COUR D'APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 06 JUIN 2024
N° RG 22/04972 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6OL
[G] [C]
c/
S.N.C. LES BASSINS A FLOTS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 20/07607) suivant déclaration d'appel du 28 octobre 2022
APPELANT :
[G] [C],
né le 24 juin 1948 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Clémence RADE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ E :
S.N.C. LES BASSINS A FLOTS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6]
Représentée par Me Aurore SICET de la SELARL DUCASSE NICOLAS SICET, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistée par Me Emilie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Paule POIREL
Conseiller : M. Emmanuel BREARD
Conseiller : M. Roland POTEE magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier lors des débats : Mme Séléna BONNET
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La société Les Bassins à Flot bénéficiaire d'une autorisation d'occupation du domaine public pour les parcelles [Adresse 9], a consenti, le 29 juillet 2011, moyennant une redevance annuelle de 1.000 euros HT, un contrat de sous-location jusqu'au 31 décembre 2023, à M. [G] [C], pour une activité de facteur d'automates et de sculpteur.
En raison du caractère précaire et révocable de l'autorisation d'occupation ainsi que de la domanialité publique des lieux, le contrat stipule que les règles de droit commun en matière de location de locaux et emplacements extérieurs, les articles L.145-8 et suivants du code de commerce et l'article 1723 du code civil sont inapplicables au contrat, régi par les seules dispositions contractuelles.
A la suite des retards et impayés des redevances et charges, après vain commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 5 mars 2020, la société Les Bassins à Flot a, par acte du 21 septembre 2020, assigné M. [C] aux fins notamment de voir :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire contractuelle pour défaut de paiement des redevances et charges,
- enjoindre M. [C] de produire une attestation d'assurance multirisque, en cours de validité, au titre des locaux occupés,
- condamner M. [C] à lui payer la somme de 20.099,37 euros au titre des redevances impayées, échéance 2020 incluse, sauf à parfaire et jusqu'à parfaite libération des lieux, avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir, outre 2.009,93 euros au titre de la clause pénale,
- ordonner son expulsion et de tous les occupants de son chef, des lieux occupés,
- condamner M. [C] à une indemnité journalière d'occupation égale aux dernières redevances et charges jusqu'à la libération effective des lieux occupés matérialisée par la restitution des lieux vides et la remise des clés,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles ou dans tout autre lieu au choix de la société, aux seuls frais, risques et périls du défendeur et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,
- condamner M. [C] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 13 septembre 2022 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné M. [C] à payer à la société Les Bassins à Flot la somme de 19.939,99 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, au titre des redevances et charges impayées, échéance de juillet 2020 incluse et celle de 1. 993,99 euros au titre de la clause pénale,
- constaté l' acquisition de la clause résolutoire du contrat de sous-location à la date du 17 juillet 2020 et dit qu'à compter de cette date, M. [C] est occupant sans droit ni titre des lieux
- fixé l'indemnité journalière d'occupation égale aux dernières redevances et charges à compterde cette date et jusqu'à libération effective des lieux, après restitution de ceux-ci vides de tous objets et agencements et remise des clés.
- débouté la société de sa demande de transport et séquestration des meubles et objets mobiliersgarnissant les lieux dans un garde-meubles,
- ordonné l'expulsion des lieux objet du contrat de sous-location, de M. [C] ainsi que de tous occupants de son chef,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,
- déboute M. [C] de l'intégralité de ses demandes et prétentions,
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision,
- condamné M. [C] à payer à la société la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [C] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 28 octobre 2022.
Par ordonnance du 8 décembre 2022, la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire et par une seconde ordonnance du 23 novembre 2023, elle a déclaré irrecevable une nouvelle demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
Par dernières conclusions déposées le 19 mars 2024, M. [C] demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 13 septembre 2022 en ce qu'il a :
- condamné M. [C] à payer à la société Les Bassins à Flot la somme de 19.939,99 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, au titre des redevances et charges impayées, échéance de juillet 2020 incluse,
- condamné M. [C] à payer à la société Les Bassins à Flot la somme de 1.993,99 euros au titre de la clause pénale.
- constaté l' acquisition de la clause résolutoire du contrat de sous-location à la date du 17 juillet 2020 et dit qu'à compter de cette date, M. [C] est occupant sans droit ni titre des lieux objet dudit contrat,
- fixé l'indemnité journalière d'occupation égale aux dernières redevances et charges à compter de cette date et jusqu'à libération effective des lieux, après restitution de ceux-ci vides de tous objets et agencements et remise des clés.
- ordonné l'expulsion des lieux objet du contrat de sous-location, de M. [C] ainsi que de tous occupants de son chef,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,
- déboute M. [C] de l'intégralité de ses demandes et prétentions,
- condamné M. [C] à payer à la société la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [C] aux dépens.
En conséquence,
A titre principal,
- limiter les sommes dues par M. [C] à 399,83 euros au titre de la taxe foncière,
A titre subsidiaire,
- limiter les sommes dues par M. [C] à 21.612,86 euros après actualisation de la créance,
En tout état de cause,
- débouter la société Les Bassins à Flot de ses demandes relatives à la TVA, à la clause pénale et à l'assurance,
- annuler le commandement de payer du 5 mars 2020 sollicitant le paiement de la somme de 26 502,55 euros et visant la clause résolutoire,
- débouter la société Les Bassins à Flot de sa demande de voir ordonner l'expulsion de M. [C] et de tous les occupants de son chef, des lieux occupés à compter du 1er janvier 2024,
- condamner la société Les Bassins à Flot à procéder à la réintégration de M. [C] et ses biens dans le bâtiment, et à le remettre en l'état (y compris les fermetures),
- condamner la société Les Bassins à Flot à verser au conseil de M. [C] la somme de 2 500€ au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 18 juillet 2023, La SNC Les Bassins à Flot, demande à la cour de :
A titre principal, :
- déclarer mal fondé l'appel interjeté par M. [C],
- débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- déclarer recevable et bien fondée la société ICADE (sic) en toutes ses demandes,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à actualiser le montant de l'arriéré.
A titre subsidiaire, :
- prendre acte que le contrat de sous-location expire irrévocablement au 31 décembre 2023,
- prendre acte que M. [C] sera déchu de tout titre d'occupation à compter du 1er janvier 2024,
- ordonner l'expulsion de M. [C] et de tous les occupants de son chef, des lieux occupés à compter du 1er janvier 2024 à défaut de départ volontaire,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus, sauf à actualiser le montant de l'arriéré.
Y ajoutant, en tout état de cause :
- porter le montant de la créance de la société Les Bassins à Flot à la somme de 35.577,64 euros et condamner M. [C] à payer à la société Les Bassins à Flot la somme de 35.577,64 euros, au titre des redevances, indemnités d'occupation et charges, échéance de juillet 2023 incluse, sauf à parfaire, avec intérêt au taux légal à compter de la date du commandement,
- porter le montant de la pénalité contractuelle à la somme de 3.557,76 euros et condamner M. [C] à payer cette somme à la société Les Bassins à Flot, sauf à parfaire,
- condamner M. [C] à payer à la société Les Bassins à Flot, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [C] au paiement des entiers dépens d'appel.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 11 avril 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 28 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
L'appelant ayant quitté les lieux à la fin du contrat expirant le 31 décembre 2023, les demandes des parties relatives à l'expulsion de M.[C] ou à sa réintégration sont devenues sans objet et le litige en appel se trouve ainsi limité à la contestation des sommes dues par l'appelant au titre des redevances et charges impayées, créance fondant le commandement de payer délivré le 5 mars 2020 dont M.[C] demande l'annulation tandis que l'intimée sollicite confirmation du jugement avec actualisation de sa créance.
Sur les demandes de M.[C]
L'appelant conteste en premier lieu le montant de la créance réclamée au titre de sa quote-part de la taxe foncière en soutenant que le local loué se situe au n°116 et non au n° [Adresse 2], occupé par le restaurant le Gargalou et que la proratisation des tantièmes du local qu'il occupe aboutit à une taxe foncière de 280,57€ pour les années 2018 à 2020, et à une créance totale de la société intimée de 399,83 € à la date de l'échéance de juillet 2020, loin de la somme de plus de 26.000€ visée au commandement de payer.
La société intimée produit pourtant le contrat de sous location (pièce n° 2) des locaux litigieux dépendant des parcelles GK [Cadastre 3] à GK [Cadastre 5] et il résulte du relevé de propriété foncière joint au rapport de son expert comptable portant réclamation sur les taxes foncières relatives à ces parcelles (pièce n°34) que M [C] occupe une réserve de 40 m² attenante au restaurant Le Gargalou et un local de 142 m² lui servant d'atelier de création d'automates, dépendant de la parcelle GK [Cadastre 4] située au n°[Adresse 2].
M.[C] a d'ailleurs été destinataire le 8 mars 2021, sans observations de sa part, de l'avis de dégrèvements de taxe foncière pour les exercices 2019 et 2020 relatifs aux biens situés aux n°118, 118 B et 120 quai de Bacalan (pièce intimée n° 19 ).
Par ailleurs, M.[C] qui prétend avoir payé pendant 13 ans directement la taxe foncière pour ce même bâtiment en tant que propriétaire, enregistré par l'administration fiscale au n°116 quai de Bacalan, produit des avis de taxes foncières de 1998 à 2008 et de 2009 à 2011 établis à son nom et à deux adresses différentes [Adresse 7], sans mention du n° 116 de ce quai (ses pièces 8 et 13).
Il est aussi à noter que si les avis d'échéances de solde des taxes foncières pour les années 2012 à 2015 qu'il produit lui même (sa pièce n° 14) sont envoyés à son nom au n°116 quai de Bacalan, les mêmes avis portent en tête la mention suivante:
M.[C] [G],
[Adresse 2]
[Localité 8]
0065 local prof.
Au vu des justificatifs produits par la SNC les Bassins à Flots (pièces n° 5-2, 7-1, [Cadastre 5] et 21), il est justifié de la proratisation de la taxe foncière pour les années 2018 à 2020 en fonction des surfaces occupées (180 tantièmes sur 13.124) à l'adresse du n°[Adresse 2] par l'appelant qui est tenu au règlement de ces sommes en vertu des articles 5 et 20-2 du contrat de sous-location.
Les contestations de l'appelant relatives à son obligation au paiement des taxes foncières seront donc rejetées.
S'agissant des sommes dues au titre de l'assurance, M.[C] qui affirme s'être toujours assuré mais n'en justifie que pour l'année 2019/2020 ( sa pièce n°7), soutient que la SNC Les Bassins à Flots lui a réclamé sans cause des provisions à ce titre de 82,60€ et 165,60 € pour 2018.
Il apparaît toutefois, comme l'a constaté le premier juge, que la SNC a imputé au crédit des décomptes locatifs des années 2018, 2019 et 2020 des reprises de provisions pour charges au titre de l'assurance (pièces intimée n°16 à 18) de sorte qu'en dehors de la somme de 159,98€ portée à tort au débit du décompte de l'année 2017 et que le tribunal a défalquée du montant de la créance, l'appelant ne démontre aucune autre créance indue de ce chef.
Pour les exacts motifs du jugement que les débats d'appel ne remettent pas en cause, M.[C] n'est pas non plus fondé à contester l'assujetissement à la TVA des sommes dues, ni l'application des intérêts de retard en application de l'article 5 du contrat.
Il en est de même pour l'application de la clause pénale contractuelle de 10% des sommes dues qui ne présente aucun caractère excessif et que la SNC est fondée à obtenir après envoi des mises en demeure adressées à l'appelant en janvier, juin 2019 et janvier 2020 (pièces n° 12 à 15 intimée), outre le commandement du payer, en conformité avec l'article 15 du contrat.
En conséquence, le jugement qui a admis la créance de la SNC à hauteur de 19.939, 99 € outre la clause pénale de 1.993,99 € et l'acquisition de la clause résolutoire au 17 juillet 2020 compte tenu de la signification du commandement de payer le 5 mars 2020 et des dispositions des ordonnances des 25 mars et 27 avril 2020, sera confirmé.
Sur les demandes de la SNC Les Bassins à Flots
L'intimée sollicite l'actualisation de sa créance en y incluant les sommes dues au titre des années 2021 à 2023.
Elle produit les avis de taxes foncières relatifs aux années 2021 à 2023 et un avis de taxe foncière complémentaire pour 2019 (pièces n°23 à 25 et 31) dont il convient de déduire les règlements de M.[C], les régularisations de charges et les avoirs de taxes foncières (pièces n° 26 à 30).
M.[C] soutient qu'un avoir de 5.511,08 € au titre des taxes foncières de 2022 n'a pas été pris en compte alors que le justificatif qu'il produit en pièce n°17 mentionne en réalité un avoir de 622,98€ à son profit objet de la pièce n° 30 de l'intimée et déduit de la créance.
En revanche, il apparaît que la redevance annuelle courant du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 est comptabilisée en totalité (pièce intimée n°31) alors que M.[C] a quitté les lieux au 31 décembre 2023 , soit à la moitié de la période annuelle en cours et que si le contrat prévoit que la redevance est acquittée annuellement et d'avance, il n'indique pas que toute année commencée est due en totalité de sorte qu'il convient de réduire de moitié la redevance réclamée au titre de l'année 2023/2024.
Il en est de même pour la provision pour taxe foncière demandée pour la totalité de la période annuelle et qui doit aussi être réduite de moitié.
Les sommes dues au titre de la redevance et des provisions pour charges 2023/2024 seront ainsi ramenées à 3.324,67 € TTC au lieu de 6.649,34€ TTC.
En conséquence, la créance de l'intimée s'établit, au vu de l'ensemble de ces éléments, à la somme de 32.252,97 € au titre des redevances, indemnités d'occupation et charges, arrêtées au 31 décembre 2023, avec intérêt au taux légal sur la somme de 19.939,99 € à compter du jugement rendu le 13 septembre 2022 et sur le surplus à compter du présent arrêt, outre la somme de 3.225,29 € au titre de la pénalité contractuelle.
M.[C] supportera les dépens d'appel et versera la somme de 2.000 € à l'intimée au titre de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sous réserve de l'actualisation de la créance de la SNC Les Bassins à Flots sur M.[C];
Condamne en conséquence M.[G] [C] à payer à la SNC Les Bassins à Flot la somme de 32.252,97 euros au titre des redevances, indemnités d'occupation et charges, arrêtées au 31 décembre 2023, avec intérêt au taux légal sur la somme de 19.939,99 € à compter du jugement rendu le 13 septembre 2022 et sur le surplus à compter du présent arrêt,
Condamne M.[G] [C] à payer à la SNC Les Bassins à Flot la somme de 3.225,29euros au titre de la clause pénale;
Condamne M.[G] [C] à payer à la SNC Les Bassins à Flot la somme de 2.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne M.[G] [C] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Mme Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,