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12/06/2024 | FRANCE | N°21/03697

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 12 juin 2024, 21/03697


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 12 JUIN 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03697 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF2U













Madame [K] [C]



c/



SARL Demeures & Vignobles Sotheby's International Realty, exerçant sous l'enseigne Bordeaux Sotheby's International Realty

















Nature de la décision : AU FON

D























Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 juin 2021 (R.G. n°F 19/00631) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 29 ju...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 12 JUIN 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03697 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF2U

Madame [K] [C]

c/

SARL Demeures & Vignobles Sotheby's International Realty, exerçant sous l'enseigne Bordeaux Sotheby's International Realty

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 juin 2021 (R.G. n°F 19/00631) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 29 juin 2021,

APPELANTE :

Madame [K] [C]

née le 10 Février 1983 à [Localité 6] de nationalité Française Profession : Responsable marketing, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

représentée par Me Florence PAUMIER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Demeures & Vignobles Sotheby's International Realty, exerçant sous l'enseigne Bordeaux Sotheby's International Realty, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3] - [Localité 1]

N° SIRET : 531 913 507

assistée et représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 mars 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [K] [C], née en 1983, a été engagée en qualité de responsable marketing et communication par la SARL Demeures & Vignobles Sotheby's International Realty, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juin 2017.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'immobilier.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [C] s'élevait à la somme de 2 866 euros.

Mme [C] a été placée à plusieurs reprises en arrêt de travail au cours ou après sa grossesse: du 22 décembre 2018 au 4 janvier 2019, du 23 janvier 2019 au 17 septembre 2019 et du 20 septembre 2019 jusqu'au 4 novembre 2019.

Le 26 avril 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison du harcèlement moral subi après l'annonce de sa grossesse en novembre 2018.

A l'issue de la visite de reprise du 18 septembre 2019, Mme [C] a été déclarée apte par le médecin du travail.

Mme [C] a repris son poste de travail le 19 septembre 2019.

Le 20 septembre 2019, Mme [C] a adressé un courriel à l'ensemble du personnel indiquant avoir été victime d'un 'lynchage'.

A compter du 20 septembre 2019 jusqu'au 4 novembre 2019, Mme [C] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Le 6 novembre 2019, l'employeur a notifié à Mme [C] un avertissement pour les faits du 5 novembre 2019.

Ce même jour, Mme [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

A la date de la fin du contrat, Mme [C] avait une ancienneté de deux ans et quatre mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Mme [C] a saisi une seconde fois le conseil des prud'hommes pour voir requalifier sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement nul.

Par jugement rendu le 4 juin 2021, le conseil de prud'hommes a :

- prononcé la jonction du dossier RG 19/01779 au dossier RG 19/00631,

- dit que la prise d'acte de rupture de Mme [C] à l'encontre de la société Demeures et Vignobles Sotheby's International Realty est une démission,

- débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Demeures et Vignobles Sotheby's International Realty du surplus de ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné chaque partie à garder la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 29 juin 2021, Mme [C] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 4 juin 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 mars 2022, Mme [C] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que sa prise d'acte de rupture à l'encontre de la société Demeures & Vignobles Sotheby's International Realty est une démission, et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau,

- dire que le harcèlement moral dénoncé par elle à l'encontre de la société Demeures & Vignobles est caractérisé,

- dire que ce harcèlement moral subi est la conséquence de son état de grossesse,

- dire que la société Demeures & Vignobles a manqué intentionnellement à son obligation de sécurité et à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail de Mme [C],

- dire que l'employeur a expressément reconnu les faits et en particulier ceux

de harcèlement moral reprochés par elle,

- dire que l'employeur a refusé sans motif d'honorer l'accord auquel les parties étaient parvenu,

- dire que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 6 novembre 2019 doit produire les effets d'un licenciement nul compte tenu du harcèlement moral qu'elle a subi de la part de son employeur,

- juger que la société Demeures & Vignobles ne justifie pas suffisamment de son

refus de lui verser le bonus annuel fondé sur le chiffre d'affaires des deux agences de la société,

- dire que la moyenne des six derniers mois précédent la suspension du contrat

de travail s'élève à 2.866 euros brut,

En conséquence,

- juger que l'avertissement du 6 novembre 2019, postérieur à la rupture du

contrat de travail est abusif sur le fond, et prononcer son annulation en conséquence,

