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19/06/2024 | FRANCE | N°21/03701

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 19 juin 2024, 21/03701


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 19 JUIN 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03701 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF23

















Association Jeunesse Habitat Solidaire



c/



Madame [I] [H]

















Nature de la décision : AU FOND

Et Sursis à statuer sur la question de l'indû des prestat

ions versées par l'organisme de prévoyance Malakoff Humanis à Mme [H] et sur celle du remboursement à l'association de cet indû par Mme [H]

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 juin 2021 (R.G. n°F 18/01371) par le Co...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 19 JUIN 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03701 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF23

Association Jeunesse Habitat Solidaire

c/

Madame [I] [H]

Nature de la décision : AU FOND

Et Sursis à statuer sur la question de l'indû des prestations versées par l'organisme de prévoyance Malakoff Humanis à Mme [H] et sur celle du remboursement à l'association de cet indû par Mme [H]

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 juin 2021 (R.G. n°F 18/01371) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 29 juin 2021,

APPELANTE :

Association Jeunesse Habitat Solidaire, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

assistée de Me GIRINON substituant Me Véronique DUCASSE de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocats au barreau de BORDEAUX, représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [I] [H]

née le 20 juillet 1958 à [Localité 3] de nationalité française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jérôme DELAS de la SELARL ATELIER AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mai 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie HYLAIRE, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Sylvie Tronche, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er janvier 2004, Madame [I] [H], née en 1958, a été engagée par l'association Foyer Pour Tous en qualité de directrice, groupe V, coefficient 247 de la convention collective nationale des foyers de jeunes travailleurs.

L'association Foyer Pour Tous est une association d'éducation populaire proposant des offres d'hébergement à des jeunes de 16 à 25 ans pour les accompagner dans le démarrage de leur vie active.

Elle était présidée par M. [T] [U].

En 2013, un rapprochement a été entamé avec une autre structure, l'association Eveil Habitat Jeunes.

Durant la phase préparatoire, Mme [H] a été absente pendant trois mois et demi suite à une opération de l'épaule d'octobre 2013 à mi-janvier 2014, date à laquelle elle a repris son poste dans un premier temps dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique jusqu'à fin mars.

La fusion entre les deux associations a abouti en juillet 2014, sous la dénomination d'association Jeunesse Habitat Solidaire dont les statuts, établis le 4 septembre 2014, ont été approuvés par arrêté du ministre de l'intérieur du 23 avril 2015.

Du fait de cette fusion, l'association était désormais pilotée par deux directeurs délégués, Mme [H] en sa qualité d'ancienne directrice au sein de l'association

Foyer Pour Tous, et M. [N] [L], en sa qualité d'ancien directeur de l'association Eveil Habitat Jeunes, chacun d'eux prenant néanmoins la tête de l'établissement qu'il dirigeait antérieurement, soit la résidence [E] [A], pour Mme [H], et la résidence Rosa Parks, pour M. [L].

La répartition des tâches entre les anciens directeurs des deux associations fusionnées a été validée par le conseil d'administration le 22 janvier 2015, sur la base d'une fiche de poste prévoyant les délégations suivantes :

- pour Mme [H], employée à temps plein :

* vie associative et administrative de l'association,

* gestion des projets socio-éducatifs,

* développement des projets habitat jeunes,

* gestion des ressources humaines du personnel affecté à ses délégations,

* supervision de la gestion de la résidence [E] [A] ;

- pour M. [L], employé à 75% :

* gestion financière et budgétaire,

* gestion du patrimoine,

* gestion de la communication,

* gestion des ressources humaines du personnel affecté à ses délégations,

* supervision de la gestion de la résidence Rosa Parks.

Au cours de l'année 2015, des échanges ont eu lieu entre les deux directeurs délégués, Mme [H] imputant à M. [L] la responsabilité de divers dysfonctionnements.

Mme [H] a envoyé certains de ses échanges en copie au président de l'association, M. [U], et s'est aussi adressée directement à celui-ci ainsi qu'à certains des administrateurs de l'association.

A la suite de deux courriels de Mme [H] des 10 juin et 16 juillet 2015, M. [U] a informé le 24 juillet 2015 celle-ci ainsi que M. [L] de la décision prise par le conseil d'administration de recourir à un conseiller en médiation suite aux difficultés

constatées en cours d'année sur le fonctionnement de la co-direction, le choix s'étant porté sur une société gérée par Mme [J] [X] qui a mené la mesure.

À compter du 26 octobre 2015, Mme [H] a été placée en arrêt de travail à raison d'une pathologie affectant son épaule gauche : le 9 novembre 2015, le médecin traitant de Mme [H] a prescrit un nouvel arrêt pour 'tendinopathie du sous-épineux de l'épaule droite' qualifiée de maladie professionnelle.

Le 30 novembre 2015, Mme [H] a présenté une demande de reconnaissance de maladie professionnelle du fait de cette pathologie que la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après CPAM) a, après saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (ci-après CRRMP), refusé de prendre en charge par décision du 12 août 2016.

A compter du 23 août 2016, le médecin traitant de Mme [H] a délivré des certificats de travail pour maladie professionnelle évoquant une 'dépression réactionnelle dans le cadre du travail'.

Le 8 octobre 2016, Mme [H] a formulé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre de sa dépression qui a été prise en charge par la CPAM par décision du 22 septembre 2017, après avis favorable du CRRMP en date du 14 septembre 2017.

