décembre 2014 encaissé le 7 janvier 2015 (pièce 16-1), un chèque [17] de 700 euros n° 455 de 700 euros émis le 1er juin 2015 encaissé le 4 juin.

C'est par de justes motifs que les premiers juges ont affirmé qu'aucune intention frauduleuse ne peut résulter de la perception de ces salaires alors que la cause de leur versement, soit l'aide à domicile, n'est pas mise en doute, quand bien même Mme [W]-[A] émet des réserves sur la qualité de l'aide apportée.

- certains chèques ont été émis à l'occasion d'étrennes, deux chèques de 500 euros et un chèque de 100 euros en trois ans, dont les premiers juges ont pu avec justesse affirmer qu'ils devaient être qualifiées de présents d'usage échappant au régime du rapport.

- M. [L] [A] disposait d'une retraite de 2161,14 euros. Il a vécu durant la période faisant question (janvier 2013 à avril 2016) à son domicile, hormis une période de 3 mois en 2015 suite à un problème cardiaque et son entrée en Ehpad le 14 mars 2016.

Les sommes de 60 147 euros prélevées au cours de ces 39 mois avancée par l'intimée correspond à une dépense mensuelle de 1 542 euros qui reste en accord avec la capacité financière de M. [L] [A] dont l'insanité d'esprit n'est pas démontrée ni même avancée.

Par suite c'est par de justes motifs que la cour adopte, aucun élément en appel ne venant les remettre en cause, que les premiers juges ont pu affirmer que les retraits et chèques émis n'apparaissent pas disproportionnés par rapport aux besoins d'une personne âgée et qu'aucun élément n'établit que Mme [Z] [A] ait détourné ces liquidités pour son seul profit au détriment de l'entretien de son père, les nouveaux montants avancés par Mme [V] [W]-[A] ne venant pas contredire le constat effectué.

C'est par des motifs tout aussi pertinent qu'ils ont pu affirmer que les montants correspondant aux retraits au distributeur ne peuvent être qualifiés de donation rapportable alors qu'aucun élément ne permet de démontrer que Mme [Z] [A] ait reçu ces sommes à son profit à titre de don manuel.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée à l'encontre d'[Z] [A] de rapporter la somme de 12 560 euros et d'y voir appliquer les peines du recel successoral.

Y ajoutant, il y a lieu de rejeter les demandes de Mme [V] [W]-[A] portant désormais sur une somme 68.372,91 euros, avec application des peines du recel successoral pour un montant de 41.372,91 euros, ou à titre subsidiaire sur un montant de 55.908,60 euros, avec application des peines du recel successoral, sur un montant de 28.908,60 euros.

Elle sera déboutée de ses autres demandes qui ne sont pas chiffrées ou celles portant sur la production de chèques depuis 2013 qui n'apparaît pas en considération des éléments développés utile aux opérations de partage.

- Sur les demandes faites à M. [B] [A] :

Mme [V] [W]-[A] a sollicité que le recel successoral soit retenu à l'encontre de M. [B] [A] pour un montant total de 31.500,00€ se décomposant comme suit :

- Chèque de 30.000,00 € en date du 12 août 2013 (date incertaine s'agissant du jour et du mois)

- Chèque de 1.000,00 € en date du 9 octobre 2015

- Chèque de 500,00 € en date du 5 janvier 2014.

Le tribunal, après avoir considéré que les sommes de 1 000 euros et 500 euros étaient des présents d'usage (étrennes et cadeau d'anniversaire), non rapportables, a considéré que la somme de 30.000,00 euros donnée par chèque par M. [L] [A] à son fils revêtait le caractère de donation rapportable et lui a appliqué les peines du recel faute pour lui de l'avoir déclaré à la succession.

L'appelant soutient que doit être qualifiée de donation rémunératoire la somme de 30.000 euros reçue par M. [B] [A] pour avoir apporté son soutien à son père notamment par de nombreuses visites pendant près de trente ans et conteste tout recel successoral dès lors que l'absence de révélation de cette somme lors des opérations de liquidation, qu'il ne nie pas, ne suffit pas à caractériser l'intention frauduleuse. M. [A] affirme qu'il avait en effet simplement omis de la signaler et n'avait pas l'intention de tromper ses co-héritiers.

Mme [V] [W]-[A] conclut à la confirmation du jugement.

C'est avec justesse que les premiers juges ont considéré que s'agissant du chèque de 30 000 euros établi le 24 (mois illisible) 2013, les attestations produites n'établissent pas une assistance de M. [B] [A] excédant les exigences de la piété filiale engendrant un appauvrissement du défendeur et un enrichissement corrélatif du défunt. Ils ont pu valablement affirmer au vu des témoignages produits que "même si son dévouement au côté de sa soeur [Z] n'est pas contesté et qu'il résulte (de ces attestations) une présence quotidienne de son fils pour les aspects matériels, l'intention libérale du de cujus résulte de l'importance de la gratification litigieuse et de l'absence de contrepartie à la remise des fonds".

Les mêmes motifs conduisent à écarter l'existence d'un enrichissement sans cause.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a écarté la qualification de donation rémunératoire pour le chèque en litige.