- débouter la société Demeures & Vignobles de l'ensemble de ses demandes totalement infondées formulées à titre incident à son encontre,

- condamner la société Demeures & Vignobles à lui verser les sommes suivantes:

* 1.253,87 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 8.598 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

* 859,80 euros au titre des congé payé y afférents,

* 22.928 euros au titre du préjudice subi du fait du licenciement nul en raison du harcèlement moral dont elle a été victime sur son lieu de travail et de la violation du statut protecteur de la femme enceinte (8 mois),

* 8.598 euros au titre du préjudice distinct du fait de la discrimination en fonction de sa grossesse (3 mois),

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 février 2023, la société Demeures & Vignobles Sotheby's International Realty demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* dit que la salariée n'a pas été victime d'agissements de harcèlement moral, par son employeur et ses collègues,

* jugé que le contrat de travail de la salariée s'est exécuté loyalement par l'employeur,

* dit que l'employeur ne s'est pas rendu coupable de discrimination en raison de son état de grossesse,

* jugé que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité,

* dit que sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail du 6 novembre 2019 devait être qualifiée de démission claire et non équivoque,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté la salariée de sa demande de requalification de sa prise d'acte en licenciement nul pour harcèlement moral,

* débouté la salariée de l'intégralité de ses demandes, irrecevables et mal fondées, en ce inclus sa demande de prime sur le chiffre d'affaires,

En outre sur appel incident de l'employeur,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas:

* condamné la salariée au paiement de son préavis non exécuté, soit de 9.457,80 euros bruts,

* condamné la salariée au paiement de la somme de 10.000 euros pour brusque rupture,

* condamné la salariée au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil, pour procédure abusive et vexatoire,

* condamné la salariée au paiement de la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la salariée aux dépens et frais éventuels d'exécution,

Y ajoutant,

- condamner la salariée au paiement de la somme de 8.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel, outre les dépens d'appel et frais éventuels d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 25 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - la prise d'acte

Mme [C] fait valoir pour l'essentiel qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral depuis l'annonce de sa grossesse en novembre 2018; qu' à la reprise de son travail le 5 janvier 2019, elle a constaté que ses attributions lui avaient été retirées et qu'elle n'était plus considérée que comme une assistante, la directrice lui reprochant par ailleurs un retour tardif d'un rendez - vous médical dont elle l'avait pourtant informée.

Elle ajoute que :

- une rupture conventionnelle de son contrat de travail lui a été proposée le 22 janvier 2019, qu'elle devait signer sous peine de procédure disciplinaire,

- elle était privée de son accès à sa messagerie professionnelle dès le lendemain de son arrêt de travail ;

- l'employeur n'a pas respecté un accord conclu après sa première saisine du conseil des prud'hommes;

-le 18 septembre 2019, ce dernier n' a pas voulu qu'elle reprenne son poste avant la visite de reprise auprès du médecin du travail et personne n'était présent pour l'accueillir à l'issue de cette visite;

-le 20 septembre 2019, elle a transmis un mail à tous les salariés après avoir été humiliée en public,

- elle a placée en arrêt de travail du 20 septembre au 4 novembre 2019 et à son retour le 5 novembre, son bureau avait été déplacé dans l'entrée de l'agence alors que les autres salariés travaillaient dans un open space et elle avait interdiction d'échanger comme avant avec des partenaires de l'agence. Son poste avait été définitivement repris par Mme [L], aucune embauche n'ayant été réalisée par la suite ;

- elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 6 novembre 2019 et saisi une seconde fois le conseil des prud'hommes pour qu'il soit reconnu que la rupture du contrat de travail emportait les effets d'un licenciement nul.

