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06/06/2024 | FRANCE | N°22/02200

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 06 juin 2024, 22/02200


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 06 JUIN 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/02200 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MV6D





















CPAM DE LA GIRONDE



c/

Madame [H] [B]













Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :

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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 06 JUIN 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/02200 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MV6D

CPAM DE LA GIRONDE

c/

Madame [H] [B]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 avril 2022 (R.G. n°18/00264) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 05 mai 2022.

APPELANTE :

CPAM DE LA GIRONDE agissant en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

assistée de Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [H] [B]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2024, en audience publique, devant Madame Valérie COLLET, Conseillère magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [H] [B] était employée par le centre hospitalier [Localité 4] de [Localité 2] en qualité d'agent des services hospitaliers, lorsqu'elle a été victime, le 26 décembre 2011, d'un accident du travail.

Le 5 janvier 2012, son employeur a établi une déclaration d'accident du travail dans les termes suivants : 'Mme [C] [nom d'épouse] a glissé sur le sol mouillé de la plonge (cuisines) et ce malgré ses chaussures de sécurité ' Sols (glissants ou non, en mauvais état) trottoirs, sols de carrières, egouts, souterrains, (glissades) Accident de travail ' Jambe ' Contusion)".

Le certificat médical initial, établi le 27 décembre 2011, mentionne une 'contusion du genou droit'.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse en suivant) a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels et a considéré que l'état de santé de Mme [B] était consolidé au 23 mai 2012 sans séquelles indemnisables.

Le 22 octobre 2012, un certificat médical de rechute a été établi et fait état d'un 'Genou droit douloureux avec atteinte rotulienne'. La date de consolidation de cette rechute a été fixée au 31 décembre 2013 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 5%.

Le 8 septembre 2017, un certificat médical de rechute a été établi et fait état d'une 'gonalgie droite avec douleur avec atteinte rotulienne'. La date de consolidation de cette rechute a été fixée au 13 novembre 2017. Le 18 décembre 2017, la caisse a notifié à Mme [B] sa décision de maintenir son taux d'incapacité permanente partielle de 5%.

Par lettre simple du 8 février 2018, Mme [B] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Bordeaux afin de contester la décision du 18 décembre 2017 maintenant son taux d'incapacité permanente partielle à 5%.

Par jugement du 14 avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux après avoir ordonné une consultation confiée au Docteur [P], réalisée le 10 mars 2022, a :

- dit qu'a la date de consolidation, le 13 novembre 2017, le taux d'incapacité permanente partielle en réparation des séquelles de l'accident du travail dont Mme [B] a été victime le 26 décembre 2011 était de 8% ;

- dit qu'à ce taux il convient d'ajouter un taux supplémentaire de 3% au titre du taux socioprofessionnel ;

En conséquence,

- fait droit au recours de Mme [B] à l'encontre de la décision de la CPAM de la Gironde en date du 18 décembre 2017 ;

- renvoyé Mme [B] pour la liquidation de ses droits sur cette nouvelle base devant la CPAM de la Gironde ;

- rappelé que le coût de la consultation médicale était à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie ;

- dit que chacune des parties conserverait la charge de ses propres dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La CPAM de la Gironde a, par lettre recommandée avec avis de réception du 5 mai 2022, interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 28 mars 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

La CPAM de la Gironde, reprenant oralement ses conclusions transmises par voie électronique le 26 janvier 2024, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

A titre principal

- fixer le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [B] à la date de consolidation de sa maladie professionnelle à 5 %,

- débouter Mme [B] de ses demandes,

- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens,

A titre subsidiaire et avant dire droit :

- ordonner une expertise médicale aux fins de voir de fixer, à la date de la consolidation, le taux d'incapacité permanente partiel de Mme [B] en réparation des séquelles résultant de la rechute de l'accident du travail dont elle a été victime par référence au guide-barème indicatif d'invalidité et aux dispositions de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, en prenant notamment en compte : la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge et les facultés physiques et mentale.

