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13/06/2024 | FRANCE | N°23/04241

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 13 juin 2024, 23/04241


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 13 JUIN 2024









N° RG 23/04241 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NNS6







S.A.S. SANDYV



c/



[C] [B]

[Y] [R] épouse [B]

[G] [T]



























Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE












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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 04 août 2023 par le tribunal judiciaire de BERGERAC (chambre : 3, RG : 23/00045) suivant déclaration d'appel du 12 septembre 2023





APPELANTE :



S.A.S. SANDYV agissant en la personne de son représen...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 13 JUIN 2024

N° RG 23/04241 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NNS6

S.A.S. SANDYV

c/

[C] [B]

[Y] [R] épouse [B]

[G] [T]

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 04 août 2023 par le tribunal judiciaire de BERGERAC (chambre : 3, RG : 23/00045) suivant déclaration d'appel du 12 septembre 2023

APPELANTE :

S.A.S. SANDYV agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Martin PEYRONNET de la SELARL MP AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[C] [B]

né le 02 Avril 1964 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

[Y] [R] épouse [B]

née le 25 Janvier 1972 à CARENTAN (50)

de nationalité Française

[Adresse 4]

Représentés par Me David CORVEE de la SELARL G & C AVOCATS, avocat au barreau de PERIGUEUX

[G] [T]

né le 11 septembre 1966 à [Localité 12] (24),

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

assisté par Me Hélène KOKOLEWSKI de la SCP DIVONA LEX, avocat au barreau de LOT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Paule POIREL, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique reçu par maître [U] [D], notaire à [Localité 5], les 15 et 21 avril 2006, M. [G] [T], M. [C] [T] et Mme [H] [A] ont vendu à M. [C] [B] et à Mme [Y] [R] épouse [B], un ensemble immobilier à usage d'habitation situé au [Adresse 9]).

Par acte authentique du 23 septembre 2021 reçu par maître [Z] [N], notaire à [Localité 10], les époux [B] ont vendu à la SAS Sandyv ledit bien immobilier.

En 2022, une difficulté est apparue relativement aux limites de propriété entre le fond appartenant à la société Sandyv, plus précisément la parcelle cadastrée section [Cadastre 6], et le fond voisin appartenant toujours à M. [G] [T], plus précisément la parcelle cadastrée section [Cadastre 7].

Sur la requête de M. [T], un procès-verbal de rétablissement de limites a été établi par le cabinet [I] en septembre 2022, sur la base d'un procès-verbal de bornage établi le 16 mars 2006 par M. [L], géomètre.

Contestant ce procès-verbal de rétablissement de limites, la société Sandyv a, par actes d'huissier des 10 et 22 février 2023, fait assigner en référé les époux [B] et M. [G] [T] devant le tribunal judiciaire de Bergerac aux fins, notamment, de voir ordonner une expertise, en application de l'article 145 du code de procédure civile, afin de déterminer les limites de propriété.

Par ordonnance de référé contradictoire du 4 août 2023, le tribunal judiciaire de Bergerac a :

- débouté la société Sandyv de sa demande d'organisation d'une expertise judiciaire,

- enjoint à la société Sandyv, prise en la personne de son président, M. [P] [M], et à M. [T] de rencontrer un médiateur,

- désigné à cet effet :

Association Nationale des Médiateurs (ANM)

délégation régionale nouvelle-aquitaine

courriel : [Courriel 13]

site : www.anm-mediation.com

à charge pour cette structure d'informer le magistrat du nom du médiateur qui sera chargé de la séance d'information, qui pourra avoir lieu en visioconférence, comme de la date de celle-ci,

- donné mission au médiateur ainsi désigné :

* d'expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d'une mesure de médiation,

* de recueillir par écrit leur consentement ou leur refus de cette mesure,

- rappelé que les parties doivent se présenter à cette réunion (la présence des conseils est recommandée : il est possible de leur donner mandat pour prendre position sur l'instauration d'une médiation),