La société répond pour l'essentiel que les relations de travail se sont dégradées dès l'été 2018 soit avant l'annonce de la grossesse de Mme [C] ; qu'à son retour d'arrêt de travail, Mme [C] a retrouvé ses missions mais n'a pas supporté l'embauche de Mme [L] en qualité de sous-directrice, qu'après l'avoir appris le 20 septembre 2019, Mme [C] a transmis à tous un mail virulent portant sur une humiliation jamais subie par elle, que la salariée n'a jamais dû rester à la porte de l'agence dont elle avait les clefs, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir attendu la visite de reprise auprès du médecin du travail; que Mme [C] n'avait pas informé Mme [S] d'une visite médicale, qu'elle n'a pas souhaité conclure d'accord avec Mme [C] qui réclamait le paiement d'une somme trop élevée, enfin, que la salariée verse un mail dont la rédactrice ne souhaitait pas qu'il soit produit en justice.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail après avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande de voir prononcer la résiliation judidiciaire de son contrat de travail, cette prise d'acte rend cette demande sans objet. Le juge se prononce cependant sur la prise d'acte en prenant en compte tant les manquements invoqués au soutien de la demande de résiliation que ceux fondant sa prise d'acte.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail pour des manquements de l' employeur, celle- ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si ces manquements sont établis et, dans le cas contraire, d'une démission.

Mme [C] a saisi une première fois le conseil des prud'hommes aux fins de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail motifs pris du harcèlement moral subi depuis l'annonce de sa grossesse en novembre 2018.

Aux termes de sa lettre de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail datée du 6 novembre 2019 et devant la cour , Mme [C] fait état :

- de sa mise à l'écart, sa rétrogradation et un harcèlement moral après l'annonce de sa grossesse,

- le refus de l'employeur d'appliquer un accord conclu après la saisine du conseil des prud'hommes,

- l'absence d'accueil après la visite médicale de reprise ;

- un lynchage subi le 20 septembre 2019,

- son remplacement par Mme [L] devenue sa supérieure lors de son retour à l'agence,

- des conditions de travail improvisées et des propos désobligeants,

- le retrait de ses attributions et des directives ineptes.

Aux termes des dispositions de l' article L.1132-1 du code du travail, aucune salariée ne peut être sanctionnée en raison de sa grossesse et un licenciement intervenu en violation de cette régle est nul.

Aussi, aux termes de l' article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Toute rupture d'un contrat de travail intervenue en méconnaissance de cette régle est nulle.

Lorsque survient un litige en raison de la méconnaissance de ces dispositions, il revient au salarié de présenter des éléments de fait, qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination ou d'un harcèlement moral. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou harcèlement.

Au soutien de sa demande, Mme [C] produit les pièces suivantes :

-un échange de mails entre mesdames [S], directrice de l'agence, et [C], datés du 9 janvier 2019 ; Mme [C] aurait demandé la veille à l' employeur s''il attendait qu'elle parte' et elle a répondu qu''en aucun cas, je ne souhaite partir. Mes missions et l'univers me plaît. En revanche, il est important que tout le monde se sente à l'aise (les négociateurs, vous et moi). J'ai bien discuté hier avec les négociateurs. Nous allons repartir du bon pied.' La salariée n'évoque ni sa mise à l'écart qui serait la cause d'une mauvaise ambiance avec les négociateurs, ni le retrait de certaines de ses attributions qui l'aurait ravalée à un poste d'assistante,ni l'ouverture du caisson comprenant des affaires personnelles, dénoncés par elle dans ses conclusions; au contraire, quatre jours après son retour d'arrêt de travail pour maladie, Mme [C] affiche sa satisfaction ;

-un échange de mails entre mesdames [S] et [C] des 19 et 22 janvier 2019 aux termes desquels :

*la première fait état d'une discussion au cours de laquelle la seconde l'aurait informée d'une mauvaise entente avec l'ensemble des salariés, ses difficultés d'organisation et son souhait de chercher un travail ailleurs qui lui conviendrait mieux. Mme [S] se dit prête à en discuter et que pouvait être envisagée une rupture conventionnelle si elle le souhaitait. Cette proposition faite par l' employeur ne peut lui être reprochée.

*l' employeur reproche à la salariée un retard de trente minutes. Mme [C] fait état d'un rendez- vous médical relatif à sa grossesse dont elle avait informé la directrice mais une telle information n'est pas établie. Elle indique aussi que ce retard n'était pas dû au temps pris par le seul rendez vous médical : ' même si ce retard n'est pas dû aux rdv médicaux, au final, retard+ rdv médicaux, je n'ai été absente qu'1h30"

* selon Mme [C], certaines missions ne lui étaient plus confiées, telles que la réalisation d'un catalogue débuté avant son arrêt de travail et il lui aurait été dit qu'elle n'était plus qu'une assistante mais cette assertion n'est corroborée par aucune pièce. La salariée ne conteste pas n'avoir pas terminé le catalogue dans le délai requis, soit avant son départ en arrêt de travail et l'employeur pouvait légitimement confier cette tâche à Mme [L].