Par jugement rendu le 13 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux, saisi du recours formé par l'association à l'encontre de la décision de la caisse fixant à 22 % le taux d'incapacité permanente partielle à 22%, a, après expertise, ramené ce taux à 12%.

Mme [H] a été reconnue invalide catégorie 1, selon titre de pension du 7 août 2017, lui ouvrant droit à une rente annuelle de 11.008,50 euros.

Suite à une visite de reprise du 2 octobre 2017, la salariée a été déclarée inapte à son poste de travail et à tous les postes de l'entreprise, le médecin du travail précisant que l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Le 19 octobre 2017, l'association a informé Mme [H] de l'impossibilité de la reclasser et l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 octobre suivant. La salariée a informé l'employeur de son absence à l'entretien par lettre du 23 octobre 2017.

Mme [H] a ensuite été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 7 novembre 2017.

A la date du licenciement, elle avait une ancienneté de 13 ans et 10 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Mme [H] a été admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er août 2020.

***

Le 10 septembre 2018, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux contestant à titre principal la validité de son licenciement et, à titre subsidiaire, la légitimité de celui-ci et réclamant diverses indemnités.

Un litige est apparu dans le montant des prestations versées à Mme [H] par l'organisme de prévoyance Malakoff Humanis, par l'intermédiaire de l'association, qui s'est vue réclamer le remboursement de la somme de 20.085,44 euros correspondant à un trop-perçu, à la suite de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme [H], au regard de l'augmentation des indemnités journalières de la sécurité sociale résultant de cette reconnaissance.

Le 22 mars 2021, Mme [H] n'ayant pas accédé à la demande de l'association de remboursement de ces sommes, l'association a fait assigner l'organisme de prévoyance et la salariée devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir juger qu'elle n'est pas débitrice de la répétition des prestations indûment versées à Mme [H].

Il a été précisé à l'audience, à la demande de la cour, que la procédure avait été renvoyée à une audience de mise en état en septembre 2024.

Par jugement rendu le 11 juin 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [H] de ses demandes fondées sur le harcèlement moral,

- jugé le licenciement de Mme [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association Jeunesse Habitat Solidaire à régler à Mme [H] les sommes suivantes :

* 32.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'association aux dépens,

- ordonné à l'association Jeunesse Habitat Solidaire le remboursement à Pôle Emploi des indemnités chômage perçues par Mme [H] dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage,

- débouté l'association Jeunesse Habitat Solidaire de ses demandes reconventionnelles,

- rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire au dispositif du jugement.

Par déclaration du 29 juin 2021, l'association Jeunesse Habitat Solidaire a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 mai 2023, l'association Jeunesse Habitat Solidaire demande à la cour de :

- confirmer qu'aucun fait de harcèlement moral ne saurait lui être opposé et de débouter Mme [H] de son appel incident,

- dire que le licenciement de Mme [H] est parfaitement bien fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse en l'absence de manquement aux obligations de prévention et de santé de l'employeur,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à payer à Mme [H] la somme de 32.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- dire n'y avoir lieu à lui ordonner de procéder au remboursement des indemnités chômage perçues par Mme [H] dans la limite de deux mois sur le fondement de l'article L. 1235-4 du code de travail,

- dire que Mme [H] a perçu indûment un complément de salaire de la prévoyance du fait de la requalification de son arrêt de travail en arrêt de travail d'origine professionnelle,

- à titre principal, surseoir à statuer sur la demande de remboursement à l'employeur des sommes indûment perçues par Mme [H] à hauteur de 20.085,44 euros nets dans l'attente du jugement qui sera rendu par le tribunal judiciaire,

- à titre subsidiaire, condamner Mme [H] à lui régler la somme de 20.085,44 euros,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- condamner Mme [H] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de la procédure.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 février 2024, Mme [H] demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement rendu le 11 juin 2021 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à la nullité de la rupture de son contrat de travail,

Statuant à nouveau,

- dire que son licenciement est nul et de nul effet,

- condamner l'association Jeunesse Habitat Solidaire au règlement d'une somme de 100.868,64 euros à titre de dommages et intérêts en application des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- le réformer quant au quantum des dommages et intérêts qui lui ont été alloués,

- condamner l'association Jeunesse Habitat Solidaire au règlement d'une somme de 50.434,32 euros d'indemnité (articles L. 1235-3 et L. 4121-1 du code du travail),

Statuant à nouveau,

- confirmer le jugement prud'homal en ce qu'il a débouté l'association Jeunesse Habitat Solidaire de sa demande reconventionnelle tendant au remboursement d'une somme de 20.085,44 euros nette au titre d'un prétendu indu sur incapacité temporaire totale de travail,

- la débouter de ses plus amples demandes,

- la condamner au règlement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 6 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement

Mme [H] conclut à la nullité de son licenciement au motif que son inaptitude serait la conséquence du harcèlement moral qu'elle prétend avoir subi.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 dans sa rédaction applicable au litige prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de ses prétentions, Mme [H] invoque les éléments suivants :

- des dysfonctionnements structurels / institutionnels,

- des dissensions personnelles,

- l'inertie du conseil d'administration,

- la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

1. Sur les dysfonctionnements structurels

Mme [H] fait valoir que la fusion des deux associations emportait des conséquences qui supposaient, selon elle, que la structure se dote d'un encadrement et du personnel nécessaire, ce qui n'a pas été le cas, en présence d'un conseil d'administration qui n'était 'guère investi', chacun des administrateurs ayant par ailleurs une activité professionnelle soutenue.

Elle invoque les éléments suivants ayant contribué, selon ses affirmations, à une surcharge de travail et à son isolement :

- la cadre comptable de l'association, Mme [G], absente pour maladie, à compter du mois de septembre 2013, n'a été remplacée que jusqu'en juillet 2014 et la délégation comptable confiée à M. [L] a mis à mal la rigueur de la comptabilité, entraînant d'ailleurs la démission du trésorier de l'association, M. [B] ; il résulte de l'attestation de celui-ci produite par l'association qu'il a seulement envisagé de démissionner au regard des difficultés à obtenir de Mme [H] les informations nécessaires ;

- la répartition de la charge de travail avec M. [L] n'était pas efficace dès lors que celui-ci n'occupait qu'un poste à temps partiel (75%) et qu'à compter du mois de mars 2015, il a en outre exercé un mandat politique auprès du conseil départemental : est visé un mail de celui-ci excusant son absence à une réunion le 13 avril 2015, en raison d'une convocation tardive au conseil départemental (pièce 15) ;

- les fiches de poste n'ont été validées que le 22 janvier 2015, soit plus d'un an après l'amorce de la fusion évoquée lors de l'assemblée générale extraordinaire de décembre 2013 ;

- M. [L] ne partageait pas avec elle les informations en matière financière et les nombreux mails qu'elle produit démontrent qu'il 'sollicitait le concours de chacun dans l'accomplissement de ses tâches' mais 'n'apportait guère le sien' : sont visés des mails échangés avec M. [L] :

*le 03/02/2015 : « [N], Et si tu te chargeais de relancer la fondation pour traiter les sujets en attente dans ton 'agenda' ' Cela éviterait à toute une chaîne de professionnels de perdre du temps sur les dossiers dont tu as la charge'Pas vrai !!' (') » (pièce n°17),

* le 18/05/2015, adressé en copie aux membres du bureau de l'association : à propos du retard de paiement de factures pour différents services (médecine du travail, Snefos [syndicat national employeur des foyers et résidences sociales], organisme de prévoyance Humanis) : « [N], (') Je me trouve dans l'impossibilité d'exécuter les démarches indispensables au traitement normal des dossiers. Peux-tu envisager le traitement urgent de ces factures ' J'apprécierai pouvoir travailler dans des conditions normales' » (pièce n°60),

* le 19/05/2015 en réponse à M. [L] qui a demandé à une salariée (Mme [M] [HV]) d'être présente pour finaliser les paies, et explique à Mme [H], qui critique cette décision, que c'est pour éviter des décalages de paiement des salaires, Mme [H] lui répond : « Je ne fais que 45 heures de travail dans l'exécution de mon contrat' et je hiérarchise les urgences : le PIA en est une qui vaut bien un peu de ta contribution. D'autant que les problèmes que je traite sur PIA sont liés au dérapage de l'enveloppe du projet par GH (ne serait-ce pas un peu de ta délégation ') Donc cet apm [M] va à Rosa et je n'ai pas contrôlé les éléments » (pièce n°19) ; aucune explication n'est donnée sur 'le PIA',

* le 10/06/2015, adressé en copie aux membres du bureau, à propos du Snefos : « [N], (') Je souligne que ce dysfonctionnement nuit sévèrement à l'organisation de mon travail et à mon travail lui-même ' quant à l'image de l'association, je laisse à chacun le soin d'apprécier la situation.

Ce qui m'amène à adresser ce mail aux membres du bureau. » (pièce n°31),

* le 24/06/2015 : « [N], Je comprends ta préoccupation de centraliser la compta ' mais il se trouve que JE passe mon temps à rechercher les pièces qui manquent en compta sur l'année 2014 pour les transmettre à [C] (et [S] ne peut pas être la cause de tous nos maux !!!) et JE passe mon temps à gérer des factures impayées 2015 toutes les semaines '

Donc : soit les factures qui arrivent à [A] sont traitées et classées à [A], soit

tu te charges d'assurer la totalité du suivi, de la mise en paiement et du classement ; tu prends TOUTES les dispositions nécessaires à dépolluer mon

travail de tous ces éléments (') L'organisation de l'exécution de tes missions est nécessaire pour tous, merci de ta compréhension » (pièce n°21),

* le 01/09/2015 : « [N], Au regard de l'ordre du jour du CA sur le point 'réorganisation de la gestion de l'association : rapport du directeur délégué', merci de me communiquer ta proposition que j'en prenne connaissance avant le CA ' et que nous puissions avoir un échange si besoin. Il ne me semble pas possible de piloter une direction sans partager systématiquement tout document destiné au CA » (pièce n°25),

* le 07/09/2015, mail adressé en copie à M. [U] : « [N], Je déplore ton absence de transparence dans le travail de direction que nous menons ensemble. Depuis mi-août, je t'ai demandé de me communiquer le volet budgétaire des dossiers de subventions. Je t'ai remis pour ma part toutes les pièces administratives et de projets qui concernent ces mêmes dossiers fin juillet.

Donc pour la quatrième fois merci de me transmettre :

- les budgets réalisés et prévisionnels de dossier conseil Régional

- les budgets prévisionnels du dossier AGLS / Etat

- le tableau budgétaire réalisé des postes affectés à la fonction socio-éducative CAF

A défaut de disposer de ces documents et comme ils sont étroitement articulés aux projets, je suis dans l'embarras à chaque demande de clarification ou de complément de nos financeurs (') » (pièce n°26),

* le 17/09/2015, nouvelle relance au sujet de la demande du 7 septembre, adressée en copie aux membres du bureau : « [N] (...) A ce jours, et malgré mes nombreuses relances orales et écrites, tu ne m'as toujours pas communiqué les éléments financiers de ces dossiers. Je suis donc dans l'incapacité d'avoir une vision globale de ces dossiers. Cette situation me met sérieusement en difficulté pour exercer correctement mes missions (...) (pièce 27).

