COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 13 JUIN 2024
N° RG 21/03517 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MFKU
[C] [W]
[I], [E], [O] [W]
c/
Association UDAF DE [Localité 8]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 18/11070) suivant déclaration d'appel du 21 juin 2021
APPELANTS :
[C] [W] tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père, Monsieur [T] [W]
née le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
[I], [E], [O] [W] tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père, Monsieur [T] [W]
né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 10]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 11]
Représenté par Me Samantha LABESSAN GAUCHER-PIOLA, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ E :
Association UDAF DE [Localité 8] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège [Adresse 5]
Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
Assistée par Me Isabelle FENIOU-PIGANIOL, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par jugement du 17 juin 2004, M. [T] [W] a été placé sous mesure de tutelle confiée à l'UDAF de [Localité 8] (ci-après l'UDAF).
Le juge des tutelles a ensuite déchargé l'UDAF de sa mission par jugements du 19 décembre 2013 et 31 janvier 2014 et a désigné sa fille, Mme [C] [W], en qualité de tutrice.
Par ordonnance du 11 octobre 2016, Mme [Y] [N] a été désignée
en qualité de tutrice ad hoc et a ensuite été désignée par ordonnance du 15 février 2017 en qualité de tutrice aux biens.
Par acte du 29 novembre 2018, Mme [N] agissant en qualité de tutrice aux biens de M. [T] [W], ainsi que Mme [C] [W] et M. [I] [W] ont fait assigner l'UDAF devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir engager sa responsabilité.
M. [T] [W] est décédé le [Date décès 1] 2019. Mme [C] [W] et M. [I] [W] sont alors intervenus à l'instance tant à titre personnel qu'en qualité d'ayant droit de leur père.
Par jugement contradictoire du 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré recevables les demandes formées par M. [I] [W] et Mme [C] [W] à l'encontre de l'UDAF,
- débouté M. [I] [W] et Mme [C] [W] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné M. [I] [W] et Mme [C] [W] aux entiers dépens,
- condamné M. [I] [W] et Mme [C] [W] à payer à l'UDAF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes.
Les consorts [W] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 juin 2021 sauf en ce qu'il a déclaré leurs demandes recevables.
Par conclusions déposées le 20 septembre 2021, ils demandent à la cour de :
- juger recevable et bien fondé l'appel formé par Mme [C] [W] et M. [I] [W],
Y faisant droit :
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 20 mai 2021,
Statuant de nouveau :
- constater que l'UDAF, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, a engagé sa responsabilité professionnelle à l'égard de [T] [W],
- constater que l'UDAF a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de Mme [C] [W] et de M. [I] [W],
Par conséquent,
- condamner l'UDAF à verser à Mme [C] [W] et M. [I] [W], es qualité d'ayant droits de [T] [W], la somme de 133 877 euros en réparation des préjudices subis par ce dernier,
- condamner l'UDAF à verser à Mme [C] [W] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi par elle,
- condamner l'UDAF à verser à M. [I] [W] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi par lui,
- condamner l'UDAF à verser à Mme [C] [W] la somme de 11 813 euros en réparation du préjudice matériel subi par elle,
- condamner l'UDAF à verser à M. [I] [W] la somme de 11 813 euros en réparation du préjudice matériel subi par lui,
- condamner l'UDAF à verser à Mme [C] [W] et M. [I] [W], es qualité d'ayant droits de [T] [W], la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'UDAF à verser à Mme [C] [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'UDAF à verser à M. [I] [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'UDAF aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions déposées le 17 décembre 2021, l'UDAF demande à la cour de :
A titre principal :
- infirmer le jugement du 20 mai 2021 en ce qu'il a prononcé la recevabilité de l'action engagée par les consorts [W] contre l'UDAF sur le fondement de l'article 476 du code civil,
En conséquence :
- déclarer irrecevables les consorts [W] de toutes leurs demandes,
Subsidiairement dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement, sur la recevabilité de l'action,
- débouter les consorts [W] de toutes demandes antérieures au 1er janvier 2009, la responsabilité de l'Etat étant encourue pour cette période,
Très subsidiairement dans l'hypothèse où la cour considérerait que l'action est recevable,
- confirmer le jugement du 20 mai 2021 dans toutes ses dispositions,
- débouter les consorts [W] qui n'établissent aucune faute de l'UDAF de nature à causer un préjudice à [T] [W] lui même,
- confirmer la condamnation des consorts [W] au paiement de la somme de 2 000 euros à l'UDAF fondé sur l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Y ajoutant :
- condamner les consorts [W] au paiement de la somme de 3 000 euros à l'UDAF fondé sur l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 2 mai 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 28 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité
L'UDAF, appelante incidente, reproche au jugement attaqué d'avoir déclaré recevable l'action des consorts [W]. Elle estime en effet que dès lors que son mandat a pris fin le 19 décembre 2013, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007 sur laquelle se fonde les consorts [W], l'action de ceux-ci ne peut être dirigée que contre l'Etat en application de l'ancien article 473 du code civil.
