COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 06 JUIN 2024
N° RG 21/04212 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MHMI
[B] [M]
MMA VIE ASSURANCES MUTUELLES
S.A. MMA VIE
c/
[X] [G]
[H] [Z]
[A] [J]
[Y] [Z]
[S] [J]
[W] [J]
[V] [Z]
Nature de la décision : AU FOND
JONCTION AVEC DOSSIER RG 21/04353
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 19/04601) suivant deux déclarations d'appel du 21 juillet 2021 et du 26 juillet 2021
APPELANTES :
[B] [M]
née le [Date naissance 14] 1938 à [Localité 17]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 12]
Représentée par Me Alain PAREIL de la SELARL CABINET D'AVOCATS ALAIN PAREIL, avocat au barreau de BORDEAUX
MMA VIE ASSURANCES MUTUELLES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 3]
S.A. MMA VIE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]
Représentées par Me Marin RIVIERE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[X] [G]
née le [Date naissance 10] 1954 à [Localité 16]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5]
[H] [Z]
née le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 16]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 15]
[A] [J]
née le [Date naissance 6] 1983 à[Localité 18])
de nationalité Française
demeurant [Adresse 9]
[Y] [Z]
née le [Date naissance 7] 1984 à CANBERRA (Australie)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 8]
[S] [J]
né le [Date naissance 11] 1986 à [Localité 18]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5]
[W] [J]
née le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 18]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5]
[V] [Z]
né le [Date naissance 13] 1988 à [Localité 19]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 15]
Représentés par Me François DEAT, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, président,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Roland POTEE, président, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [N] [G] a souscrit le 9 janvier 1986 un contrat d'assurance-vie auprès des MMA dénommé « Adif Epargne » n°00924876.
Par testament du 18 mars 2002, il a déclaré révoquer toutes dispositions testamentaires antérieures et instituer comme bénéficiaires de tous ses contrats d'assurance-vie ses deux filles, Mme [X] [J] [G] et Mme [H] [Z] ou à défaut leurs héritiers selon les règles de la représentation légale. Il a ajouté « par suite, ce sont mes héritiers auxquels reviendra l'intégralité de ma succession ».
Le 3 janvier 2008, il a sollicité une modification de la clause bénéficiaire au profit, à parts égales, de : Mme [X] [J] [G], Mme [H] [Z], Mme [A] [J], M. [S] [J], Mme [W] [J], Mme [Y] [Z], M. [C] [Z].
Le 2 septembre 2013, M. [N] [G] a à nouveau sollicité une modification de la clause bénéficiaire, au profit de Mme [B] [M]. Il est décédé le [Date décès 2] 2014. Suite à ce décès, les MMA ont versé le capital de l'assurance-vie au bénéficiaire désigné.
Le 17 février 2015, Mme [X] [J] [G] et Mme [H] [Z], filles de [N] [G], ont déposé plainte contre Mme [M] pour abus de faiblesse.
Cette plainte a été classée sans suite en novembre 2018 pour insuffisance d'éléments permettant de caractériser une infraction.
Par actes du 10 mai 2019, Mme [X] [J] [G], Mme [H] [Z], Mme [A] [J], Mme [Y] [Z], M. [S] [J], Mme [W] [J], et M. [C] [Z] (ci-après les consorts [J] [Z]) ont assigné Mme [B] [M], les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir annuler la modification de la clause bénéficiaire du 2 septembre 2013 et de voir condamner Mme [M] à leur régler chacun la part leur revenant en vertu de ce contrat.
Par jugement contradictoire du 7 juillet 2021 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- annulé le changement de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie 'Adif Epargne ' n°00924876 effectué par M. [N] [G] par courrier du 2 septembre 2013, au profit de Mme [M],
- débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts,
- sursis à statuer sur les demandes formulées au titre des conséquences de l'annulation,
- ordonné la réouverture des débats à l'audience de mise en état du 16 novembre 2021,
- invité les parties à produire tout élément permettant d'établir le montant des sommes figurant sur le contrat au jour du décès de [N] [G] et le montant des sommes versées à Mme [M], et à conclure sur les conséquences de l'annulation,
- sursis à statuer sur l'exécution provisoire, les dépens et les frais irrépétibles.
Mme [M] a relevé appel du jugement par déclaration du 21 juillet 2021, en ce qu'il a :
- annulé le changement de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie ' Adif Epargne' n°00924876 effectué par M. [N] [G] par courrier du 2 septembre 2013, au profit de Mme [M],
- débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts.
MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles ont également relevé appel de ce jugement par déclaration du 26 juillet 2021, en ce qu'il a :
- annulé le changement de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie ' Adif Epargne' n°00924876 effectué par M. [N] [G] par courrier du 2 septembre 2013, au profit de Mme [M].
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 décembre 2022 qui a également dit n'y avoir lieu à statuer sur l'incident formé par Mme [M] et déclaré recevable l'appel incident formé par les consorts [U] à l'encontre du jugement déféré en ce qu'il ordonne un sursis à statuer sur les demandes formulées au titre des conséquences de l'annulation prononcées.
Par dernières conclusions du le 10 octobre 2021, Mme [M] demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Mme [M],
Y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau :
- débouter les consorts [J] [G] de leur demande d'annulation de changement de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie « Adif Epargne » n°00924876 effectué par [N] [G] par courrier du 2 septembre 2013, au profit de Mme [M],
- condamner solidairement Mme [X] [J] [G] et Mme [H] [Z] à payer à Mme [M] la somme 10 000.00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
- condamner solidairement Mme [X] [J] [G], Mme [H] [Z], Mme [A] [J], Mme [Y] [Z], M. [S] [J], Mme [W] [J], M. [C] [Z], sociétés MMA Vie & Mutuelle Mma Vie Assurances Mutuelles en tous les dépens,
- condamner solidairement Mme [X] [J] [G], Mme [H] [Z], Mme [A] [J], Mme [Y] [Z], M. [S] [J], Mme [W] [J], M. [C] [Z], sociétés MMA Vie & Mutuelle Mma Vie Assurances Mutuelles à porter et payer au concluant la somme de 8 000.00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions déposées le 25 octobre 2023, la société MMA Vie Assurances Mutuelles et la société MMA Vie demandent à la cour de :
A titre principal,
- réformer le jugement du 7 juillet 2021 en ce qu'il a annulé le changement de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie « Adif Epargne » n°00924876 effectué par [N] [G] par courrier du 2 septembre 2013, au profit de Mme [M],
Statuant à nouveau :
- juger que les sociétés MMA Vie Assurances Mutuelles et MMA Vie n'ont commis aucune faute,
- débouter les consorts Mme [X] [J] [G], Mme [H] [Z], Mme [A] [J], Mme [Y] [Z], M. [S] [J], Mme [W] [J] et M. [C] [Z] de toutes leurs demandes fins et conclusions,
A titre subsidiaire
- condamner Mme [M] à relever indemne les sociétés MMA Vie Assurances Mutuelles et MMA Vie de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elles au bénéfice des consorts consorts Mme [X] [J] [G], Mme [H] [Z], Mme [A] [J], Mme [Y] [Z], M. [S] [J], Mme [W] [J] et M. [C] [Z].
Dans tous les cas
- condamner les consorts Mme [X] [J] [G], Mme [H] [Z], Mme [A] [J], Mme [Y] [Z], M. [S] [J], Mme [W] [J] et M. [C] [Z] et Mme [M] à verser aux sociétés MMA Vie Assurances Mutuelles et MMA Vie la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées le 20 novembre 2023, Mme [X] [G], Mme [H] [Z], M. [C] [Z], M. [S] [J], Mme [W] [J], Mme [A] [J] et Mme [Y] [Z], demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la modification de la clause bénéficiaire du 2 septembre 2013 instituant Mme [M] comme unique bénéficiaire,
- débouter les sociétés MMA Vie Assurances Mutuelles et MMA Vie ainsi que Mme [M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur les demandes formulées au titre des conséquences de l'annulation, des frais irrépétibles et des dépens
Statuant à nouveau
- condamner les sociétés MMA Vie Assurances Mutuelles et MMA Vie in solidum au paiement du capital de 815 933,93 euros aux consorts [Z], [J] et [G], de la manière suivante :
* à Mme [X] [G], la somme de 116 561,99 euros,
* à Mme [A] [J], la somme de 116 561,99 euros,
* à M. [S] [J], la somme de 116 561,99 euros,
* à Mme [W] [J], la somme de 116 561,99 euros,
* à Mme [H] [Z], la somme de 116 561,99 euros,
* à Mme [Y] [Z], la somme de 116 561,99 euros,
* à M. [C] [Z], la somme de 116 561,99 euros,
- assortir les condamnations d'un intérêt au taux légal applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels à compter de la décision de première instance,
- ordonner la capitalisation de ces intérêts à compter de la décision de première instance
- condamner Mme [M] in solidum avec les sociétés MMA Vie Assurances Mutuelles et MMA Vie au paiement du capital de 815 933,93 euros aux consorts [Z], [J] et [G], de la manière suivante :
* à Mme [X] [G], la somme de 116 561,99 euros,
* à Mme [A] [J], la somme de 116 561,99 euros,
* à M. [S] [J], la somme de 116 561,99 euros,
* à Mme [W] [J], la somme de 116 561,99 euros,
* à Mme [H] [Z], la somme de 116 561,99 euros,
* à Mme [Y] [Z], la somme de 116 561,99 euros,
* à M. [C] [Z], la somme de 116 561,99 euros,
- assortir les condamnations d'un intérêt au taux légal applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels à compter de la mise en demeure du 17 juin 2014 reçue le 20 juin 2014, à titre subsidiaire à compter de l'assignation du 10 mai 2019 et à titre très subsidiaire à compter de la décision de première instance,
En toute hypothèse,
- ordonner la capitalisation de ces intérêts à compter de la décision de première instance,
- condamner les sociétés MMA Vie Assurances Mutuelles et MMA Vie et Mme [M] à payer aux intimés et appelant incident la somme de 12 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 14 décembre 2023 et renvoyée à l'audience du 11 avril 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'annulation de la modification de la clause bénéficiaire du 2 septembre 2013
Mme [M] et les sociétés MMA font grief au jugement attaqué d'avoir annulé le changement de clause bénéficiaire du 2 septembre 2013 en estimant qu'il procédait des manoeuvres dolosives de Mme [M] alors que les héritiers du défunt ne démontrent ni manipulation ni abus de faiblesse, [N] [G] disposant à la date précitée, de toutes ses facultés mentales et étant décrit unanimement comme un homme de caractère, voire autoritaire, ne laissant personne décider à sa place.
Les appelants font valoir que ni la lettre de modification ni le témoignage du courtier d'assurance en charge du dossier ne portent trace d'une quelconque manoeuvre ou même d'une intervention extérieure de nature à vicier le consentement de [N] [G] au moment où il décide de gratifier celle qui vit à ses côtés depuis deux ans et dont de nombreux témoignages attestent de la sincérité des sentiments pour le défunt et l'absence d'intérêt vénal.
Les sociétés MMA soutiennent à titre subsidiaire que l'action des héritiers est soumise aux conditions de l'article 414-2 du code civil lesquelles ne sont pas réunies en l'espèce puisque l'acte litigieux ne porte en lui-même aucune preuve d'un trouble mental et que M.[G] n'était pas placé sous un régime de protection ni sous le coup d'une action engagée à cette fin.
Sur ce point, ce moyen est sans objet dans la mesure où les intimés ne fondent pas leur demande sur le texte précité mais sur les dispositions de l'ancien article 1116 du code civil relatives au dol, étant observé que la recevabilité de cette demande n'est pas contestée puisqu'il est admis qu'en matière de clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie, le dol peut émaner du bénéficiaire de la clause.
