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13/06/2024 | FRANCE | N°24/00135

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 13 juin 2024, 24/00135


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00135 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZ5O





ORDONNANCE









Le TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 14 H 30



Nous, Emmanuel BREARD, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur Gilles

LAVERGNE, représentant du Préfet du Puy-de-Dôme,



En l'absence de Monsieur [N] [H] alias [R] [P],

né le 07 Août 2004 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, et...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00135 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZ5O

ORDONNANCE

Le TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 14 H 30

Nous, Emmanuel BREARD, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur Gilles LAVERGNE, représentant du Préfet du Puy-de-Dôme,

En l'absence de Monsieur [N] [H] alias [R] [P],

né le 07 Août 2004 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, et en présence de son conseil Maître Uldrif ASTIE,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [N] [H] alias [R] [P], né le 07 Août 2004 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 12 janvier 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 11 juin 2024 à 15h01 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, autorisant la remise en liberté de Monsieur [N] [H] alias [R] [P],

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [N] [H] alias [R] [P], né le 07 Août 2004 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, le 12 juin 2024 à 11h17,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Uldrif ASTIE, conseil de Monsieur [N] [H] alias [R] [P], ainsi que les observations de Monsieur [U] [I], représentant de la préfecture du Puy-de-Dôme et les explications de Monsieur [N] [H] alias [R] [P] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Monsieur le Conseiller a indiqué que la décision serait rendue le 13 juin 2024 à 14h30,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

M. [N] [H], né le 7 août 2004 à [Localité 1] (Tunisie), de nationalité tunisienne, a fait l'objet d'une décision de placement en rétention pris par M. le préfet du Puy-de-Dôme le 8 juin 2024.

Par requête reçue au greffe le 10 juin 2024 à 10 heures 17, M. le préfet du Puy-de-Dôme a sollicité, au visa de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ci-après CESEDA), la prolongation de la rétention de l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours.

Par ordonnance en date du 11 juin 2024 rendue à 15h01 et notifiée sur le champ à l'intéressé, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. [H], déclaré irrecevable la requête précitée, ordonné la remise en liberté de ce dernier, rappelé qu'il avait obligation de quitter le territoire français en application de l'article L.742-10 du CESEDA et que le non-respect des prescriptions liées à l'assignation à résidence est passible d'une peine d'emprisonnement de 3 ans, débouté M. [H] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Par mail adressé au greffe le 12 juin 2024 à 11h17, le conseil de M. [H] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 11 juin 2024 demandant à la cour l'infirmation de cette décision en ce qu'elle a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles et sollicite la condamnation de la partie adverse à la somme de 1.200 € au profit du conseil de l'appelant.

A l'audience, le conseil de M. [H] soutient que le présent contentieux est le seul lors duquel il n'est pas accordé de frais irrépétibles au nom de l'équité, alors que l'appelant a été privé de sa liberté de manière irrégulière pendant 2 à 3 jours, ce qui a constitué une atteinte à sa liberté. Il a également rappelé que ce contentieux a représenté pour la défense un travail minutieux et chronophage. Au vu du questionnement du président d'audience, notamment à propos de la personne à l'encontre de laquelle la demande était dirigée, il a été précisé que la demande en dommages et intérêts était formée à l'encontre de l'Etat et non plus M. le préfet du Puy-de-Dôme et il a confirmé que celle-ci était faite à son profit et non pas celui de son client en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Le président d'audience a rappelé que, s'agissant d'une demande en dommages et intérêts à l'encontre de l'Etat, celle-ci devait engendrer la mise en cause de l'agent judiciaire de l'Etat, élément qui n'a pu être réalisé avant l'ouverture des débats au vu de l'absence de précision initiale. De même, il a été rappelé que l'attribution au conseil et non pas à celui de l'appelant était une possibilité ouverte au juge en application des dispositions précitées.

Le représentant de la préfecture du Puy-de-Dôme demande pour sa part la confirmation de l'ordonnance attaquée et le rejet des demandes de la partie adverse. Pour cela, il remarque que si la décision critiquée a ordonné la remise en liberté de l'appelant, c'est uniquement du fait de l'omission lors de l'envoi d'un document existant et s'il ne remet pas en cause l'irrégularité constatée à juste titre par le premier juge, il souligne que non seulement il existe une situation irrégulière sur le sol française de M. [H], mais aussi que ce dernier a toujours l'obligation d'en partir. Au vu de ces éléments, il estime que l'équité ne commande pas que l'Etat français soit condamné à verser la moindre somme à son adversaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 700 du code de procédure civile dispose « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.

La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 % ».

L'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 prévoit que « les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre.

Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat.

Si, à l'issue du délai de quatre ans à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci.

Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article ».

Aux termes de l'article 38 alinéa 1er de la loi n°55-366 du 3 avril 1955, " Toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire de l'Etat. "

La cour constate en premier lieu, s'agissant d'une demande en dommages et intérêts précisée à l'encontre de l'Etat lors des débats, que celle-ci n'a pas été intentée à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat, alors qu'aucune disposition du CESEDA ne vient déroger au texte précité du 3 avril 1955.

C'est pourquoi, au vu de l'article 38 alinéa 1er de la loi du 3 avril 1955 précitée, cette demande sera déclarée nulle et rejetée.

A titre superfétatoire, il sera relevé que la demande faite au titre des frais irrépétibles au profit du conseil de l'appelant n'est qu'une possibilité offerte à la cour, qui n'a donc aucune obligation en la matière en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile, y compris en attribuant ces montants non à l'auxiliaire de justice, mais à son client.

Ainsi, il sera relevé en particulier, quel que soit le mérite et la pugnacité du conseil, que l'équité contraint la juridiction à relever que M. [H] fait toujours l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour sur celui-ci, permettant, si ces injonctions ne sont pas respectées dans un bref délai, le prononcé d'une nouvelle mesure de rétention à l'égard de l'intéressé. Dès lors, la même équité ne saurait exiger une condamnation de l'Etat français, représenté par son agent judiciaire à la moindre somme au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique par ordonnance contradictoire mise à la disposition au greffe après avis aux parties

Constatons la nullité de la demande faite au titre des frais irrépétibles du conseil de M. [H] à l'encontre de l'Etat français,

La rejetons,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, Le Conseiller délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00135
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;24.00135 ?
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