Enfin, aucun élément ne corrobore l'affirmation selon laquelle l' employeur aurait exigé de Mme [C] une réponse dans un délai de quarante huit heures pour choisir entre l'acceptation d'une rupture conventionnelle et une lettre d'avertissement ;

-le message électronique daté du 23 janvier 2019 par lequel Mme [C] informe de son placement en arrêt de travail. Il n'est pas question de contractions utérines en lien avec un stress au travail ;

-deux mails échangés entre mesdames [C] et [S] le 24 janvier 2019, soit le lendemain du placement de la salariée en arrêt de travail: la directrice ne refuse pas à la salariée l'accès à sa messagerie. Il faut noter qu'un changement des adresses des messageries avait été opéré, Mme [C] en étant informée par message produit du 3 janvier 2019 ;

- un message électronique expédié par M. [P] à Mme [C] le 25 mars 2019, non accompagné de la photocopie de sa carte d'identité et ne mentionnant pas les conséquences d'une fausse attestation. En tout état de cause, le rédacteur travaillait à l'agence du Pyla et n'était donc pas témoin des conditions de travail de Mme [C]. Il n'évoque d'ailleurs que des éléments le concernant ;

-un dossier intitulé EXCELPERSO créé par Mme [C] qui a souhaité se constituer une preuve à elle-même- et donc sujet à caution- à compter du 8 janvier 2019. La cour constate que certains faits indiqués par la salarié comme constituant la marque d' un harcèlement moral ne sont pas mentionnés dans les mails contemporains de leur date;

Sont aussi indiqués des éléments explicités par la société : le 21 novembre 2018, Mme [S] l'aurait houspillée parce qu'elle n'avait pas acheté des capsules de café. La société conteste tout houspillage et fait au contraire état de la réaction démesurée de Mme [C] face à une demande de Mme [S] d'acheter ces capsules. Aucun élément ne contredit l'affirmation de l' employeur que Mme [C] effectuait régulièrement cette tâche avant son arrêt de travail. La salariée indique aussi que manquent des ébauches de catalogues sans contester toutefois qu'elle n'aurait pas terminé ceux- ci dans le délai requis ( ' projets de magazine que je travaille depuis avril'), qu'elle a travaillé pour rien sur la recherche d'un prestataire pour le nettoyage des vitrines sans contester cependant qu'un autre prestataire avait présenté un devis plus intéressant, le choix par l'employeur d'une telle dépense relevant inconstablement de son pouvoir de direction.

Mme [C] n'apporte aucune contradiction aux attestations de salariés de l'agence selon lesquels, les caissons ne contenaient pas d'effets personnels mais des fournitures de bureau dont tous les salariés avaient l'usage ; elle ne peut dès lors valablement reprocher à l'employeur d'avoir ouvert une caisse contenant des effets et objets personnel.

Mme [S] aurait demandé à Mme [C] de passer ses appels téléphoniques pendant la pause méridienne sans l'imposer aux négociateurs. La société répond sans être contredite que ces derniers étaient toujours en déplacement et effectuaient des horaires plus larges de sorte qu'il relevait du pouvoir de direction de l' employeur de ne pas exiger d'eux de passer des appels dans le seul temps de la pause déjeuner.

Il n'est pas contesté que les cours sur les mandats étaient destinés aux négociateurs, fonction non assurée par l'intéressée.

Mme [C] indique que la directrice, tout en lui demandant de ne pas travailler pendant son arrêt de travail, lui a ordonné de répondre au magazine '[H] [B]'. La salariée renvoie à un mail du 3 janvier 2019. La cour lit que la directrice prie Mme [C] de ne pas travailler pendant son arrêt de travail et souligne que cette dernière a pris l'initiative de contacter ce magazine, ce que la salariée ne conteste pas. Il ne peut donc être reproché à la direction d'avoir sollicité Mme [C] pendant son arrêt de travail.

Il ne peut pas non plus être reproché à Mme [S] d'exiger de recevoir les clients d'autant que Mme [C] était chargée du marketing et non de la réception de ceux- ci.

