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20/06/2024 | FRANCE | N°22/02174

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 20 juin 2024, 22/02174


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 20 JUIN 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/02174 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MV3Y





















Madame [R] [O]



c/

MDPH DE LA GIRONDE













Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :

>
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 20 JUIN 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/02174 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MV3Y

Madame [R] [O]

c/

MDPH DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2022 (R.G. n°21/00643) par le pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 03 mai 2022.

APPELANTE :

Madame [R] [O]

née le 22 Février 1995

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

assistée de Me Simon ARHEIX, avocat au barreau de TOULOUSE

dispensée de comparution

INTIMÉE :

MDPH DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Madame [I] dûment mandatée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2024, en audience publique, devant Madame Valérie Collet, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCÉDURE

Le 10 février 2020, Mme [R] [O] a déposé une demande d'allocation adultes handicapés (AAH) auprès de la maison départementale des personnes handicapées (la MDPH) de la Gironde.

Par décision du 15 juin 2020, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a rejeté sa demande estimant qu'elle présentait un taux d'incapacité inférieur au minimum requis de 50%.

Le 11 août 2020, Mme [O] a formé un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de cette décision. Le 6 janvier 2021, la CDAPH a rejeté ce recours.

Par requête du 22 février 2021, Mme [O] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux d'un recours contre la décision du 6 janvier 2021 afin de se voir attribuer une AAH.

Par jugement du 29 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux, après avoir ordonné une consultation médicale réalisée par le Dr [P] le 22 février 2022, a :

- débouté Mme [O] de son recours à l'encontre de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Gironde en date du 6 janvier 2021 sur recours administratif préalable obligatoire ayant rejeté sa demande d'allocation adultes handicapés,

- dit qu'à la date de la demande soit le 10 février 2020, Mme [O] présentait un taux d'incapacité permanente inférieur au taux minimum requis de 50%, ne pouvant dès lors prétendre à l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par courrier reçu le 3 mai 2022, Mme [O] a relevé appel de ce jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 11 avril 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Mme [O], dispensée de comparaître selon ordonnance du 9 avril 2024, demande, aux termes de ses conclusions reçues par courrier le 25 mars 2024, à la cour de :

- juger qu'à la date de la demande d'AAH du 10 février 2020 elle présentait un taux d'incapacité permanente au moins égal à 50% ;

En conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux le 29 mars 2022 ;

- juger qu'elle a droit à l'AAH de manière rétroactive depuis le 10 février 2020 ;

- condamner la MDPH de la Gironde à lui payer la somme de 1.513 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la MDPH de la Gironde aux dépens dont distraction au profit de Me Arheix, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [O] explique présenter :

-un doigt à ressaut au niveau de son 5e doigt de la main droite (côté dominant), entraînant un blocage intermittent ou complet du tendon responsable d'une diminution de la force musculaire ainsi que de douleurs et paresthésies nécessitant un traitement antalgique ;

-un retentissement fonctionnel modéré de la préhension et de la motricité fine de la main droite ayant des répercussions sur la réalisation des actes de la vie courante avec un besoin d'assistance par tierce personne pour y pallier ;

-un retentissement sur le moral et la perte de son emploi.

Elle considère que ses difficultés physiques, tout comme l'incidence sur le plan somatique et psychique, ont été sous-évaluées. Elle indique avoir entamé un suivi psychologique avec traitement médicamenteux associé dès le mois suivant. Elle se prévaut de plusieurs expertises médicales ayant permis d'évaluer ses préjudices qui selon elle permettent de retenir qu'elle souffrait d'un taux d'Incapacité permanente au moins égal à 50% le 10 février 2020. Elle fait observer que la dernière évaluation faite par l'équipe pluridisciplinaire le 19 décembre 2020 ne retient aucun retentissement psychologique alors qu'il s'agit d'un élément important. Elle fait valoir que la confirmation du jugement aurait des conséquences manifestement excessives pour elle puisqu'elle ne dispose pas de revenus réguliers, qu'elle est sans domicile fixe et qu'elle s'est éloignée de sa cellule familiale.

La MDPH de la Gironde, s'en rapportant à ses conclusions datées du 22 février 2024, demande à la cour de confirmer le jugement attaqué.

Elle indique que l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH a évalué la situation de Mme [O] à partir des éléments qu'elle a produit lors du dépôt de sa demande et qu'elle a réévalué la situation dans le cadre du recours administratif préalable obligatoire. Elle rappelle qu'à l'issue de cette étude, l'équipe plurisdisciplinaire a considéré que les difficultés de Mme [O] n'avaient qu'une incidence légère à modérée sur son autonomie sociale et professionnelle justifiant un taux d'incapacité inférieur à 50%. Elle précise qu'il a été reconnu une incidence de son état de santé sur sa vie professionnelle mais sans restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. Elle ajoute qu'il est important que Mme [O] maintienne une activité professionnelle et rappelle qu'elle bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé du 6 janvier 2021 au 5 janvier 2026. La MDPH indique avoir octroyé à Mme [O] une AAH du 1er septembre 2021 au 31 août 2023 au taux compris entre 50 et 79% avec restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. Elle explique que cette AAH pour une durée de deux ans avait pour but de permettre à Mme [O] d'entreprendre des démarches d'orientation professionnelle tenant compte de son état de santé. Elle expose enfin que Mme [O] a déposé une nouvelle demande d'AAH, le 21 septembre 2022, qui a été rejetée le 20 mars 2023, précisant que ce rejet a été confirmé le 19 février 2024 après recours administratif préalable obligatoire et que Mme [O] a déposé une nouvelle demande, dès le 20 juin 2023, qui est en cours d'évaluation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés

Par application des articles L.821-1, L.821-2, D.821-1 et R.821-5 du code de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés est accordée aux personnes qui présentent un taux d'incapacité permanente au moins égal à 80 %, pour une période au moins égale à un an et au plus égale à dix ans.

Si le handicap n'est pas susceptible d'une évolution favorable, l'allocation aux adultes handicapés peut être attribuée sans limitation de durée.

Le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés peut être accordé à partir de l'âge de vingt ans ou aux requérants âgés d'au moins seize ans qui cessent de réunir les conditions exigées pour ouvrir droit aux allocations familiales.

Cette prestation est également versée à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est inférieur à 80 % et supérieur ou égal à 50 %, et qui, compte tenu de son handicap, est atteinte d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi telle que définie à l'article D.821-1-2 du code précité.

Le taux d'incapacité est évalué en fonction du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées inscrit à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles. Ce document est purement indicatif et prévoit plusieurs degrés de sévérité du handicap parmi lesquels :

- forme légère : taux de 1 à 15 % ;

- forme modérée : taux de 20 à 45 % ;

- forme importante : taux de 50 à 75 % ;

- forme sévère ou majeure : taux de 80 à 95 %.

L'article D. 821-1-2 du code de la sécurité sociale définit la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable à l'emploi de la manière suivante :

'Pour l'application des dispositions du 2° de l'article L. 821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l'origine du handicap ;

b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée;

b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles ;

b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles.'

Il résulte de ce texte que relèvent de la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

- les personnes dont les tentatives d'insertion ou de réinsertion professionnelle se sont soldées par des échecs en raison des effets du handicap ;

- les personnes ponctuellement en emploi ordinaire de travail d'une durée supérieure ou égale à un mi-temps, mais dont le handicap fluctuant ne leur permet pas une insertion pérenne sur le marché du travail ;

- les personnes en emploi avec un contrat de travail d'une durée supérieure ou égale à un mi-temps, mais dont les conséquences du handicap ne leur permettent plus un maintien pérenne dans leur travail ;

- les personnes connaissant des arrêts de travail prolongés d'une durée à venir prévisible d'au moins un an dont les conséquences du handicap ne leur permettent pas un exercice effectif et un maintien dans une activité professionnelle ;

- les personnes connaissant des arrêts de travail répétés et réguliers en lien direct avec un handicap au cours d'au moins une année ;

- les personnes ayant strictement besoin de formation pour être employables.

