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12/06/2024 | FRANCE | N°21/02927

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 12 juin 2024, 21/02927


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 12 JUIN 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02927 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MD2N













Monsieur [Z] [W]

Syndicat CGT ENERGIE 24



c/



S.A.S. ENEDIS



















Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 avril 2021 (R.G. n°F 20/00039) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BERGERAC, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 14 mai 2021,





APPELANTS :

Monsieur [Z] [W]

né le 28 Décembre 1963 à [Localité 3]...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 12 JUIN 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02927 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MD2N

Monsieur [Z] [W]

Syndicat CGT ENERGIE 24

c/

S.A.S. ENEDIS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 avril 2021 (R.G. n°F 20/00039) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BERGERAC, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 14 mai 2021,

APPELANTS :

Monsieur [Z] [W]

né le 28 Décembre 1963 à [Localité 3] de nationalité Française Profession : Agent Enedis, demeurant [Adresse 2]

Syndicat CGT Énergie 24, agissant en la personne de son secrétaire général domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

représentés par Me Catherine CHEVALLIER de la SELARL CHEVALLIER CATHERINE, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

SAS Enedis, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

N° SIRET : 444 608 442 09845

représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Tamar KATZ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 mars 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Z] [W], né en 1963, a été engagé en qualité de releveur de compteurs par la société EDF-GDF à compter de septembre 1984 sur le centre d'Ile de France Nord.

En 1997, il est devenu technicien intervention clientèle couvrant les secteurs de l'électricité et du gaz puis a été muté en janvier 2002 sur le centre EGD Périgord sur un poste mixte électricité et gaz de technicien intervention clientèle.

La société Enedis, qui gère le réseau de distribution de l'électricité et la société GRDF, gestionnaire de l'acheminement du gaz naturel, avaient mis en place un service commun qui, jusqu'au 1er janvier 2018, était composé de plusieurs directions dont les UFC (Unités Clients Fournisseurs) en charge des relations commerciales.

Dès 2015, un projet de réorganisation d'ampleur nationale dénommé 'dossier convergence' a vu le jour, marquant la fin des activités mixtes pour les salariés employés au sein des UFC du service commun des deux entreprises.

Au sein des deux entreprises, 9.573 salariés étaient concernés.

Cette réorganisation s'est appuyée sur deux textes : l'accord sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations signé par Enedis et 5 organisations syndicales représentatives le 23 juillet 2010 et les mesures d'accompagnement social de la transformation des activités d'intervention signées le 8 février 2016 par les deux entreprises.

A la suite de la fin des UCF au 1er janvier 2018, M. [W] qui avait choisi de rejoindre Enedis, a fait l'objet de trois propositions de réaffectation qu'il a refusées de sorte qu'il a été muté d'office par décision en date du 15 décembre 2017, avec effet au 1er janvier 2018, sur le poste de technicien clientèle sur la DR Aquitaine Nord.

Par courrier du 10 janvier 2018, M. [W] a contesté cette mutation considérant qu'elle contrevenait aux dispositions réglementaires et conventionnelles en vigueur, notamment à celles de l'accord du 23 juillet 2010, qu'elle était déloyale car ne correspondant pas à l'organisation projetée et qu'elle emportait modification de son contrat de travail puisqu'elle le contraignait à abandonner toute l'activité gaz et le régime d'astreinte afférent sans son autorisation et sans que l'employeur n'envisage de verser les indemnités correspondantes à ce changement de situation imposée.

Le 21 mai 2020, M. [W] a fait valoir ses droits à la retraite et au dernier état de la relation contractuelle, il était classé GF 6 NR 130.

Par courrier du 19 juin 2020, la demande de départ à la retraite a été acceptée pour un départ effectif au 1er juillet 2021.

Le 19 juin 2020 ,M. [W] et le Syndicat CGT Energie 24 ont saisi le conseil de prud'hommes de Bergerac, soutenant que la société Enedis n'avait pas respecté l'accord du 23 juillet 2010, que sa mutation d'office était contraire aux dispositions du statut national des IEG et réclamant des dommages et intérêts pour violation de l'accord du 23 juillet 2010, légèreté blâmable dans la mutation prononcée d'office ainsi qu'une indemnité de perte d'astreinte et le règlement des heures supplémentaires effectuées.

Par jugement rendu le 26 avril 2021, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré irrecevable l'action du syndicat CGT Energie 24 et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

- constaté la péremption de l'instance opposant M. [W] à la société Enedis,

En conséquence,

- débouté M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société Enedis de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- laissé à la charge des parties les dépens par elles exposés lors de l'instance.

