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13/06/2024 | FRANCE | N°19/00054

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 13 juin 2024, 19/00054


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



1ère CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 13 JUIN 2024









N° RG 19/00054 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-KZQI









[E] [B]

[J] [K] épouse [B]



c/



[M] [L]

























Nature de la décision : AU FOND























Grosse dÃ

©livrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX ( RG : 17/09658) suivant déclaration d'appel du 06 janvier 2019





APPELANTS :



[E] [B]

né le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 6]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]





[J] [K] é...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 13 JUIN 2024

N° RG 19/00054 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-KZQI

[E] [B]

[J] [K] épouse [B]

c/

[M] [L]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX ( RG : 17/09658) suivant déclaration d'appel du 06 janvier 2019

APPELANTS :

[E] [B]

né le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 6]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

[J] [K] épouse [B]

née le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 9] (40)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[M] [L]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE - MAILLOT - BLATT ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Bérengère VALLEE, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Paule POIREL, Président

M. Emmanuel BREARD, Conseiller

Mme Bérengère VALLEE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Mme [J] [K] épouse [B] et M. [E] [B] sont propriétaires d'une maison d'habitation située à [Adresse 7].

Faisant valoir que leur immeuble présentait des désordres constitutifs d'un trouble anormal de voisinage et provoqués par les travaux de surélévation entrepris sur la maison de leur voisin M. [M] [L] (sise [Adresse 2] à [Localité 6]), les époux [B] ont, par ordonnance de référé du 22 avril 2013, obtenu la désignation de M. [T] [G] en qualité d'expert judiciaire, lequel a déposé son rapport le 10 février 2014.

Indiquant que la poursuite des travaux décidée par leur voisin après le dépôt du rapport d'expertise, était à l'origine de nouveaux désordres sur leur immeuble, les époux [B] ont, par acte du 19 mai 2014, assigné M. [L] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux dans le but d'obtenir la suspension des travaux et l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise.

Par ordonnance du 29 septembre 2014, le juge des référés a débouté les demandeurs.

Par acte d'huissier du 26 octobre 2017, les époux [B] ont assigné M. [L] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins notamment d'obtenir la réalisation sous astreinte de travaux de mise en conformité ainsi que des dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 5 décembre 2018 le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- condamné M. [L] à payer à M. et à Mme [B] la somme de 1 273,89 euros HT concernant la réalisation d'un chéneau en zinc,

- débouté M. et Mme [B] du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à leur donner acte de ce qu'ils se réservent le droit de compléter leur demande d'indemnisation présentée à l'encontre de M. [L] au titre des travaux modificatifs nécessaires pour solutionner le problème relatif à la modification de l'équilibre architectural de l'immeuble et des submersions de la noue centrale"

- débouté M. [L] de ses demandes reconventionnelles,

- débouté les parties de leurs demandes en indemnité de procédure,

- débouté M. et Mme [B] de leurs demandes de condamnation aux frais de référé, d'expertise judiciaire et de constats d'huissier de justice,

- condamné M. [L] à payer les dépens,

- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Les époux [B] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 6 janvier 2019, sauf en ce qu'il a condamné M. [L] à leur payer la somme de 1.273,89 euros HT au titre de la réalisation d'un chéneau en zinc.

Par arrêt avant dire droit du 7 septembre 2021, la cour d'appel de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire, confiée à M. [V] [S], au sujet de l'empiètement allégué par les époux [B] et, le cas échéant, les mesures propres à y remédier.