Les consorts [W] concluent à la confirmation du jugement, considérant que l'article 421 du code civil, dans sa version en vigueur depuis la loi du 5 mars 2007, est applicable en l'espèce.
Sur ce,
Aux termes de l'article 473 du code civil, dans sa version antérieure à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, seul l'Etat était responsable à l'égard du pupille, sauf recours, du dommage résultant d'une faute commise dans le fonctionnement de la tutelle.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007, l'article 421 du code civil prévoit désormais que : 'Tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction'.
L'article 45 de la loi du 5 mars 2007 dispose :
'I. - A l'exception des articles 11, 25 à 28, 31, 33 [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-552 DC du 1er mars 2007] à 43 et du III de l'article 44 qui sont d'application immédiate, [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-552 DC du 1er mars 2007], la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2009.
II. - Au 1er janvier 2009, elle s'applique aux mesures de protection ouvertes antérieurement sous les conditions suivantes :
1° Les articles 441 et 442 du code civil sont applicables aux mesures ouvertes avant l'entrée en vigueur de la présente loi à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de publication de celle-ci, sans préjudice des demandes de mainlevée qui pourront être présentées avant ce délai et de la révision des mesures faites à l'occasion d'une saisine du juge dans ces dossiers.
A défaut de renouvellement dans le délai précité, les mesures prennent fin de plein droit. (...)'
Au regard de ces dispositions, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a rejeté la fin de non recevoir soulevée par l'UDAF.
Constatant que la loi du 5 mars 2007 était applicable aux mesures ouvertes antérieurement, ce principe étant toutefois tempéré pour les articles 441 et 442 du code civil relatifs à la durée de la mesure et son renouvellement pour lesquels l'entrée en vigueur est différée, et qu'aucune exception n'était prévue pour différer l'application de l'article 421 du code civil, le premier juge a en effet justement considéré que cette disposition était applicable aux mesures en cours depuis le 1er janvier 2009 et que dès lors que la mesure de tutelle confiée à l'UDAF avait été ouverte le 17 juin 2004, le juge des tutelles ayant ensuite déchargé l'UDAF de sa mission par jugement du 19 décembre 2013 rectifié le 31 janvier 2014, la responsabilité de l'UDAF pouvait être engagée en cas de faute commise dans l'exécution de son mandat à compter du 1er janvier 2009.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action des consorts [W].
Sur le fond
Selon l'article 496 du code civil, le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine. Il est tenu d'apporter, dans celle-ci, des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée.
En application de l'article 421 du même code, tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction.
Toutefois, si ce texte prévoit que la responsabilité des organes de protection judiciaire peut être engagée en raison du dommage causé au majeur, leur responsabilité vis-à-vis des tiers relève du droit commun délictuel de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, à savoir l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.