Mme [H] fait exposer que ces courriels ne sont pas les seules illustrations de la situation, renvoie dans ses écritures à 'beaucoup d'autres, à même tonalité' ajoutant 'la Cour d'appel de Bordeaux s'y réfèrera expressément', soulignant qu'ils sont caractéristiques :

- de fiches de poste mal 'calibrées' ne serait-ce qu'en fonction du taux d'occupation de chacun,

- d'un investissement inégal, puisqu'elle pâtit manifestement des défaillances de M. [L],

- des obstructions et rétentions d'informations et de documents organisées par celui-ci,

- d'une surcharge de travail mal gérée par le conseil d'administration de l'association.

2. Les dissensions personnelles

Mme [H] renvoie à ces courriels produits en pièces 15 à 28 et 30 et 33.

3. L'inertie du conseil d'administration

Mme [H] invoque les éléments suivants :

- les correspondances échangées entre les deux directeurs, souvent laissées en copie

au président de l'association ou à ses différents administrateurs, témoignent de propos peu amènes, et, a minima, de difficultés de communication ;

- les dysfonctionnements entre les deux codirections se faisaient au grand jour et une réorganisation était indispensable ;

Sont visées les pièces 19 à 28 ;

- elle a émis plusieurs alertes au cours du premier semestre de l'année 2015, et notamment :

* courriel du 30 avril 2015 adressé à M. [Z] [RM] [administrateur de l'association] : « Bonjour [Z], La réponse ci-dessous d'[N] ' Qui peut, peut-être, éclairer par l'exemple, l'analyse des dysfonctionnements. Et mon raisonnement sur l'ensemble de cette situation.

Mon avis sur les duysfonctionnements, c'est que ceux-ci sont une conséquence d'une insuffisance de travail d'[N], Ici la cause. Il ne peut pas y avoir une directrice qui travaille et un directeur massivement absent et dont la production est ténue, et un conseil d'administration en retrait dans le traitement - connu - de cette problématique.

La mission de médiation, si elle n'a pas pour mission de se pencher sur les causes n'aboutira pas à un grand changement. Mon problème initial à l'égard d'[N] est venu de ce que son travail est souvent une friche sur laquelle je pallie beaucoup pour éviter les dysfonctionnements. Je vous ai déjà alerté sur ce sujet (...) » (pièce n°30),

* courriel du 4 mai 2015 adressé à M. [U] et à M. [V] [P], membre du conseil d'administration, au sujet du 'pourrissement en cours' de la comptabilité (pièce n°62),

* courriel du 10 juin 2015 déjà cité (pièce 31) à propos des difficultés générées par le défaut de transmission au Snefos des informations nécessaires,

* courriel du 16 juillet 2015 adressé à M. [U] dans lequel Mme [H] s'insurge contre des insultes proférées par le trésorier, M. [B], dénoncées par une salariée, Mme [OW], qu'elle impute aux insuffisances de l'organisation et du traitement comptables, relevant des délégations de M. [L], sans que celui-ci soit renvoyé à ses responsabilités (pièce n°32) ;

- lors du conseil d'administration du 16 avril 2015, il était clair pour chacun que le malaise était prégnant :

* M. [B] faisait le constat que la direction bicéphale proposée ne fonctionne pas et qu'il en va de la responsabilité de chacun car l'association n'est pas en mesure de justifier de ses comptes,

* Mme [Y] déclarait que les CA ne peuvent être des instances dans lesquelles on règle des comptes et réitérait son inquiétude concernant ses tensions qui ne sont pas profitables pour les établissements,

* Mme [CR] soulignait que cette question avait été abordée à plusieurs réunions et que les solutions ne se profilaient pas (pièce n°64) ;

- M. [Z] [RM], administrateur de l'association, indiquera même, dans un courriel en date du 4.05.2015 : « Les dysfonctionnements sont connus et étalés à longueur de CA ('). Le médiateur pourra nous aider à mettre chacun face à ses responsabilités : directeurs mais aussi CA en sa qualité d'employeur » (pièce n°61)

- malgré la prise de conscience des difficultés, ni la présidence de l'association ni son conseil d'administration n'ont jamais pris réellement et concrètement la mesure des dissensions, désorganisations et dysfonctionnements ;

- au contraire, certains administrateurs, dont M. [K], se manifesteront en considérant ne pas avoir à en connaître : le 11 juin 2015, M. [K] écrit à Mme [H] : « Madame la Directrice, Je désapprouve totalement l'envoi du mail que vous avez fait parvenir à l'ensemble du CA : 'éventuellement', le Président aurait suffi »;

En réponse, Mme [H] écrit le même jour : « Bonjour [O], Il t'a échappé que j'ai réservé cet envoi aux membres du bureau.