Les intimés demandent confirmation du jugement en ce qu'il a retenu ce dol, au vu des manoeuvres intentionnelles de Mme [M] caractérisées par son emprise psychologique sur [N] [G], au moyen d'un isolement affectif dans les derniers mois de sa vie, alors qu'il est affaibli par un état de santé défaillant, l'absence de sincérité des relations de Mme [M] s'illustrant par son intérêt vénal, attesté par les témoignages produits qui viennent contredire les attestations adverses dont deux émanent de la mère et de l'époux de la bénéficiaire du nouveau contrat souscrit par Mme [M] par transfert des fonds litigieux.
Sur ce.
[N] [G] a souscrit en 1986 un contrat d'assurance vie auprès des sociétés MMA dont il a modifié en 2002 et 2008 la clause bénéficiaire au profit de ses filles puis de leurs enfants dont il est établi, par les pièces soumises à la cour qu'il en était très proche et qu'il avait décidé de leur léguer tout ses biens par un testament du 18 mars 2002 (pièce 3 intimés).
M.[G] a également rédigé un faire-part de décès lors de la signature d'un contrat d'obsèques, non modifié par la suite, ne mentionnant que ses filles (pièce intimés n°28).
Il n'est pas contesté que Mme [M] s'est installée chez [N] [G] en 2011, à une époque où il recevait régulièrement ses filles avec leurs enfants auxquels il manifestait un grand attachement.
Selon les déclarations recueillies dans le cadre de l'enquête ouverte pour abus de faiblesse et les témoignages produits et en particulier ceux d'amis ou de proches extérieurs à la famille, (pièces intimés n°6, 7, 15, 16), il apparaît qu'à compter de son installation, Mme [M] a progressivement isolé M.[G] de ses amis puis de ses filles par l'emprise qu'elle exerçait sur lui, refusant que celles ci séjournent chez leur père pendant leurs visites, alors qu'elles résident en région toulousaine et au Canada, limitant les contacts de M.[G] avec ses amis, notamment au golf, et en limogeant Mme [P], employée de maison depuis juin 2010.
Dans un courrier adressé en décembre 2013 à son petit-fils [V] [Z] (pièce n°30 intimés), antérieur donc à l'engagement du présent litige, [F] [Z] confirmait l'opposition de Mme [M] aux visites de M.[G] par sa fille et la soumission de celui ci à l'appelante en utilisant les termes suivant: ' Comme ton grand-père est affaibli par la maladie, Il est totalement soumis à sa garde-malade dont il ne peut se passer. Il lui demande toujours son avis avant de répondre ce qui paraît extra-ordinaire quand on a connu [N] autrefois'.
Il est aussi établi que Mme [M] a changé le médecin traitant de M.[G], le docteur [O], en août 2013, alors qu'un diagnostic péjoratif de cancer de la prostate avait été posé en février 2013, qu'une opération était intervenue en mars 2013 et qu'une radiothérapie avait été proposée en juin 2013. A la date de son remplacement, le docteur [O] atteste (pièce n° 17 intimés) que [N] [G] présentait plusieurs pathologies, HTA, DNID, carcinome prostatique et qu'il présentait 'un état psychologique d'anxiété importante, de lassitude de sa condition de vie et des répétitions dans les questions qu'il posait (difficultés de perception des explications).
Il résulte donc de ce certificat médical qu'un mois avant de demander la modification de la clause bénéficiaire de son contrat d'assurance-vie au profit de Mme [M], M.[G], très affaibli par la maladie et isolé de ses proches et amis, ne disposait plus de toutes ses facultés.
Cette situation est confirmée par l'audition de M.[CX], agent d'assurance gérant un autre contrat d'assurance-vie établi au profit des filles de M.[G] et qui a visité ce dernier en janvier et février 2014 et qui, dans son audition (pièce 9 intimés), a estimé qu'à cette date, M.[G] n'était pas capable de gérer ses comptes, n'avait pas conscience des sommes concernées et que n'ayant plus tout son jugement, il aurait pu signer un document à la demande de Mme [M].
Ces éléments émanant de témoins objectifs contredisent les attestations d'amis et voisins de Mme [M] selon lesquelles M.[G] avait conservé toute ses facultés jusqu'à son décès ( pièces [M] n° 3,5,7,9 et 16).
