CHAMBRE SOCIALE
section B
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Société LA POSTE
C/
[L] [F]
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N° RG 23/03634 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NMAT
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DU 20 JUIN 2024
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O R D O N N A N C E
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Nous,Marie-Paule Menu, présidente chargée de la mise en état de la chambre sociale section B de la Cour d'appel de Bordeaux, assistée de Sylvaine Déchamps, greffière,
Avons ce jour, le 20 juin 2024 dans l'affaire opposant :
Société LA POSTE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
Représentée par Me Odile FRANKHAUSER de la SELAS ERNST & YOUNG SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
Demandeur à l'incident,
Appelante d'un jugement rendu le 30 juin 2023 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 26 juillet 2023,
à :
Monsieur [L] [F]
né le 17 Février 1974
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX
Defendeur à l'incident,
Intimé,
rendu l'ordonnance contradictoire suivante après que l'incident a été débattu devant Nous, à l'audience de mise en état en date du en audience publique ;
EXPOSE DU LITIGE
Suivant jugement du 30 juin 2023, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :
- dit le droit de retrait de M. [L] [F] justifié,
- condamné en conséquence La Poste au paiement des salaires retenus entre le 18 mars et le 18 avril 2020, à hauteur de la somme de 944,85 euros brut,
- débouté M. [F] de sa demande d'astreinte et de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- condamné La Poste au paiement d'une indemnité à hauteur de la
somme de 300 euros au titre du non-respect des dispositions de
l'article L.4121-1 et suivants du code du travail ayant entraîné une perturbation dans les conditions d'existence du salarié,
- condamné La Poste au paiement de la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné La Poste aux entiers dépens.
La Poste en a relevé appel par une déclaration du 26 juillet 2023, dans ses dispositions qui jugent le droit de retrait justifié et qui la condamnent à régler à ce titre 944,85 euros brut à titre de paiement des salaires retenus, 300 euros au titre d'une indemnité pour non-respect des dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail, 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens.
La Poste a adressé des conclusions d'appelant par le réseau privé virtuel des avocats le 25 octobre 2023.
M. [F] a adressé des conclusions d'intimé en entendant former appel incident par le réseau privé virtuel des avocats le 19 janvier 2024.
Par conclusions d'incident transmises par voie électronique le 20 février 2024, La Poste a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir juger caduc l'appel incident formé par M .[F].
La Poste fait valoir en substance que le salarié, qui avait sollicité en première instance sa condamnation à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour troubles dans les conditions d'existence, auquel le conseil de prud'hommes a alloué la somme de 300 euros et qui demande dans ses conclusions du 18 janvier 2024 à la cour de « confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accueilli la demande indemnitaire au titre de la réparation de ses préjudices annexes et de porter à la somme de 1 500 euros les dommages et intérêts en réparation de ces préjudices », ne demande dans le dispositif desdites conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche la réformation, ni l'annulation du jugement, de sorte que son appel, en l'absence de conclusions conformes déposées dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile, est caduc.
Par conclusions d'incident transmises par voie électronique
le 04 mars 2024, M. [F] demande au conseiller de la mise en état de rejeter la demande de caducité et de juger son appel incident recevable.
M. [F] fait valoir en substance que si les conclusions visent la confirmation du jugement en son principe de la décision rendue au plan indemnitaire elles demandent simultanément à la cour de porter à la somme de 1 500 euros le montant des dommages et intérêts, de sorte qu'il s'agit d'une demande de confirmation dans son principe et d'infirmation dans son quantum.
L'incident a été fixé à l'audience du 17 mai 2024, pour être plaidé.
MOTIFS DE LA DECISION
En vertu de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
En vertu de l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou provoqué.
Dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire et, en vertu de l'article 910-1, les conclusions exigées par les articles 905-2, 908 à 910 sont celles régulièrement déposées et signifiées ou notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige.
L'article 954 énonce ainsi que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation et comprendre distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
L'appel incident d'un intimé n'est pas différent de l'appel principal par sa nature et son objet (2 eme Civ., 01 juillet 2021, pourvoi n°20-10.694).
Il en résulte que dans le dispositif de ses conclusions, l'appelant, qu'il soit principal ou intimé, doit déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel en considération des prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile et que les conclusions ne comportant aucune prétention tendant à l'infirmation ou à la réformation du jugement attaqué, ne déterminent pas l'objet du litige et ne constituent pas un appel incident valable.
A défaut pour l'appelant de prendre, dans le délai, des conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (2 eme Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n°18-23.626), sauf faculté qui lui est reconnue de relever la caducité de l'appel (2 eme Civ, 09 septembre 2021, pourvoi n°20-17.263).
En l'espèce, M. [F] a déposé ses conclusions le 19 janvier 2024, comportant le dispositif suivant :
« Dire et juger M. [F] recevable et bien fondé en son appel,
Confirmer le jugement en ce que le droit de retrait a été considéré légitime,
Confirmer le jugement en ce qu'il a en conséquence condamné La Poste à verser au salarié la somme de 944,85 euros à titre de rappel de salaire,
Confirmer le jugement en ce qu'il a accueilli en son principe la demande indemnitaire formulée par le salarié au titre de la réparation de ses préjudices annexes,
Porter à la somme de 1 500 euros les dommages et intérêts en réparation de ces préjudices,
Condamner La Poste à verser au salarié la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 CPC outre les dépens, En conséquence condamner La Poste à verser à M. [F] les sommes de suivantes :
944,85 euros à titre de rappel de salaire
1 500 euros de dommages et intérêts
3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner l'appelant aux dépens et aux éventuels frais d'exécution ».
Il en ressort que si le dispositif des conclusions d'appel incident prises dans le délai prévu par l'article 909 comporte une demande de confirmation du jugement en ce que ce dernier a accueilli en son principe la demande indemnitaire formulée par le salarié au titre de la réparation de ses préjudices annexes, la demande visant à « porter à la somme de 1 500 euros » le montant des dommages et intérêts alloués à ce titre à une somme supérieure à celle accordée par le jugement de première instance ne permet pas de relever l'existence d'une prétention préalable tendant à l'infirmation ou à la réformation du jugement déféré sur ce point, en conséquence d'un appel incident valable.
M. [F], qui succombe, doit supporter les dépens de l'incident.
PAR CES MOTIFS
Par décision susceptible de déféré dans les quinze jours de son prononcé dans les conditions de l'article 916 du code de procédure civile,
Constate la caducité de l'appel incident interjeté par M. [F];
Condamne M. [F] aux dépens de l'incident.
Signée par Marie-Paule Menu, présidente chargée de la mise en état et
par S. Déchamps, greffière.
S. Déchamps M.P. Menu