M. [S] a déposé son rapport définitif d'expertise le 5 avril 2023.

Par dernières conclusions déposées le 12 mai 2023, M. et Mme [B] demandent à la cour de :

- voir déclarer recevable et bien fondé l'appel enregistré par M. et Mme [B] à l'encontre du jugement rendu par la 7ème chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux le 5 décembre 2018,

- voir constater que M. et Mme [B] ne demandent la confirmation du jugement qu'en ce qu'il a condamné M. [L] à leur régler une somme de 1 273,89 euros HT au titre de la réalisation d'un chéneau en zinc, ainsi que sa condamnation à régler les dépens de la procédure au fond,

- voir constater que M. et Mme [B] ne maintiennent pas leur appel au titre de l'empiétement de la construction du mur de M. [L] en fond des propriétés par rapport à la rue, mais présentent une demande accessoire résultant du fait nouveau révélé par l'expertise judiciaire de M. [S] au titre du déversement de l'égout du toit [L] sur leur terrasse du fait de la construction dudit mur,

- voir en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes tendant à:

- voir condamner M. [L] à mettre les façades sur rue et jardin, mais encore la toiture de son échoppe, à la hauteur réglementaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir condamner M. [L] à fournir la facture afférente à la réparation du mur pignon, notamment de la lézarde et des autres fissures, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir condamner M. [L] à réaliser des travaux de reprise du mur mitoyen en enlevant les morceaux de brique et autres débris mis en place pour boucher le trou créé, puis en les remplaçant par des pierres, tel que cela a été préconisé dans le rapport de M. [G] et le constat de M. [D], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir condamner M. [L] à payer à M. et Mme [B] la somme de 16 839,26 euros, comprenant l'indemnisation de leur préjudice matériel pour 6 839,26 euros et de leurs préjudices immatériels pour 10 000 euros,

- voir condamner M. [L] à faire cesser les nuisances sonores lié à son installation Climatisation / VMC, outre à la mettre en conformité sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir donner acte à M. et Mme [B] du fait qu'il se réserve le droit de compléter leur demande d'indemnisation présentée à l'encontre de M. [L] au titre des travaux modificatifs nécessaires pour solutionner le problème relatif à la modification de l'équilibre architectural de l'immeuble et des submersions de la noue centrale,

- voir débouter M. [L] de toutes ses demandes contraires et/ou reconventionnelles,

- voir condamner M. [L] à payer à M. et Mme [B] la somme de 5 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens, comprenant les frais de la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance du 22 avril 2013, ceux de l'expertise judiciaire, les frais des PV de constats d'huissiers des 25 octobre 2012, 19 février 2013 et 7 mai 2014, ainsi les frais de la procédure au fond, dont distraction au profit de Maître Laplagne, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau à ces titres,

- voir condamner M. [L] à faire cesser l'écoulement illégal de l'égout de son toit sur le fond des époux [B], en exécutant les travaux préconisés par l'expertise de M. [S] et dans les conditions suivantes :

- dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

- après avoir communiqué le devis et les conditions de réalisation des travaux si l'Atelier Boureau n'est pas choisi, au moins 1 mois avant le début des travaux,

- en informant les concluants de l'intervention de l'entreprise au moins 15 jours avant sa venue sur le chantier et en précisant les jours d'intervention,

- après avoir versé une juste indemnisation aux concluants pour la gêne occasionnée par la servitude du tour d'échelle à hauteur de 1 000 euros par jour de travaux,

- voir condamner M. [L] à mettre les façades sur rue et jardin, mais encore la toiture de son échoppe, à la hauteur réglementaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir condamner M. [L] à fournir la facture afférente à la réparation du mur pignon, notamment du trou, de la lézarde et des autres fissures, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir condamner M. [L] à communiquer la facture de l'entreprise Sibe, prétendument mandatée pour reprendre le trou qu'il a créé dans le mur pignon, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir condamner M. [L] à réaliser des travaux de reprise du mur mitoyen en enlevant les morceaux de brique et autres débris mis en place pour boucher le trou créé, puis en les remplaçant par des pierres, tel que cela a été préconisé dans le rapport de M. [U] [G] et le constat de M. [D], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir condamner M. [L] à faire cesser les nuisances sonores lié à son installation Climatisation / VMC, outre à la mettre en conformité sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir condamner M. [L] à payer à M. et Mme [B] la somme de 16 839,26 euros, comprenant l'indemnisation de leur préjudice matériel pour 6 839,26 euros et de leurs préjudices immatériels pour 10 000 euros,

