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20/06/2024 | FRANCE | N°22/05879

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 20 juin 2024, 22/05879


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 20 JUIN 2024





BAUX RURAUX



N° RG 22/05879 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-NBK5

















E.A.R.L. DES LOGES en liquidation

SCP [B] [R] es qualités de mandataire liquidateur



c/

Monsieur [L] [F]

Madame [S] [F]









Nature de la décision : AU FOND


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Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,







Grosse délivrée le :



à :

...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 20 JUIN 2024

BAUX RURAUX

N° RG 22/05879 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-NBK5

E.A.R.L. DES LOGES en liquidation

SCP [B] [R] es qualités de mandataire liquidateur

c/

Monsieur [L] [F]

Madame [S] [F]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 novembre 2022 (R.G. n°) par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Périgueux, suivant déclaration d'appel du 25 décembre 2022.

APPELANTE :

E.A.R.L. DES LOGES en liquidation judiciaire

SCP [I] es qualité de mandataire liuqidateur de l'EURL DES LOGES prise en la personne de son représentant légal domicilié [Adresse 1]

représentée par Me Marie-Pierre BOUTOT, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉS :

Monsieur [L] [F]

né le 09 Septembre 1946 à [Localité 4] ( [Localité 4])

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

Madame [S] [F]

née le 27 Décembre 1980 à [Localité 7]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentées par Me Gérald GRAND, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 avril 2024 en audience publique, devant Monsieur Eric Veyssière, président chargé d'instruire l'affaire, et madame Valérie Collet, conseillère qui ont retenu l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

Grefffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCÉDURE

Le 1er janvier 2012, M. [L] [F] 'propriétaire et usufruitier, avec l'accord de Mme [P] [F] et de Mme [S] [F]' a concédé à l'EARL des Loges, représentée par son gérant M. [M] [E], un bail rural, pour une durée de 9 ans renouvelable, portant sur diverses parcelles de terres labourables et de prairies, d'une superficie de 49ha 47a et 52ca ainsi qu'une grange et un hangar, le tout situé sur les communes de [Localité 7] et [Localité 3], et moyennant le paiement d'un fermage de 6 013,76 euros pour les terres et de 608,95 euros pour le bâti soit un total de 6 622,71 euros par an.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 mars 2018, M. [F] a mis l'EARL des Loges en demeure d'avoir à lui payer, dans un délai de trois mois, la somme de 24 920,48 euros correspondant aux fermages des années 2015, 2016 et 2017.

Le 29 mars 2019, M. [F], par acte d'huissier de justice, a mis l'EARL des Loges en demeure d'avoir à lui payer, dans un délai de 8 jours, la somme de 33 063,40 euros au titre des fermages des années 2015, 2016, 2017 et 2018, outre les frais de l'acte.

Le 18 juillet 2019, M. [F] a saisi, par requête, le tribunal paritaire des baux ruraux de Périgueux afin d'obtenir la condamnation de l'EARL des Loges, à lui payer les fermages dus depuis le 31 décembre 2015.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 30 juillet 2020, M. [F] a mis l'EARL des Loges en demeure d'avoir à lui payer, dans un délai de trois mois, la somme de 41 072,49 euros au titre des fermages des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 outre les frais d'huissier de justice.

Par jugement du 19 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Périgueux a constaté l'état de cessation des paiements de l'EARL des Loges à compter du 5 octobre 2020 et ouvert une procédure de redressement judiciaire, désignant la SCP [B] [R] en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 janvier 2021, M. [F] a déclaré au mandataire judiciaire, sa créance au titre des fermages impayés de 2015 au 30 septembre 2020 et au titre des frais d'huissier pour un montant total de 47 079,31 euros y ajoutant une créance de 1 500 euros au titre du solde d'un emprunt de 12 000 euros consenti par M. [F] à l'EARL des Loges en juillet 2014.

Par jugement du 16 mai 2022, le tribunal judiciaire de Périgueux a arrêté le redressement judiciaire proposé par l'EARL des Loges, fixé un plan de remboursement des créanciers sur 15 ans à compter de la première date anniversaire du jugement arrêtant le plan et nommé la SCP Amauger Texier, commissaire à l'exécution du plan, et ordonné la poursuite de la période d'observation ouverte à l'égard de l'EARL des Loges.

Le tribunal paritaire des baux ruraux de Périgueux a, par un jugement en date du 25 novembre 2022 :

- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par l'EARL des Loges,

- fixé au passif de la procédure collective de l'EARL des Loges la créance de M. [F] à la somme de 46.814,70 euros au titre des fermages impayés de 2015 au 30 septembre 2020,

- fixé au passif de la procédure collective l'EARL des Loges la créance de M. [F] à la somme de 1.500 euros au titre du solde d'un prêt restant dû de 12.000 euros,

- condamné l'EARL des Loges à payer à M. [F] la somme de 2.002,27 euros au titre des fermages impayés ayant couru du 1er octobre au 31 décembre 2020,

- débouté l'EARL des Loges de sa demande au titre de charges fixes d'irrigation,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- fixé la créance de M. [F] au passif de l'EARL des Loges à la somme de 264,61 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixé au passif de la procédure collective de la société Des loges les dépens.

Par déclaration du 25 décembre 2022, l'EARL des Loges, a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence.

Par jugement du 4 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Périgueux a prononcé la résolution du plan de redressement arrêté le 16 mai 2022 au bénéfice de l'EARL des Loges, ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et désigné la SCP [B] [R] en qualité de liquidateur de l'EARL des Loges.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2024, M. [F] a déclaré entre les mains du liquidateur sa créance à hauteur de 65 070,56 euros au titre des fermages impayés de 2015 à septembre 2020 inclus et de 2022 et 2023, outre sa créance de 1 500 euros au titre du solde du prêt de 12 000 euros.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 8 avril 2024.

PRÉTENTIONS

La SCP [I], en sa qualité de liquidateur de l'EARL des Loges, reprenant oralement ses conclusions transmises par voie électronique le 2 février 2024, demande à la cour d'infirmer le jugement entre en ce qu'il a :

- fixé la créance de M. [F] au passif de l'EARL des Loges à la somme de 46.814,70 euros au titre des fermages impayés de 2015 à 2020,

- fixé au passif de l'EARL des Loges la créance de M. [F] à la somme de 1 500 euros au titre du solde d'un prêt restant dû,

- condamné l'EARL des Loges à payer à M. [F] la somme de 2002,27 euros au titre des fermages impayés du 01 octobre 2020 au 31 décembre 2020,

et de :

'- juger que M. [F] a perçu la somme de 10.500 euros entre 2016 et 2018 au titre de l'arriéré de fermage devant venir en déduction de la créance réclamée au titre des fermages,

- juger que le tribunal paritaire des baux ruraux n'avait pas à examiner la question d'une créance entre M. [F] et M. [E] au titre d'un prêt qui ne concerne pas le bail rural ni les demandes en résiliation de bail ni celle en paiement des fermages,

- condamner M. [F] à payer à l'EARL des Loges la somme de 41.087 euros au titre des charges fixes du système d'irrigation et redevances d'irrigation acquittées par le fermier en lieu et place du propriétaire des installations d'irrigation,

- juger que le loyer annuel du bail rural a été majoré en raison des installations d'irrigation sur les parcelles louées et qu'en conséquence l'EARL des Loges n'avait pas à régler en sus les redevances d'irrigation en lieu et place du propriétaire souscripteur M. [F],

- condamner M. [F] à payer à l'EARL des Loges la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.'

M. [F] et Mme [S] [F], développant oralement leurs conclusions transmises par voie électronique le 29 mars 2024, demandent à la cour de :

-déclarer irrecevable l'EARL des Loges en sa demande de réformation de la disposition du jugement l'ayant condamnée au paiement de la somme de 2002,27 au titre des fermages impayés postérieurement au redressement judiciaire du 30 septembre, soit du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2020,

- débouter l'EARL des Loges et la SCP [B] [R] de l'ensemble de leurs demandes formulées devant la cour,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Périgueux le 25 novembre 2022 en qu'il a :

*ordonné l'admission au passif de l'EARL des Loges, à titre privilégié de la créance détenue par M. [F] contre l'EARL des Loges :

- pour la somme de 46 814,70 euros en paiement des fermages impayés des années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et des neufs premiers mois de l'année 2020,

- pour la somme de 1 500 euros au titre du solde du prêt de la somme de 12.000 euros,

- pour la somme de 264,61 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamné l'EARL des Loges au paiement de la somme de la somme de 2002,27 euros au titre du solde du fermage de l'année 2020 qui a été réglée par virement du 18 novembre 2022,

Y ajoutant,

- Ordonner l'admission au passif de l'EARL des Loges à titre privilégié de la créance détenue par M. [F] à l'encontre de l'EARL des Loges :

- pour la somme de 7 586,73 euros au titre du solde des fermages de l'année 2022,

