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18/06/2024 | FRANCE | N°24/00141

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 18 juin 2024, 24/00141


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00141 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N2HT





ORDONNANCE









Le DIX HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 19 H 00



Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur [

R] [V], représentant du Préfet de La Gironde,



En présence de Monsieur [B] [P], né le 1er Novembre 1990 à [Localité 2] (BANDE DE GAZA), de nationalité Palestinienne, et de son ...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00141 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N2HT

ORDONNANCE

Le DIX HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 19 H 00

Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [R] [V], représentant du Préfet de La Gironde,

En présence de Monsieur [B] [P], né le 1er Novembre 1990 à [Localité 2] (BANDE DE GAZA), de nationalité Palestinienne, et de son conseil Maître [H] [G],

Vu la procédure suivie contre Monsieur [B] [P], né le 1er Novembre 1990 à [Localité 2] (BANDE DE GAZA), de nationalité Palestinienne et l'interdiction judiciaire de territoire français de 10 ans rendue, à titre de peine complémentaire, le 03 septembre 2021 par le tribunal correctionnel de Bordeaux à l'encontre de l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 16 juin 2024 à 10h46 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [B] [P], pour une durée de 28 jours à l'issue de 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par la Cimade pour Monsieur [B] [P], né le 1er Novembre 1990 à [Localité 2] (BANDE DE GAZA), de nationalité Palestinienne, le 17 juin 2024 à 10h44,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Uldrif ASTIE, conseil de Monsieur [B] [P], ainsi que les observations de Monsieur [R] [V], représentant de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [B] [P] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 18 juin 2024 à 19h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux en date du 3 septembre 2021, confirmé en appel par arrêt du 2 février 2022, M. X se disant [P] [B] se disant né le 1er novembre 1990 et se déclarant tantôt de nationalité palestinienne, tantôt de nationalité israélienne a été condamné pour des faits de violences volontaires avec arme (en l'espèce, pour avoir porté des coups de couteau ayant entraîné une interruption temporaire totale de travail de 45 jours) commis le 22 avril 2019 à une peine de 4 ans d'emprisonnement outre des peines complémentaires et notamment une interdiction judiciaire de territoire français de 10 ans.

M. X se disant [P] [B] a été incarcéré le 3 mai 2024 dans le cadre d'une procédure en comparution immédiate, ayant été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux à 2 mois d'emprisonnement pour conduite sans permis, transport d'arme blanche et maintien irrégulier sur le territoire français.

A sa sortie d'écrou le 14 juin 2024, M. X se disant [P] [B] a été placé en rétention administrative par arrêté de M. le Préfet de la Gironde du 14 juin 2024 notifié le jour même à 10h21.

Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 15 juin 2024 à 15h23, M. Le Préfet de la Gironde a sollicité du juge des libertés et de la détention, au visa des articles L 742-1 à L742-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de 28 jours.

Il a fait valoir que l'intéressé multipliait les identités, date de naissance et nationalité dans le but de faire échec à son retour dans son pays d'origine, qu'il était sans domicile fixe ni revenu, démuni de document de voyage en cours de validité et qu'il s'opposait à son éloignement du territoire français puisqu'il s'est soustrait à l'interdiction judiciaire de territoire français de 10 ans, ainsi qu'à 2 décisions d'obligation de quitter le territoire français prises respectivement le 21 mars 2018 par le Préfet de la Gironde et le 12 juillet 2022 par la Préfète de la Corrèze, qu'il n'a pas respecté les assignation à résidence.

Par ordonnance rendue le 16 juin 2024 à 10h46, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a :

- ordonné les jonctions des dossiers et statuant par une seule et même ordonnance,

- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. X se disant [P] [B],

- déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative et la contestation de l'arrêté de placement recevables,

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. X se disant [P] [B] régulière,

- rejeté la contestation de l'arrêté de placement de M. X se disant [P] [B],

- débouté M. X se disant [P] [B] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. X se disant [P] [B] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de rétention.

Par courriel adressé au greffe de la Cour d'appel le 17 juin 2024 à 10h44, M. X se disant [P] [B] a fait appel de l'ordonnance du 16 juin 2014 par le biais de la CIMADE.

A l'appui de sa requête, l'intéressé relève :

- qu'il bénéficie de garanties de représentation permettant l'assignation à résidence dans la mesure où il dit « résider à [Localité 1] avec sa compagne »,

- qu'il n'existe aucune perspective d'éloignement vers la Palestine.

Il demande en outre à ce qu'un avocat lui soit commis d'office et à ce qu'il soit assisté d'un interprète en langue arabe marocaine.

Me [H] [G] s'est présenté dans le cadre de la permanence au soutien des intérêts de M. X se disant [P] [B].

Reprenant les moyens soulevés dans l'appel interjeté par son client, il demande à la Cour, de :

- accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à M. X se disant [P] [B],

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du 16 juin 2024,

- débouter M. le Préfet de la Gironde de sa demande en prolongation de rétention administrative de M X se disant [P] [B],

- ordonner la main levée de la mesure de rétention et en conséquence la remise en liberté immédiate de M. X se disant [P] [B].

A l'audience, l'avocat souligne la contradiction entre les assignations à résidence et les décisions d'obligation de quitter le territoire français prises par la Préfecture et indique que les conditions pour une perspective raisonnable de reconduite n'étant pas réunies, la remise en liberté de M. X se disant [P] [B] s'impose.

A l'audience, M. Le Représentant de la Préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 16 juin 2024 et reprend les motifs de la requête en prolongation. Il ajoute également que l'intéressé manque à ses obligations puisqu'il n'effectue aucune démarche vers les autorités de son pays en vue d'obtenir un laissez-passer consulaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de l'appel

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable.

2/ Sur la régularité du placement en rétention administrative

Il résulte de l'article L741-1 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile que peut-être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres c'est-à-dire notamment lorsqu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut être regardé comme établi sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou lorsqu'il ne présente pas de garantie de représentation suffisante, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

Aux termes de l'article L741-4 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

2-1 les garanties de représentation

Il s'évince du dossier que M. X se disant [P] [B] a fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français : l'une prise par la préfecture de la Corrèze le 12 juillet 2022, l'autre par celle de la Gironde en date du 15 mars 2018 avec interdiction de retour sur le territoire français pendant 2 ans.

Il a en outre fait l'objet de plusieurs placements en centre de rétention dont celui du 4 août 2022 pour lequel la cour d'appel de Bordeaux a confirmé par ordonnances des 10 août 2022 et 5 septembre 2022, la prolongation de la rétention de 28 jours puis de 30 jours supplémentaires.

M. X se disant [P] [B] a également été assigné à résidence 45 jours le 12 mars 2023, l'assignation à résidence ayant été prolongée de 45 jours le 24 avril 2023 ; puis, il a été à nouveau assigné à résidence 45 jours le 3 décembre 2023 et une prolongation de 45 jours a été décidée le 15 janvier 2024.

Aucune de ces assignations à résidence et leurs prolongations n'ont été respectées puisque l'intéressé n'a jamais effectué de démarches vers les autorités de son pays en vue d'obtenir un laissez-passer consulaire.

M. X se disant [P] [B] est très défavorablement connu des services de police depuis 2014 pour de multiples faits délictueux.

Entendu pour des faits de recel, il déclare au cours de sa garde à vue du 3 décembre 2023 être sans revenu déclaré, sans domicile stable ni document de voyage.

Il a confirmé être sans domicile fixe encore à l'audience et toujours être dans l'incapacité de prouver son identité.

Ainsi, il ne présente aucune garantie de représentation et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 743-13 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile et être placé en assignation à résidence.

De l'aveu même de l'intéressé, il a déjà été placé plusieurs fois en rétention et force est de constater qu'aucune des précédentes assignations à résidence n'a été respectée.

Dans la mesure où il a déclaré refuser son éloignement, utilisant jusqu'à 5 identités différentes ([B] [P], né le 1er novembre 1990 à [Localité 2] Israël/ Palestine, de nationalité israélienne/palestinienne ; alias, [C] [W], né le 26 janvier 1997 alias [L] [C] [S], né le 26 janvier 1997 ; alias [B] [P], né le11 décembre 1990), le risque de fuite est patent.

Dès lors, l'autorité administrative n'a commis aucune erreur d'appréciation et le placement en rétention administrative est régulier

3/ Sur la régularité de la requête en prolongation de la rétention administrative

Aux termes de l'article L741-3 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile, "Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

Aux termes de l'article L742-1 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile le juge des libertés et de la détention est saisi dans les quarante-huit heures suivant la notification du placement en rétention aux fins de prolongation de la rétention au-delà de cette durée.

Il ressort des termes de l'article L742-4 du CESEDA, que le délai de cette première prolongation est de 28 jours.

Pour accueillir une demande de première prolongation, en application des articles précités, le juge, après avoir vérifié le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser son départ. Il est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.

Étant cependant précisé que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse.

L'autorité administrative justifie avoir saisi les autorités israéliennes, palestiniennes, jordaniennes, marocaines, algériennes et tunisiennes d'une demande de laissez-passer consulaire dès le 5 juin 2024 dès avant la sortie d'écrou et le placement en rétention de l'intéressé.

La demande est accompagnée de toutes les pièces utiles pour permettre l'identification de l'intéressé.

Il est donc vérifié que les autorités consulaires ont été saisies de manière rapide et effective et que les man'uvres de multiplications d'identité, de date et lieu de naissance de M. X se disant [P] [B] n'ont d'autre but que de retarder la mise à exécution de l'interdiction judiciaire de territoire français prononcée le 2 février 2022.

La prolongation de la rétention administrative de M. X se disant [P] [B] est donc le seul moyen de permettre à l'autorité administrative de mettre en 'uvre la mesure d'éloignement et de garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

En conséquence, les conditions des articles L741-1 et L741-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile étant réunies, c'est à bon droit que le Juge de première instance a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. X se disant [P] [B] pour une durée de 28 jours et l'ordonnance du 16 juin 2024 sera confirmée.

4/ Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Au vu des circonstances du litige, il apparaît équitable que chaque partie conserve à sa charge les frais qu'elle a engagé.

En conséquence, M. X se disant [P] [B] est débouté de sa demande.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties

Déclarons l'appel recevable,

Le conseil indiquant intervenir dans le cadre de la permanence, disons n'y avoir lieu à statuer sur l'aide juridictionnelle provisoire conformément à l'art 19-1-9° de la loi du 10 juillet 1991 modifiée par la loi du 29 décembre 2020,

Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention le 16 juin 2024,

Déboutons Maître [H] [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile.

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00141
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;24.00141 ?
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