- voir donner acte à M. et Mme [B] du fait qu'il se réserve le droit de compléter leur demande d'indemnisation présentée à l'encontre de M. [L] au titre des travaux modificatifs nécessaires pour solutionner le problème relatif à la modification de l'équilibre architectural de l'immeuble et des submersions de la noue centrale,

- voir débouter M. [L] de toutes ses demandes contraires, reconventionnelles et de son appel incident,

- voir condamner M. [L] à payer à M. et Mme [B] la somme de 10 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens, comprenant les frais de la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance du 22 avril 2013, ceux des expertises judiciaires de M. [G] et de M. [S], les frais des PV de constats d'Huissiers des 25 octobre 2012, 19 février 2013 et 7 mai 2014, ainsi les frais de la procédure au fond, dont distraction au profit de Maître Dominique Laplagne, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées le 30 juin 2023, M. [L] demande à la cour de :

- juger l'appel interjeté par les consorts [B] recevable mais mal fondé,

- constater que les travaux de construction entrepris par M. [L] ne sont constitutifs d'aucun empiétement sur le fonds [B] aux termes du rapport d'expertise judiciaire du 5 avril 2023,

- prendre acte de ce que les consorts [B] entendent se désister de leur appel sur l'empiétement et à modifier la demande à la suite d'un nouveau fait révélé par l'expertise judiciaire,

- prendre acte de ce que M. [L] s'engage à effectuer les travaux demandés par les consorts [B] à l'issue du rapport d'expertise judiciaire du 05 avril 2023 suivant le devis du 23 février 2023 de l'Atelier Boureau,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de Grande Instance de Bordeaux le 5 décembre 2018 en ce qu'il a :

- débouté M. et Mme [B] de l'intégralité de leurs demandes, exception faite de celle concernant la dégradation des tuiles de rives,

- dit n'y avoir lieu à leur donner acte de ce "qu'ils se réservent le droit de compléter leurs demandes d'indemnisation présentées à l'encontre de M. [L] au titre des travaux modificatifs nécessaires pour solutionner le problème relatif à la modification de l'équilibre architecturale de l'immeuble et des submersions de la noue centrale"',

- débouté M. et Mme [B] de leurs demandes de condamnations aux frais de référé, d'expertise judiciaire et de constat d'huissier de justice,

- déclarer M. [L] recevable en son appel incident.

Et, statuant à nouveau,

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 5 décembre 2018 sur ses autres dispositions, à savoir en ce qu'il a :

- condamné M. [L] à payer à M. [B] et Mme [B] la somme de 1 273,89euros HT concernant la réalisation d'un chéneau en zinc,

- débouté M. [L] de ses demandes reconventionnelles,

- débouté M. [L] de ses demandes en indemnités de procédure,

- condamné M. [L] à payer les dépens.

En tout état de cause,

- débouter les consorts [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de M. [L],

- condamner solidairement les consorts [B] à verser à M. [L] la somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice causé par cette procédure abusive menée à son égard,

- condamner solidairement les consorts [B] à une amende civile sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile pour procédure abusive,

- condamner solidairement les consorts [B] à verser à M. [L] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner les mêmes sous la même solidarité à payer l'intégralité des frais et dépens de procédure, en ce compris les frais de référé et les frais d'expertise judiciaire, dont distraction pour ceux de la présente instance au profit de la SELARL Caporale Maillot Blatt, Avocats à la Cour, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 2 mai 2024.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 28 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur les demandes principales des époux [B]

A- Sur les travaux de reprise

* Sur le déversement des eaux de pluie en provenance du fond de M. [L] sur la terrasse des époux [B]

Sur la base du rapport d'expertise rendu par M. [S] qui conclut que 'la construction édifiée par M. [L] n'empiète pas sur la propriété de M. Et Mme [B]', les époux [B] ne maintiennent pas leur demande de destruction de la construction du mur édifié par M. [L].