- rappelé que la séance d'information et gratuite,

- dit que le médiateur informera le tribunal (civil.tj-bergerac@justice. fr) des suites qui auront été données par les parties à la séance d'information,

- dit que dans l'hypothèse où au moins l'une des parties refuserait le principe de la médiation, le médiateur en informera le tribunal, sans précision sur la partie à l'origine du refus, et cessera ses opérations, sans défraiement,

- dit que dans l'hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation ainsi proposée, le médiateur initialement désigné pour la séance d'information aura pour mission d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose, et pourra commencer, dès la consignation de la provision ci-après fixée, les opérations de médiation,

- dit que la médiation devra alors être réalisée dans un délai de trois mois à compter de la première réunion plénière de médiation; dit que ce délai pourra, le cas échéant, être renouvelé pour une période de trois mois à la demande du médiateur,

- fixé à la somme de 800 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur qui devra être consignée, par virement ou par chèque, à parts égales entre les parties sauf meilleur accord, entre les mains du médiateur au plus tard lors de la première réunion plénière de médiation, à peine de caducité de la désignation du médiateur,

- dit que le médiateur devra informer le tribunal de la date de la première réunion plénière, dès que celle-ci aura été arrêtée, et y convoquer les parties,

- dit que la partie éventuellement bénéficiaire de l'aide juridictionnelle sera dispensée de consignation par application de l'article 22-2, alinéa 3, de la loi n*95-125 du 8 février 1995 modifié par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, la part des frais de médiation lui incombant étant à la charge de l'Etat ; il lui appartiendra d'en justifier auprès de la juridiction et du médiateur,

- dit que les séances de médiation se dérouleront dans les locaux professionnels du médiateur ou en tout autre lieu convenu avec les parties,

- dit que le médiateur informera le tribunal de tout incident affectant le bon déroulement de la médiation, dans le respect de la confidentialité de rigueur en la matière,

- dit qu'au terme de la médiation, le médiateur informera le tribunal, soit que les parties sont parvenues à un accord, soit qu'elles n'y sont pas parvenues,

- rappelé que si, dans le cadre de la mise en 'uvre d'une médiation judiciaire, les parties ne sont pas parvenues à un accord, elles peuvent convenir de poursuivie les discussions dans le cadre d'une médiation conventionnelle régie par les articles 1531 à 1535 du code de procédure civile, suivant les modalités financières qui seront, cette fois, librement convenues entre les parties et le médiateur,

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

La société Sandyv a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 12 septembre 2023 en ce qu'elle a :

- débouté la société Sandyv de sa demande d'organisation d'une expertise judiciaire

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

Par conclusions déposées le 23 décembre 2023, la société Sandyv demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance de référés du 4 août 2023 en ce qu'elle a :

* débouté la société Sandyv de sa demande d'organisation d'une expertise judiciaire,

* laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens,

Statuant a nouveau,

- juger recevable et bien fondée les demandes de la société Sandyv,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire et commettre tel expert qu'il plaira avec pour mission :

* de se faire communiquer tous documents utiles à la réalisation de sa mission et de s'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source,

* d'entendre tout sachant utile et de demander, s'il y a lieu l'avis de tout spécialiste de son choix,

* de visiter l'ouvrage situé [Adresse 2], en présence des parties dûment convoquées, conformément aux dispositions de l'article 160 du code de procédure civile,

* de se faire communiquer par les parties tous documents utiles établissant leurs rapports de droit, le contenu de leurs obligations en application de l'article 275 du code de procédure civile,

* d'analyser la ligne séparative entre les propriétés de la société Sandyv (parcelle section [Cadastre 6]) et de M. [T] (section [Cadastre 7]), notamment d'après les titres, les bornages antérieurs, la possession, les marques extérieures, le relevé cadastral, les us et les coutumes en procédant si besoin est au mesurage et arpentage des fonds et de déterminer l'existence d'un empiétement,