-deux lettres adressées à la société par le conseil de la salariée qui reprend certains des griefs ; elles ne démontrent pas la réalité de manquements de l'employeur ;

- des échanges de messages entre la directrice de l'agence et Mme [C] : la salariée avait saisi le conseil des prud'hommes et les parties se sont rapprochées sur les conditions d'une rupture conventionnelle. Mme [C] exigera de percevoir, en réparation de son préjudice, non pas trois mois et demi ou quatre mois mais six mois de salaire en réparation du préjudice subi. L'employeur a estimé cette somme trop élevée eu égard à l' ancienneté de sa salariée et n'a pas donné suite. Aucun élément n'établit qu'un accord avait été formalisé et signé. Par ailleurs, Mme [C] ne s'est pas désistée de son action devant le conseil des prud'hommes.Il n'y a donc pas eu de violation d'un accord;

-la lettre du conseil de la société à celui de la salariée dont la reprise de travail ne devait pas être antérieure à la visite de reprise auprès de la médecin du travail. Il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir pris cette précaution d'autant qu'il avait déjà saisi le service dédié d'une demande de rendez-vous;

-un mail et des SMS des 18 septembre 2019 par lesquels Mme [C] écrit à Mme [S] être à la porte de l'agence pour reprendre ses fonctions après la visite de reprise et qu'il n'y avait personne pour l'accueillir. Le premier message a été transmis à 16h27 et Mme [S] a répondu qu'il ne restait plus que quarante cinq minutes de travail, qu'elle était en déplacement à [Localité 5] et que deux négociateurs étaient en rendez-vous. Elle demandait à Mme [C] de se présenter le lendemain.

Le 19 septembre, à 9 heures Mme [C] informe Mme [S] qu'elle se trouve devant la grande porte de l'entrée fermée à clef. Il lui est répondu que [Y] ([L]) passerait pour donner les nouveaux codes. Mme [C] ne conteste pas ce passage dont elle ne dit pas qu'il a été tardif, de sorte que cette circonstance est une péripétie sans conséquence pour la salariée;

- un échange de mails datés du 19 septembre 2019 : Mme [C] demande à Mme [S] de lui indiquer les tâches à effectuer et de faire un point de rentrée et d'objectifs ; la directrice lui répond que ses fonctions et tâches sont les mêmes ; Mme [C] répond connaître effectivement ses missions au sens large mais souhaiter faire un point sur les sept mois écoulés. Aucun message postérieur n'indique que ce point n'aurait pas été fait;

-le mail adressé le 20 septembre 2019 par Mme [C] aux salariés et à la directrice de l'agence et qui évoque ' un lynchage' subi le matin de la part de celle-ci devant tous auxquels Mme [C] reproche un comportement des plus froids , tout étant fait pour qu'elle se sente mal, le but étant qu'elle ne reprenne pas son poste. Mme [C] ne précise pas les termes et/ou le comportement de Mme [S] qui caractériseraient un lynchage et elle ne peut tirer de l'absence de soutien ou de message en retour de ses collègues ou de la directrice la preuve de la survenance de celui-ci. Les autres salariés attestent ne pas avoir compris la violence verbale de leur collègue;

-le mail de Mme [S] du 23 septembre s'inquiétant du départ de la salariée le vendredi précédent ( 20 septembre). Mme [C] répond en reprochant aux autres salariés et à Mme [S] de n'avoir ni appelé ni envoyé de texto le vendredi après midi après son départ précipité. Elle n'apporte là encore aucune précision quant à la teneur des propos tenus devant elle le 20 septembre précédent lors d'une séance d'humiliation; l' employeur a en tout état de cause, pris des nouvelles de la salariée qui ne peut arguer d'une indifférence à son égard;

-le mail daté du 4 novembre 2019 par lequel Mme [C] annonce son retour le lendemain, car ne pouvant se permettre de ne percevoir que les indemnités de la Sécurité Sociale, ayant deux enfants et un mari dont la situation professionnelle est très compliquée. Au delà du caractère trés agressif du message, son autrice n'apporte pas non plus de précision utile quant à un harcèlement moral;

- un échange de mails datés du 5 novembre 2019 : Mme [L] expose les deux missions ponctuelles confiées à Mme [C] et nécessitées par le développement marketing à savoir la mise en place d'un process de mise en conformité avec le RGPD et l'amélioration du référencement du site de l'agence avec la traduction des annonces en allemand; Mme [L] prévoyait un échéancier de fin de mission.