Faisant toutefois valoir que l'expertise a révélé un fait nouveau, ils sollicitent, au visa des articles 564, 565 et 910-4 du code de procédure civile et 681 du code civil, la réalisation de travaux permettant la cessation de l'écoulement des eaux de pluie en provenance de la construction de M. [L] sur leur terrasse.

Sur ce,

La recevabilité de la demande présentée en appel par les époux [B] n'est pas contestée par M. [L].

Aux termes de l'article 681 du code civil, tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin.

En l'espèce, si l'expert conclut que 'la construction de M. [L] n'empiète pas sur le fond [B]', il relève qu' 'en revanche, les eaux de pluie en provenance du fond [L] et canalisées par le mur en briques et l'espace résiduel comblé se déversent sur la terrasse des consorts [B], ce qui constitue un désordre.' Il estime que les travaux réparatoires s'élèvent à un montant de 2.479,40 euros TTC aux termes du devis en date du 23 février 2023 de l'Atelier Boureau.

M. [L], qui ne s'oppose pas à la réalisation des travaux demandés par les époux [B] et accepte le devis précité, tel que validé par l'expert, sera en conséquence condamné à faire cesser l'écoulement litigieux en exécutant les travaux préconisés par l'expert. Compte tenu de son engagement à effectuer lesdits travaux, il n'y a pas lieu à astreinte. Il est ajouté en ce sens au jugement entrepris.

* Sur la non-conformité de la hauteur de la construction de M. [L]

Les époux [B] reprochent à M. [L] de ne pas avoir respecté les règles d'urbanisme liées à la hauteur de construction. Ils se prévalent d'un procès-verbal d'infraction dressé le 13 octobre 2014 par un agent assermenté à la direction générale de l'aménagement de la Ville de [Localité 6], selon lequel :

- la façade sur rue a été surélevée à une hauteur supérieure à celle qui était autorisée dans le cadre du permis de construire,

- la façade sur jardin comprend un avant-toit avec une emprise supérieure à celle autorisée par le permis de construire,

- la hauteur de la toiture comprend une modification de la pente et une surélévation trop importante par rapport au projet initial.

Ils soutiennent que ces violations des règles d'urbanisme, par ailleurs reconnus par M. [L] dans le cadre de la procédure de composition pénale, génèrent une appropriation illicite de propriété et un trouble anormal de voisinage, à savoir des servitudes d'écoulement des eaux de pluie et une perte d'ensoleillement.

Ils sollicitent en conséquence la destruction sous astreinte des ouvrages réalisés, à savoir l'abaissement du mur de façade sur rue, l'enlèvement de la toiture et sa remise au niveau autorisé ainsi que l'enlèvement de l'avant-toit de la partie arrière.

Dans le jugement attaqué, le tribunal a rejeté cette demande au titre de la non-conformité de la construction de M. [L], considérant que les époux [B] ne démontraient pas l'existence d'un trouble anormal de voisinage.

M. [L] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce,

L'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit (Civ. 3e, 16 mars 2022, n° 18-23.954).

Ce régime de responsabilité est « objectif », c'est-à-dire qu'il ne repose pas sur la preuve d'un comportement fautif de l'auteur du dommage : seul compte l'existence d'un trouble excédant la gêne normalement attendue dans le cadre de relations de voisinage, ceci étant apprécié in concreto par les juges. Dès lors, l'absence de faute ne permet pas d'échapper à une condamnation (Civ. 3e, 4 févr. 1971, n° 69-12.528). Parallèlement, l'existence d'une faute ne cause pas nécessairement un trouble anormal du voisinage : encore faut-il que les juges du fond caractérisent l'anormalité de la nuisance (Civ. 2e, 24 mars 2016, n° 15-13.306).