La caisse considère que son médecin-conseil a fait une juste application des barèmes annexés au code de la sécurité sociale en fixant un taux de 5%, au regard des séquelles conservées à la date de consolidation du 13 novembre 2017. Elle soutient que le médecin-consultant désigné par le tribunal ne s'est pas placé à cette date et a donc pris en compte, dans son évaluation, des séquelles susceptibles de faire l'objet d'une nouvelle demande de rechute ou d'aggravation.

La caisse s'oppose à l'attribution d'un taux socioprofessionnel, estimant que l'assurée ne rapporte pas la preuve que les séquelles de cet accident ont eu une incidence sur sa vie professionnelle et l'auraient empêchée de travailler. Elle fait valoir à cet égard que Mme [B] a contracté une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche ayant empêché, de son propre aveu, la reconduction de son contrat à durée déterminée

au 31 août 2021. Elle ajoute que cette nouvelle maladie professionnelle a donné lieu à l'évaluation d'un taux d'IPP de 18% tenant compte de l'incidence professionnelle et que lors de l'instruction de cette nouvelle maladie professionnelle, Mme [B] était toujours employée par le centre hospitalier en qualité d'ASH. Elle en conclut qu'il n'est pas démontré que la situation professionnelle de Mme [B] aurait été impactée par l'accident du travail ou qu'elle aurait subi une baisse de revenus.

Mme [B] , comparante en personne, sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle précise également ne plus être en mesure de courir, de faire du sport ni de travailler.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément aux dispositions des articles L434-2 et R434-32 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle d'une victime d'un accident du travail est déterminé d'après la nature de son infirmité, son état général, son âge, ses facultés physiques et mentales mais aussi d'après ses aptitudes et qualifications professionnelles compte tenu de barèmes d'invalidité annexés au code précité.

La notion de qualification professionnelle s'entend au regard des possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir la victime à se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Les barèmes évoqués sont purement indicatifs et ont pour but de fournir des bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail ou maladies professionnelles. Le médecin chargé de l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle dispose ainsi de l'entière liberté de s'en écarter en fonction des particularités propres à chaque assuré et précédemment cités, à condition d'en exposer clairement les raisons.

Il est en outre acquis que le taux d'incapacité permanente partielle :

- doit être fixé en fonction de l'état séquellaire au jour de la consolidation de l'état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à ladite consolidation (Cass. civ. 2e, 15 mars 2018 n°1715400),

- relève de l'appréciation souveraine et motivée des juges du

fond (Cass. civ. 2e 16 septembre 2010 n°0915935 ; 4 avril 2018 n°1715786).

Sur la contestation du taux médical

En l'espèce, l'état de santé de Mme [B] a été déclaré consolidé le 13 novembre 2017.

Pour évaluer à 5% le taux d'IPP de Mme [B] à 5%, le médecin conseil de la CPAM de la Gironde a retenu que, au jour de l'examen clinique, le genou droit de l'assurée ne présentait pas d'oedème local, que l'extension était normale et que la flexion du genou droit était limitée à 120°, contre 140° à gauche, avec douleur face interne du genou.

Selon l'annexe I au code de la sécurité sociale, en son paragraphe 2.2.4 relatif aux atteintes du genou, un taux compris entre 5 et 30% est prévu selon l'importance de la limitation du genou. Plus précisément, il est prévu un taux d'IPP de 5% lorsque la flexion ne peut pas se faire au-delà de 110°.

Dans un certificat médical du 27 novembre 2017, le docteur [T], spécialiste des maladies des os et des articulations, indique que l'assurée présentait, à cette date très proche de la date de consolidation, une douleur antéro-interne de rythme mécanique en rapport avec une chondropathie fémoro-tibiale interne et fémoro-patellaire évoluant sévèrement (avec atteinte de l'os sous-chondral). Il explique également que si Mme [B] conservait une flexion peu limitée du genou droit, les phénomènes douloureux et les lésions anatomiques s'étaient nettement aggravées depuis 2013, nécessitant la reprise des injections d'acide hyaluronique.

La cour observe que ce certificat médical était parfaitement compatible avec les constatations du médecin conseil.