* de préciser l'emplacement des ouvrages, haies, plantations ou clôtures, installation de tuyaux ou câble pouvant être considérés comme des empiètements sur la propriété du sol et du sous-sol de la société Sandyv, les décrire et les positionner sur un plan,

* de se prononcer sur les préjudices de la société Sandyv,

* de quantifier la perte de valeur de l'immeuble ainsi que tout autre préjudice,

* de déterminer les travaux qui s'imposent au besoin pour faire cesser le trouble,

* de faire toute observations, de nature purement technique, utile à la solution du litige,

- mettre les frais d'expertise judiciaire par tiers à la charge de M. [T] et des époux [B],

- réserver provisoirement les dépens,

En tout état de cause :

- condamner les époux [B] et M. [T] à verser chacun à la société Sandyv la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris ceux de première instance.

Par conclusions déposées le 27 décembre 2023, les époux [B] demandent à la cour de :

- déclarer irrecevable, comme étant nouvelle, la demande de désignation d'un expert judiciaire, telle que formulée en appel par la société Sandyv, en ce qu'elle ne porte plus sur la recherche des limites de propriétés mais sur la propriété même,

- subsidiairement, confirmer l'ordonnance de référé rendue le 04 août 2023 par la présidente du tribunal judiciaire de Bergerac en ce qu'elle a débouté la société Sandyv de sa demande d'organisation d'une expertise judiciaire,

- réformer en tout état de cause l'ordonnance de référé rendue le 04 août 2023 par la présidente du tribunal judiciaire de Bergerac en ce qu'elle a laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- débouter la société Sandyv de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- mettre hors de cause les époux [B],

- condamner la société Sandyv aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer aux époux [B] :

* une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

* une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Par conclusions déposées le 03 janvier 2024, M. [T] demande à la cour de:

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Bergerac en ce qu'elle a :

* débouté la société Sandyv de sa demande d'organisation d'une expertise judiciaire,

* laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens,

Y rajoutant en cause d'appel :

- débouter la société Sandyv de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Sandyv à régler à M. [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel,

A titre subsidiaire, si une expertise était ordonnée au contradictoire de M. [T],

- donner acte à M. [T] de ce qu'il formule les protestations et réserves d'usage sur la demande d'expertise,

- débouter la société Sandyv de sa demande visant à ce que l'expert ait pour mission de : « préciser l'emplacement des ouvrages, haies, plantations ou clôtures, installation de tuyaux, câble pouvant être considérés comme des empiétements sur la propriété du sol et du sous-sol de la société Sandyv, les décrire et les positionner sur un plan»,

« quantifier la perte de valeur de l'immeuble ainsi que tout autre préjudice »,

- donner pour mission à l'expert de déterminer si les travaux de terrassement et de mise en castine du chemin d'accès réalisés par la société Sandyv empiète sur les parcelles de M. [T],

- dire que les frais d'expertise seront à la charge exclusive de la société Sandyv demanderesse à la mesure,

- condamner la société Sandyv à verser à M. [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 2 mai 2024.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande d'expertise

Les époux [B] soulèvent l'irrecevabilité de la demande de désignation d'un expert judiciaire, telle que formulée en appel par la société Sandyv, en ce que ne portant plus sur la recherche des limites de propriétés mais sur la propriété même, elle constitue une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, l'appelante ne pouvant passer d'une action en bornage à une action en revendication de propriété sans modifier l'objet du litige.

Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En première instance, la société Sandyv sollicitait qu'il soit confié à l'expert la mission de :

- 'rechercher la ligne séparative entre les propriétés de la SAS Sandyv (parcelle section [Cadastre 6]) et de M. [T] (section [Cadastre 7]) notamment d'après les titres, les bornages antérieurs, la possession, les marques extérieures, le relevé cadastral, les us et les coutumes en procédant si besoin est au mesurage et arpentage des fonds,

- dresser un plan des lieux avec les limites prétendues par les parties, celles des différents géomètres intervenus, celles cadastrales et celles qu'il propose,

- préciser l'emplacement des ouvrages, haies, plantations ou clôtures, installations de tuyaux ou câble pouvant être considérés comme des empiètements sur la propriété du sol et du sous-sol de la société Sandyv, les décrire et les positionner sur un plan'. [souligné par la cour]

En appel, l'appelante demande de donner mission à l'expert de :

- 'analyser la ligne séparative entre les propriétés Sandyv (parcelle section [Cadastre 6]) et de M. [T] (section [Cadastre 7]) notamment d'après les titres, les bornages antérieurs, la possession, les marques extérieures, le relevé cadastral, les us et les coutumes en procédant si besoin est au mesurage et arpentage des fonds et de déterminer l'existence d'un empiétement,

- préciser l'emplacement des ouvrages, haies, plantations ou clôtures, installation de tuyaux ou câble pouvant être considérés comme des empiètements sur la propriété du sol et du sous-sol de la société Sandyv, les décrire et les positionner sur un plan'. [souligné par la cour]

Nonobstant le changement sémantique, la mission d'expertise sollicitée en appel tend aux mêmes fins que celle demandée en première instance, à savoir délimiter les propriétés respectives de la société Sandyv et de M. [T] et, le cas échéant, déterminer l'existence d'empiètements.

La fin de non-recevoir soulevée par les époux [B] sera en conséquence rejetée et la demande d'expertise déclarée recevable.

Sur le motif légitime

Le premier juge a retenu que la société Sandyv ne justifiait pas d'un motif légitime à l'organisation d'une expertise judiciaire aux motifs qu'aucune action en bornage judiciaire ne pourra être accueillie, le bornage amiable réalisé suivant procès-verbal du 16 mars 2006 par un géomètre-expert ayant définitivement défini les limites des propriétés respectives des parties et le tracé du chemin litigieux, et un procès-verbal de rétablissement de limites ayant été dressé le 29 septembre 2022 par le cabinet [I], sans que la société Sandyv ne fournisse aucun élément probant de nature à remettre en cause les constatations de ce dernier. Déboutant en conséquence la société Sandyv de sa demande d'expertise, elle a en revanche enjoint à cette dernière et à M. [T] de rencontrer un médiateur, notant que les échanges entre les parties mettaient en évidence des désaccords de voisinage divers dépassant le cadre de l'emprise du chemin d'accès.

La société Sandyv conclut à l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'il a rejeté sa demande d'expertise judiciaire, faisant valoir qu'elle conteste le procès-verbal de rétablissement des limites dressé le 29 septembre 2022 par le cabinet [I], géomètre-expert, ce document -non signé par elle - reposant sur des éléments qui n'ont jamais été portés à sa connaissance lors de la vente intervenue en septembre 2021, le géomètre ayant en outre eu, lors de la réunion du 7 juillet 2022, les plus grandes difficultés à trouver les bornes existantes et n'ayant d'ailleurs pas retrouvé la borne C, et le procès-verbal de bornage du 16 mars 2006 ne lui ayant jamais été révélé lors de la vente. Concluant qu'il existe donc une contestation sérieuse sur la propriété des parcelles litigieuses cadastrées section [Cadastre 6] et [Cadastre 7], elle soutient en outre que contrairement à ce que prétendent les parties adverses, les travaux de pose de castine faits par elle n'ont en aucun cas modifié l'emprise du chemin litigieux. Enfin, elle estime que le rapport d'expertise du 18 décembre 2023 qu'elle produit aux débats, qui constate des écarts entre les points mesurés et les cotes résultant des documents d'archives, légitime sa demande d'expertise judiciaire.