Je me tiens à ta disposition mais aussi à la disposition des membres du bureau, pour faire un état global et détaillé des dysfonctionnements consécutifs aux impayés des factures (entre autres). Dysfonctionnements qui portent atteintes aux obligations de l'association, aux droits de nos résidents, et aux moyens de la directrice déléguée pour exécuter ses missions. Je me dois donc de faire cette alerte. » (pièce n°63) ;

- ce n'est que le 24 juillet 2015 que M. [U] a indiqué qu'un cabinet de conseil en communication était sollicité pour mettre en place une mesure de médiation (pièce 33) : cette mesure était tardive et n'était pas à la hauteur de ce qui pouvait être espéré par la direction bicéphale car le problème n'était pas essentiellement relationnel mais surtout institutionnel ;

- le diagnostic de Mme [X], médiatrice désignée par l'association, était absolument 'pauvre', comme l'estimait Mme [H] mais aussi Mme [CR], administratrice de l'association dans un échange de SMS entre elles du 23 novembre 2015 (pièce n°58) car les dissensions personnelles ne pouvaient être valablement et correctement résorbées que dès lors que les difficultés structurelles l'étaient aussi ;

- la restitution orale de la mesure de médiation par Mme [X] insistant sur les problématiques de personnes, aurait conduit en outre Mme [H] à se sentir incomprise, à telle enseigne qu'elle sera affectée deux semaines plus tard d'un zona, qui survient, en général, en période de stress.

4. Sur la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé

Mme [H] invoque les éléments suivants :

- les salariés de l'association et ses administrateurs ont été témoins de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ;

- les alertes qu'elle a émises n'ont manifestement pas reçu l'écho escompté (pièces 30 à 32) ;

- la situation conflictuelle avec sa co-direction, le mal-être au travail, la situation de surmenage avec l'impact sur son état de santé préexistaient aux douleurs physiques

consécutives - non à une tendinite 'comme se complaît à le relever l'association - mais à une tendinopathie (qui suppose une lésion - cf. compte-rendu opératoire du 19.02.2016 confirmant une 'rupture transfixiante'- pièce n° 57)' ;

- le stress subi a contribué à l'apparition de troubles musculosquelettiques ;

- l'arrêt de travail, à compter du 26 octobre 2015, prolongé jusqu'à la rupture de son contrat de travail, n'était pas seulement légitimé par des douleurs physiques en lien avec une tendinopathie, mais aussi par le stress et les difficultés d'ordre psychologiques induites par son travail (pièces n°49/1 à 49/3) ;

- elle a consulté le docteur [F], psychiatre, depuis octobre 2014 et jusqu'en février 2017, ce dont il atteste (pièce n°52) ;

- de même, le docteur [D], chirurgien, dans son compte-rendu dressé le 1er décembre 2015 [soit 3 mois avant l'opération chirurgicale qui aura lieu en février 2016] à l'attention du docteur [R], médecin traitant de Mme [H], relate : « Elle se plaint également beaucoup de troubles posturaux et d'un stress psychologique au travail. Pour ma part, je lui conseille à terme une intervention chirurgicale de réparation de la coiffe des rotateurs. Bien entendu, je lui ai expliqué que cela ne corrigera pas l'ensemble des symptômes notamment liés à la névralgie cervico brachiale et son syndrome dépressif » (pièce n°56) ;

- le service des pathologies professionnelles du CHU de Bordeaux indiquait au médecin traitant de Mme [H] le 19 septembre 2016 : « Au regard des éléments rapportés sur le contexte de travail, ainsi que les signes cliniques présentés, Madame [H] me semble dans l'incapacité de reprendre son activité dans cet établissement, sans risque de majoration de son état de santé mentale. Il me semblerait prioritaire de maintenir un soutien psychothérapeutique en privilégiant la thématique du travail, pour lui permettre de clôturer cette période professionnelle, et de se réajuster quant à ses perspectives professionnelles. Par ailleurs, il semblerait intéressant de se rapprocher de la structure, au regard de ce qui est évoqué à l'égard de l'ensemble de l'équipe » (pièce n°48) ;

- Mme [H] a été déclarée inapte à son poste de travail et le caractère professionnel de sa maladie a été reconnu par la CPAM après avis du CRRMP.

***

A l'examen des pièces et explications produites, la cour relève les éléments suivants :

- ainsi que le fait valoir l'association, la fusion des deux associations a fait l'objet d'un dispositif public d'accompagnement par un consultant expert, le cabinet Mazars, entre juillet et décembre 2013, le rapport établi courant décembre démontrant que les aspects administratifs, comptables et relatifs au personnel, y compris ceux des postes de direction, avaient été abordés avec M. [L], étant relevé qu'à la date de la réalisation de cette mission, Mme [H] était en arrêt de travail pour maladie, du 30 septembre 2013 au 14 janvier 2014, ayant ensuite repris en mi-temps thérapeutique jusqu'au 31 mars 2014 ;

- contrairement à ce que soutient Mme [H], la fusion des deux structures n'a été effective qu'à compter de juillet 2014 après l'adoption du traité de fusion des deux associations ;

- l'établissement des fiches de poste validées en janvier 2015, par le conseil d'administration, soit 6 mois plus tard, ne peut donc être considérée comme tardive d'autant que M. [YN], ancien membre des conseils d'administration des deux associations, atteste que c'est Mme [H] et M. [L] qui ont proposé la répartition des tâches entre eux ;

- le temps 'partiel' de M. [L], qui a au demeurant pris fin en avril 2015, ou son activité politique ne sauraient être la démonstration du caractère inéquitable de la répartition des missions entre les deux co-directeurs, l'absence de celui-ci à une réunion en avril 2015 ne permettant pas de retenir que M. [L] était insuffisamment disponible pour assumer les délégations dont il bénéficiait.

Il est en revanche établi que dès la mise en oeuvre de la fusion, la gestion de la comptabilité a posé difficulté :

- la question est évoquée dans le rapport de mission du cabinet Mazars qui mentionne l'existence de deux logiciels différents entre les deux structures et propose qu'entre le 1er janvier 2014 et la date effective de la fusion, une comptabilité analytique soit tenue au sein d'Eveil Habitat Jeunes avec une section distincte pour chacune des associations - au cas où la fusion n'aboutirait pas ;

- aucune des parties ne s'explique sur la manière dont la comptabilité a été gérée entre janvier et juillet 2014 et, a fortiori, par la suite, alors, d'une part, qu'il y avait seulement une secrétaire comptable au sein de l'association Eveil Habitat Jeunes, Mme [W], et que la cadre comptable de l'association Foyer pour Tous, Mme [G], était en arrêt de travail depuis septembre 2013 et n'a été remplacée que jusqu'en juillet 2014 ;

- lors du conseil d'administration du 9 septembre 2004, M. [L] évoque des difficultés de la situation comptable en lien avec un manque de lisibilité du logiciel de comptabilité et de l'état des saisies ;

- le compte-rendu du 14 octobre 2014 fait un constat similaire : M. [L] souligne que des obstacles techniques n'ont pas permis le transfert des éléments RH issus du logiciel de paie qu'utilisait l'association Foyer pour Tous, qu'il est nécessaire de ressaisir toute la comptabilité de la résidence [A] et signale que le commissaire aux comptes s'est alarmé du niveau important d'impayés de la résidence ; est également évoquée la nécessité de clarifier et finaliser l'organisation des missions et des procédures, au constat de pratiques différentes dans les deux structures ;

- la question de la reprise de la comptabilité de la résidence [A] n'est toujours pas réglée lors du conseil d'administration du mois de novembre 2014 : un des administrateurs évoque des difficultés d'apprentissage des personnels de la résidence [A] quant à l'utilisation du nouveau logiciel ;

- le compte-rendu du conseil d'administration du 22 janvier 2015 fait état de ce que la comptabilité est à jour pour la résidence Rosa Parks mais ne l'est pas pour la résidence [A] pour laquelle la saisie des factures n'a été faite que jusqu'au 31 juillet 2014 ;

- lors du conseil d'administration suivant , le 16 avril 2015, la question de l'approbation des comptes 2014 perdure et des tensions importantes opposent les membres du conseil d'administration sur ce sujet ; le compte-rendu de la réunion témoigne de ce que le problème est récurrent depuis septembre 2013 du fait de l'absence de la comptable titulaire de la résidence [A] et ce, malgré la présence d'une comptable remplaçante de septembre 2013 à juin 2014 ; il est souligné par Mme [W], présente au conseil d'administration, qu'il manque des éléments, tels des factures et que les rapprochements entre les paiements en carte bleue ne sont pas possibles ; le président de l'association propose l'aide de 'bénévoles' pour y remédier ;

- au cours de ce même conseil d'administration, la question du fonctionnement de la direction bicéphale est également évoquée, le trésorier, M. [B], estimant que celle-ci ne fonctionne pas, que cela pose problème pour l'établissement des comptes et que les délégations et les interlocuteurs ne sont pas bien définis ;

Mme [Y] 'réitère' son inquiétude concernant ces tensions et Mme [CR] indique que cette question a été abordée à plusieurs réunions et que les solutions ne se profilent pas.

Il est mentionné que les inquiétudes du CA sont fortes concernant la gestion de l'association et les relations entre les directeurs.

Les dysfonctionnements évoqués par Mme [H] sont ainsi en partie établis.

Cependant, d'une part, les nombreuses critiques portées par Mme [H] à l'encontre de M. [L], dont les compétences ont été régulièrement mises en cause par elle de manière très virulente au vu des courriels produits, ne reposent que sur ses seules affirmations et sont au demeurant démenties par les éléments ci-dessus relevés, qui témoignent des difficultés techniques rencontrées par M. [L] notamment sur un plan informatique, du fait de la nécessité de saisir à nouveau l'ensemble de la comptabilité de la résidence [A] et de former le personnel de celle-ci à l'utilisation d'un logiciel nouveau.

Ces difficultés ont certainement eu un impact sur les missions qui étaient confiées à Mme [H] mais ne présentent pas un caractère anormalement excessif au regard notamment des éléments suivants :

- la fusion des deux structures intervenue depuis moins d'une année provoquait nécessairement des changements dans les modalités de fonctionnement de chacune d'elle et de ses directeurs ;

- la posture adoptée par Mme [H] à l'égard de M. [L], traduisant à tout le moins son hostilité à l'égard de celui-ci, n'a pas non plus contribué à l'émergence de solutions et a sans aucun doute favorisé le prétendu isolement dont elle fait état, bien que celui-ci ne repose que sur ses seules allégations ;

- ainsi que relevé précédemment, le trésorier de l'association, M. [B], a d'ailleurs attesté des difficultés rencontrées avec Mme [H] pour obtenir d'elle les pièces et informations qu'il sollicitait, expliquant ainsi avoir envisagé de démissionner ;

- l'impact allégué sur la charge de travail de Mme [H] n'est étayé par aucun élément ;

- enfin, dès le 16 avril 2015, l'association, ayant pris la mesure des difficultés de fonctionnement a proposé le recours à un consultant pour travailler sur le développement des relations entre les deux directeurs, qui se sont déclarés volontaires pour entrer dans cette démarche ; un administrateur a été chargé d'établir un cahier des charges et la désignation du cabinet choisi (Mme [X]), sur la base d'un devis du 2 juillet 2015, a été portée à la connaissance des deux directeurs le 24 juillet 2015, soit dans un délai ne présentant pas un caractère d'anormalité au regard des modalités de fonctionnement d'une association.

D'autre part, il ne peut qu'être relevé que Mme [H] avait été initialement placée en arrêt de travail le 26 octobre 2015 pour un motif sans rapport avec une pathologie en lien avec la situation de stress et de burn-out dont elle n'a fait état que près d'un an plus tard, après avoir été informée du refus opposé par la CPAM de la prise en charge de la pathologie affectant son épaule le 12 août 2016.

La déclaration aux fins de prise en charge de la dépression de Mme [H] a été faite le 26 août 2016, soit 10 mois après le début de l'arrêt de travail de celle-ci, sur la base d'un certificat de son médecin traitant évoquant une 'dépression réactionnelle dans le cadre du travail' qui a, par la suite rectifié ce certificat en précisant qu'il avait été établi sur les dires de la patiente.

La cour relève que dans les autres documents médicaux produits par Mme [H], les praticiens ne font eux aussi que reproduire les déclarations de celle-ci quant à sa situation au travail dont ils n'ont pas fait personnellement le constat et qu'ainsi le lien entre la dépression subie par Mme [H] avec une situation de harcèlement subie par elle ne peut être retenu.

Compte tenu de ces éléments, il sera considéré que les faits invoqués par Mme [H], même pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande de nullité de son licenciement.

Sur la demande subsidiaire au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse

Pour soutenir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [H] invoque le manquement de l'association à son obligation de sécurité au regard des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, à l'obligation de prévention des risques psycho-sociaux par l'élaboration d'un document unique d'évaluation des risques résultant des articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail, invoquant également l'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2008, complété par celui du 26 mars 2010.

L'association conclut à l'infirmation du jugement déféré, faisant exposer que dès que la direction a pris conscience des dysfonctionnements, elle a mis en place une procédure de médiation pour y remédier.

***

Le licenciement pour inaptitude médicale du salarié, que celle-ci ait ou non une origine professionnelle, est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est établi que l'inaptitude est consécutive à un manquement de l'employeur à ses obligations.

Selon avis émis à l'issue de la visite de reprise du 2 octobre 2017 s'inscrivant dans le cadre d'arrêts de travail pris en charge par la CPAM au titre de la législation des risques professionnels, le médecin du travail a déclaré Mme [H] inapte à tous postes dans l'entreprise et a retenu que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement.

D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, comprenant :

- des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

- des actions d'information et de formation ;

- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Dans ce cadre, il doit notamment établir un document unique d'évaluation des risques et le mettre à jour annuellement ainsi que lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés.

D'autre part, l'article 4 de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 rappelle l'obligation pour l'entreprise, en cas de réorganisation, restructuration ou changement de périmètre, de veiller à penser, dans ce nouveau contexte, à un environnement de travail équilibré.

Mme [H] n'est pas démentie par l'association quant à l'absence de mise en place d'un document unique d'évaluation des risques.

La fusion intervenue entre les deux associations entraînait des modifications importantes dans le fonctionnement de celles-ci et dans les conditions de travail des salariés et spécialement de celles des deux directeurs qui se voyaient privés d'une partie de leurs missions par suite d'un partage entre eux des tâches qui leur étaient jusqu'alors dévolues.

Les réactions de Mme [H], qui au moment de la fusion, avait une ancienneté de plus de 10 ans, témoignent d'ailleurs de ses difficultés à intégrer ces changements.

Si une définition des délégations attribuées à Mme [H] et à M. [L] est intervenue, le constat de leur inefficacité et des tensions affectant les relations entre les deux directeurs a été réitéré lors des réunions du conseil d'administration évoquées précédemment et il n'est justifié d'aucune prise en compte des risques psycho-sociaux susceptibles d'être encourus au moment de la préparation et de la mise en oeuvre de la fusion.

Il doit donc être retenu un manquement de l'association à son obligation de préservation de la santé de la salariée.

Les éléments médicaux produits témoignent de ce que, dès le mois de décembre 2015, Mme [H] évoquait une situation de stress psychologique au travail et de ce qu'elle a consulté un psychiatre à partir du mois d'octobre 2014, soit quelques mois seulement après la fusion.

Il est ainsi établi que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ont contribué à la dépression de Mme [H], même si celle-ci n'a été déclarée à la CPAM que plusieurs mois après le début de son arrêt de travail, étant relevé que le CRRMP, dans l'avis émis le 14 septembre 2017 favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la dépression, soulignait l'absence d'antécédents de l'intéressée.

C'est donc à juste titre que le jugement déféré a retenu que les manquements de l'employeur à ses obligations avaient contribué à l'avis d'inaptitude de la salariée et estimé, en conséquence, que le licenciement de Mme [H] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la demande à titre de dommages et intérêts de Mme [H]

Mme [H] demande à la cour de réformer le jugement déféré qui lui a alloué la somme de 32.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement en portant cette somme à 50.434,32 euros.

L'association ne conclut pas autrement qu'en soutenant que le licenciement de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse et que l'intimée doit être déboutée de sa demande à titre de dommages et intérêts et qu'en indiquant qu'il n'y a pas lieu à la condamner à un remboursement à Pôle Emploi.

***

Aux termes des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la date du licenciement de Mme [H] intervenu le 7 novembre 2017, compte tenu de son ancienneté, supérieure à 13 ans, l'indemnité due est comprise entre 3 et 11,5 mois de salaire.

Au vu des bulletins de paie produits, le salaire des six derniers mois précédant l'arrêt de travail de Mme [H] doit être fixé à 4.588,27 euros.