En l'espèce, il est constant que M. [T] [W], qui résidait dans un immeuble sis à [Localité 12] dont il était propriétaire en indivision avec ses enfants, a été victime d'un accident vasculaire cérébral et qu'à la sortie de son hospitalisation en 2004, il a été placé dans un EHPAD privé [9] jusqu'à la fermeture de cet établissement en janvier 2011, date à laquelle il a alors été transféré à l'EHPAD privé [Localité 13]. Il a ensuite résidé, à compter du 27 janvier 2014, à l'EHPAD public conventionné [7] situé à [Localité 15].
Les consorts [W] font valoir plusieurs fautes de l'UDAF, à qui ils reprochent de n'avoir pas été diligente dans la gestion de la situation financière de leur père.
a) Ils soutiennent tout d'abord que l'UDAF a commis une faute de gestion et engagé sa responsabilité en ne prenant pas de dispositions en temps utile pour transférer M. [W] en EHPAD public ou en faisant le nécessaire pour vendre le bien immobilier sis à [Localité 12], alors que les comptes de gestion établissaient très clairement que les finances de M. [W] ne lui permettaient plus d'assumer le coût d'un hébergement en EHPAD privé. Ils précisent qu'aux termes d'une ordonnance de référé en date du 16 octobre 2015, Mme [C] [W], es qualité de représentante légale de M. [T] [W], a été condamnée à payer à l'EHPAD [Localité 13] la somme de 30.358,64 euros au titre des arriérés de frais de séjour.
Il résulte des pièces versées aux débats qu'à la suite de son hospitalisation, M. [W] a été placé dans un EHPAD privé le Château Maucamp entre 2004 et début 2011. Pendant cette période, le majeur protégé disposait de trésorerie et les factures étaient réglées. Suite à la fermeture de l'établissement en janvier 2011, M. [W] a été transféré à l'EHPAD privé de [Localité 13] où les frais d'hébergement s'élevaient à 2246,21 euros alors qu'il percevait des ressources à hauteur de 1615,51 euros, de telle sorte qu'en incluant les frais annexes, le solde mensuel était déficitaire de 861,13 euros. La trésorerie du majeur protégé s'est alors amoindrie, générant des arriérés de frais de séjour d'un montant de 30.358,58 euros, correspondant à des factures impayées d'avril 2013 à janvier 2014, date de son transfert en EHPAD public à [Localité 15], soit 10 mois de dette.
Dans son rapport de situation du 1er décembre 2016, Mme [N], désignée tutrice ad hoc de M. [W] selon ordonnance du 11 octobre 2016, souligne l'immobilisme de l'UDAF et de Mme [W], tutrice depuis décembre 2013, quant à la vente de l'immeuble indivis. Elle indique que compte tenu du budget déficitaire, il aurait fallu vendre la maison rapidement pour financer l'EHPAD de [Localité 13] ou, en cas de non vente, envisager un placement en EHPAD public au titre de l'aide sociale.
S'agissant de la vente de la maison, il ressort des pièces produites que par lettre du 27 août 2007, Mme [W] informait l'UDAF qu'elle n'occupait plus la maison de [Localité 14] depuis septembre 2006 et que celle-ci se dégradait, demandant 'cette maison étant devenue inhabitable, serait-il possible d'envisager la vente de ce bien''. Contrairement à ce qu'allèguent les consorts [W], l'UDAF a répondu à cette lettre par courrier du 4 septembre 2007, dans les termes suivants : ' (...) Nous vous indiquons avoir pris bonne note de vos remarques et allons procéder rapidement à la vérification de celles-ci. C'est pourquoi nous vous demandons de prendre rendez-vous en téléphonant au (numéro de téléphone) afin de prévoir une visite de la maison de [Localité 14]. Nous regrettons toutefois que vous ayez toujours refusé de répondre à nos correspondances et nous restons surpris que vous ne nous ayez pas informés plus tôt de la situation de la maison puisque vous l'occupiez.' Si aucune pièce n'est versée sur les éventuelles démarches entreprises entre septembre 2007 et 2011, il est toutefois acquis que la vente de la maison ne s'est révélée en tout état de cause nécessaire qu'à compter de l'entrée de M. [W] dans l'EHPAD privé de [Localité 13], soit à compter de janvier 2011, date à laquelle la trésorerie du majeur protégé a commencé à s'amoindrir.
Or, l'UDAF justifie avoir, en octobre 2011, mandaté Mme [O], expert immobilier, pour évaluer le bien indivis afin de le vendre pour financer la maison de retraite. Dans un rapport du 25 octobre 2011, l'immeuble était alors estimé à 75.000 euros. Le mandataire soutient que la vente n'a cependant jamais pu avoir lieu au motif que les deux enfants de M. [W], propriétaires indivis de l'immeuble, n'ont jamais donné leur accord pour cette vente. S'il est exact qu'aucune demande d'autorisation de vente formée par l'UDAF ne figure au dossier, il sera observé que depuis décembre 2013, date à laquelle l'UDAF a été déchargée de sa mission, la vente de la maison n'a jamais été réalisée, notamment par Mme [C] [W] en qualité de tutrice, sans qu'aucun motif légitime n'explique cet immobilisme.
Si le rapport de situation du 1er décembre 2016 souligne qu'en l'absence de vente du bien immobilier, l'UDAF aurait dû changer M. [W] d'établissement afin d'éviter que les arriérés de pensions d'hébergement ne s'accumulent, il sera rappelé que les arriérés de frais de séjour, d'un montant de 30.358,58 euros, correspondent à des factures impayées d'avril 2013 à janvier 2014, date de son transfert en EHPAD public à [Localité 15], soit 10 mois de dette. Or, l'UDAF justifie avoir, le 4 novembre 2013, adressé huit dossiers d'admission en urgence dans des EHPAD publics, l'une d'elle ayant conduit à son transfert, en janvier 2014, dans l'EHPAD public conventionné. Cette démarche a donc été effectuée à l'initiative de l'UDAF et non de Mme [C] [W], contrairement à ce que cette dernière prétend dans ses écritures. En outre, comme le relève justement le tribunal, il est acquis au vu des pièces produites que contrairement à ce qu'allèguent les appelants, M. [W] ne pouvait être accueilli dans n'importe quelle structure, le médecin coordonnateur de la résidence Bossege (ADGESSA-EHPAD) ayant émis, le 7 février 2014, un avis défavorable dans son établissement, celui-ci ne pouvant assurer une prise en charge adaptée à son état. L'état de santé de M. [W] était effectivement très fragile puisqu'il ressort du certificat médical destiné à la COTOREP que postérieurement à son AVC, M. [W] présentait un 'état de démence vasculaire post AVC' et avait besoin de l'aide d'une tierce personne quotidienne pour s'habiller, manger, faire sa toilette, aller aux toilettes, un certificat du docteur [U] du 30 décembre 2004 précisant que 'M. [W] présente un état de désorientation temporo-spatiale qui rend préjudiciable des déplacements répétés hors de son lieu de résidence habituel'.
Dès lors, s'il est indéniable que l'absence de vente de la maison entre 2011 et 2013 a permis l'aggravation du passif lié au défaut de paiement des frais d'hébergement du majeur protégé, le tribunal doit être approuvé lorsqu'il souligne que cette situation économique peut s'expliquer par la volonté de maintenir le cadre de vie de ce dernier, au moins temporairement, le temps de trouver une solution afin de ne pas provoquer une dégradation de son état de santé, cette préoccupation relevant aussi de la mission du mandataire judiciaire qui doit agir dans l'intérêt de la personne protégée.
En tout état de cause il n'est pas établi que M. [W] aurait trouvé plus rapidement une place adaptée à ses besoins en EHPAD public au regard du taux d'occupation de ces établissements.
En outre, comme le rappelle exactement le premier juge, si M. [W] avait été transféré plus rapidement dans un EHPAD où il pouvait percevoir l'aide sociale, la dette due par la succession au conseil départemental aurait été plus importante, en sorte qu'il est faux de soutenir qu'en restant dans un établissement privé, M. [W] ait subi un préjudice en raison du défaut de perception de l'aide sociale.