M. [G] [T] conclut au contraire à la confirmation de l'ordonnance attaquée, faisant valoir que tant le document d'arpentage dressé par M. [X] [L], géomètre-expert, le 15 mars 2006 que le procès-verbal de bornage établi le 16 mars 2006, étaient annexés à la vente des 15 et 21 avril 2006 au profit des époux [B], ces derniers ayant ensuite vendu leur propriété à la société Sandyv par acte authentique du 23 septembre 2021. Il explique qu'ayant conservé la propriété de la parcelle [Cadastre 8] et souhaitant clôturer ladite parcelle, il a fait appel au cabinet de géomètre-expert [I] afin seulement d'établir un procès-verbal de rétablissement de limites, pour connaître précisément les limites de propriété. Ensuite du dépôt dudit procès-verbal par le cabinet [I] en septembre 2022, il a déposé une déclaration préalable en date du 19 octobre 2022 en vue de procéder à la pose d'une clôture. Il estime qu'il n'existe aucun motif légitime à l'organisation d'une expertise judiciaire, les limites de propriété étant incontestables au regard du procès-verbal de bornage établi le 16 mars 2006. Il conteste être responsable d'un quelconque empiètement sur la propriété de la société Sandyv, soulignant que cette dernière a réalisé des travaux sur le chemin d'accès à sa propriété, lesquels travaux ont élargi l'emprise dudit chemin.

Les époux [B] exposent que préalablement à la vente intervenue en 2006, un document d'arpentage, emportant division et renumérotation de certaines parcelles cadastrales, a été établi le 15 mars 2006 par M. [X] [L], expert-géomètre, ainsi qu'un procès-verbal de bornage amiable signé par l'ensemble des intéressés et annexé à l'acte de vente, lequel a conduit à l'apposition de bornes permettant, notamment, de délimiter l'emprise d'un chemin permettant de desservir la propriété que se proposaient alors d'acquérir les époux [B]. Ils font valoir qu'ils ont toujours utilisé le chemin d'accès tel qu'il existait au moment de la vente, de 2006 à 2021, et que la société Sandyv a manifestement refait récemment le chemin en castine, en modifiant son emprise de sorte qu'il empiète désormais sur la parcelle de M. [T].

Sur ce,

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Il en résulte que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer la réalité de ses suppositions à cet égard, cette mesure in futurum étant précisément destinée à l'établir mais qu'il doit justifier d'éléments les rendant crédibles et établir que le procès en germe en vue duquel il sollicite cette expertise n'est pas dénué de toute chance de succès. Ni l'urgence, ni l'absence de contestation sérieuse, ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, il est constant qu'un bornage amiable contradictoire a été réalisé suivant procès-verbal établi le 16 mars 2006 par M. [X] [L], géomètre-expert, à l'occasion de la vente intervenue entre les consorts [T] et les époux [B], laquelle avait nécessité la division et renumérotation de certaines parcelles, et que la limite séparative entre le fond de M. [G] [T] et les époux [B] a été matérialisée sur place par l'implantation de bornes.

Le procès-verbal de bornage n'étant pas un acte constitutif ou translatif de propriété, il est opposable aux acquéreurs successifs sans qu'il soit besoin de le publier ou de le mentionner dans le titre de propriété.

Dès lors, il importe peu que le procès-verbal de bornage du 16 mars 2006 ait été porté à la connaissance de l'acquéreur, la société Sandyv, lors de la vente intervenue le 23 septembre 2021, étant au demeurant observé, ainsi que le souligne justement le tribunal, que l'acte de septembre 2021 mentionne bien 'le plan de bornage ci-annexé' en faisant référence à la servitude de passage de canalisation de tout à l'égout grevant la parcelle appartenant à M. [G] [T], matérialisée par un liseré orange sur ledit plan et situé à trois mètres de distance du chemin d'accès avec lequel son tracé ne se confond donc pas.

Il est rappelé que si, aux termes de l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, l'action en bornage ne peut concerner que des immeubles qui n'ont pas fait l'objet d'un précédent bornage.