- pour la somme de 8 904,52 euros au titre des fermages impayés de l'année 2023,

- pour la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- au titre des dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que l'EARL des Loges n'a pas mentionné, dans sa déclaration d'appel, qu'elle entendait critiquer le chef du jugement déclarant irrecevable l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée relative à la demande au titre du solde du prêt. L'EARL des Loges n'a pas sollicité, dans le dispositif de ses conclusions auxquelles elle s'est rapportée lors de l'audience, la réformation de ce chef du jugement, indiquant seulement 'dire et juger que le tribunal paritaire des baux ruraux n'avait pas à examiner la question d'une créance entre M. [F] et M. [E] au titre d'un prêt qui ne concerne pas le bail rural ni les demandes en résiliation du bail ni celle en paiement des fermages' sans en tirer la moindre conséquence juridique. Enfin, si dans la partie discussion de ses conclusions, elle indique 'le tribunal paritaire des baux ruraux a excédé sa compétence fixée par l'article 491-1 du code rural. La réformation du jugement s'impose', l'EARL des Loges n'a formulé aucune prétention en conséquence de cette réformation. Il s'ensuit que la cour n'est pas saisie de ce chef du dispositif et n'a donc pas à statuer sur ce point.

Sur l'irrecevabilité de la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'EARL des Loges à payer la somme de 2002,27 euros au titre des fermages dus entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2020

Les consorts [F] soutiennent, en se fondant sur l'article 410 du code de procédure civile, que la demande d'infirmation de ce chef du jugement est irrecevable puisque l'EARL des Loges a procédé au paiement de la somme de 2002,27 euros entre la date de l'audience de plaidoirie et la date du délibéré de sorte qu'elle a acquiescé sans réserve à son obligation sur ce point. Ils en concluent que les appelants sont irrecevables à réclamer l'infirmation de la disposition du jugement qui a été exécutée sans réserve.

Le liquidateur ne formule aucune observation sur ce point, sollicitant uniquement, dans le dispositif de ses conclusions, l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'EARL des Loges à payer à M. [F] la somme de 2002,27 euros au titre des fermages impayés du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2020.

*****

Selon l'article 384 du code de procédure civile, en dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action ou, dans les actions non transmissibles, par le décès d'une partie.

Aux termes de l'article 408 du même code : « L'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action. Il n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition. »

L'acquiescement est un acte unilatéral traduisant une volonté non équivoque de renonciation de la part d'un plaideur et que, dans ce cadre, notamment, le plaideur peut acquiescer à la demande, ce qui emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action. Si l'acquiescement peut être implicite, il doit résulter d'une volonté claire et non équivoque (Soc., 24 février 2004, pourvoi n°01-46.107 ; Soc., 14 janvier 2014, pourvoi n°12-28.800). Il n'a pas besoin d'être accepté pour produire ses effets (2e Civ., 18 novembre 1999, pourvoi n°97-15.921). L'acquiescement d'un défendeur à des demandes formulées contre lui a pour effet l'extinction de l'instance (Soc., 29 juin 2005, pourvoi n°04-60.443). Il en résulte que les juges du fond n'ont pas à statuer sur les demandes concernées.

En l'espèce, il ressort du jugement attaqué que, lors de l'audience devant le tribunal paritaire des baux ruraux, les consorts [F] avaient demandé la condamnation de l'EARL des Loges à payer à 'la somme de 10 142,99 euros, moins celle de 8 140,72 euros versée peu de temps avant l'audience, au titre du fermage 2020 et au titre du fermage 2021.'

Les consorts [F] justifient avoir perçu, de l'EARL des Loges, la somme de 2 013,28 euros, le 18 novembre 2022, soit avant le prononcé du jugement attaqué, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par le liquidateur. Il s'ensuit qu'en procédant au paiement, l'EARL des Loges a manifesté une volonté claire et non équivoque d'acquiescer à la demande en paiement présentée par les consorts [F]. En conséquence, le liquidateur est irrecevable à solliciter l'infirmation du chef du jugement ayant condamné l'EARL des Loges à payer à la somme 2 002,27 euros puisqu'elle avait acquiescé à cette demande.

Sur les demandes de fixation de créance au passif de la procédure collective de l'EARL des Loges

Il est constant que le preneur a pour obligation essentielle de payer les fermages au terme convenu entre les parties.