C'est par ailleurs par d'exacts motifs que la cour fait siens, les débats en cause d'appel ne les ayant pas remis en cause, que les premiers juges ont appliqué les sanctions du recel à cette donation en relevant que M. [B] [A], a omis de déclarer la perception de ce chèque au notaire charge du règlement de la succession qui a pu être révélée grâce aux investigations menées par Mme [V] [W]-[A].

Cela résulte notamment du courriel de son notaire Maitre [O] à Maitre [F] chargé de la succession.

Le mutisme de M. [B] [A] doit être considérée comme une volonté de dissimulation qui caractérise une intention de porter atteinte à l'égalité des héritiers dans le partage, dès lors que cette omission permettait de soustraire des opérations liquidatives la donation.

Le jugement est confirmé.

- Sur la valeur vénale de l'immeuble situé à [Localité 13] :

Les appelants critiquent la valeur de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 13] telle que retenue à 132 000 euros par le premier juge, soutenant que ce montant excède sa valeur réelle. Ils demandent à ce que le bien soit estimé à 90 000 euros, arguant notamment de son mauvais état.

Mais, ainsi que le souligne l'intimée, il est constant que les parties ont convenu lors de la première réunion contradictoire chez le Notaire, de mandater le service foncier de cette Etude aux fins d'évaluations du bien. Le rapport d'évaluation a été rendu le 22 février 2018 et a déterminé une valeur vénale comprise entre 140 000 € et 150 000 €.

M. [B] [A] qui contestait cette évaluation, a fait réaliser une nouvelle estimation par l'agence immobilière [18], laquelle sur la base de trois méthodes d'évaluation (comparative, additionnelle et concurrentiel de marché) a retenu une valeur comprise dans une fourchette de 153 000 € à 159 000 €.

Mme [V] [W]-[A] a de son côté fait intervenir la Bourse de l'immobilier qui a chiffré une valeur comprise entre 150 000 € et 160 000 €.

C'est donc avec justesse que les premiers juges, en considération des divers avis de valeurs produits, a fixé à 130 000 euros la valeur de l'immeuble en litige, que l'intimée entend voir retenir.

Le jugement est confirmé.

- Sur l'indemnité d'occupation :

Mme [V] [W]-[A] soutient que M. [B] [A] est redevable d'une indemnité d'occupation pour l'usage de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 13] au motif qu'ayant changé le barillet de sa porte d'entrée, il s'en est arrogé la jouissance exclusive. Elle demande qu'un expert soit désigné pour que soit effectuée une estimation locative du bien.

Les appelants contestent que M. [B] [A] soit redevable d'une quelconque indemnité en faisant valoir que ce dernier n'a jamais occupé le bien, qu'ils ont tous deux remis spontanément les clés du bien au notaire qui les a donnés à Mme [V] [W]-[A] laquelle sans les avertir, s'est rendue sur les lieux et a renversé du mobilier et des effets personnels de leur père tout en cassant la serrure et qu'il a donc fallu changé le barillet de la porte afin de sécuriser l'immeuble, et ce dans l'intérêt de la succession.

Aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que les premiers juges ont rejeté la demande en fixation d'une indemnité d'occupation à la charge de [B] [A] en considérant que si le changement de barillet n'est pas contesté, il n'est pas pour autant établi que ce faisant M. [B] [A] ait usé exclusivement de l'immeuble désigné.

Si la détention des clés permettant d'accéder au bien par un indivisaire, sans nécessairement en user, peut être en effet assimilée à une occupation effective dans la mesure où elle empêche les autres indivisaires d'accéder au bien, dès lors qu'en l'espèce il n'est pas démontré par Mme [V] [W]-[A] qu'elle est empêchée de se rendre dans l'immeuble successoral, il ne saurait être fait application des dispositions de l'article 815-9 du code civil.

Le jugement est confirmé de ce chef.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il convient de confirmer le jugement qui a dit que les dépens de première instance seraient employés en frais privilégiés de partage et n'a pas fait droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, les dépens seront partagés par moitié entre Mme [Z] [A] et M. [B] [A] d'une part et Mme [V] [W]-[A] d'autre part , sans qu'il ne soit fait droit aux demandes exprimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette l'exception d'irrecevabilité pour demandes nouvelles opposée par Mme [Z] [A] et M. [B] [A] à Mme [V] [W]-[A] ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bordeaux sauf en ce qu'il a dit que la donation perçue par Mme [Z] [A] suite à la remise de deux chèques de 12.000 euros et 15.000 euros a un caractère rémunératoire dans la limite de 16.000 euros ;

Statuant à nouveau,

Dit que la donation perçue par Mme [Z] [A] suite à la remise de deux chèques de 12.000,00 euros et 15.000,00 euros, soit 27.000,00 euros au total, a un caractère rémunératoire pour la totalité de la donation et la dispense donc de rapport ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ;

Partage les dépens d'appel par moitié entre Mme [Z] [A] et M. [B] [A] d'une part et Mme [V] [W]-[A] d'autre part ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 21/02059
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.02059 ?
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