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11/06/2024 | FRANCE | N°24/00131

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 11 juin 2024, 24/00131


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00131 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZYD





ORDONNANCE









Le ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 15 H 00



Nous, Cécile RAMONATXO, présidente de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Mo

nsieur [E] [R], représentant du Préfet de La Vienne,



En présence de Monsieur [A] [P], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du França...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00131 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZYD

ORDONNANCE

Le ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 15 H 00

Nous, Cécile RAMONATXO, présidente de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [E] [R], représentant du Préfet de La Vienne,

En présence de Monsieur [A] [P], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,

En présence de Monsieur [Y] [V], né le 14 Juillet 2001 à [Localité 1] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, et de son conseil Maître Pierre CUISINIER,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [Y] [V], né le 14 Juillet 2001 à [Localité 1] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 8 mars 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 08 juin 2024 à 14h15 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [Y] [V], pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [Y] [V], né le 14 Juillet 2001 à [Localité 1] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, le 09 juin 2024 à 15h16,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Pierre CUISINIER, conseil de Monsieur [Y] [V], ainsi que les observations de Monsieur [E] [R], représentant de la préfecture de La Vienne et les explications de Monsieur [Y] [V] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Présidente a indiqué que la décision serait rendue le 11 juin 2024 à 15h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

Le 8 mars 2024, M. le Préfet de la Vienne a pris à l'encontre de M. [V] [Y] né le 14/07/2001 à [Localité 1] (Algérie) alias [B] [D] né le 01/07/1995 à [Localité 3] (Algérie) se disant de nationalité algérienne un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français assortie d'une interdiction de retour de 2 ans.

Par jugement correctionnel du tribunal de Poitiers en date du 11 mars 2024, M. [V] alias [B] [D] a été déclaré coupable de plusieurs vols et tentatives de vols avec dégradation ainsi que de maintien irrégulier sur le territoire. Sur l'action publique, il a été condamné à une peine de 4 mois d'emprisonnement ainsi qu'à une interdiction judiciaire de retour sur le territoire français pour une durée de 5 ans.

A la levée d'écrou le 6 juin 2024, M. [V] alias [B] [D] a été placé en rétention administrative par arrêté de M. le Préfet de Vienne du 6 juin 2024 notifié le jour même à 8h49.

Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 7 juin 2024 à 13h57, aux motifs que :

l'intéressé a fait l'objet de 3 décisions d'obligation de quitter le territoire français assorties d'interdiction de territoire français de 2 ans notifiées les 04/03/2022, 20/02/2023 et 8/03/2024,

l'intéressé a fait l'objet de 2 assignation à résidence notifiées les 04/03/2022, 20/02/2023 et auxquelles il s'est soustrait,

l'intéressé a en outre fait l'objet d'une interdiction judiciaire de territoire français de 5 ans prononcée le 11/03/2024 par le tribunal correctionnel de Poitiers,

l'intéressé est dépourvu de tout justificatif d'identité et dissimule volontairement son identité au moyen d'alias,

l'intéressé ne justifie pas d'une vie maritale, ses déclarations à ce sujet étant contradictoires,

l'intéressé a déclaré ne pas vouloir revenir dans son pays d'origine,

M. Le Préfet de la Gironde a sollicité du juge des libertés et de la détention, au visa des articles L 742-1 à L742-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de 28 jours.

Par ordonnance rendue le 8 juin 2024 à 14h15, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a :

- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. [V] [Y],

- rejeté les moyens d'irrecevabilité,

- déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable,

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [V] [Y] régulière,

- débouté M. [V] [Y] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [V] [Y] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de rétention.

Par courriel adressé au greffe de la Cour d'appel le 9 juin 2024 à 15h14, le conseil de M. [V] [Y] a fait appel de l'ordonnance du 8 juin 2024.

A l'appui de sa requête, le conseil relève :

- in limine litis, et au visa de l'article R 747-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'irrégularité de la procédure dans la mesure où l'arrêté de placement en rétention, bien qu'annoncé dans le bordereau des pièces communiquées par le greffe, n'aurait pas été transmis au conseil qui n'a pu en prendre connaissance que le jour de l'audience du juge des libertés et de la détention, privant ainsi de fait M. [V] [Y] de son droit de recours contre la requête en prolongation ;

- à titre subsidiaire, l'atteinte excessive à la vie privée et familiale de l'intéressé qui a déclaré être religieusement marié à une française ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement, la détention de la carte d'identité périmée de M. [U] ne saurait suffire à établir son identité et le consulat algérien bien que saisi le 14 avril 2024 et relancé les 6,13 et 30 mai 2024, n'a pas répondu.

En conséquence, il demande à la Cour, de :

- accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à M. [V] [Y],

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du 8 juin 2024,

- débouter M. le Préfet de la Gironde de sa demande en prolongation de rétention administrative de M.[V] [Y],

- ordonner la main levée de la mesure de rétention et en conséquence la remise en liberté immédiate de M. [V] [Y].

Le Conseil, demande en outre que M. le Préfet de la Gironde soit condamné à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle

A l'audience, M. Le Représentant de la Préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 8 juin 2024 et reprend les motifs de la requête en prolongation et y ajoutant :

indique que l'arrêté de placement en rétention du 6 juin 2024 figurait bien aux pièces jointes à la requête de prolongation et qu'en cas de difficulté de réception, le conseil de M. [V] pouvait se déplacer au greffe

souligne que l'épouse française de l'intéressé n'est pas venue à l'audience ce jour le soutenir

souligne la diligence de la préfecture qui a saisi avant même le placement en rétention le consulat d'Algérie.

A l'audience, M. [V] [Y] a confirmé son identité comme étant [V] [Y] .

Il a exprimé des regrets quant à ses erreurs, a dit en avoir tiré des leçons et souligné être également capable d'actes positifs tels qu'étudier. Il a précisé être en possession d'un certificat d'hébergement fait par sa femme, précisant qu'ils vivent ensemble depuis 2 ans. Il a sollicité la clémence du juge

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de l'appel

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable.

2/ Sur la régularité du placement en rétention administrative

Il résulte de l'article L741-1 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile que peut-être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres c'est-à-dire notamment lorsqu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut-être regardé comme établi sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou lorsqu'il ne présente pas de garantie de représentation suffisante, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

2-1 l'absence aux pièces du dossier de l'arrêté de placement en rétention

Aux termes de l'article R 743-2 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, à peine d'irrecevabilité la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant, ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de routes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L 744-2 (').

Aux termes de l'article R 743-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, dès réception de la requête, le greffier l'enregistre et y appose, ainsi que sur les pièces jointes, un timbre indiquant la date et l'heure de la réception. Il avise aussitôt et par tous moyens l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, le procureur de la République, l'étranger et son avocat, s'il en a un, du jour et de l'heure de l'audience fixés par le juge des libertés et de la détention.

Aux termes de l'article R 743-4 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, la requête et les pièces qui y sont jointes sont, dès leur arrivée au greffe du tribunal judiciaire, mises à la disposition de l'avocat, de l'étranger et de l'autorité administrative. Elles peuvent également y être consultées, avant l'ouverture des débats, par l'étranger lui-même, assisté le cas échéant, par un interprète s'il ne parle pas suffisamment la langue française.

En l'espèce,

Le greffe du juge des libertés et de la détention de Bordeaux a reçu la requête de la Préfecture de la Vienne et ses pièces jointes le 7 juin à 13h57 et le conseil de M. [V] [Y] a été informé par courriel du même jour à 17h15 mais allègue que l'arrêté de placement en rétention mentionné en pièce n°1 de l'envoi était manquant.

Il s'évince des pièces du dossier que le conseil de M. [V] a été avisé dans les délais de la tenue de l'audience devant le juge des libertés et de la détention le 8 juin à 10h et que l'arrêté de placement en rétention du 6 juin 2024 était joint à la requête adressée par la Préfecture de la Vienne.

Ainsi, par application des dispositions de l'article R 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il était loisible au conseil de M. [V] de prendre connaissance de cette pièce manquante directement auprès du greffe avant l'ouverture des débats le 8 juin à 10h.

En conséquence, la cour confirme l'ordonnance en ce que le moyen d'irrégularité de la procédure n'est pas fondé.

2-2 les garanties de représentation

Le conseil de M. [V] [Y] fait valoir que son client justifie d'attaches avec la France dans la mesure où il déclare être marié religieusement avec une française qui serait prénommée [T] [S]. Toutefois, l'intéressé indique lors de son audition du 8 mars 2024 qu'il n'a aucune famille en France, qu'il s'est séparé de celle avec qui il était marié religieusement 3 à 4 semaines auparavant.

Lors de cette même audition, l'intéressé déclare que les originaux de son passeport et de sa carte d'identité sont restés en Algérie ; qu'il a perdu, il y a 1 an, les copies de ces documents qu'il avait emportés en France. Il ajoute qu'il n'a pas de domicile à [Localité 2], ni ailleurs en France.

Enfin, il précise refuser de retourner en Algérie dans la mesure où il souhaite s'intégrer en France et y fonder une famille.

Il ne bénéficie d'aucun revenu licite et a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Poitiers en date du 11 mars 2024 pour plusieurs faits de vol et tentatives de vol avec dégradation survenus entre octobre 2022 et décembre 2023.

Sans domicile stable ni document de voyage, il ne présente aucune garantie de représentation et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 743-13 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile et être placé en assignation à résidence.

Dans la mesure où il a déclaré refuser son éloignement, le risque de fuite est patent.

Dès lors, l'autorité administrative n'a commis aucune erreur d'appréciation et le placement en rétention administrative est régulier

3/ Sur la régularité de la requête en prolongation de la rétention administrative

Aux termes de l'article L741-3 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile, "Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

Aux termes de l'article L742-1 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile le juge des libertés et de la détention est saisi dans les quarante-huit heures suivant la notification du placement en rétention aux fins de prolongation de la rétention au-delà de cette durée.

Il ressort des termes de l'article L742-4 du CESEDA, que le délai de cette première prolongation est de 28 jours.

Pour accueillir une demande de première prolongation en application des articles précités, le juge, après avoir vérifié le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser son départ. Il est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.

Étant cependant précisé que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse.

L'autorité administrative justifie avoir saisi les autorités algériennes d'une demande de laissez-passer consulaire dès le 12 avril 2024 et des relances ont été adressées les 6, 16 et 30 mai 2024.

En outre, la demande est accompagnée de toutes les pièces utiles pour permettre l'identification de l'intéressé : photos d'identité, copie de la carte d'identité de l'intéressé, copie de l'acte de naissance, empreintes, décision d'obligation de quitter le territoire français du 8 mars 2024, audition devant les services de police du 8 mars 2024.

Il est donc vérifié que les autorités consulaires ont été saisies de manière rapide et effective.

La prolongation de la rétention administrative de M. [V] [Y] est donc le seul moyen de permettre à l'autorité administrative de mettre en 'uvre la mesure d'éloignement et de garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

En conséquence, les conditions des articles L741-1 et L741-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile étant réunies, c'est à bon droit que le Juge de première instance a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [V] [Y] pour une durée de 28 jours et l'ordonnance du 8 juin2024 sera confirmée.

4/ Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Au vu des circonstances du litige, il apparaît équitable que chaque partie conserve à sa charge les frais qu'elle a engagé.

En conséquence, M. [V] [Y] est débouté de sa demande.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable,

Le conseil intervenant au titre de la permanence, disons n'y avoir lieu à statuer sur l'aide juridictionnelle provisoire conformément à l'article 19-1-9° de la loi du 10 juillet 1991modifié par la loi du 29 décembre 2020,

Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention le 8 juin 2024,

Déboutons Maître CUISINIER de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, La Présidente déléguée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00131
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;24.00131 ?
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