En l'espèce, les consorts [F] justifient avoir déclaré entre les mains du mandataire judiciaire, une créance de 46 814,70 euros (déduction faite des 264,61 euros correspondant au coût de la sommation de payer) correspondant aux fermages impayés de 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et des 9 premiers mois de 2020, dans le délai imparti après la publication du jugement de redressement judiciaire au BODACC le 10 novembre 2020.

Il est par ailleurs établi, par la production:

- d'une reconnaissance de dette établie le 29 juillet 2014 et signée par M. [E] en sa qualité de gérant de l'EARL des Loges et par M. [F],

- de la copie d'un chèque n°2285508, émis par M. [F], le 29 juillet 2014, d'un montant de 12 000 euros à l'ordre de 'M. [E] [M] EARL des Loges' et,

- d'un extrait du relevé de compte bancaire de M. [F] faisant mention en débit du compte une somme de 12 000 euros, le 1er août 2014, en raison d'un chèque n°2285508,

que M. [F] a prêté, le 27 juillet 2014, une somme de 12 000 euros à l'EARL des Loges, représentée par son gérant, 'pour subvenir à la trésorerie de l'EARL', étant précisé qu'il était prévu que 'cette somme est prêtée sans intérêts, et sera remise après le paiement de la récolte de maïs'.

Le liquidateur de l'EARL des Loges fait valoir que M. [F] a reçu la somme de 10 500 euros, en plusieurs versements depuis 2016, qu'il convient d'imputer sur la créance déclarée par les consorts [F] au titre des fermages. Il fait valoir que M. [F] ne conteste pas avoir reçu la somme de 10 500 euros et que tous les versements n'ont pas lieu d'être affectés au remboursement d'une dette personnelle entre M. [F] à M. [E]. Les consorts [F] reconnaissent que la somme de 10 500 euros a effectivement été versée par l'EARL des Loges entre 2015 et 2018 mais considèrent quelle doit venir s'imputer uniquement sur les sommes dues au titre du prêt.

Il doit être rappelé que selon les articles 1253 et 1256 anciens devenus l'article 1342-10 du code civil : 'Le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.'

En application de ces règles d'imputation des paiements, il convient de relever que le liquidateur ne justifie pas que l'EARL des Loges aurait, lors de chacun des paiements à compter de 2016, indiqué quelle dette elle entendait acquitter entre le remboursement du prêt ou les fermages impayés. En effet, les seules mentions, dans le Grand Livre définitif de l'EARL des Loges, '[F] acpte fermage' ou '[F] Acompte fermage' ou encore '[F] Fermage' ne suffisent pas établir que l'EARL des Loges aurait indiqué à M. [F] que les paiements afférents devaient être imputés uniquement sur l'arriéré des fermages. Dans ces conditions, c'est à juste titre que M. [F] a déduit la somme de 10 500 euros de la somme due au titre du remboursement du prêt de 12 000 euros dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de la dette la plus ancienne, le premier fermage impayé étant celui de 2015.

Il convient de donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la procédure collective de l'EARL des Loges les créances de M. [L] [F] aux sommes de :

- 46 814,70 euros au titre des fermages impayés de 2015 au 30 septembre 2020,

- 1 500 euros au titre du solde du prêt de 12 000 euros

- 264,61 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (correspondant au coût de l'acte d'huissier).

Il n'est par ailleurs pas contesté que l'EARL des Loges n'a pas payé intégralement payé les fermages de 2022 et 2023. Il reste ainsi dû pour 2022, la somme, non contestée, de 7 586,73 euros et pour 2023, la somme non contestée de 8 904,52 euros. Les consorts [F] ayant régulièrement déclaré leurs créances entre les mains du liquidateur, il y a lieu de fixer ces créances supplémentaires au passif de la liquidation judiciaire de l'EARL des Loges.

Sur la demande au titre des charges fixes du système d'irrigation et redevances d'irrigation

Le liquidateur fait valoir, en substance, que :

- une grande partie de la surface des terres louées étaient de 3è catégorie, pour lesquelles l'arrêté préfectoral de 2012 fixant le prix des baux ruraux prévoyait un fermage annuel variant entre 36,88 euros et 95,10 euros l'hectare,

- le reste des terres louées était de 2e catégorie pour lesquelles le même arrêté préfectoral prévoyait une fourchette de prix variant entre 54,95 euros et 128,91 euros l'hectare,

- selon le contrat de bail rural, le fermage annuel a été fixé au prix de 121,55 euros l'hectare soit une valeur supérieure à la fourchette fixée par l'arrêté préfectoral pour les terres de 3e catégorie et à la fourchette haute pour les terres de 2e catégorie, et ce en raison d'équipements fixes d'irrigation sur une partie de la surface louée,

- ces équipements d'irrigation sont la propriété du bailleur et resteront sur les terres à l'issue du bail,

- le système d'irrigation est géré par une association, l'ASA du Bandiat, qui regroupe les différents propriétaires des terres bénéficiant des équipements d'irrigation dont M. [F] fait partie, et qui gère la facturation des sommes dues au titre de la redevance d'irrigation,

- les propriétaires ont convenu entre eux de facturer à l'exploitant des terres le coût des charges fixes d'irrigation en plus de la consommation d'eau, de sorte que l'EARL des Loges s'est vu facturer une redevance d'irrigation comprenant les charges fixes intrinsèques au système d'irrigation en plus d'un fermage majoré en raison de la présence de ce système d'irrigation,

- l'EARL des Loges a été facturée, depuis le début du bail en 2012, au titre des charges fixes du système d'irrigation pour les années 2012 à 2019 d'une somme totale de 41 087,25 euros,

- M. [F] ne pouvait donc pas majorer le prix du bail puisque la redevance d'irrigation était déjà supportée directement en totalité par le preneur exploitant pour les terres louées,

- il n'a jamais été prévu dans le contrat de bail que la charge d'équipements fixes d'irrigation soit mise à la charge du preneur de sorte que l'EARL des Loges a acquitté ces charges aux lieu et place du bailleur,

- M. [F] s'est seulement acquitté de l'installation du système d'irrigation avant 2012 mais ne s'est jamais acquitté du paiement des charges fixes de l'irrigation répercutées sur l'EARL des Loges en vertu d'un accord imposé à l'exploitant par les propriétaires terriens regroupés en syndicat,

- la convention de délégation dont se prévaut M. [F], qui a été établie antérieurement au contrat de bail et qui n'est pas opposable à l'EARL des Loges, concerne les charges de consommation d'eau et non les charges d'équipements fixes d'irrigation permettant la distribution de l'eau.

Les consorts [F] rétorquent pour l'essentiel que :

- l'EARL des Loges a approuvé, le 18 janvier 2012, une convention de délégation de paiement pour le paiement des redevances syndicales et non pas seulement pour la consommation d'eau,

- la délégation de paiement visait exclusivement le paiement et non pas la représentation à l'assemblée des propriétaires,

- en souscrivant cette délégation, le locataire s'est engagé à payer les redevances syndicales comportant la consommation d'eau et la participation au financement matériel permettant la distribution de l'eau, c'est-à-dire la participation aux charges de fonctionnement,

- cette convention de délégation qui a été signée en même temps que le bail en janvier 2012 n'a jamais posé de difficulté avant la saisine du tribunal,

- l'EARL des Loges n'a en outre jamais justifié avoir effectué le moindre paiement, la seule production de factures ne suffisant pas à rapporter la preuve de leur paiement,

- la consommation d'eau est personnelle à l'EARL des Loges,

- la demande en paiement, à supposer qu'elle soit fondée, serait frappée par la prescription quinquennale,

- l'EARL des Loges n'a jamais participé aux charges fixes d'équipements d'irrigation.

Cela étant, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que la preuve d'une créance du preneur à l'encontre du bailleur relativement au paiement des charges fixes d'irrigation n'était pas rapportée en retenant très justement que :

- le prix élevé du fermage prévu au bail s'explique par le fait que les surfaces louées bénéficient d'équipements fixes pour l'irrigation financés par le propriétaire (précision étant faite que M. [F] justifie avoir payé une somme de 30 641,52 euros, en 2013, au titre des travaux d'installation des équipements fixes pour l'irrigation), ce qui autorise selon l'arrêté constatant l'indice des fermages et fixant le prix des baux ruraux pour l'année 2012 en Dordogne, un complément de prix égal au plus à 143,74 euros par hectare, pour des terres de 3e catégorie dont le fermage oscille entre 36,98 et 95,10 euros l'hectare,

- M. [F], en sa qualité de propriétaire, a souscrit à l'Association Syndicale Autorisée (ASA) du Bandiat, qui a vocation à construire et entretenir un réseau de distribution de l'eau relativement aux parcelles relevant de son périmètre de compétence, M. [F] disposant d'une souscription pour 21 ha. La cour ajoute que par arrêté du 18 novembre 2003, le préfet de la Dordogne a autorisé la création de l'ASA et prévu que le trésorier de [Localité 6] serait chargé d'assurer les fonctions de receveur de l'association,

