RÉFÉRÉ N° RG 24/00043 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NWXT
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S.A.R.L. CHATEAU DE [4]
c/
[W] [J], S.A.S.U. KM VITI SERVICES
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DU 13 JUIN 2024
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JONCTION du RG 24/00046 au n° RG 24/00043
Grosse délivrée
le :
ORDONNANCE
Rendue par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le 13 JUIN 2024
Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de BORDEAUX, désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 08 décembre 2023, assistée de Séverine ROMA, Greffière,
dans l'affaire opposant :
S.A.R.L. CHATEAU DE [4] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
absente,
représentée par Me Julie HACHE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et par Me Laurent DIXSAUT membre de la SELEURL CABINET LAURENT DIXSAUT, avocat plaidant au barreau de PARIS,
Demanderesse en référé suivant assignations en date des
05 et 08 avril 2024,
à :
Monsieur [W] [J]
né le 27 Juillet 1964 à [Localité 3], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
absent,
représenté par Me Arnaud LATAILLADE membre de la SCP LATAILLADE-BREDIN, avocat au barreau de LIBOURNE
S.A.S.U. KM VITI SERVICES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
absente,
représentée par Me Dominique MILLAS-CONTESTIN, avocat au barreau de LIBOURNE
Défendeurs,
A rendu l'ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Séverine Roma, Greffière, le 30 mai 2024 :
EXPOSE DU LITIGE
Selon un jugement en date du 19 janvier 2024 le tribunal de commerce de Libourne a, notamment :
- constaté la recevabilité de l'opposition de la SARL Chateau de [4] et l'anéantissement de l'ordonnance 2021000098 rendue le
29 mars 2021 par le président du tribunal de commerce de Niort,
- débouté la SARL Chateau de [4] de sa demande visant à voir écartées les pièces 1,2 et 6 produites par la SASU KM Viti Services,
- condamné la SASU KM Viti Services à adresser à la SARL Chateau de [4] des factures conformes à l'article L441-9 du code de commerce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification du jugement,
- condamné la SARL Chateau de [4] à payer à la SASU KM Viti Services la somme de 32 038,80 € portant intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- condamné M. [W] [J] à relever indemne la SARL Chateau de [4] de sa condamnation à payer à la SASU KM Viti Services la somme de 32 038,80 € portant intérêts à compter de la signification du jugement,
- débouté la SARL Chateau de [4] de sa demande au titre du préjudice moral et d'image,
- condamné la SARL Chateau de [4] à payer à la SASU KM Viti Services une indemnité de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [W] [J] à payer à la SARL Chateau de [4] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Chateau de [4] et M. [W] [J] à payer chacun la moitié des dépens en ce compris les frais du jugement,
- débouté les parties du surplus de leur demande.
Par déclaration du 29 janvier 2024 la SARL Chateau de [4] a fait appel de cette décision.
Par actes de commissaire de justice en date des 5 et 8 avril 2024, la SARL Chateau de [4] a fait assigner la SASU KM Viti Services et M. [W] [J] en référé devant la juridiction du premier président aux fins de voir prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire
attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Libourne en date du 19 janvier 2024, subsidiairement de voir prononcer l'aménagement de l'exécution provisoire en ordonnant : à titre principal la consignation des sommes correspondant au montant des condamnations prononcées à son encontre (soit 32 038,80€ en principal outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et 3000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile) auprès de la caisse des dépôts et consignations ou de tout séquestre qu'il plaira au premier président, à titre subsidiaire l'octroi par la SASU KM Viti Services d'une garantie bancaire destinée à garantir la totalité des condamnations prononcées à son encontre, de voir condamner la SASU KM Viti Services et M. [W] [J] aux dépens dont distraction au profit de la SELARL [F] [P] représentée par Maître Julie Hache et à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. (n° RG 24/00046 et 24/00043)
Par conclusions déposées le 27 mai 2024 et soutenues à l'audience elle maintient ses demandes.
Elle fait valoir qu'il existe des moyens sérieux de réformation en ce qu'il ne peut pas être soutenu que M. [W] [J] bénéficiait d'un mandat apparent auprès de la SASU KM Viti Services dont le dirigeant connaissait celui de la SARL Chateau de [4] ; en ce que M. [W] [J] était titulaire d'une mission de gestion des propriétés ne lui conférant aucun pouvoir de représentation de la société vis-à-vis des tiers ; en ce que la SASU KM Viti Services ne démontre pas avoir effectivement exécuté les travaux qu'elle facture à la SARL Chateau de [4] à laquelle n'incombe pas la charge de la preuve, les premiers juges ayant inversé la charge de la preuve et ayant dénaturé les termes des contrats conclus.
Elle expose également que l'exécution aura des conséquences manifestement excessives en ce qu'il existe un risque important de non restitution des montants versés en cas d'information puisque la SASU KM Viti Services ne paraît disposer d'aucun siège social, qu'elle ne dépose aucun compte au greffe et qu'elle paraît incapable d'établir une comptabilité conforme à la réglementation. Pour les mêmes raisons subsidiairement elle sollicite des garanties.
Par conclusions déposées le 24 mai 2024 et soutenues à l'audience la SASU KM Viti Services sollicite de la juridiction du premier président qu'elle déboute la SARL Chateau de [4] de l'ensemble de ses demandes et qu'elle la condamne aux dépens et à lui payer la somme de 32 038,80 € et la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle a conclu avec la SARL Chateau de [4] deux contrats de prestation de services qu'elle a exécutés et qui ont fait l'objet de factures restées impayées, que ces contrats ont été signés par M. [W] [J] qui bénéficiait d'un contrat de gestion des propriétés et était le seul interlocuteur au château, ce qui lui donnait pouvoir d'engager la SARL Chateau de [4], son propre contrat ayant été résilié postérieurement aux travaux et que les premiers juges n'ont pas inversé la charge de la preuve ni dénaturé les contrats qu'elle invoque, de sorte qu'il ne peut y avoir de moyens sérieux de réformation de la décision.