A contrario, ne relèvent pas de la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi:

- des personnes exerçant une activité professionnelle (entreprise adaptée incluse) pour une durée de travail supérieure ou égale à un mi-temps sans rencontrer de difficultés disproportionnées liées au handicap pour s'y maintenir (éventuellement avec un aménagement de poste) ;

- des personnes en arrêt de travail prolongé dont la durée prévisible est inférieure à un an;

- des personnes n'ayant pas strictement besoin de formation pour être employables (d'autres compétences acquises sont mobilisables et permettent d'envisager l'accès et le maintien dans l'emploi) ou si la formation ne peut pas être suivie pour des raisons autres que le handicap.

Afin d'évaluer les capacités d'accès ou de maintien dans l'emploi de la personne handicapée, il faut tenir compte :

- des facteurs liés au handicap,

- des facteurs personnels (durée de l'inactivité, formation initiale'),

- des facteurs environnementaux (marché du travail, réseau de transports')

Doivent par contre être exclus les restrictions d'accès à l'emploi liés à des facteurs étrangers au handicap telles que la situation familiale, le logement, les ressources et la barrière linguistique.

En l'espèce, il résulte du certificat médical rempli par le Dr [W], à l'appui de la demande du 10 février 2020, que :

- le 5ème doigt de la main droite de Mme [O] présentait un ressaut, dans les suites d'un accident de la voie publique en avril 2019, entraînant une perte de la force musculaire, des douleurs, des paresthésies et crampes, nécessitant la prise de doliprane codéiné et de spifen (ibuprofène)

- Mme [O] pouvait accomplir sans difficulté et sans aucune aide la marche, le déplacement à l'intérieur, le déplacement à l'extérieur et la préhension de la main non dominante,

- Mme [O] présentait une difficulté pour la préhension avec la main dominante et la motricité fine mais ne nécessitait aucune aide extérieure,

- Mme [O] avait besoin d'une aide humaine pour couper ses aliments, préparer un repas et assurer les tâches ménagères,

- Mme [O] avait perdu son emploi (employée des pompes funèbres),

le médecin mentionnant sous la rubrique 'remarques ou observations complémentaires si besoin' : 'A perdu son emploi, difficultés au quotidien, retentissement sur le moral'.

Mme [O] avait également produit, au soutien de sa demande d'AAH, un certificat médical établi le 8 janvier 2020 par le Dr [S], indiquant que Mme [O] avait bénéficié de deux interventions chirurgicales pour un doigt à ressaut (5e doigt de la main droite) les 26/11/2019 et 06/01/2020. A ce jour, il persiste une diminution de la force musculaire à 3/5 et une hypoesthésie de ce doigt responsable d'une impotence fonctionnelle modérée de la main. La patiente présente également 'des paresthésies dans ce doigt'.

Le Dr [P], désigné par le tribunal pour procéder à une consultation médicale, après avoir pris connaissance de :

- un certificat médical de demande du docteur [J], médecin-traitant de la requérante, faisant état d'un retentissement sur le moral, sans autre précision ni mention à une prise en charge psychologique (le seul traitement noté est Doliprane codéiné et Spifen);

- un certificat médical initial du 16 avril 2019 du docteur [V], praticien hospitalier à [Localité 3], constatant un trauma frontal sans plaie, des douleurs du rachis cervical, des lombaires, du bassin et du coude gauche, thorax et sternum) ;

-les comptes-rendus opératoires du docteur [D] (6 janvier et 4 août 2020) ;

-les courriers en date des 8 janvier et 2 juillet 2020 du docteur [J] évoquant une diminution de la force musculaire et une hypoesthésie du 5e doigt de la main droite, responsable d'une impotence fonctionnelle modérée de la main,

et après avoir procédé à l'examen physique de Mme [O] et au recueil des doléances actuelles, a retenu un taux d'incapacité inférieur à 50% pour une perte de la force musculaire avec hypoesthésie de la face antérieure de la main et une légère raideur du 5eme doigt droit.

Mme [O] conteste cet avis, estimant qu'il ne reflète pas la réalité de son état de santé, se composant d'une importante atteinte de sa main dominante ainsi que d'un état anxiodépressif ayant des répercussions sur sa vie personnelle et professionnelle.

Il y a tout d'abord lieu de rappeler que le présent litige porte uniquement sur le refus de la demande d'AAH formulée le 10 février 2020 par la requérante. Dès lors, seuls les éléments permettant d'évaluer son état de santé à cette date doivent être pris en compte.