- selon convention de délégation pour le paiement des redevances syndicales, signée le 18 janvier 2012, par M. [F], propriétaire, et le Gaec des loges, il a été accepté par ce dernier que M. [F] 'délègue le paiement des charges correspondant aux souscriptions suivantes à mon fermier Gaec Des Loges demeurant à [Localité 7] pendant la durée du bail soit : les charges de fonctionnement',

- M. [E], en qualité de représentant du preneur, a signé cette convention et ce faisant, a accepté de payer les charges de fonctionnement relatives à l'irrigation des parcelles prises à bail, précision étant faite que cette pratique n'est pas contraire au fonctionnement de l'ASA du Bandiat qui autorise les propriétaires adhérents à demander une délégation de paiement des charges fixes à leur fermier selon courrier du président

de l'ASA du 28 janvier 2020. La cour ajoute que la seule circonstance qu'il soit fait référence dans cette convention au Gaec et non à l'EARL des Loges n'a aucune incidence quant à l'opposabilité de ce document à l'EARL des Loges dès lors qu'il ne s'agit que d'une erreur matérielle, étant, en outre, observé qu'il s'agit de la même personne morale puisqu'à compter du 1er janvier 2012, le GAEC des Loges n'ayant plus qu'un seul associé est devenu l'EARL des Loges, ainsi que cela ressort de l'extrait Kbis du 30 mars 2012,

- le fait que la délégation soit prévue non dans le contrat de bail mais dans le cadre d'une convention séparée est sans incidence sur la portée de l'engagement pris.

La cour ajoute également que :

- dans un courrier du 28 janvier 2020, le président de l'ASA du Bandiat explique que la redevance appelée aux adhérents se compose de deux termes. Le premier terme, qui est une redevance d'investissement, perçue lors de la réalisation des travaux pour le remboursement des emprunts correspondants, est en réalité inexistant à défaut d'emprunt en cours. Le second terme est une redevance de fonctionnement comprenant d'une part la redevance proportionnelle au volume d'eau utilisé permettant de couvrir les charges variables de fonctionnement et d'autre part d'un 'abonnement' permettant de couvrir les charges fixes de fonctionnement (abonnement EDF, impôts, taxes, assurances, secrétariat, maintenance..',

- dans un courrier du 23 avril 2023, le président de l'ASA du Bandiat indique que l'ASA est un établissement public administratif sur lequel le préfet assure un contrôle et dont la comptabilité ainsi que le recouvrement des recettes sont assurés par le trésor public, que la tarification intègre un abonnement annuel qui permet de couvrir les charges fixes de fonctionnement, abonnement fournisseur d'électricité, assurance, frais administratif, redevance d'accès aux réserves d'eau etc, que la consommation d'eau est facturée en fonction du nombre de m3 utilisés par chaque membre et permet de couvrir les charges variables de fonctionnement, et que les factures de l'abonnement et de la consommation d'eau sont envoyées par le trésor public au fermier des terres qui a accepté la délégation de paiement.

Il s'ensuit qu'à hauteur d'appel, tout comme en première instance, l'EARL des Loges, représentée par son liquidateur, échoue à rapporter la preuve de ce qu'elle aurait payé des charges fixes et des redevances au titre du système d'irrigation aux lieu et place du bailleur, l'ensemble des charges et redevances ayant été mis régulièrement à sa charge en rapport avec son utilisation du système d'irrigation financé par le bailleur.

Le jugement entrepris ayant débouté l'EARL des Loges de sa demande est en conséquence confirmé.

Sur les frais du procès

Compte tenu de la solution du litige, il convient de confirmer les chefs du dispositif du jugement portant sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La SCP [B] [R], ès qualités, qui succombe à hauteur d'appel doit en supporter les dépens et être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles. Il n'est en outre pas inéquitable, au regard de la situation économique de chacune des parties, de rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée par les consorts [F].

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la SCP [B] [R], en sa qualité de liquidateur de l'EARL des Loges, en sa demande tendant à l'infirmation du chef du jugement ayant condamné l'EARL des Loges à payer à la somme 2 002,27 euros

Confirme le jugement rendu le 25 novembre 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Périgueux pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de l'EARL des Loges les créances de M. [L] [F] aux sommes de :

- 7 586,73 euros au titre des fermages impayés en 2022,

- 8 904,52 euros au titre des fermages impayés en 2023,

Rejette les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCP [B] [R], en sa qualité de liquidateur de l'EARL des Loges, aux dépens d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/05879
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.05879 ?
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