Mme [C] répond que Mme [L] lui avait retiré ses attributions ; que la première mission n'avait rien à voir avec son poste de responsable marketing et que la seconde - relevant du travail d'une stagiaire- ne servait ' strictement à rien ' pour le référencement. Mme [C] n'en ' revenait toujours pas' que ce soit Mme [L] qui lui donne des directives;

-le mail daté du 5 novembre de Mme [S] informant Mme [C] de ce qu'elle devait suivre les directives de Mme [L] embauchée en qualité de directrice adjointe ;

Le curriculum vitae de Mme [C] mentionne qu'elle pratique un allemand courant et elle ne peut arguer d'une demande inappropriée de sa supérieure d'effectuer la traduction d'annonces dans cette langue. De la même manière, le RGPD s'imposant à tous, Mme [C] ne pouvait pas refuser la mise en conformité demandée;

-des arrêts de travail pour 'menace d'accouchement prématuré', ' grossesse contractions'ou sans précision de la pathologie.

-le compte-rendu des visites effectuées auprès du service de santé au travail par le Dr [D] lequel indique que Mme [C] se plaint d'une situation de travail stressante et des mauvaises relations avec sa supérieure hiérarchique. La cour note que, selon le praticien, Mme [C] est venue pour obtenir une inaptitude à son poste, qu'elle est suivie par son médecin traitant et une psychologue qui aurait souhaité que son médecin prescrive un traitement qu'elle ne veut pas prendre. Le Dr [D] écrit avoir expliqué à l'intéressée qu'il ne pouvait pas conclure ' comme cela ' à une inaptitude et qu'il lui fallait un dossier plus étayé. Mme [C] ne l'a pas compris et ils se seraient 'heurtés un peu'. Mme [C] ne comprend pas toutes ces procédures, demandant s'il faut attendre qu'elle se ' jette d'une hauteur ' ou qu'elle ' s'entaille les veines '. Le médecin l'encourage ' fortement ' à prolonger l'arrêt et à se faire aider sur un plan thérapeutique;

- la demande faite par Mme [C] au Dr [X] de lui délivrer une attestation confirmant son arrêt maladie pour des raisons en lien direct avec son travail ;

- l'attestation rédigée par ce praticien le 8 avril 2020 évoquant des symptômes correspondant à un trouble anxiodépressif dont la patiente attribuait son origine à un contexte professionnel qualifié de difficile et conflictuel avec un tiers ; ce médecin relate les doléances de la patiente sans prendre partie quant aux causes de son mal- être ;

- l'attestation établie par une psychologue clinicienne ayant suivi Mme [C] de manière périodique et qui décrit un état clinique de détresse et d'effondrement psychique lié à un environnement professionnel maltraitant, la corrélation entre son état et son emploi étant manifeste. La rédactrice n'étant pas présente dans l'agence immobilière, a fait siennes les considérations de Mme [C] et n'apporte aucun élément permettant d'établir de lien de causalité entre la pathologie et les conditions de travail de cette dernière ;

La lecture de ces pièces médicales ne permet pas d'établir un lien de causalité entre la pathologie présentée par Mme [C] et ses conditions de travail.

- des attestations louangeuses d'anciens collègues ayant connu Mme [C] au sein d'autres entreprises et qui sont inopérantes ;

- un mail coté 50, anonymisé, qui ne sera pas retenu d'autant que son auteur indique ne pas permettre pas sa production en justice ;

-une photocopie de registre du personnel qui voudrait établir que Mme [C] n'a pas été remplacée, la société répondant qu'après des recherches de recrutement, elle a réparti puis réorganisé les missions assurées par Mme [C]. Cette production n'établit pas que Mme [C] aurait été privée de ses attributions et Mme [L] a été engagée en qualité de sous - directrice, son contrat de travail étant produit et mentionnant des attributions autres que les missions dévolues à Mme [C] ;

- un avertissement daté du 6 novembre 2019 sanctionnant Mme [C] pour avoir refusé d'accomplir des missions définies par sa supérieure Mme [L]. Cette insubordination a été établie par les développements supra et Mme [C] sera déboutée de sa demande d'annulation de cette sanction qui ne peut participer d'un harcèlement moral.

Aucune pièce n'est produite au sujet du bureau de Mme [C] et aucun reproche n'est justifié à cet égard.