En l'espèce, M. [L] a certes fait l'objet d'une composition pénale le 29 mai 2017 tendant à la mise en conformité des travaux litigieux par le dépôt d'un permis de construire, mais cette procédure a été suivie d'un classement sans suite, la mesure ayant été accomplie par le dépôt d'un permis de construire le 11 octobre 2017 complété le 16 novembre 2017, ce dernier ayant toutefois été refusé s'agissant de la pente de la toiture sur voie. En tout état de cause, comme justement rappelé par le premier juge, l'irrespect des règles d'urbanisme ne cause pas nécessairement un trouble anormal du voisinage dont la preuve doit être rapportée par celui qui s'en prétend victime.

Si les époux [B] soutiennent qu'après la rehausse de son mur, M. [L] s'est 'illicitement approprié' la partie de leur mur situé au-dessus de son ancienne toiture, ils procèdent par affirmation, aucune pièce ne venant étayer cette allégation.

Les époux [B] se plaignent également de servitudes d'écoulement des eaux de pluie et d'une perte d'ensoleillement, découlant 'nécessairement' selon eux de la transformation des lieux. S'agissant de l'écoulement des eaux de pluie provenant du fond de M. [L] sur la terrasse des époux [B], il a été jugé ci-avant que l'intimé devait être condamné à réaliser les travaux réparatoires préconisés par l'expert. Quant à la perte d'ensoleillement, celle-ci n'est nullement caractérisée, aucune pièce justificative n'étant versée aux débats à ce titre.

Au regard de ce qui précède, la demande tendant à la destruction des ouvrages édifiés par M. [L] sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

* Sur la dégradation du mur mitoyen

Les époux [B] reprochent à M. [L] d'avoir, sans leur autorisation, 'pratiqué des ouvertures dans le mur séparant les deux héritages, mitoyen jusqu'à l'héberge et privatif au-dessus'. Estimant que cette faute leur occasionne nécessairement un préjudice matériel, ils sollicitent la réalisation de travaux de reprise du mur mitoyen en enlevant les morceaux de brique et autres débris pour boucher le trou créé puis en les remplaçant par des pierres.

Sur ce,

Selon l'article 662 du code civil, l'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre.

En l'espèce, les époux [B] se prévalent d'un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 15 mai 2014 par Maître [D] selon lequel 'lors de la démolition, l'entreprise mandatée par M. [L] a déposé des poutres ancrées dans le mur mitoyen et a rebouché, non pas par de la pierre de taille comme le préconisait le rapport d'expertise judiciaire de M. [G], mais par des briques pleines en terre cuite'.

Force est toutefois de constater que contrairement à ce qui est ainsi prétendu, l'expert judiciaire ne préconise nullement le rebouchage du trou par de la pierre de taille. En effet, constatant que le trou litigieux a été rebouché par des briquettes en terre cuite, l'expert souligne que 'ce rebouchage, réalisé à l'initiative de M. [L], écarte tout risque de dégradation de toiture et d'inondation'.

Aucune faute n'étant établie, la demande de réparation sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

* Sur les dégradations du mur pignon

Les époux [B] font grief à M. [L] d'avoir, lors des travaux de démolition, occasionné une lézarde et des fissures dans le mur pignon.

Si M. [G], expert judiciaire, a en effet constaté la présence d'une lézarde et des fissurations du mur pignon dans sa partie mitoyenne, il précise toutefois que 'cette lézarde et ces fissurations sont manifestement anciennes. Elles sont donc préexistantes aux travaux entrepris par M. [L]'. L'expert ajoute certes qu'il ne peut exclure une part de responsabilité de M. [L] dans la mesure où les travaux ont 'pu' aggraver les fissures et la lézarde. Cependant, en l'absence de tout autre élément probant, il n'est pas démontré avec certitude que les travaux litigieux aient contribué à l'aggravation des désordres préexistants. De même, s'agissant des microfissurations constatées dans la chambre, si l'expert n'exclut pas qu'elles aient été causées par les vibrations engendrées lors de la phase démolition du chantier de M. [L], il ne peut l'établir avec certitude, faute d'état des lieux avant travaux.