En conséquence, le bornage amiable ayant définitivement établi les limites des propriétés respectives et le tracé du chemin, d'une largeur de 5,07 mètres à son entrée puis de 3,22 mètres tout au long de celui-ci, une action en bornage judiciaire est en l'espèce manifestement vouée à l'échec.

Si la société Sandyv entend contester le procès-verbal de rétablissement de limites dressé le 29 septembre 2002, force est toutefois de constater, comme le souligne à juste titre le premier juge, qu'elle ne fournit aucun élément probant de nature à remettre en cause les constatations du cabinet [I] qui, à l'occasion d'une réunion contradictoire qui s'est tenue le 20 juin 2022 en présence de M. [G] [T] et M. [P] [M], président de la société Sandyv, a retrouvé sur les lieux les repères anciens posés lors du bornage réalisé en 2006 et procédé aux mesurages entre ces points puis, exposant n'avoir constaté aucune équivoque dans l'interprétation tant des documents que des mesures qui y ont été consignées, a relevé que les repères nouveaux A et B ont été implantés et que les repères existants C et D ont été reconnus conformes à la définition de la limite de propriété d'origine.

Sur la base de ces constatations, un procès-verbal de rétablissement de limites a ainsi été dressé le 29 septembre 2022, peu important que la société Sandyv n'ait pas signé celui-ci, l'ensemble des riverains concernés ayant été conviés à l'opération de réimplantation de bornes et le procès-verbal dressé à cette occasion étant signé par le seul géomètre-expert, responsable de la remise en place des bornes selon les limites précédemment fixées contradictoirement.

Les attestations et photographies produites par la société Sandyv ne sont pas de nature à remettre en cause ni le procès-verbal de bornage initial ni le procès-verbal de rétablissement de limites.

La société Sandyv produit en appel un rapport d'expertise du cabinet Alteo daté du 18 décembre 2023, relatif à l' 'analyse foncière des anciens bornages relatifs à la bande d'accès au terrain', qui constate des écarts entre les points mesurés et les cotes résultant des documents d'archives et indique que le repère C n'aurait pas été retrouvé. Cependant, outre le fait que ce document ne revêt aucun caractère contradictoire au contraire du procès-verbal de rétablissement de limites établi par le cabinet [I] en septembre 2022, il sera relevé, d'une part, que le repère C, qui a trait à la délimitation des propriétés de la société Sandyv et celle de Mme [F] [J], ne concerne en rien le présent litige, d'autre part, que les écarts relevés entre les points mesurés et les cotes résultant des documents d'archives relatifs aux repères E, F et G, seuls concernés par la présente affaire, sont minimes (3 cm entre les points E et F et 1 cm entre les points F et G), de sorte que l'appelante ne peut en déduire que les bornes ne sont pas à leur place et que celle située au milieu de son chemin d'accès à sa propriété caractériserait un empiètement à celle-ci, alors qu'il est par ailleurs établi que la société Sandyv a réalisé des travaux de pose de castine sur ledit chemin, lesquels sont susceptibles d'avoir modifié l'emprise du chemin.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que la société Sandyv ne justifiait pas d'un motif légitime à l'organisation d'une expertise judiciaire et l'a déboutée de sa demande de ce chef. L'ordonnance sera confirmée en ce sens.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. La société Sandyv, partie succombante, supportera la charge des dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société Sandyv sera condamnée à payer les sommes de 2.000 euros à M. [G] [T] d'une part, et aux époux [B] d'autre part.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare recevable la demande d'expertise formée par la société Sandyv,

Confirme l'ordonnance déférée,

Y ajoutant,

Condamne la société Sandyv à payer les sommes de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à :

- M. [G] [T],

- M. [C] [B] et Mme [Y] [B] née [R], ensemble.

Condamne la société Sandyv aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/04241
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.04241 ?
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