Mme [H] a été déclarée le 7 août 2017 invalide catégorie 1, la pension d'invalidité prévue par le titre délivré par la CPAM s'élevant à 11.008,50 euros.

A l'audience, son conseil, interrogé à ce sujet par la cour, n'a pas été en mesure d'indiquer si Mme [H] avait perçu des indemnités par l'organisme de prévoyance qui, au vu des pièces produites, garantissait également le risque invalidité.

Il n'est apporté aucune précision sur les sommes éventuellement reçues de l'organisme de prévoyance en complément de la pension d'invalidité versée par la CPAM et il n'est pas justifié de la prise en charge de Mme [H] par Pôle Emploi à la suite de son licenciement.

Mme [H] a été admise à bénéficier de ses droits à retraite le 1er août 2020.

Lors du solde de tout compte, elle a perçu la somme de 16.811,44 euros au titre de l'indemnité de préavis et celle de 32.751,18 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

En considération de ces divers éléments, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [H], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa déclaration d'invalidité puis de son admission à faire valoir ses droits à la retraite, il lui sera alloué la somme de 22.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.

Le jugement seraconfirmé en ce qu'il a, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, ordonné le remboursement par l'employeur à France Travail (anciennement Pôle Emploi) des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de deux mois d'indemnités.

Sur la demande de l'association relative aux indemnités versées par Malakoff Humanis Prévoyance au titre des indemnités de prévoyance

L'association demande à la cour de réformer le jugement déféré qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement des prestations versées indûment à Mme [H] à hauteur de la somme qui lui a été réclamée par l'organisme de prévoyance, Malakoff Humanis, à hauteur de 20.085,44 euros, de dire que cette somme a été indûment perçue et, exposant avoir saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux d'une demande tendant à voir juger qu'elle n'est pas débitrice de cette somme :

- à titre principal, de surseoir à statuer sur sa demande de remboursement des sommes indûment perçues par Mme [H] à hauteur de 20.085,44 euros nets dans l'attente du jugement qui sera rendu par le tribunal judiciaire,

- à titre subsidiaire, de condamner Mme [H] à lui régler la somme de 20.085,44 euros.

Mme [H] conclut à la confirmation du jugement déféré qui a débouté l'appelante de sa demande de ce chef, contestant l'assimilation des indemnités journalières de prévoyance à un salaire au sens de l'article L. 3245-1 du code du travail dès lors que ces indemnités ne sont soumises à cotisations sociales que pour la part financée par l'employeur en vertu de la lettre circulaire ACOSS du 15 mars 1973, semblant ainsi soutenir que la juridiction prud'homale ne serait pas compétente, ce qui ne résulte pas du dispositif de ses conclusions.

Elle conteste également le salaire pris en compte pour le calcul des sommes qui lui auraient été indûment versées, ajoutant que le tribunal judiciaire de Bordeaux n'a pas encore statué et que l'organisme de prévoyance Malakoff Humanis a formulé devant cette juridiction une demande de condamnation solidaire à son égard et à l'encontre de l'association.

***

En l'état des pièces et explications dont dispose la cour, d'une part, il n'est pas établi que l'association est tenue au paiement envers l'organisme de prévoyance de la somme dont elle sollicite le remboursement à l'encontre de Mme [H].

Le remboursement de cette somme relèverait, si l'association en est jugée débitrice par le tribunal judiciaire de Bordeaux à l'égard de l'organisme de prévoyance, de la compétence de la juridiction prud'homale comme résultant d'un litige né à l'occasion du contrat de travail, au sens de l'article L. 1411-1 du code du travail mais la demande de l'association à ce titre n'est pas en l'état d'être jugée dès lors qu'elle découle de la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux.

D'autre part, les modalités de calcul de l'indû réclamé par l'organisme de prévoyance ainsi que son montant concernent les relations entre celui-ci et Mme [H], dans le cadre du contrat de prévoyance souscrit auprès de cet organisme, par l'intermédaire de son employeur.

Il sera donc sursis à statuer à ce titre et, au constat que la question litigieuse n'est pas en l'état d'être jugée, ordonné la radiation de l'affaire à ce sujet, qui ne pourra être réinscrite que dans les conditions prévues au dispositif du présent arrêt et, sous réserve de l'invitation expresse faite par la cour de la recherche d'un accord entre les parties conclu sur cette question.

Sur les autres demandes

L'association appelante, partie perdante à l'instance et, pour l'essentiel en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [H] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [H] de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, en ce qu'il a considéré que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et ordonné à l'association le remboursement à France Travail (anciennement Pôle Emploi) des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [H] depuis son licenciement dans la limite de deux mois d'indemnités,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne l'association Jeunesse Habitat Solidaire à payer à Mme [H] la somme de 22.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement,

Dit qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la question de l'indû des prestations versées par l'organisme de prévoyance Malakoff Humanis à Mme [H] et sur celle du remboursement à l'association de cet indû par Mme [H],

Rappelle qu'un accord pourrait être opportunément recherché par les parties sur cette question,

Ordonne la radiation de l'affaire sur cette question et dit qu'elle pourra être réinscrite sur ce pan du litige opposant les parties sur production par la partie la plus diligente de la décision définitive rendue dans le litige opposant les parties devant le tribunal judiciaire de Bordeaux ainsi que de conclusions réactualisées,

Condamne l'association Jeunesse Habitat Solidaire aux dépens ainsi qu'à verser à Mme [H] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03701
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.03701 ?
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