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20/06/2024 | FRANCE | N°24/00143

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 20 juin 2024, 24/00143


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00143 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N2OM





ORDONNANCE









Le VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 19 H 30



Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur [B]

[T], représentant du Préfet de La Gironde,



En présence de Monsieur [M] [E] [K], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, i...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00143 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N2OM

ORDONNANCE

Le VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 19 H 30

Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [B] [T], représentant du Préfet de La Gironde,

En présence de Monsieur [M] [E] [K], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,

En présence de Monsieur [I] [R], né le 19 Janvier 2003 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, et de son conseil Maître Barbara DUFRAISSE,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [I] [R], né le 19 Janvier 2003 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 29 avril 2023 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 19 juin 2024 à 15h41 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [I] [R], pour une durée de 30 jours suuplémentaires,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [I] [R],

né le 19 Janvier 2003 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, le 20 juin 2024 à 12h17,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Barbara DUFRAISSE, conseil de Monsieur [I] [R], ainsi que les observations de Madame [Z] [A], représentant de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [I] [R] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 20 juin 2024 à 19h30,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

PROCÉDURE

Il y a lieu de se référer à l'ordonnance de la cour d'appel du 24 mai 2024 concernant la procédure, laquelle a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention le 22 mai 2024 du tribunal judiciaire de Bordeaux qui a autorisé la rétention de Monsieur [I] [R], né le 19 janvier 2003 à [Localité 1], en Tunisie, de nationalité tunisienne.

Suite à la requête de l'autorité préfectorale en date du 18 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux par une ordonnance en date du 19 juin 2024 à 15h41 a autorisé le maintien en rétention administrative de Monsieur [R] pour une durée maximale de 30 jours.

L'intéressé par le biais de son conseil a interjeté appel le 20 juin 2024 à 12h17. L'appel est dûment accompagné d'un mémoire dont il convient de se référer pour plus amples renseignements. En substance, il est sollicité outre l'octroi de frais irrépétibles à hauteur de 1000 € et l'aide juridictionnelle provisoire à Monsieur [R], la remise en liberté du retenu en raison de l'absence de perspectives d'éloignement. Une seule relance a été effectuée par l'autorité préfectorale et aucune réponse des autorités consulaires tunisiennes.

À l'audience de la cour, Monsieur [R] a accepté de répondre aux questions. Il a indiqué avoir quitté la Tunisie à l'âge de 17 ans pour se rendre en France en passant par l'Italie. Il est parti sur une petite embarcation. Il a vécu 10 jours en Italie puis est arrivé en France par le train et par le bus. À son arrivée, il a été suivi par une association car il était mineur. N'étant pas mature, il a eu de mauvaises fréquentations et reconnaît avoir violé la loi. Il a expliqué être sans document tunisien car il a quitté la Tunisie en étant mineur, sans passer par la voie légale. Il faut qu'un adulte dépose une garantie concernant un mineur pour qu'il puisse voyager. Ce qui n'a pas été le cas. Il indique être le petit ami de Madame [W] [Y] depuis début 2023 et vivre avec elle depuis octobre 2023.

MOTIVATION

- Sur la recevabilité de l'appel

La déclaration d'appel régulièrement motivée a été formée dans le délai légal, elle est donc recevable.

- Sur les perspectives d'éloignement et les diligences de l'autorité préfectorale

Il résulte des dispositions de l'article L 742-4 du CESEDA qu'un étranger ne ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ.

Il résulte de ce texte que le placement ou le maintien en rétention d'étrangers faisant l'objet d'une mesure ordonnant leur éloignement du territoire français ne saurait, sans méconnaître l'objet assigné par la loi à la mise en rétention, être décidé par l'autorité administrative lorsque les perspectives d'éloignement effectives du territoire à brève échéance sont inexistantes.

Le conseil constitutionnel a par ailleurs dans une décision en date du 20 novembre 2003 indiqué que : « l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment, la prolongation du maintien en rétention lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ».

La seule exigence du CESEDA, au visa de l'article L 742-1 porte sur la saisine rapide des autorités consulaires. Il a été jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, pourvoi du 9 juin 2010, que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse et qu'il n'y a pas lieu de vérifier les diligences éventuelles postérieures à la saisine du consulat.

La seconde prolongation de la rétention administrative d'une personne est régie par les conditions particulières de l'article L 742'4 du CESEDA.

Il résulte de ce texte, que la seconde demande de maintien en rétention peut intervenir pour quatre motifs, un seul d'entre eux étant suffisant pour justifier la mesure :

1 - l'urgence absolue,

2 - la menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,

3 - l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement imputable à l' étranger, en raison notamment de la perte ou de la destruction des documents de voyage, la dissimulation d'identité ou d'une obstruction volontaire volontaire, étant précisé que l'absence de documents de voyage est assimilée à la perte de ce document.

4 - le retard non imputable à l'administration, tel le défaut de délivrance de documents de voyage par le consulat et l'absence de moyens de transport susceptible d'être surmonté à bref délai ou la délivrance de documents de voyage trop tardive malgré les diligences de l'administration pour pouvoir procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement dans le délai de 30 jours.

Dès lors, le maintien en rétention ne ce conçoit que s'il existe des perspectives d'éloignement et il convient de se demander non seulement si la préfecture a effectué les démarches nécessaires mais également si les diligences ont une chance d'aboutir dans la durée légale de la rétention.

En l'espèce, il n'est pas contestable que l'autorité préfectorale a effectué les démarches nécessaires auprès des autorités consulaires tunisiennes car depuis le 20 mai 2024 une demande de laissez-passer consulaire a été effectuée avec en pièces jointes : une photo identité , les empreintes de l'intéressé, l'OQTF et son PV d'audition . Cette demande a fait l'objet d'une relance le 12 juin 2024 par mail à l'attention du consulat de Tunisie.

L'autorité préfectorale sur laquelle repose la charge de la preuve des perspectives raisonnables d'éloignement pendant la durée de la rétention ne peut en la cause produire aucun document émanant des autorités consulaires tunisiennes faisant état de la prise en compte de la demande ainsi que de son étude.

S'agissant d'une demande touchant à la seconde prolongation, l'autorité judiciaire se doit de faire une application stricte des textes. Si les diligences de l'autorité préfectorale ne peuvent être remises en cause, en revanche elle ne peut établir en l'absence de toute correspondance émanant des autorités consulaires tunisiennes , qu' un laissez-passer consulaire sera octroyé dans le délai de 30 jours, ce d'autant plus que Monsieur [R] a quitté la Tunisie alors qu'il était mineur et qu'il n'a pas été signalisé.

- Sur les frais irrépétibles et l'aide juridictionnelle provisoire

Au visa de l'article 700 du NCPC, les juges ont un pouvoir souverain d'appréciation de la condition d'équité.

L'application de l'article 700 relève du pouvoir souverain du juge et ce pouvoir est exclusif de l'exigence de motivation.

Il y a lieu d'indiquer que chaque partie conservera à ses frais les dépenses engagées par elle.

En revanche, il y a lieu d'accorder à Monsieur [R] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dont distraction profit de son conseil.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique et en dernier ressort ;

Déclare l'appel recevable en la forme et bien-fondé ;

Accorde à Monsieur [I] [R] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dont distraction au profit de Me Barbara DUFRAISSE ;

Infirme l'ordonnance du juge des libertés la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du juin 2024 à 15h41 en toutes ses dispositions ;

Ordonne la remise en liberté de Monsieur [I] [R] lequel doit quitter le territoire français dans les meilleurs délais ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00143
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;24.00143 ?
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