En l'absence de dégradation imputable de manière certaine à M. [L], la demande en réparation du mur pignon sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

* Sur les nuisances sonores liées à l'installation de la VMC de M. [L]

Au visa de l'article R. 1334-31 du code de la santé publique, les époux [B] énoncent que M. [L] a fait installer une VMC à proximité du mur donnant sur leur chambre, générant des nuisances sonores nuit et jour. Ils réclament la mise en conformité de l'installation sous astreinte.

Cependant, s'ils soutiennent avoir fait constater par les services de la ville de [Localité 6] que les émergences sonores sont situées au-delà des limites légales, ils n'en rapportent pas la preuve, la pièce n°30 produite par eux étant illisible et inexploitable, et les courriers de plainte adressés par eux à différentes autorités administratives étant insuffisants à caractériser les nuisances invoquées.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les époux [B] de leur demande de ce chef.

B- Sur les dommages et intérêts

Les époux [B] sollicitent, au titre de leur préjudice matériel, une indemnité de 6.839,26 euros correspondant à des travaux de remise en état de leur toiture (couverture pose d'un chéneau en zinc) et de leurs murs extérieurs (travaux de plâtrerie suite à un dégât des eaux) ainsi que des travaux de réfection d'une chambre et de remplacement de pierres et renfort de poutre de faitage.

S'ils se prévalent des devis joints au procès-verbal de constat d'huissier de Maître [D], il sera rappelé que ce constat d'huissier ne revêt aucun caractère contradictoire.

L'expert judiciaire, M. [G], confirme toutefois la présence de tuiles de rives cassées en cours de chantier ainsi que la dépose du zinc posé sur la toiture. Précisant que ces désordres affectent la couverture de l'immeuble des époux [B] et qu'une nouvelle solution d'étanchéité devra être mise en oeuvre entre la couverture des époux [B] et le mur de M. [L], l'expert préconise la réalisation d'un chéneau de rive en zinc dont le montant est évalué à la somme de 1.273,89 euros HT selon devis remis par M. [L], les appelants n'en ayant remis aucun.

Au regard de ces éléments, c'est à raison que le tribunal a condamné M. [L] au paiement de cette somme et le jugement sera confirmé de ce chef.

Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes formées au titre du préjudice matériel, la faute de M. [L] dans la survenance des autres dommages allégués n'étant pas démontrée.

Les époux [B] réclament en outre l'indemnisation de leur préjudice moral à hauteur de 10.000 euros. Ils ne justifient toutefois pas du préjudice ainsi invoqué, les attestations produites n'étant pas de nature à démontrer la réalité de celui-ci. Leur demande sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

II- Sur les demandes reconventionnelles de M. [L] en dommages et intérêts et amende civile

L'article 32-1 du code de procédure civile prévoit que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Il est rappelé que le prononcé de cette amende ne saurait être mis en oeuvre que de la propre initiative de la juridiction saisie, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt, même moral, au prononcé d'une amende civile à l'encontre de l'adversaire.

En l'espèce, il n'est pas démontré de la part des appelants un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équivalente au dol de nature à caractériser une faute faisant dégénérer en abus le droit d'ester en justice.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande tendant à la condamnation des époux [B] au paiement d'une amende civile ainsi qu'au règlement de la somme de 3.500 euros à titre de dommages et intérêts.

III- Sur les autres demandes

Il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les parties obtenant partiellement gain de cause en l'espèce, chacune conservera la charge des dépens par elle exposés.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. En l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant, 

Condamne M. [M] [L] à effectuer, dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, les travaux visant à faire cesser l'écoulement des eaux de pluie en provenance de son immeuble sur la terrasse des époux [B], tel que décrits dans le rapport d'expertise judiciaire déposé le 5 avril 2023 par M. [S],

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles d'appel,

Laisse à la charge de chaque partie les dépens par elle exposés.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Mme Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/00054
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;19.00054 ?
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