Enfin, il sera observé que l'ordonnance de référé du 16 octobre 2015 - au demeurant non produite aux débats -, par laquelle M. [W], représentée par sa fille [C] [W] es qualité de tutrice, a été condamné à paiement des arriérés de frais d'hébergement, n'a à ce jour pas été payée selon les dires mêmes des consorts [W].
b) Les consorts [W] reprochent ensuite à l'UDAF de n'avoir entrepris aucune démarche pour régler la succession de l'épouse du majeur protégé, Mme [W], décédée en 1996, comprenant notamment le bien immobilier sis à Saint Esthèphe.
Il n'est en effet ni démontré ni même allégué que l'UDAF a saisi un notaire afin de régler ladite succession. Toutefois, il a été vu ci-avant que le mandataire avait, en octobre 2011, fait évaluer le bien indivis afin de le vendre. En outre, le premier juge fait justement observer que la succession ouverte dès 1996 n'était pas réglée avant la nomination de l'UDAF le 17 juin 2004 et qu'elle n'est à ce jour toujours pas réglée alors que l'UDAF est déchargée de la mesure depuis décembre 2013, l'argument des consorts [W] selon lequel ce blocage s'expliquerait par la perte par l'UDAF des documents nécessaires au règlement de la succession n'étant étayé par aucun élément, alors qu'il n'apparaît pas que des démarches en ce sens avaient été réalisées en leur temps, soit au décès de Mme [W] en 1996. c) Si les consorts [W] font grief à l'UDAF d'avoir vidé le bien immobilier de tous biens ses meubles sans en aviser les enfants du majeur protégé, les privant ainsi de tous leurs souvenirs de famille, ils ne justifient en rien de cette allégation, alors même qu'il est acquis au vu des pièces versées aux débats que Mme [W] et son compagnon ont vécu dans cette maison jusqu'en septembre 2006. Quant au défaut d'inventaire du mobilier appartenant à M. [T] [W] en 2004, il ressort des courriers produits par l'UDAF que celle-ci s'est plaint auprès du juge des tutelles dès le 14 septembre 2004 de l'impossibilité d'avoir un rendez-vous avec Mme [C] [W] pour entrer dans la maison de son père.
d) Il est également soutenu que l'UDAF a commis une faute en ne sollicitant pas les pensions de réversion que M. [W] aurait dû percevoir au décès de son épouse, le privant d'une source de revenus à hauteur de 10.080 euros. Les appelants précisent que Mme [W] étant décédée avant 2009, son conjoint survivant aurait pu bénéficier d'une pension de réversion dès 2001 et que dès sa nomination en 2004, l'UDAF aurait dû entreprendre des démarches pour réclamer celle-ci. Cependant, comme en première instance, les consorts [W] procèdent par affirmation et ne justifient aucunement de la date à laquelle M. [W] aurait pu prétendre à ladite pension, son épouse étant décédée à l'âge de 47 ans.
e) Enfin, si les consorts [W] arguent du défaut de communication de l'UDAF, il a été vu ci-avant que les consorts [W] ne répondaient pas toujours aux sollicitations du mandataire. Dès lors, si les éléments du dossier montrent que de réels problèmes de dialogue ont existé entre les parties, ils ne peuvent être imputés plus à l'intimée qu'aux appelants, ainsi que l'a justement noté le tribunal.
Au regard de ce qui précède, aucune faute n'est suffisamment caractérisée à l'encontre de l'UDAF de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 421 du code civil.
Le jugement déféré mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté les consorts [W] de leurs demandes formées contre l'UDAF.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. supportera la charge des dépens d'appel. Les consorts [W], succombant à l'instance, supporteront les dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, les consorts [W] seront condamnés à payer à l'UDAF la somme de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne Mme [C] [W] et M. [I] [W], agissant tant en leur qualité d'ayant droit de M. [T] [W] qu'en leur nom personnel, à payer à l'UDAF la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [C] [W] et M. [I] [W], agissant tant en leur qualité d'ayant droit de M. [T] [W] qu'en leur nom personnel, aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,