COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 20 JUIN 2024
N° RG 23/04755 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NPEB
Monsieur [F] [K]
Madame [Z] [U] [K]
c/
Société FONDS COMMUN DE TITRISATION ORNUS AYANT POUR SOCIÉ TÉ DE GESTION LA SOCIÉTÉ EUROTITRISATION
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 octobre 2023 (R.G. 23/00378) par le Juge de l'exécution d'ANGOULÊME suivant déclaration d'appel du 19 octobre 2023
APPELANTS :
[F] [K]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 4]
[Z] [U] [K]
née le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 6]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 8]
Représentés par Me Benoît GAGNADOUR, avocat au barreau de CHARENTE
Assisté par Me Cristine VANNIER, avocate au barreau de LIMOGES
INTIMÉE :
Société FONDS COMMUN DE TITRISATION ORNUS
ayant pour société de gestion la société EUROTITRISATION,
société anonyme au capital de 712 728 €, immatriculée au RCS de BOBIGNY, sous le n° 352 458 368, dont le siège social est [Adresse 2], et représentée par son recouvreur la société MCS ET ASSOCIÉS, société par actions simplifiée au capital social de 12.922.642,84 €, immatriculée au RCS de Paris sous le n° B 334 537 206, ayant son siège social à [Adresse 7], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dûment habilité, domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la BANQUE TARNEAUD, en vertu d'un bordereau de
cession de créance du 19 avril 2021, soumis aux dispositions du Code Monétaire et Financier
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Marie-christine RIBEIRO de la SELARL CMC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
Assistée par Me Anne-Marie FREZOULS, de la SCP BEAUMONT-FREZOULS, avocate au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [F] [K] et Madame [Z] [M], épouse [K], ont été condamnés solidairement en qualité de cautions de l'Eurl Chênes du Centre, par jugement du tribunal de Limoges en date du 27 juin 2005, à payer à la banque Tarneaud une somme de 78 000 euros, avec les intérêts de retard à compter du 21 avril 2004.
Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Limoges en date du 14 septembre 2006.
Les consorts [K] ont fait l'objet de poursuites immobilières de la part de la banque Tarneaud.
Le 19 avril 2021, la banque Tarneaud a cédé sa créance au fonds commun de titrisation Ornus, ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation, représentée par son recouvreur, la société Mcs et associés.
Le 31 mai 2021, le recouvreur précité a adressé, tant à M. [K] qu'à Mme [K], une lettre recommandée avec accusé de réception pour les aviser de la cession de créance et de la désignation de la société Mcs et associés, es qualités de recouvreur du fonds commun de titrisation (FCT) Ornus.
M. [K] a bien retiré sa lettre le 6 juin 2021, mais celle de Mme [K] a été retournée avec la mention 'inconnu à l'adresse indiquée'. Une nouvelle lettre a été alors envoyée le 16 novembre 2021 à chaque débiteur, et chacune a été retirée le 19 novembre 2021.
Le FCT Ornus a fait pratiquer le 1er septembre 2022 une saisie des droits incorporels portant sur les parts sociales appartenant aux consorts [K] dans le capital de la Sas Scierie de Biarges, et une saisie-attribution sur le compte courant d'associés dans les livres de la même société. Le FCT Ornus a pris un nantissement provisoire sur les parts sociales.
Les consorts [K] ont saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême et le FCT Ornus a donné mainlevée des saisies, en raison d'une nullité de l'acte de saisie rédigé par le commissaire de justice instrumentaire.
Le 11 janvier 2023, le FCT Ornus a fait pratiquer une seconde saisie des comptes courants d'associés ainsi que des parts sociales.
Par acte du 13 février 2023, les consorts [K] ont assigné le FCT Ornus devant le tribunal judiciaire d'Angoulême aux fins de dire que la saisie des droits incorporels et des comptes courants d'associés en date du 11 janvier 2023 était entachée de nullité.
Par jugement du 2 octobre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême a :
- débouté M. et Mme [K] de leurs demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,
- condamné les consorts [K] aux dépens,
- rappelé le caractère exécutoire de droit du présent jugement.
Les consorts [K] ont relevé appel de l'ensemble des dispositions du jugement le 19 octobre 2023, sauf celles concernant l'exécution provisoire.
L'ordonnance du 23 novembre 2023 a fixé l'affaire à l'audience des plaidoiries du 7 mai 2024, avec clôture de la procédure à la date du 23 avril 2024.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 24 décembre 2023, les consorts [K] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1323 et 1324 du code civil, L.231-1 et R.232-5 du code des procédures civiles d'exécution, L.313-23, D.214-227 et L.214-619 du code monétaire et financier, de :
- juger recevable et bien fondé leur appel,
- réformer le jugement dont appel,
statuant à nouveau,
- les dire et juger recevables et bien fondés en leurs demandes,
- dire que la saisie de droits incorporels, dressée par acte du ministère de la Scp Chany & Merceron en date du 11 janvier 2023 et portant sur les actions appartenant aux consorts [K] dans le capital de la Sas Scierie de Biarges et dénoncée aux débiteurs par exploit du même huissier et à même date, à la demande du fonds commun de titrisation Ornus est entachée de nullité,
- dire que la saisie-attribution de compte courant d'associé dans les livres de la Sas Scierie de Biarges, dressé par acte du ministère de la Scp Chany & Merceron en date du 11 janvier 2023 et dénoncée aux débiteurs par exploit du même huissier et à même date, à la demande du fonds commun de titrisation Ornus, est entachée de nullité,
- condamner le fonds commun de titrisation Ornus à des dommages-intérêts à hauteur de 4 000 euros à leur profit pour exécution forcée abusive,
- condamner le fonds commun de titrisation Ornus au paiement d'une somme de 2 000 euros à leur profit en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le fonds commun de titrisation Ornus en tous dépens, y compris de première instance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2024, le FCT Ornus demande à la cour de :
- déclarer les consorts [K] mal fondés en leur appel,
en conséquence,
- les en débouter,
- confirmer le jugement entrepris,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner in solidum en tous les dépens, y compris de première instance.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
L'affaire a été appelée à l'audience du 7 mai 2024 et mise en délibéré au 20 juin 2024.
MOTIFS :
Sur le défaut de qualité du fonds commun de titrisation Ornus,
Pour s'opposer aux mesures d'exécution diligentées à leur encontre, les consorts [K] font tout d'abord valoir que le fonds commun de titrisation Ornus n'a pas qualité à agir, dans la mesure où il leur est totalement inconnu, puisque les titres exécutoires qui fondent les saisies appartiennent à la banque Tarneaud. De plus, ils indiquent que si les actes de saisies font état de ce que le FCT Ornus viendrait aux droits de cette banque, en vertu d'un bordereau de cession de créance, cette cession de créance n'a jamais été notifiée à Mme [K], dès lors que le courrier recommandé en date du 31 mai 2021 est revenu au destinataire, et que celui adressé à M. [K] l'a été à la mauvaise adresse. Selon eux, la circonstance que l'accusé de réception soit parvenu à l'expéditeur s'explique certainement par la proximité des prénoms, car l'adresse mentionnée sur la lettre est celle du père, nommé M. [D] [K],
A ce titre, l'article L214-169 V 2°du code monétaire et financier dispose que lorsque la cession de créance est faite par bordereau mentionné au 1°, l'acquisition ou la cession de créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autres formalités, et ce, quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs.
Or, en l'espèce, il ressort de l'acte intervenu le 19 avril 2021 qu'une cession de créance conforme aux dispositions susvisées est intervenue entre la banque Tarneaud et le fonds commun de titrisation Ornus, dans laquelle était incluse la créance litigieuse liant cette même banque à l'Eurl Chênes du centre et pour laquelle les consorts [K] se sont portés caution solidaire.
Dans une telle hypothèse, l'article 1324 du code civil prévoit que la cession n'est opposable au débiteur, s'il n'y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s'il en a pris acte. Le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions à la dette, telle que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation des dettes non connexes'.
Or, il appert en l'espèce que ladite cession de créance a régulièrement été notifiée aux cautions, d'abord par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 31 mai 2021, retirée le 6 juin 2021 par M. [F] [K] et par contre revenue, pour ce qui est de Mme [Z] [U] [K], avec la mention 'inconnue à l'adresse indiquée'.
C'est pourquoi, le 16 novembre 2021, la société MCS et associés, agissant en qualité de recouvreur du Fonds commun de titrisation Ornus, ayant pour société de gestion Eurotitrisation, a adressé une nouvelle lettre recommandée aux consorts [K] qui a été retirée par ces derniers le 19 novembre 2021.
Dans ces conditions, la cession de créances ayant été régulièrement notifiée aux consorts [K], ceux-ci ne peuvent valablement arguer de ce que le Fonds commun de titrisation Ornus n'avait pas qualité à agir à leur encontre.
Sur l'opposabilité de la cession de créance aux débiteurs,
En outre, les appelants indiquent que le titre exécutoire visé dans les actes signifiés le 11 janvier 2022, à savoir le jugement du 27 juin 2005 du tribunal de commerce de Limoges et l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 14 septembre 2006, les concernent, mais pas la société Chênes du Centre. Ils en déduisent que la créance en cause les intéresse personnellement, indépendamment du fait qu'ils aient été recherchés en leur qualité de caution solidaire de l'Eurl précitée.
Or, a contrario, ils soulignent que le bordereau de remise joint à l'acte de cession mentionne l'Eurl Chênes du Centre, en qualité de débiteur principal, de sorte que ce bordereau ne contient donc pas les énonciations exigées par les dispositions de l'article D214-227 du code monétaire et financier, ce qui entraîne l'invalidité de sa remise et son inopposabilité aux tiers. Dans ces conditions, ils en déduisent que la voie d'exécution engagée par le cessionnaire de la créance est entachée de nullité.
Un tel moyen ne pourra qu'être écarté, dès lors que la cession de créance contestée comporte bien le nom du débiteur, conformément à l'article D214-227 du code monétaire et financier, à savoir L'EURL Chênes du centre.
En outre, il ressort des dispositions de l'article L214-169 V 3° du code de monétaire et financier que la remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés des garanties et autres accessoires attachés à la créance, de sorte qu'en l'espèce a été transféré, en même temps que la créance principale, les actes de cautionnement.
Par conséquent, la cession de la créance principale contre l'Eurl Chênes du centre, qui bénéficie d'un cautionnement qui a donné lieu au jugement de condamnation des consorts [K], ès qualités de caution, en date du 27 juin 2005, puis à l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 14 septembre 2006, a bien été notifiée aux appelants par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 19 novembre 2021.
Il en résulte que ladite cession de créances est parfaitement opposable aux consorts [K].
Sur le caractère liquide de la créance,
Les appelants considèrent enfin que la créance alléguée par le fonds commun de titrisation Ornus n'est pas liquide. Pour ce faire, ils exposent qu'une vente constatée par un jugement d'adjudication en date du 12 juin 2017 a eu lieu' à la suite d'une saisie immobilière, pour un montant de 25 000 euros, qui vient s'imputer sur la créance initiale de 78 000 euros majorée des intérêts légaux. Or les consorts [K] indiquent qu'ils n'ont jamais été destinataires, avant l'acte du 11 janvier 2023, d'une actualisation de la créance contenant le principal initial, déduction faite du prix d'adjudication. La créance invoquée par le FCT Ornus n'est donc pas liquide en ce que son montant est contesté.
Toutefois, il ressort des décomptes joints aux actes de saisie contestés que les sommes réclamées sont parfaitement justifiées à hauteur de 53 330, 19 euros et qu'elles prennent en considération non seulement le prix d'adjudication et les règlements d'ores et déjà intervenus, mais également les frais de frais de procédure. Par conséquent, la créance telle que visée dans les actes de saisie litigieux est parfaitement liquide.
Sur le défaut d'avertissement préalable,
Si les consorts [K] ne contestent pas leur engagement de caution et reconnaissent avoir été solidairement condamnés en cette qualité par le tribunal de commerce de Limoges le 27 juin 2005 et par l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 14 septembre 2006, ils indiquent toutefois qu'ils n'ont pas reçu, en amont des voies d'exécution, les informations relatives à leur qualité de créancier du FCT Ornus, ni le montant de la créance actualisée. Ils exposent également qu'ils n'ont pas davantage reçu de commandement de payer ou d'autre avertissement préalable. Ils en déduisent que les mesures d'exécution opérées paraissent donc abusives et disproportionnées, et encourent en cela la nullité.
Toutefois, les moyens ainsi invoqués ne sont pas pertinents, puisque les consorts [K] étaient représentés lors de la procédure devant le tribunal de commerce, puis devant la cour d'appel de Limoges, en sorte qu'ils ont donc eu parfaitement connaissance, tant de l'existence de la créance que de son montant. Ils ont par la suite été informés, par lettre recommandée avec accusé de réception, de la cession de créance et du montant restant à régler. En outre, aucune exigence légale n'impose la délivrance d'un commandement de payer avant toute poursuite d'exécution, sauf si le créancier entend procéder par voie de saisie-vente.
Enfin, au regard des sommes restant à régler, les mesures d'exécution critiquées ne sont pas disproportionnées.
Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a considéré comme valables :
- la saisie de droits incorporels, dressée par acte du ministère de la Scp Chany & Merceron en date du 11 janvier 2023 et portant sur les actions appartenant aux consorts [K] dans le capital de la Sas Scierie de Biarges et dénoncée aux débiteurs par exploit du même huissier et à même date, à la demande du fonds commun de titrisation Ornus est entachée de nullité,
- la saisie-attribution de compte courant d'associé dans les livres de la Sas Scierie de Biarges, dressé par acte du ministère de la Scp Chany & Merceron en date du 11 janvier 2023 et dénoncée aux débiteurs par exploit du même huissier et à même date, à la demande du fonds commun de titrisation Ornus.
Sur les autres demandes,
Compte-tenu du caractère parfaitement justifié des mesures d'exécution en cause, la demande indemnitaire des consorts [K] pour procédure abusive ne pourra prospérer.
Il ne paraît pas inéquitable enfin de condamner les consorts [K], qui succombent en cause d'appel, à payer au fonds commun de titrisation Ornus, ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation, représenté par son recouvreur la société Mcs et associés la somme de 2000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, y compris ceux de première instance.
Les consorts [K] seront pour leur part déboutés de leurs demandes formées ces titres.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [F] [K] et Mme [Z], [U] [K] à payer au fonds commun de titrisation Ornus, ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation, représenté par son recouvreur la société Mcs et associés la somme de 2000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [F] [K] et Mme [Z], [U] [K] aux entiers dépens de la procédure, compris ceux de première instance,
Déboute M. [F] [K] et Mme [Z], [U] [K] de leurs demandes formées à ces titres.
La présente décision a été signée par Monsieur Jacques BOUDY, président, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT