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19/06/2024 | FRANCE | N°21/03769

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 19 juin 2024, 21/03769


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 19 JUIN 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03769 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF7X

















Monsieur [F] [U]



c/



S.A.S. QUINOA RESIDENTIEL

















Nature de la décision : AU FOND


















>Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 mai 2021 (R.G. n°F 20/00079) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 01 juillet 2021,





APPELANT :

Monsieur [F] [U]

né le 28 Juillet 1987 à [Localité 3] ([Localité 3])...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 19 JUIN 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03769 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF7X

Monsieur [F] [U]

c/

S.A.S. QUINOA RESIDENTIEL

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 mai 2021 (R.G. n°F 20/00079) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 01 juillet 2021,

APPELANT :

Monsieur [F] [U]

né le 28 Juillet 1987 à [Localité 3] ([Localité 3]) de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Quinoa Résidentiel, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 351 607 866 00081

représentée par Me Murielle GANDIN substituant Me Emmanuel ESCARD DE ROMANOVSKY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [F] [U], né en 1984, a été engagé en qualité d'agent de préparation et de conditionnement par la SAS Eoliance Résidentiel (anciennement Quinoa Résidentiel), par contrat de travail à durée déterminée pour la période allant du 1er septembre 2018 au 28 février 2019, conclu pour « accroissement temporaire d'activité lié à la réorganisation industrielle du groupe Quinoa ».

Par avenant du 20 février 2019, le contrat a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2019 pour le motif de « sucroît d'activité lié à l'appel d'offres Kingfisher ».

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la plasturgie.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne du salarié s'élevait à la somme de 2.046,31 euros.

Le contrat de travail a pris fin à son terme, soit le 31 décembre 2019, date à laquelle M. [U] avait une ancienneté d'un an et trois mois. La société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 5 juin 2020, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne afin de demander la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et le paiement d' indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour exécution déloyale dudit contrat, manquement à l'obligation de sécurité du salarié, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 25 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [U] à payer à la société Quinoa Résidentiel la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] aux dépens.

Par déclaration du 1er juillet 2021, M. [U] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 4 juin 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 février 2024, M. [U] demande à la cour de :

- le juger bien fondé en toutes ses demandes,

- infirmer le jugement contradictoirement rendu le 25 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Libourne en ce qu'il l'a :

* débouté de l'ensemble de ses demandes,

* condamné à payer à la société Quinoa Résidentiel la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné aux dépens,

Par conséquent, statuant à nouveau,

Sur l'exécution du contrat de travail

- requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

Par conséquent,

- condamner la société Eoliance Résidentiel à lui payer les sommes suivantes

* 2.046,31 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1245-2 du code du travail,

* 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à la préservation de la santé et de la sécurité du salarié,

Sur la rupture du contrat

Les indemnités de rupture

- condamner la société Eoliance Résidentiel à lui payer les sommes suivantes

* 2.046,31 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 204,63 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

* 682,11 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier

A titre principal,

- écarter le barème fixé dans l'article L. 1235-3 du code du travail,

Par conséquent,

- condamner la société Eoliance Résidentiel à lui payer la somme de 6.150 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier en réparation de l'entier préjudice,

A titre subsidiaire,

- la condamner à lui payer la somme de 4.092,62 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,

Sur les autres demandes

- la condamner à lui payer :

* la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* les dépens et frais éventuels d'exécution,

- juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil à compter de :

* la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales,

* à compter du prononcé de la décision pour les créances indemnitaires prononcées par la cour produisent intérêts au taux légal,

la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- débouter la société Eoliance Résidentiel de l'ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 février 2024, la société Eoliance Résidentiel demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Libourne le 25 mai 2021,

- débouter M. [U] de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 2.046,31 euros,

En tout état de cause,

- condamner M. [U] aux dépens,

- le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A- la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée

Au visa des articles L.1242-1 et L.1242-2 du code du travail, M. [U] fait valoir que la réalité des motifs de recours n'est pas établie et que ce contrat de travail à durée déterminée concourait à l'activité normale de l' entreprise.

La société répond que le contrat de travail à durée déterminée initial était nécessaire pour faire face à la réorganisation du groupe Quinoa suite à l'absorption par la société Autogyne des sociétés MC et Fadis. Pendant plusieurs mois, les équipes en place à [C] devaient se former à la préparation des commandes afférentes à cette nouvelle activité et M. [U] a été engagé en qualité de préparateur de commande.

Aux termes des articles L.1242-1 et L.1242-2 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à l'activité normale et permanente de l' entreprise. Le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, notamment dans les cas suivants :

1) le remplacement d'un salarié,

2) l'accroissement temporaire d'activité.

Il revient à l' employeur d'établir la réalité du motif de recours figurant sur le contrat de travail à durée déterminée.

Le contrat de travail à durée déterminée initial porte mention d'un accroissement temporaire d'activité lié à la réorganisation industrielle du Groupe Quinoa.

La société produit :

- deux annonces du BODACC des 18, 19, 30 et 31 décembre 2017 relatives à l'absorption par la société Autogyre des sociétés MC et Fadis.

- un tableau intitulé ' plan d'actions Quinoa ' comportant les mentions relatives à la productivité du conditionnement et des préparations de commandes: des problèmes sont indiqués tels que des machines obsolètes, un étiquetage manuel , des déplacements fréquents des préparateurs de commandes et l'accessibilité des racks dynamiques.

Ces seules pièces indiquent la nécessité de résoudre les problématiques sus visées mais sont insuffisantes pour démontrer la nécessité de recourir à l'embauche sous contrat de travail à durée déterminée d'un agent de préparation et de commandes.

La réalité du motif de recours à ce contrat de travail à durée déterminée emporte , par l'effet des dispostions de l' article L.1245-1 du code du travail, la requalitification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, sans nécessité d'étudier la réalité du motif figurant à l'avenant à ce contrat de travail à durée déterminée initial.

Aux termes de l' article L.1245-2 du code du travail, lorsque le juge ordonne la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il met à la charge de l' employeur une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Dans ces conditions,la société sera condamnée à payer à M. [U] la somme de 2 046,31 euros dans la limite de la demande.

B- l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [U] fait valoir que la société a manqué à l' obligation d'exécuter loyalement son contrat de travail en méconnaissant d'une part, les régles relatives à la prise des jours de congés payés et d'autre part, à celles portant sur le repos compensateur voire la contrepartie obligatoire en repos après dépasssemnt du contingent d' heures supplémentaires.

M. [U] indique qu'il n'a pas été informé des dates de prise de congés payés et a été mis, sans son accord, en congés du 15 juillet au 29 juillet 2019; il estime que la note de service opposée par l' employeur concerne le seul management et qu'en tout état de cause, elle préconisait la prise des congés payés au mois d' août.

La société répond que la note de service, diffusée dans l' entreprise, prévoyait que la période de prise de congés payés se situe entre le 1er mai et le 31 octobre 2019, qu'au 31 mai 2019, M. [U] avait acquis 19 jours de congés payés dont 12 ont été pris du 15 au 31 juillet 2019 et six ayant été réglés dans le cadre du solde de tout compte.

L' employeur ne peut imposer la prise de jours de congés payés sans respecter un délai de prévenance de sept jours sauf à invoquer des circonstances exceptionnelles qui ne sont pas ici évoquées.

La diffusion de la note de service aux salariés chargés du management n'emporte pas qu'elle ne s'applique pas aux ouvriers. Cependant, aucun élément n'établit que cette note a été effectivement affichée ou qu'elle aurait été portée à la connaissance de M. [U]. Rien n'est versé non plus au soutien de l'affirmation de la société qu'au sein de l'équipe à laquelle était affecté M. [U], les dates de congés étaient fixées par roulement, aprés échange avec son responsable hiérarchique et ses collègues de travail, le tout dans le respect du délai de prévenance. Il sera aussi constaté que la note de service préconise une prise de congés payés ' sur le mois d' août ( minimum 2 semaines ) compte-tenu de la faible activité à cette période de l'année'et que la société n'apporte aucune explication à ce sujet.

Il doit donc être considéré que la société, qui disposait d'un service des ressources humaines, a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi à ce titre.

M. [U] reproche aussi à l' employeur de ne l'avoir pas informé du nombre de jours de repos compensateur des heures supplémentaires et d'avoir dépassé le contingent d' heures supplémentaires.

La société oppose que M. [U] a été informé par lettre de la responsable des ressources humaines du nombre de jours de repos compensateur.

Elle ajoute que M. [U] ne démontre pas son préjudice.

La société ne démontre pas avoir mis à la disposition du salarié un décompte des heures de travail effectuées et des jours de repos compensateur acquis. La lettre de la responsable des ressources humaines, datée du 21 novembre 2019 était postérieure de plusieurs mois à la date d'embauche de M. [U] lequel, jusqu'alors, est resté ignorant de l'assiette de calcul de ces jours de repos compensateur en dépit de l'utilisation par la société d'un logiciel dédié appelé Kelio.

Ce défaut d'information du salarié participe aussi du manquement de l' employeur à son obligation d'exécuter le contrat de travail de manière loyale.

Laissé dans l'ignorance de ses droits, et placé dans une situation de précarité ne lui permettant pas de faire des réclamations avant la discussion intervenue au mois de septembre 2019 avec le service des ressources humaines - dont la réponse a tardé jusqu'au 21 novembre suivant- M. [U] a subi un préjudice qui sera indemnisé à hauteur de 200 euros.

C- l' obligation de sécurité

M. [U] estime que l' employeur a manqué à son obligation de sécurité en le contraignant à travailler au delà des durées maximales journalière et hebdomadaires.

La société oppose l'absence de démonstration d'un préjudice.

Aux termes des dispositions de l' article L.4121-1 du code du travail, l' employeur doit prendre toutes mesures utiles pour assurer la santé physique et mentale du travailleur.

La société ne conteste pas le nombre d'heures de travail effectuées par M. [U]. La durée hebdomadaire du travail a excédé les maxima de 44 et 48 heures dont est résulté une fatigue entretenue. Le paiement de certaines heures supplémentaires n'était pas de nature à réduire les effets délétères de cette charge de travail et le préjudice subi par M. [U] est certain, peu important l'absence d'arrêt de travail ou de production de certificats médicaux.

Ces dépassements importants des durées maximales de travail ont causé à M. [U] un préjudice qui sera réparé à hauteur de 2 500 euros.

D- la rupture du contrat de travail

M. [U] fait état de ce qu'aucune procédure de licenciement n'a été engagée ni lettre de licenciement notifiée, que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il demande le paiement des indemnités de rupture et des dommages et intérêts au regard de la perte de salaire subie pendant la période de chômage, au cours d'un contrat de travail à durée déterminée et dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

La relation contractuelle étant requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, sa rupture n'étant pas précédée d'une procédure de licenciement puis de la notification d'une lettre de licenciement, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société devra verser à M. [U] les indemnités de rupture conformes au montant de son salaire mensuel de référence et à son ancienneté soit les sommes de :

-2 046,31 euros et 204,63 euros au titre de l' indemnité compensatrice de préavis;

- 682,11 euros au titre de l' indemnité de licenciement.

En réparation du préjudice subi résultant de la rupture de son contrat de travail, M. [U] fait état de l'inconventionalité des dispositions de l' article L-1235-3 du code du travail et demande, à titre principal, le paiement d'une somme égale à trois mois de salaire. À titre subsidiaire, M. [U] demande paiement de la somme correspondant à deux mois de salaire.

La société oppose que M. [U] ne produit pas de recherche d'emploi pendant sa période de chomage, qu'il a travaillé dans l' entreprise de son père pour un salaire égal à celui qu'il percevait dans l' entreprise et qu'il ne produit pas de bulletins de paye.

D'une part, les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

D'autre part, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi, étant observé que celles de l'article L. 1235-3-1 du même code prévoient que, dans des cas limitativement énumérés entraînant la nullité du licenciement, le barème ainsi institué n'est pas applicable.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est en outre assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, aux termes desquelles le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention précitée et qu'il n'y pas lieu d'écarter le barème en résultant.

Lors de la 111ème session de 2023, la commission des experts de l'Organisation Internationale du Travail a examiné, dans le cadre de son rapport sur l'application des conventions et recommandations de l'OIT, les observations relatives à l'article L. 1235-3 des syndicats CFDT et CFE-CGC, du gouvernement français, les arrêts rendus le 11 mai 2022 par la Cour de cassation ainsi que la décision émanant du comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe publiée le 26 septembre 2022 (concluant à la violation de l'article 24 de la Charte sociale européenne).

Au vu de ces éléments, elle a prié 'le gouvernement [français] de communiquer des informations sur l'examen, en concertation avec les partenaires sociaux, des modalités du dispositif d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-3 de façon à assurer que les paramètres d'indemnisation prévus par le barème permettent, dans tous les cas, une réparation adéquate du préjudice subi pour le licenciement abusif'.

Les recommandations de la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT n'ont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers en ce qu'elles s'adressent directement au pouvoir politique d'un Etat membre.

Cette invitation, qui pourrait, le cas échéant, mettre le gouvernement français en défaut vis- à-vis des recommandations de l'OIT ne remet pas en cause la légalité du barème ni sa conventionnalité.

En conséquence, l'invocation de la dernière recommandation adressée au gouvernement pour donner suite à des informations demandées, ne peut pas non plus conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

La cour appliquera donc les dispositions de l' article .1235-3 du code du travail.

M. [U] produit une attestation France Travail pour la période du 1er janvier au 20 juin 2020, un contrat de travail à durée déterminée du 2 juin a 4 décembre 2020, un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet portant sur des fonctions d'employé de vente et un salaire mensuel de 1 900 euros, peu important que son employeur porte le même nom de famille.

Compte-tenu du montant de sa rémunération, de son ancienneté et de la perte de revenus résultant de la rupture de son contrat de travail, M. [U] sera indemnisé à hauteur de 2 500 euros.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

Vu l'équité, la société sera condamnée à verser à M. [U] la somme totale de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Partie perdante, la société supportera la charge des entiers dépens des procédures de première instance et d'appel et les frais éventuels d'exécution.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Infirme le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

Dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Eoliance Résidentiel à payer à M. [U] les sommes suivantes :

-2 046,31 euros à titre d'indemnité de requalification ;

-200 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

-2 500 euros pour manquement à l'obligation de sécurité ;

-2 046,31 euros et 204, 63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-682,11 euros à titre d' indemnité de licenciement,

-2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispisitons de l' article L.1235-3 du code du travail,

Dit n'y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

Condamne la société à payer à M. [U] la somme totale de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel ;

Condamne la société Eoliance Résidentiel aux entiers dépens et aux frais éventuels d'exécution.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03769
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.03769 ?
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