Par déclaration du 18 mai 2021, M. [W] et le syndicat CGT Energie 24 ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 novembre 2023, M. [W] et le Syndicat CGT Energie 24 demandent à la cour de :

Rejetant toute demande contraire,

- infirmer la décision du conseil dans son jugement du 26 avril 2021,

Et statuant à nouveau,

- juger que la société Enedis SAS prise en la personne de son représentant légal n'a pas respecté l'accord du 23 juillet 2010,

- juger que la société Enedis a engagé sa responsabilité contractuelle dans la mise en oeuvre de la mutation d'office de M. [W] qui est contraire aux dispositions du statut national des IEG,

En conséquence,

- condamner la société Enedis prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] la somme de 10.000 euros au titre des dommages-intérêts pour la violation de l'accord du 23 juillet 2010,

- condamner la société Enedis prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] la somme de 10.000 euros au titre de dommages-intérêts pour la légèreté blâmable dans la mutation prononcée d'office,

- condamner la société Enedis prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] la somme de 7.700, 54 euros au titre de l'indemnité de perte d'astreinte,

- condamner la société Enedis prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] la somme de 1.159,58 euros au titre des heures supplémentaires effectuées,

En tout état de cause,

- condamner la société Enedis prise en la personne de son représentant légal à payer au Syndicat CGT Energie 24 la somme de 4.200 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société Enedis prise en la personne de son représentant légal succombant à l'instance à verser à M. [W] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner encore la société Enedis prise en la personne de son représentant légal à verser au syndicat CGT Energie 24 la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner encore la société Enedis prise en la personne de son représentant légal aux entiers dépens de l'instance comprenant les frais éventuels d'huissier, en application des dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 février 2024, la société Enedis demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel par substitution de motifs,

- déclarer le syndicat Energie 24 irrecevable en son action,

- dire prescrite l'action engagée par M. [W] le 20 juillet 2020, sur le fondement de l'article 1222-1 du code du travail,

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement du 26 avril 2021 en ce qu'il a jugé, ultra petita, de la péremption aux lieux et place de la prescription,

Et, statuant à nouveau,

- déclarer le syndicat Energie 24 irrecevable en son action,

- dire prescrite l'action engagée par M. [W] le 20 juillet 2020, sur le fondement de l'article 1222-1 du code du travail,

En tout état de cause,

- les condamner in solidum à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 25 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la violation de l'accord du 23 juillet 2010, la déloyauté des propositions de l'employeur et la modification unilatérale du contrat de travail

Pour infirmation de la décision entreprise et solliciter l'allocation de dommages et intérêts, les appelants soutiennent que les premiers juges ont retenu par erreur la prescription biennale. Ils affirment que seules les modalités et les conséquences de la mutation d'office étaient contestées et non la décision elle-même de mutation d'office dans la mesure où M. [W] avait occupé le poste en cause jusqu'à la fin de la relation contractuelle. Les sommes réclamées en première instance au titre des dommages et intérêts et de rappels de salaire, fondées sur la mise en cause de la responsabilité contractuelle d'Enedis, ne sont que les conséquences de la mutation d'office et relèvent cinq ans.

De son côté, l'employeur expose que les premiers juges ont retenu la péremption d'instance en visant et faisant application au cas d'espèce des dispositions légales relatives à la prescription.

L'employeur considère, contrairement à M. [W], que l'action de ce dernier est prescrite car sa demande portant sur l'exécution du contrat de travail en ce qu'il critique sa mutation d'office, aurait dû être introduite dans les deux ans de la notification de cette décision, soit avant le 22 décembre 2019.

Il ajoute que les demandes de dommages et intérêts sont relatives à la mauvaise exécution du contrat visé à l'article L. 1222-1 du code du travail de sorte que seule la prescription de l'article L.1471-1 du même code trouve à s'appliquer à compter du 22 décembre 2017, date de réception par le salarié de la lettre de notification de sa mutation d'office, qu'il devait contester dans un délai de deux ans.

- Sur la prescription

En demandant l'allocation de dommages et intérêts au titre de la violation de l'accord du 23 juillet 2010 et de la légèreté blâmable de l'employeur dans la mutation d'office prononcée, M. [W] qui conclut que « l'employeur a outrepassé volontairement ses prérogatives et a initié volontairement à tort le processus de mutation d'office », critique incontestablement les conditions d'exécution de son contrat de travail, ce que confirment par ailleurs les termes de son courrier adressé à la société le 10 janvier 2018, ainsi rédigé : «  je conteste en tout premier lieu les modalités d'affectation qui ne respectent en rien les dispositions réglementaires et conventionnelles qui régissent mon contrat de travail' » ainsi que ceux de ses courriels des 22 janvier et 19 février 2018 « Je vous rappelle que j'ai contesté la décision de mutation d'office' ».

