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20/06/2024 | FRANCE | N°21/01429

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 20 juin 2024, 21/01429


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



2ème CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 20 JUIN 2024









N° RG 21/01429 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7QU









[L] [W] DIT [X]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004328 du 18/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX

















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Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 décembre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG : 20/01541) suivant décla...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 20 JUIN 2024

N° RG 21/01429 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7QU

[L] [W] DIT [X]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004328 du 18/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 décembre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG : 20/01541) suivant déclaration d'appel du 08 mars 2021

APPELANT :

[L] [W] DIT [X]

né le 16 Juillet 1995 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me GROSSIN-BUGAT substituant Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX

association nationale reconnue d'utilité publique, par décret du 22 décembre 1860, [Adresse 2] - [Localité 3] représentée par son Président, [S] [P], domiciliée en cette qualité audit siege

Représentée par Me Isabelle PIQUET, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Florence DE FREMINVILLE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Chantal BUREAU

Greffier lors du prononcé : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [L] [W] dit [X] a été placé sous le régime de la curatelle renforcée depuis le 25 juillet 2014 et ce pour une durée de cinq ans.

A la suite d'une suspicion de maltraitance de sa chienne dénommée Andromède, des membres de l'association société protectrice des animaux (SPA) se sont rendus à son domicile le 1er février 2019.

Lors de cette rencontre, M. [W] Dit [X] a signé au bénéfice de la SPA un acte de cession de son animal de compagnie.

La plainte déposée par la SPA à l'encontre de M. [W] Dit [X] a donné lieu le 13 mai 2019 à une décision de rappel à la loi.

Par acte du 5 mars 2020, M. [W] Dit [X], estimant avoir été trompé par la SPA, a assigné celle-ci devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin d'obtenir la restitution de sa chienne et la réparation de divers préjudices.

Le jugement rendu le 1er décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- prononcé la nullité du contrat de cession signé le 1er février 2019 entre la SPA et M. [W] Dit [X],

- constaté l'impossibilité de restitution en nature,

- condamné en conséquence la SPA à payer à M. [W] Dit [X] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice,

- débouté M. [W] Dit [X] du surplus de ses demandes,

- condamné la SPA à payer à M. [W] Dit [X] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,

- rappelé que la décision est exécutoire par provision,

- condamné la SPA aux dépens de l'instance.

M. [W] Dit [X] a relevé appel de cette décision le 8 mars 2021.

Par décision en date du 18 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. [W] [X].

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2021, M. [W] Dit [X] demande à la cour:

- de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a prononcé de la nullité du contrat de cession litigieux intitulé 'acte de cession',

- d'infirmer en tous autres points le jugement déféré,

- d'ordonner à la SPA de procéder à la restitution de sa chienne Andromède,

- de fixer une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain du jour de la signification de l'arrêt à intervenir,

- de condamner la SPA au paiement de la somme de 9 500 euros au titre des préjudices occasionnés résultant de la privation irrégulière de la compagnie de sa chienne Andromède, outre les intérêts de droit à compter de l'assignation,

- d'ordonner la publication du jugement à intervenir dans une édition de la presse quotidienne régionale, aux frais de la SPA,

- de condamner la SPA au paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'avocat de l'appelant qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale,

- de condamner la SPA aux entiers dépens.

Il fait notamment valoir que :

- la SPA avait parfaitement connaissance qu'au moment des faits il était sous une mesure de protection puisqu'elle a pris le soin de contacter Mme [Z], sa curatrice à la date des faits. La personne sous curatelle peut agir seule, sans être assistée de son curateur pour les actes d'administration. Est dans cette catégorie, 'tout acte relatif à l'animal domestique de la personne protégée.'

- de ce fait, Mme [Z], en contresignant l'acte de cession en date du 1er février 2019 a outrepassé ses droits, mais a également manqué aux devoirs attachés au mandat qui lui était confié. La validation de l'acte par la curatrice est parfaitement irrégulière,

- il a subi un vice de consentement et plus précisément un dol et de violence de la part des collaboratrices de la SPA. Elles lui ont fait croire qu'elles avaient pour seule intention de récupérer sa chienne afin de s'assurer de sa bonne santé en la faisant examiner par un vétérinaire alors qu'elles voulaient purement et simplement lui retirer la garde de l'animal. Elles ont donc procédé à des manoeuvres dolosives. Les violences sont également constituées puisque les agents de la SPA ont usé de pression psychologique, menaces et chantage afin d'obtenir la signature de l'acte de cession,

- il n'est pas possible de confisquer un animal en dehors d'une décision de justice comme le prévoit l'article 521-1 du codé pénal. Les représentantes de la SPA n'avaient pas le droit de confisquer l'animal puisque aucune décision de justice leur donnait l'autorisation,

- en constatation d'un vice du consentement, le contrat de cession doit être annulé et que l'animal doit lui être restitué. S'agissant de la restitution, elle est impossible en nature si la chose a péri ou si celui qui l'a reçue en a transmis la propriété à un tiers.

La demande de restitution de l'animal ne paraît en aucune façon disproportionnée eu

égard le résultat recherché par l'anéantissement de l'acte de cession frauduleusement obtenu par la SPA,

- il doit obtenir des dommages et intérêts compte tenu de la responsabilité de la SPA dans la cession parfaitement irrégulière de l'animal. La confiscation de son animal lui a causé de véritable trouble. Ses préjudices doivent donc être réparés.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 août 2021, l'association Société Protectrice des Animaux demande à la cour, sur le fondement des articles 1129,1130 et 1141 du code civil et 467 et suivants du code civil :

- de constater l'exécution du jugement rendu le 1er décembre 2020 du fait de l'exécution provisoire qui était attachée,

- déclarer M. [W] dit [X] irrecevable et mal fondé en son appel,

- de l'en débouter,

- de faire droit à l'appel incident de la SPA,

par conséquent,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de cession et l'a condamnée au paiement d'une somme de 3 000 euros,

en toute hypothèse :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'impossibilité de restitution en nature du fait de la cession de l'animal à un tiers,

- de condamner M. [W] dit [X] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait notamment valoir que :

- l'acte de cession est parfaitement valable, en ce que l'animal lui a été cédé volontairement par M. [W] Dit [X]. Il avait toute la liberté pour signer l'acte de cession relatif à un animal domestique sans avoir à obtenir l'accord de son curateur. Le fait que la curatrice de M. [W] Dit [X] ait confirmé l'acte de cession ne saurait rendre nul ce contrat,

- aucun vice du consentement n'a été effectué à l'encontre de M. [W] Dit [X]. Elle s'est rendue au domicile de celui ci à la suite d'un signalement d'acte de maltraitance confirmé par plusieurs attestations. Son objet social est d'assurer la protection des animaux sur l'ensemble du territoire ainsi que de veiller à l'application efficace de la législation en vigueur en la matière. Elle est donc chargée d'une mission d'intérêt général. Elle n'a jamais usé de manoeuvres frauduleuses pour obtenir la cession de la chienne mais a simplement proposé cette possibilité à son propriétaire conformément à sa mission d'intérêt général, ayant comme objectif d'assurer la protection et le bien être de cet animal. Elle n'a pas non plus pratiqué des menaces à l'encontre de M. [W] Dit [X]. En effet, aucun avantage manifestement excessif n'a été obtenu. Aucune violence morale n'a été pratiquée,

- lorsqu'un animal est cédé par un acte de cession du propriétaire ou par une ordonnance de cession, celui ci devient sa propriété qui en a la libre disposition. Elle avait donc le droit de l'intégrer dans son refuge afin de le proposer à l'adoption. Depuis, la chienne a été adoptée par une nouvelle famille. La restitution en nature de l'animal est donc impossible,

- elle était dans son bon droit en passant cet acte de cession avec M. [W] Dit [X]. Elle ne se substitue en aucun cas aux forces de l'ordre. Elle est intervenue dans le but de protéger les animaux et conformément à son objet social.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2024.

MOTIVATION

L'acte consacrant la remise d'un animal à la SPA n'obéit à aucun formalisme particulier, hormis pour ce qui concerne l'indication de l'identité des parties, de l'animal, la date et le lieu de la conclusion de l'accord.

L'article 467 du Code civil et du décret n° 2008-1484 du 22 déc. 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle apportent une importante précision sur le régime de l'acte relatif à l'animal domestique de la personne protégée. Cet acte est toujours considéré comme étant un acte d'administration, y compris lors de la cession de celui-ci.

Le majeur protégé conserve en principe le droit de détenir des animaux, dans le respect, comme pour toutes les personnes non protégées, des dispositions légales régissant cette détention, à l'exception de celle des chiens susceptibles d'être dangereux.

Ainsi, la personne bénéficiant d'un régime de curatelle peut passer seul un acte relatif à son animal.

En conséquence, la signature de la curatrice sur l'acte de cession de la chienne par M. [W] Dit [X] n'était pas une obligation légale dont la violation serait susceptible d'entraîner sa nullité.

La venue des services de la SPA au domicile de M. [W] Dit [X] a été motivée par un signalement de mauvais traitements sur sa chienne.

L'appelant confirme dans ses dernières écritures avoir muselé et ficelé son animal au niveau de la gueule ainsi que des pattes arrières, justifiant son geste par la perte de la muselière et la nécessité de devoir le 'calmer'.

Au regard de ses statuts, la SPA, association reconnue d'utilité publique depuis de très nombreuses années, était donc bien fondée à se rendre à son domicile pour appréhender la situation et faire cesser les mauvais traitements, étant observé que le propriétaire de la chienne ne peut se réfugier derrière la mesure de curatelle renforcée dont il bénéficiait pour prétendre que ses représentants sont entrés à son domicile en usant de manoeuvres déloyales, voire intimidantes ou menaçantes. Rien ne l'obligeait ainsi à les laisser pénétrer dans son logement.

L'appelant affirme que les membres de l'association ont abusé de sa faiblesse, fait preuve de chantage, de pressions et de violences psychologiques afin de le contraindre à leur céder son animal de compagnie en lui faisant croire que la cession n'était que temporaire.

Aucun élément ne permet cependant d'attester l'existence d'un vice de consentement qui pourrait entraîner la nullité de la cession.

En effet, M. [W] Dit [X], bien que bénéficiant d'une mesure de protection, a été pleinement en capacité de rayer sur le document intitulé 'acte de cession' les mentions l'engageant à 'ne pas chercher à le reprendre' et où il est prévenu 'qu'on ne le rendra pas'. Il a donc clairement manifesté sa volonté de ne se séparer que temporairement de sa chienne de sorte que la SPA est mal fondée à considérer que celui-ci lui avait définitivement remis l'animal.

L'acte n'est donc pas nul mais la SPA était donc tenue, au regard des clauses qui y sont insérées, de lui remettre sa chienne à sa demande, ce qu'elle est dans l'incapacité de faire dans la mesure où celle-ci a été cédée à un nouveau propriétaire.

De même, une simple décision de rappel à la loi prononcée à l'encontre de M. [W] Dit [X] ne lui permet également pas de le priver de la détention de son animal.

Ainsi, en méconnaissant les termes du document du 1er février 2019 et ne restituant pas la bête à l'appelant, l'intimée commet une faute causant un préjudice à celui-ci. Si la demande de restitution sous astreinte de la chienne ne peut qu'être rejetée, celle de dommages et intérêts apparaît en revanche justifiée.

Aux termes de l'article 1352-6 du code civil, 'la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur estimée au jour de la restitution'.

Au regard de ces éléments, il convient de condamner la SPA à verser à M. [W] Dit [X] la somme de 2 000 euros en indemnisation de son préjudice. Le jugement sera donc infirmé.

Enfin, la faute commise par l'intimée n'apparaît pas suffisamment grave pour motiver la publication du présent arrêt de sorte que cette prétention sera rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties, tant au stade de la première instance qu'en cause d'appel, le versement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

- Confirme le jugement rendu le 1er décembre 2020 par le pôle protection et proximité du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a :

- constaté l'impossibilité de restitution en nature ;

- condamné l'association Société Protectrice des Animaux au paiement des dépens de première instance ;

- L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :

- Rejette la demande présentées par M. [W] Dit [X] tendant à obtenir la nullité du contrat de cession signé le 1er février 2019 conclu avec l'association Société Protectrice des Animaux ;

- condamne l'association Société Protectrice des Animaux à payer à M. [L] [W] Dit [X] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la privation de son animal ;

- Rejette les demandes présentées par M. [L] [W] Dit [X] tendant à obtenir la condamnation sous astreinte de l'association Société Protectrice des Animaux à lui restituer sa chienne et à la publication du présent arrêt ;

- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant ;

- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne l'association Société Protectrice des Animaux au paiement des dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux règles relatives à l'aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01429
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.01429 ?
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