Mme [O] fait tout d'abord valoir la dégradation de son état psychique depuis l'accident de la voie publique dont elle a été victime en 2019. Or toutes les pièces médicales dont elle se prévaut au soutien de son appel, ont été établies en 2022, 2023 et 2024. Non seulement ces documents ont tous été rédigés postérieurement à la date de la consultation réalisée par le docteur [P] (22 février 2022), de sorte qu'elle n'a pu en avoir connaissance, mais ces rapports d'expertises et certificats médicaux confirment tous que Mme [O] ne bénéficiait d'aucun suivi psychologique au 10 février 2020. Le docteur [U] rapporte une prescription de Seroplex et de Xanax en janvier 2020, Mme [O] expliquant à l'expert que ce traitement médicamenteux a été mis en place en raison d'un rejet dont elle aurait été victime de la part de sa famille, sans autre précision. L'ordonnance n'est pas produite en première instance, comme en appel et aucun document contemporain à la date de la demande ne permet de déterminer son état psychologique à cette époque, sauf à relever que le Dr [U] indique dans son rapport d'examen sapiteur du 13 février 2022 que Mme [O] présentait un état antérieur psychiatrique à l'accident d'avril 2019 et qu'il était justifié de retenir un déficit fonctionnel permanent spécifiquement psychiatrique pour les séquelles anxio-phobiques de l'accident. Le Dr [K], qui a procédé à l'évaluation du préjudice corporel de Mme [O] à la suite de l'accident d'avril 2019, en tenant compte de l'avis du Dr [U], a évalué à 2% le taux de DFP pour les séquelles physiques et à 2% le taux de DFP pour les séquelles psychologiques, soit un total de 4% de DFP à la date de consolidation fixée au 14 décembre 2020.

Si les rapports d'expertise produits par Mme [O] se fondent sur des barèmes différents de celui utilisé par la MDPH (barème du concours médical des atteintes à l'intégrité physique et psychique ou fonctionnelle pour les premiers, alors qu'il est ici question du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées), ce qui explique que les critères et taux d'incapacités ne soient pas similaires, il n'en reste pas moins que le taux de DFP retenu par le Dr [K], quelques mois après la date de la demande d'AAH, converge avec l'évaluation de la MDPH et du Dr [P] pour retenir un handicap léger à modéré.

En outre, concernant son atteinte de la main, toutes les données s'y rapportant ont été retranscrites par le docteur [P]. Elle évoque la perte de force musculaire (27kg au dynamomètre à gauche contre 1kg à droite), les douleurs, l'hypoesthésie et les mensurations de ses deux mains. Au regard de ce rapport détaillé, motivé et ne comportant pas d'omissions, il est patent que le docteur [P] a bien évalué la situation médicale de Mme [O] dans sa globalité. L'appelante ne soulève pas non plus d'anomalie durant la consultation qui serait susceptible de justifier que l'avis du docteur [P] soit écarté.

De plus, il est rappelé que l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles énonce qu'un "taux de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L'entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique. Toutefois, l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne". Or l'ensemble des pièces produites devant le tribunal et devant la cour démontre clairement une aggravation de l'état de santé de Mme [O] postérieurement à la date de sa demande. Cette évolution négative a d'ailleurs été prise en compte par la MDPH qui a modifié son taux d'incapacité et lui a accordé une AAH de septembre 2021 à août 2023.

Enfin, la cour constate que Mme [O] ne rapporte pas la preuve qu'elle était dans l'impossibilité d'occuper un poste même à mi-temps au 10 février 2020. Quant aux éléments relatifs à la précarité dans laquelle elle se trouve actuellement, il y a lieu de rappeler que l'AAH est une prestation dont l'attribution est subordonnée à des conditions purement médicales, de sorte que la situation financière de la requérante ne peut être prise en compte.

Mme [O] ne parvenant pas à contredire utilement les conclusions du docteur [P], le jugement rendu le 29 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux est confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais du procès

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [O], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 mars 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [R] [O] aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Marie-Paule Menu, présidente,et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps P. Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/02174
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.02174 ?
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