Ce faisant et ainsi que le soutient à juste titre l'employeur, sa demande relève des dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail dans sa version applicable au cas d'espèce : « toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. »

En l'espèce, la mutation litigieuse, qui relève incontestablement de l'exécution du contrat de travail, est intervenue par courrier notifié le 22 décembre 2017, ce qui n'est pas contesté, pour une prise de fonction au 1er janvier 2018.

M. [W] ayant saisi le conseil de Prud'hommes de Bergerac le 19 juin 2020, soit postérieurement au délai de 2 ans susvisé, est irrecevable en ses demandes indemnitaires.

Le jugement querellé sera dans ces circonstances réformé en ce qu'il a constaté la péremption d'instance.

Sur les demandes au titre des astreintes et des heures supplémentaires

En contestation de la décision entreprise qui a débouté le salarié à ce titre, les appelants font valoir d'une part qu'en raison de cette mutation d'office, M. [W] a subi une perte d'astreinte et d'autre part que la perte d'astreinte impactait ses horaires de travail le contraignant à effectuer des heures supplémentaires. Ils ajoutent que les demandes de M. [W] relatives au paiement de l'astreinte et des heures supplémentaires se prescrivent par trois ans en vertu de L.3245-1 du code du travail.

L'employeur conclut que le salarié ne remplit pas les conditions prévues par le dispositif de compensation de perte de l'indemnité d'astreinte. Il fait également valoir que la mutation d'office du salarié ne s'est nullement traduite par une perte d'astreinte laquelle a été maintenue et que c'est M. [W], lui-même qui a décidé de ne plus « monter » l'astreinte.

S'agissant des heures supplémentaires, il explique que le salarié ayant fait le choix de ne plus « monter » l'astreinte, il a considéré à tort qu'il devait être soumis à l'horaire des agents sans astreinte alors qu'il effectuait les horaires des agents soumis à l'astreinte, générant ainsi des heures supplémentaires. L'employeur affirme qu'il a donc appliqué les horaires des agents sans astreinte et a régularisé un temps complémentaire de 96 minutes sur le salaire du mois de septembre 2018.

Ces demandes financières, ainsi que le retiennent à juste titre les appelants, bénéficient de la prescription triennale et ne sont en aucune manière prescrites.

- Sur la demande au titre de la perte d'astreinte

Si au soutien de sa demande, M. [W] vise la circulaire Pers 530 du 12 mai 1969, modifiée par les circulaires Pers 557, relatives aux sujétions de service « régime d'astreinte », la note du 12 juillet 1979 précisant la compensation de la perte d'astreinte en ces termes : « ce capital, égal au montant des indemnités horaires d'astreinte et, le cas échéant, le logement imposé, versées au cours des douze derniers mois plein de l'astreinte pour une durée d'exercice de l'astreinte de cinq ans, est calculé prorata temporis par 1/5ème pour des durées inférieures, soit : 5 ans et plus : la totalité », ainsi que les conditions d'attributions figurant à cette note : « lorsque la suppression intervient par suite de réforme de structures ou de modification de méthode de travail et lorsque l'ancienne fonction ouvrait droit au paiement de primes ou indemnités spécifiques liées à son exercice et ayant le caractère d'un complément permanent de salaire », il n'en demeure pas moins, eu égard aux courriers rédigés par ce dernier à l'attention de l'employeur les 18, 22 janvier et 19 février 2018, qu'il a clairement fait savoir qu'il n'effectuerait aucune astreinte alors que les pièces fournies par la société établissent l'existence d'un régime d'astreinte attaché à son emploi.

Par voie de conséquence, M. [W] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. L'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Au soutien de sa demande en paiement d'un rappel de salaire dû au titre des heures supplémentaires réalisées, M.[W] verse notamment aux débats les pièces suivantes

- l'accord temps de travail en vigueur du 14 décembre 2012 qui définit des horaires différenciés en fonction notamment de la tenue de l'astreinte et en fonction duquel trois groupes sont institués en fonction des horaires, A1, A2 et A3,

- ses courriers des 17, 18 et 22 janvier 2018 rappelant à l'employeur sa demande de régularisation de sa situation en fonction de ses horaires et de sa décision de ne plus effectuer les astreintes,

- son courriel du 31 juillet 2018 ainsi rédigé : «'l'horaire de référence du personnel sans astreinte auquel je devais être soumis est : 7h30-12h00/13h15-16h45. Or, à ce jour, et ce depuis le 1er janvier 2018, ce n'est pas le cas je suis soumis à l'horaireA2 des agents d'astreinte hors semaine d'astreinte soit 7h30-12h00/13h06-17h00, pour mes tournées d'interventions. De plus, cet horaire est régulièrement modifié administrativement par l'encadrement pour devenir 7h30-12h00/13h30-17h00, créneau horaire ne correspondant pas au libellé de l'équipe dans l'accord en vigueur. Je suis donc en heures supplémentaires de 13h06 à 13h15 et de 16h45 à 17 h00 et cela depuis le 1er janvier 2018. Je vous demande donc la régularisation de ma situation pour le règlement des heures supplémentaires effectuées suite à cette non prise en compte de votre part, de mes horaires de travail liés à ma mutation d'office. », - un décompte mensuel de ses horaires et des heures supplémentaires réalisées de janvier 2018 à juillet 2018 pour un total de 43h42 ainsi que les majorations subséquentes à hauteur de 50% en application de l'article 16 du statut des IEG.

Les pièces et le décompte produits par le salarié au soutien de sa demande sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

La société conclut au rejet des prétentions de M. [W], soutenant que ce dernier ayant fait le choix de ne plus effectuer d'astreinte, avait considéré qu'il devait être soumis à l'horaire des agents sans astreinte à savoir 7h30-12h00/13h15-16h45 mais a respecté les horaires des agents soumis à l'astreinte à savoir 7h30-12h00/13h06-17h00 soit 24 minutes supplémentaires. Elle ajoute qu'après vérification, elle a admis que le salarié devait se voir appliquer les horaires des agents sans astreinte de sorte que 96 minutes supplémentaires lui ont été réglées en septembre 2018.

***

L'employeur, auquel incombe le contrôle des heures de travail effectuées, ne justifie pas des horaires ainsi réalisés par M. [W].

En considération des explications et des pièces produites, la cour a la conviction que M.[W] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées mais pas à la hauteur de celles qu'il revendique et sa créance à ce titre sera fixée à la somme de 1.142,55 euros que la société sera condamnée à lui payer, les congés payés y afférents n'étant pas sollicités.

Sur l'intervention du syndicat CGT ENERGIE 24

- Sur la recevabilité de l'action du syndicat

Pour infirmation de la décision entreprise qui a déclaré son action irrecevable, le syndicat CGT Energie 24 fait valoir être intervenu dans un intérêt collectif relatif à la non application d'une convention ou d'un accord collectif en application des dispositions de l'article L.2132-3 code du travail. Il sollicite en outre l'allocation d'une somme de 4.200 euros à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte de ses intérêts en raison du non-respect des dispositions conventionnelles et réglementaires.

En réplique, l'employeur affirme que l'action du syndicat est irrecevable en ce qu'elle est exclusivement rattachée à la personne du salarié mettant ainsi en cause des intérêts uniquement individuels. Il sollicite en conséquence le rejet de ces demandes indemnitaires.

L'article L.2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'ester en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Par voie de conséquence le syndicat CGT Energie 24 est recevable à demander l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, son inapplication ou sa mauvaise application causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession quelque soit le nombre de salariés concernés. Son action doit être déclarée recevable et la décision de première instance sera infirmée sur ce point.

- Sur le bien-fondé des demandes du syndicat

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, le syndicat affirme que l'employeur a privé le salarié du bénéfice des dispositions réglementaires et conventionnelles relatives aux mesures d'accompagnement en cas de réorganisation et a ainsi causé un préjudice à l'ensemble de la profession. Cependant, les demandes du salarié au titre de la contestation de sa mutation d'office étant prescrites, il n'a pas été statué sur leur bien-fondé de sorte qu'il n'est pas démontré par le syndicat que l'employeur aurait causé un préjudice à la profession. Par voie de conséquence sa demande indemnitaire à ce titre sera rejetée.

Sur les autres demandes

La société, partie partiellement perdante à l'instance, supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à M. [W], la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche, le syndicat sera débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande au titre des astreintes,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

- Constate que les demandes de M. [W] au titre de la violation de l'accord du 23 juillet 2010, de la déloyauté des propositions de l'employeur et de la modification unilatérale du contrat de travail, relatives à l'exécution du contrat de travail, sont prescrites,

- Condamne la société Enedis à verser à M. [W] les sommes suivantes :

- 1.142,55 euros au titre des heures supplémentaires,

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que l'action du syndicat CGT Energie 24 est recevable,

Déboute le syndicat CGT Energie 24 de ses demandes à titre de dommages et intérêts ainsi qu'au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société Enedis aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02927
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.02927 ?
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