S'agissant du risque de conséquences manifestement excessives elle expose qu'elle a un siège social identifié, que ces factures ont été établies en bonne et due forme et qu'il n'est pas établi qu'elle est insolvable.
Par conclusions en date du 28 mai 2024 soutenues à l'audience, M. [W] [J] sollicite de la juridiction du premier président qu'elle prononce l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Libourne le 19 janvier 2024, et qu'elle condamne la SARL Chateau de [4] et subsidiairement la partie succombant aux dépens et à lui payer une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir qu'en exécution du contrat de prestation de service qui le liait à la SARL Chateau de [4] et qui lui donnait la responsabilité de la gestion des propriétés il était fondé à faire appel à des prestataires pour intervenir sur les terres, alors que la société ne bénéficiait plus du personnel suffisant, en en référant au représentant légal, que la SASU KM Viti Services a donc effectué des prestations entre juillet et octobre 2020, lesquelles ont donné lieu à des facturations justifiées, n'étant pas démontré que le travail n'a pas été fait ou qu'il a été mal fait. Il soutient en tout état de cause qu'il existe un moyen sérieux de réformation sur l'appel à garantie dans la mesure où il est resté dans le cadre de son contrat dont il a respecté les clauses. Il ajoute que l'exécution de la décision aura des conséquences manifestement excessives dans la mesure où la SASU KM Viti Services présente un risque d'insolvabilité en cas d'infirmation.
L'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la jonction
Il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les parties s'accordant sur le sujet, de prononcer la jonction, sous le N° RG 24/00043, entre les procédures enrôlées sous les n° RG 24/00043 et 24/00046.
Sur la demande principale
L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d'un préjudice irréparable et d'une situation irréversible en cas d'infirmation.
En l'espèce, dans les rapports entre la SARL Chateau de [4] et la société prestataire de service, il résulte des pièces produites aux débats que les premiers juges ont pu considérer sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, et nonobstant la circonstance que le dirigeant de la SASU KM Viti Services avait été antérieurement salarié de la SARL Chateau de [4], que la SASU KM Viti Services avait pu légitimement croire que M. [W] [J] bénéficiait du pouvoir d'engager la SARL Chateau de [4] compte tenu des circonstances, du comportement et de l'omniprésence de M. [W] [J] sur les lieux d'exploitation, pour en déduire que les contrats de juillet et octobre 2020 étaient opposables au mandant.
Par ailleurs, les pièces produites aux débats par la société prestataire de service, notamment les devis, factures d'origine et modifiées et les courriers de M. [W] [J], auxquelles la SARL Chateau de [4] n'apporte pas de contradiction sérieuse quant à la réalisation effective des travaux facturés, permettent de considérer que les premiers juges n'ont pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des circonstances de la cause en considérant que les sommes réclamées étaient dues par la SARL Chateau de [4] à proportion de sa surface d'exploitation.
Enfin, dans les rapports entre le mandant et le mandataire apparent, il ressort des pièces produites aux débats par les deux parties, que les premiers juges ont pu déduire de l'absence d'accord express de la SARL Chateau de [4] pour recourir à une société prestataire, alors qu'il pouvait être déduit de la masse salariale supportée par l'exploitant pour les deux périodes litigieuses qu'il bénéficiait du personnel requis pour réaliser les travaux nécessaires, que M. [W] [J] avait engagé sa responsabilité en faisant
supporter un surcoût à la SARL Chateau de [4] qu'il devait relever indemne de la condamnation de celle-ci à honorer les factures présentées par la SASU KM Viti Services, sans commettre, là encore, d'erreur manifeste d'appréciation.
Par conséquent il convient de rejeter les demandes de la SARL Chateau de [4] et de M. [W] [J] sans qu'il soit nécessaire d'analyser les conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution de la décision dont appel puisque, dès lors que l'une des deux conditions prévues pour prétendre à l'arrêt de l'exécution provisoire n'est pas remplie, il n'y a pas lieu d'examiner la seconde compte tenu de leur caractère cumulatif.
Sur la demande subsidiaire de consignation :
Aux termes de l'article 521, premier alinéa du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
Il doit être rappelé que cette possibilité d'aménagement de l'exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président et n'est pas subordonnée à la condition que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
En l'espèce, les circonstances de la cause et le défaut de lisibilité de la capacité financières de la SASU KM Viti Services qui bénéficie d'un siège social de domiciliation justifient de faire droit à la demande de consignation de la SARL Chateau de [4] qui est de nature à préserver les droits de parties.
Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Compte tenu des succombances respectives chaque partie supportera la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Prononce la jonction, sous le N° RG 24/00043, entre les procédures enrôlées sous les n° RG 24/00043 et 24/00046,
Déboute la SARL Chateau de [4] et M. [W] [J] de leur demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire résultant du jugement en date du 19 janvier 2024 rendu par le tribunal de commerce de Libourne,
Autorise la SARL Chateau de [4] à consigner la somme de 32 038,80 € en principal outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et 3000 € au titre de l'article 700 du code procédure civile à la Caisse de dépôts et consignations,
Déboute la SARL Chateau de [4], la SASU KM Viti Services et M. [W] [J] de leur demande au titre de l'article 700 du code procédure civile,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Séverine ROMA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente