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19/06/2024 | FRANCE | N°21/03785

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 19 juin 2024, 21/03785


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 19 JUIN 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03785 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MGBH













Madame [D] [X]



c/



S.A.R.L. BERTRAND ESPACE VERT

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse déliv

rée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 juin 2021 (R.G. n°F 19/01561) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Agriculture, suivant déclaration d'appel du 01 juillet 2021,





APPELANTE :

Madame [D] [X]

née le 09 Mai 1983 à [Localité 3] de nationalité Fr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 19 JUIN 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03785 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MGBH

Madame [D] [X]

c/

S.A.R.L. BERTRAND ESPACE VERT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 juin 2021 (R.G. n°F 19/01561) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Agriculture, suivant déclaration d'appel du 01 juillet 2021,

APPELANTE :

Madame [D] [X]

née le 09 Mai 1983 à [Localité 3] de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Bertrand Espace Vert, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 379 948 037

représentée par Me Marie SIMONUTTI substituant Me Yves GUEVENOUX de la SELAS GESTION SOCIALE APPLIQUEE G.S.A., avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [D] [X], née en 1983, a été engagée en qualité d'ouvriere paysagiste hautement qualifiée par la SARL Bertrand Espace Vert, par contrat de travail à durée déterminée pour la période allant du 5 septembre 2016 au 31 octobre 2016.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 novembre 2016.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises du paysage.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de la salariée s'élevait à la somme de 2.082,74 euros sur les trois derniers mois.

Mme [X] a été placée en arrêt de travail du 29 mars au 13 mai 2018, puis à compter du 13 juillet 2018.

Le 13 juillet 2018, elle a déclaré une maladie professionnelle à la Mutualité Sociale Agricole et la qualité de travailleuse handicapée lui a été reconnue le 18 juillet 2018.

Le 12 décembre 2018, une étude du poste de Mme [X] a été réalisée par le médecin du travail.

Le 17 décembre 2018, la salariée a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, précisant qu'un reclassement sur un poste sans travail manuel ni conduite de véhicule de manière prolongée était envisageable.

Par lettre datée du 26 décembre 2018, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 4 janvier 2019.

Elle a ensuite été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 8 janvier 2019.

A la date du licenciement, la salariée avait une ancienneté de deux ans et quatre mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 18 avril 2019, la MSA a reconnu la maladie professionnelle à compter du 29 mars 2018.

Le 6 novembre 2019, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, dont des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ainsi qu'en réparation de la clause de non-concurrence illicite.

Par jugement rendu le 3 juin 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit le licenciement pour inaptitude régulier et débouté Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour défaut de consultation du CSE,

- condamné la société Bertrand Espace Vert à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

* 1.000 euros de dommages et intérêts pour absence de visite d'embauche,

* 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné que chaque partie conserve la charge de ses dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 1er juillet 2021, Mme [X] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 8 juin 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 février 2024, Mme [X] demande à la cour de

- infirmer le jugement rendu le 3 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il :

* a dit le licenciement pour inaptitude régulier,

* l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* l'a déboutée du surplus de ses demandes,

Statuant de nouveau sur ces points,

- condamner la société Bertrand Espace Vert à lui payer les sommes suivantes

Sur l'exécution du contrat

* 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 15.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la clause de non concurrence illicite,

Sur la rupture du contrat

* à titre principal, 12.500 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (L. 1226-15 du code du travail), à titre subsidiaire 5.206,85 euros sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,

* 6.248,21 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois, article L. 1234-5 du code du travail L. 5213-9 du code du travail - salariée handicapée),

* 624,82 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.327,31 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

Sur l'article 700

* 1.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 pour la procédure devant le conseil de prud'hommes,

Y ajoutant,

- condamner la société Bertrand Espace Vert à lui payer les sommes de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel, outre les dépens d'instance et frais éventuels d'exécution,

- ordonner la remise par l'employeur de documents de fin de contrat et bulletin de paie rectifiés conformément à cette condamnation,

- assortir les condamnations correspondant aux créances salariales des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil des prud'hommes,

- assortir les condamnations indemnitaires des intérêts au taux légal :

* à compter du jugement pour les pour les dommages et intérêts accordés par le conseil de prud'hommes,

* à compter de l'arrêt à intervenir pour les dommages et intérêts accordés par la cour,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de 1343-2 du code civil.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 janvier 2024, la société Bertrand Espace Vert demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 3 juin 2021 en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes visant à la voir condamner à lui verser les sommes suivantes :

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 6.248,21 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 624,82 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 1.327,31 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

* 12.500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'une clause de non concurrence illicite,

- l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche,

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- débouter Mme [X] de sa demande visant à la voir condamner à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« Pour faire suite à notre entretien du 04 Janvier 2019, je vous notifie par la présente votre licenciement pour inaptitude constatée par le médecin du travail et impossibilité de procéder à votre reclassement.

En effet, selon avis du 17 Décembre 2018, le médecin du travail a constaté que vous étiez inapte à votre poste de travail d'Ouvrier Paysagiste hautement qualifié.

Comme je vous l'ai exposé lors de notre entretien du 04 Janvier 2019 et dans notre courrier du 21 Décembre 2018, il n'existe au sein de l'entreprise aucun poste disponible compatible avec les prescriptions du médecin du travail et votre qualification, de sorte que nous ne pouvons procéder à votre reclassement.

En effet, au sein de l'entreprise, le seul poste compatible avec votre qualification (outre celui d'Ouvrier Paysagiste hautement qualifié pour lequel vous avez été déclaré inapte) est celui de Commercial itinérant.

Mais le médecin du travail nous a précisé que vous ne pouvez accomplir de tâches impliquant de la conduite de manière prolongée.

Or, le poste de Commercial itinérant implique nécessairement de la conduite prolongée et journalière. Il nous est en effet impossible d'aménager le poste de Commercial itinérant pour qu'il ne comporte pas de conduite ou de vous proposer un poste de commercial sédentaire.

En l'absence de possibilité de reclassement, votre inaptitude constatée par le médecin du travail me conduit donc à vous notifier par la présente votre licenciement.

Compte tenu de l'impossibilité dans laquelle vous vous trouvez d'effectuer votre préavis de licenciement, la rupture de votre contrat de travail est effective à compter de ce jour...'.

a- l' obligation de sécurité

Au visa des articles R.4624-10 et R.4624-12 du code du travail, Mme [X] demande paiement de dommages et intérêts motif pris de l'absence de visite médicale d'embauche. Elle n'aurait pas déclaré à l'employeur avoir précédemment exercé un emploi similaire, le médecin du travail n'était pas en possession de la fiche médicale d'aptitude et elle réalisait seule le port de charges.

La société répond que le conseil des prud'hommes n'est pas compétent pour statuer sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, qu'aucune visite médicale d'embauche n'a été réalisée parce que Mme [X] avait déclaré avoir été précédemment embauchée dans un emploi similaire pour lequel aucune inaptitude n'avait été reconnue lors de l'examen médical précédent; qu'en tout état de cause, l'absence de visite médicale ne remettrait pas en cause la légitimité du licenciement; que Mme [X] n'effectuait pas de port de charges ni n'était soumise à des contraintes physiques importantes.

Mme [X] ne demande pas ici la réparation des dommages résultant de la maladie professionnelle, mais celui résultant du défaut de visite médicale, de sorte que la juridiction prud'homale est compétente.

Aux termes de l' article R. 4624-12 du code du travail, dans sa rédaction ici applicable, sauf si le médecin du travail l'estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, un nouvel examen médical d'embauche n'est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies:

1) le salarié est appelé à occuper un emploi identique présentant les mêmes risques d'exposition,

2) le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d'aptitude établie en application de l' article R.4624-47 ;

3) aucune inaptitude n'a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours :

*soit des vingt-quatre mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur ;

*soit des douze derniers mois lorsque le salarié change d'entreprise.

Il est constant qu'aucune visite médicale n'a été organisée lors de l'embauche de Mme [X] par la société intimée. La salariée conteste avoir affirmé à son nouvel employeur qu'elle avait été déclarée apte dans le cadre d'un emploi précédemment occupé, identique et présentant les mêmes risques d'exposition. Mme [X] produit par ailleurs les bulletins de paye antérieurs à la signature du contrat de travail à durée déterminée conclu avec la société, portant la mention d'un emploi d'agent spécialisé dans les écoles maternelles n'exposant pas aux mêmes risques et il n'est pas allégué qu'elle aurait occupé un emploi identique à ses fonctions d'ouvrière spécialisée entre le 1er juillet et le 4 septembre 2016.

L'absence de visite d'embauche n'a pas permis à un médecin du travail de vérifier la compatibilité de l'état de santé de Mme [X] avec les fonctions mentionnées sur le contrat de travail, voire les conditions de leur exercice.

Il n'est cependant pas établi que ce défaut de visite d'embauche a été à l'origine de l'inaptitude de Mme [X].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société au paiement d'une somme de 1 000 euros de ce chef.

b- les congés payés et indemnités de l' article L.1226-14 du code du travail

Mme [X] entend préciser que l' indemnité de congés payés calculée, en ce compris les périodes d'arrêt de travail pour maladie professionnelle, a été réglée avec retard et que la cour devra en tenir compte s'agissant de l'exécution déloyale du contrat de travail. Le dispositif de ses conclusions ne mentionnent pas de demande de paiement de dommages et intérêts de ce chef.

Mme [X] demande paiement de l' indemnité de préavis et du solde de l' indemnité de licenciement dues en cas de licenciement d'un salarié dont l'inaptitude est d'origine professionnelle. Elle considère que l' employeur avait connaissance de l'origine professionnelle, au moins partielle, de son inaptitude, peu important que la Mutuelle Sociale Agricole l'ait reconnue après le licenciement.

La société répond que l'avis d'inaptitude ne porte pas mention d'une maladie professionnelle et que la reconnaissance de celle- ci par la Mutualité Sociale Agricole ( MSA) est postérieure au licenciement.

Aux termes de l' article L.1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinea de l' article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l' indemnité compensatrice de préavis prévue à l' article L.1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l' indemnité prévue par l' article L.1234-9.

Ces dispositions s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle a été constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine la maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Mme [X] a été placée en arrêt de travail sans discontinuité du 29 mars 2018 au 27 février 2019. Ces certificats médicaux portaient la mention d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

Mme [X] a demandé la reconnaissance d' une maladie professionnelle et son employeur en a été informé dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande.

Selon avis daté du 10 décembre 2018, transmis à la société, le médecin du travail a indiqué que l'état de santé de Mme [X] contre indiquait la reprise de son poste, un aménagement ou un reclassement devant être envisagé ainsi qu'une étude de poste qui a eu lieu le 12 décembre 2018 en présence de l' employeur. À l'issue de cette visite, le médecin du travail a déclaré Mme [X] inapte à son poste, un reclassement étant possible à un poste sans travail manuel ni conduite de véhicule de manière prolongée. Cet avis n'a pas été contesté par l'employeur.

À la date du licenciement, la société était suffisamment informée de ce que l'inaptitude de Mme [X] était, au moins partiellement, due à une maladie professionnelle et les dispositions de l' article L.1226-14 sont applicables, peu important la reconnaissance postérieure de la maladie professionnelle.

La société sera dès lors condamnée à payer à Mme [X] le solde de l' indemnité de licenciement et l' indemnité de préavis non génératrice de congés payés, étant précisé que la majoration prévue par l' article L.5213-9 ne s'applique pas lors de l'application de l' article L.1226-14 du code du travail.

La société devra verser à Mme [X] les sommes de :

- 1 327,31 euros à titre d' indemnité spéciale de licenciement ;

- 4 165,47 euros à titre d' indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire, Mme [X] ayant au moins deux ans d' ancienneté.

La société devra délivrer à Mme [X] une attestation France Travail et un bulletin de paye rectifiés dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt.

c- le licenciement

Mme [X] prie la cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs du non- respect de l' obligation de reclassement, du non- respect des dispositions relatives à la consultation des délégués du personnel et du manquement de l' employeur à son obligation de sécurité. Mme [X] dit pour l'essentiel que l' employeur n'a pas échangé avec le médecin du travail au sujet du poste de commercial prétendument itinérant qui ne lui a pas été proposé, qu'il n'est aussi pas démontré que ce poste nécessitait la conduite prolongée d'un véhicule automobile, qu'aucune recherche externe de reclassement n'a été effectuée, que la société n'a même pas interrogé la SAMETH.

La société répond que le poste de commercial intinérant - qui n'a pas été créé- était incompatible avec les préconisations du médecin du travail excluant la conduite automobile de manière prolongée et qu'elle n'était pas tenue d'interroger le médecin du travail à son sujet, qu'en tout état de cause, elle n'était pas tenue de créer un poste.

Il revient à l'employeur d'établir qu'il a réalisé une recherche de travail de manière sérieuse, loyale et complète dans le respect des préconisations posées par le médecin du travail, soit l'absence de travail manuel et de conduite de véhicule de manière prolongée.

Par lettre datée du 21 décembre 2018, l' employeur a informé Mme [X] de ce que le seul poste compatible avec sa qualification est celui de commercial intinérant et autonome, incompatible avec l'absence de conduite de véhicule de manière prolongée.

La société ne produit pas de pièce qui établirait qu'elle intervient sur toute la région de Nouvelle Aquitaine nécessitant une conduite automobile prolongée.

La société n'apporte pas non plus d'élément établissant que ce poste de commercial était itinérant, la compétence de Mme [X] en matière commercial n'étant pas contestée.

La société n'a pas interrogé le médecin du travail sur la compatibilité du poste de commercial, itinérant ou non, avec l'état de santé de Mme [X].

La société qui devait rechercher un poste de reclassement de manière loyale, ne peut aujourd'hui opposer qu'elle n'était pas tenue de créer un poste puisqu'elle l'a évoqué dans sa lettre datée du 21 décembre 2018.

L'employeur n'a pas saisi le Service d'Aide pour le Mantien dans l' Emploi des Travailleurs Handicapés ( SAMETH) dont l'objet est d'apporter aide et conseils aux employeurs de salariés handicapés.

Pour ces raisons, la cour considére que la société n'établit pas avoir effectué une recherche sérieuse, loyale et complète de reclassement et le licenciement de Mme [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société oppose que Mme [X] demande des dommages et intérêts d'un montant excédant le maximum prévu par l' article L.1235-3 du code du travail, eu égard à son ancienneté.

La société a méconnu les dispositions relatives aux dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail et doit être indemnisée à hauteur minimale de six mois de salaire de sorte que les maxima prévus par l' article L.1235-3 du code du travail ne sont pas applicables.

Mme [X] produit son avis d'impôt sur les revenus de l'année 2020 indiquant un revenu fiscal de référence de 13 948 euros, des relevés d'opérations bancaires mentionnant le remboursement d'un prêt par mensualités de 631,54 euros et des bulletins de paye portant sur des montants très nettement inférieurs à sa précédante rémunération. Elle était reconnue travailleuse handicapée.

Compte-tenu de ces éléments et des circonstances du licenciement, la société sera condamnée à lui verser la somme de 12 500 euros.

En application des dispositions de l' article L.1235-4 du code du travail, la société devra rembourser à France Travail de Nouvelle Aquitaine les indemnités perçues par Mme [X] depuis son licenciement dans la limite d'un mois.

d- la clause de non concurrence

Mme [X] fait valoir que la clause de non concurrence prévue au contrat de travail s'appliquait bien à elle dans la mesure où elle exerçait, notamment, une activité commerciale, que cette clause n'a pas été levée, qu'elle est nulle pour ne pas prévoir de contrepartie financière et qu'en respectant cette clause, elle a été entravée dans la recherche d'un emploi.

La société répond que la clause de non concurrence prévue au contrat de travail n'est pas applicable à Mme [X] qui n'exerçait pas de fonction commerciale et qu'en tout état de cause, cette dernière n'établit pas que cette obligation de non concurrence aurait entravé ses recherches d'emploi.

Le contrat de travail signé par les parties comporte la clause suivantes :

' pendant la durée du présent contrat, le salarié est tenu à l' égard de l' employeur à l' obligation de non- concurrence. Si le salarié est amené à exercer une fonction commerciale, il s'engage après la rupture du contrat une non-concurrence en tant que salarié dans le département de la Gironde pendant deux ans'.

Aux termes du contrat de travail, la salariée pouvait être amenée à exercer des fonctions commerciales rémunérées indépendamment du salaire fixe.

Les bulletins de paye des mois de janvier, avril et mai 2018 mentionnent le paiement d'une prime sur chiffre d'affaires, de prime commerciale sur chiffre d'affaires et de prime commerciale. La société ne conteste pas le tableau versé sous cote 4 portant mention de nom de clients, la date et le montant des devis, le montant de la facturation, la date du réglement et le taux applicable de 5%.

Ces éléments établissent que Mme [X] réalisait, notamment, une fonction commerciale et la société dit en vain que cette disposition ne la concernait pas.

Pour être valable, une clause de non - concurrence doit, notamment, comporter une contrepartie financière. Cette clause n'en prévoit pas et est nulle.

Le salarié qui a respecté une clause de non- concurrence illicite peut prétendre au versement de dommages et intérêts à condition de justifier d'un préjudice.

Mme [X] ne verse cependant pas de pièce qui aurait établi qu'elle s'est abstenue de rechercher un emploi ' concurrent' au sens de cette clause, pendant son contrat de travail ou qu'elle aurait été entravée dans la recherche d'un tel emploi après la rupture de son contrat de travail.

Mme [X] sera déboutée de ce chef.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2du code civil.

Vu l'équité, la société sera condamnée à payer à Mme [X] la somme totale de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la société supportera la charge des entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Bertrand Espace Vert au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite d'embauche;

- débouté Mme [X] de sa demande au titre de la clause de non- concurrence;

statuant à nouveau,

Dit le que le licenciement de Mme [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Bertrand Espace Vert à payer à Mme [X] les sommes suivantes :

- 1 327,31 euros à titre de solde d' indemnité spéciale de licenciement;

-4 165,47 euros à titre d' indemnité de préavis sans congés payés afférent:

-12 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit n'y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

Dit que la société Bertrand Espace Vert devra rembourser à France Travail de Nouvelle Aquitaine les indemnités perçues par Mme [X] depuis son licenciement dans la limite d'un mois ;

Condamne la société Bertrand Espace Vert à payer à Mme [X] la somme totale de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Bertrand Espace Vert aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Dit que l'arrêt sera notifié à France Travail de Nouvelle Aquitaine.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03785
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.03785 ?
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