L'examen de toutes ses pièces ne révèlent pas de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination et le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la prise d'acte produit les effets d'une démission et débouté Mme [C] de ses demandes de paiement d' indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Il résulte aussi de ces développements que la société n'a pas manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi. Mme [C] ne précise pas la raison pour laquelle l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité, étant souligné d'une part, que le harcèlement moral n'a pas été retenu et d'autre part, que la directrice a, au contraire, saisi le médecin du travail d'une demande d'organiser une visite de reprise à l'issue de l'arrêt de travail.

Le dispositif des conclusions de Mme [C] comporte la demande de dire que l'employeur ne justifie pas suffisamment de son refus de lui verser le bonus annuel fondé sur le chiffre d'affaires des deux agences de la société. Cette demande n'est pas explicitée et en tout état de cause, les deux parties retiennent le même montant de la rémunération (2 866 euros).

B- les demandes de la société

La partie intimée demande à la cour de condamner Mme [C] au paiement des sommes de 9 457,80 euros en vertu de l' article L.1237-1 du code du travail et de 10 000 euros sur le fondement de l' article L.1237-2 du code du travail.

Il fait valoir que la prise d'acte devant être requalifiée en démission, Mme [C] lui est redevable de l' indemnité correspondant au préavis qu'elle n'a pas exécuté.

Mme [C] devrait aussi être condamnée au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros en application des dispositions de l' article 1240 du code civil.

Mme [C] oppose que l' employeur a attribué son poste à sa remplaçante et qu'elle n'était pas en mesure d'exécuter son préavis.

Le salarié démissionnaire qui refuse d'exécuter son préavis est débiteur à l'égard de son employeur d'une somme égale à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé pendant la durée du délai - congé.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 8 novembre 2019, la société a mis en demeure Mme [C] d'effectuer son préavis. Cette dernière ne l'a pas exécuté et ne verse pas d'avis d'arrêt de travail postérieur à sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ; la preuve n'est pas faite que Mme [L] - engagée au poste de sous - directrice- a remplacé Mme [C] dans ses fonctions.

Dans ces conditions, Mme [C] sera condamnée à payer à la société la somme de 9 457,80 euros représentant la rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant le délai de préavis.

Aux termes de l' article L.1237-2 du code du travail, la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative du salarié ouvre droit, si elle est abusive à des dommages et intérêts pour l'employeur. Il revient à ce dernier de rapporter la preuve du caractère abusif de la démission.

La seule requalification de la rupture du contrat de travail en démission n'établit pas le caractère abusif de celle-ci.

La société fait valoir que Mme [C] n'a pas réalisé la mission afférente au RGPD et qu'elle s'est trouvée sans responsable marketing et communication du jour au lendemain et a été dans l'impossibilité de remplacer Mme [C].

Par mail daté du 5 novembre 2019, Mme [L] a donné pour mission à Mme [C] de mettre en place un process de mise en conformité avec le RGPD et la traduction d'annonces en allemand. Mme [C] a critiqué la pertinence de celles-ci, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le lendemain et refusé d'effectuer son préavis. Le préjudice résultant de ce refus a cependant été indemnisé supra.

Par ailleurs, à réception des trois candidatures produites et motif pris de la crise sanitaire liée à la COVID, la société a repoussé la procédure de recrutement jusqu'au mois d' avril 2020, ce qui ne peut être reprochée à Mme [C]. L'employeur n'a ensuite pas repris cette recherche et a décidé d'une nouvelle répartition des tâches.

Dans ces conditions, la société sera déboutée de cette demande.

Au visa de l' article 1240 du code civil, la société fait valoir que la salariée l'a accablée en l'accusant d'être à l'origine de sa séparation d'avec son conjoint et de l'avoir lynchée à son retour d'arrêt de travail.

Il n'est pas établi que Mme [C] aurait reproché à l'employeur d'être à l'origine de sa situation familiale et aucun préjudice n'est démontré s'agissant de l'évocation d'un lynchage. Dans ces conditions, la société sera déboutée de ce chef.

L'équité ne commande pas de condamner Mme [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Partie perdante, Mme [C] supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Demeures et Vignobles Sotheby's International Realty de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis ;

statuant de ce chef,

Condamne Mme [C] à payer à la société Demeures et Vignobles Sotheby's International Realty la somme de 9 457,80 euros,

y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [C] aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03697
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.03697 ?
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