Il résulte, néanmoins, du procès-verbal de consultation, du 10 mars 2022, du Docteur [P] que ce dernier indique avoir évalué le taux d'IPP de Mme [B] à hauteur de 8% à la date de la consolidation de la rechute. Il expose que les doléances de Mme [B] au jour de l'examen physique étaient les suivantes : 'douleurs de jour comme de nuit apparaissant en dehors de tout effort. Ne peut plus effectuer selon ses dires des marches longues. Gène à l'accroupissement et l'agenouillement.' A l'examen clinique, le docteur [P] a relevé : ' une petite amyotrophie quadricipitale du genou droit, une flexion limitée douloureuse, hyperextension limitée et douloureuse en fin de course, signe du rabot positif.'

Cependant, et ainsi que le fait remarquer la CPAM de la Gironde, le Docteur [P] a tenu compte d'éléments nouveaux pour évaluer à 8% le taux d'IPP de Mme [B] puisqu'à la date de consolidation, il n'était constaté aucune amyotrophie quadricipitale. De plus, en novembre 2017, Mme [B] ne présentait pas de limitation à l'extension et une faible limitation de la flexion alors qu'en 2022, la flexion et l'hyperextension sont notées comme étant limitées et douloureuses. Si les constatations du Dr [P] peuvent, éventuellement, permettre de caractériser une aggravation de l'état de santé de Mme [B] depuis la date de consolidation en novembre 2017, elles ne pouvaient toutefois pas être retenues pour évaluer à la hausse le taux d'IPP de l'assurée qui doit être apprécié selon les séquelles conservées en 2017. L'évaluation faite par le Dr [P] ne peut donc être retenue.

Mme [B] ne produit aucun autre élément médical permettant de remettre sérieusement en cause l'évaluation faite par le médecin conseil de la CPAM de la Gironde, qui est compatible avec le barème indicatif.

Il convient, par conséquent, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 8% le taux d'IPP de Mme [B] et statuant à nouveau de fixer ce taux à 5% à la date de consolidation soit le 13 novembre 2017.

Sur le taux socioprofessionnel

En l'espèce, le médecin conseil de la CPAM de la Gironde n'a retenu aucun coefficient socio-professionnel. Il en va de même du Dr [P] qui indique, expressément, dans le procès-verbal de consultation, qu'il n'y a eu aucune incidence professionnelle.

Il est rappelé que s'il appartient au juge de déterminer si le salarié souffre d'une incidence professionnelle à la date de la consolidation, la charge de la preuve pèse sur l'assurée qui doit produire des éléments démontrant l'incidence professionnelle alléguée.

Or, la cour constate que Mme [B] ne produit aucune pièce relative à son activité professionnelle et/ou à sa situation financière, étant en outre observé que dans le questionnaire que lui a adressé la CPAM de la Gironde dans le cadre de l'instruction d'une maladie professionnelle et qu'elle a complété le 20 décembre 2021, Mme [B] a indiqué que son contrat de travail à durée déterminée, au sein du centre hospitalier, ayant pris fin le 31 août 2021, n'avait pas été reconduit à la suite de son arrêt de travail pour son épaule, ce qui contredit l'allégation de l'existence d'une incidence professionnelle en novembre 2017.

En l'absence de preuve d'une incidence professionnelle, il convient de rejeter la demande de Mme [B] de voir fixer un coefficient professionnel et d'infirmer , en conséquence, le jugement entrepris en ce qu'il a fixé un coefficient à 3%.

Sur les frais du procès

Mme [B] qui succombe doit supporter les dépens d'appel mais également de première instance, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef. Il n'est pas inéquitable de laisser supporter à la CPAM de la Gironde l'intégralité des frais exposés de sorte qu'elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 14 avril 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rappelé que le coût de la consultation médicale était à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [H] [B] de sa demande tendant à voir réevaluer son taux d'incapacité permanente partielle et à voir fixer un coefficient socio-professionnel,

Y ajoutant,

Condamne Mme [H] [B] aux dépens,

Déboute la CPAM de la Gironde de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Paule Menu, présidente, et par Madame Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud MP. Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/02200
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.02200 ?
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