Ces mêmes attestations et les autres témoignages produits par l'appelante pour accréditer la thèse d'un couple uni et aimant et le désintérêt de Mme [M] sont aussi démentis, non seulement par le fait, relevé à juste titre par le tribunal, qu'aucun élément ne démontre la poursuite de contacts des auteurs des attestations pendant les années 2012 et 2013 mais aussi par le courrier de [F] [Z] précité, par le témoignage de l'ancienne employée de maison et par les attestations des amis et voisins de M.[G].
Il convient de relever sur ce point que Mme [D] et M.[E] [L], auteurs des attestations produites en pièces 4 et 5 par l'appelante sont respectivement la mère et l'époux de Mme [I] [D], seule bénéficiaire du nouveau contrat d'assurance vie souscrit en juillet 2014 par transfert des fonds issus du contrat litigieux de M.[G] (pièce MMA n°13 et 14).
Il n'est ainsi pas démontré que Mme [M] ait eu une relation affective ou amoureuse stable avec M.[G] qui la présentait d'ailleurs, selon ses amis, non comme une compagne mais comme une 'dame de compagnie'.
S'agissant du caractère désintéressé invoqué par celle ci qui prétend n'avoir pas été même informée de la modification de la clause bénéficiaire à son profit, il est aussi contredit par l'audition de Mme [K] [R] (pièce intimés n°7) qui relate précisément une discussion au golf avec Mme [M] lui confiant qu'elle (Mme [R]) s'était 'mal débrouillée' car elle (Mme [M]) bénéficiait d'une assurance-vie souscrite par M.[G] à hauteur de 200.000 euros alors que son interlocutrice n'avait rien.
Il est à noter également le comportement étonnant, quelque jours après le décès de M.[G], de Mme [M] qui s'est empressée de solliciter des voisins des attestations sur la pleine possession des moyens de M.[G] jusqu'à son décès, ce que ceux ci ont refusé, ayant constaté au contraire l'altération très rapide de ses facultés intellectuelles depuis plusieurs mois (pièce intimés n° 22et 23).
Cette démarche ne peut manifestement s'expliquer que comme une tentative de se prémunir contre une action en justice des héritiers que Mme [M] pouvait craindre au sujet de la modification de la clause bénéficiaire que les intimés allaient découvrir au décès de M.[G].
Elle illustre en tout cas le caractère intentionnel de l'ensemble des manoeuvres dolosives de Mme [M] caractérisées également par ses demandes formulées auprès de M.[T] à qui elle avait demandé lors d'une des visites à domicile évoquées plus haut en février 2024, s'il était possible de changer le bénéficiaire du contrat d'assurance-vie de M.[G] alors qu'au mois de janvier précédent, la clause bénéficiaire de ce second contrat avait été actualisée au profit des filles de M.[G], en la présence de l'appelante.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a estimé établi que le changement de clause bénéficiaire du 2 septembre 2023 avait été déterminé par les manoeuvrres dolosives de Mme [M] et l' a annulé en disant que les consorts [J] [Z] redevenaient les bénéficiaires du contrat litigieux et que l'assureur devrait leur verser les sommes dues, sous la garantie de Mme [M].
Le jugement mérite ainsi confirmation de ce chef.
Sur le sursis à statuer
Les intimés demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il ordonne le sursis à statuer et de condamner in solidum les sociétés MMA et Mme [M] à leur verser les sommes leur revenant soit 815.933,93 en principal, et 116.561,99 € chacun.
De son côté, les sociétés MMA indiquent que Mme [M] a fait un remploi intégral des sommes reçues pour un montant de 706.594,83 €.
Mme [M] n'a pas fait d'observations sur la demande de condamnation.
Le tribunal a sursis à statuer sur les demandes de condamnation des intimés en invitant les parties à produire tous justificatifs utiles et à conclure sur ce point.
En l'absence de conclusions de Mme [M] devant la cour, rien ne justifie que les parties soient privées du double degré de juridiction à ce titre.
Le sursis à statuer sera en conséquence confirmé et les parties renvoyées devant le tribunal judiciaire pour la poursuite de la procédure.
Sur les demandes accessoires
Il est équitable de mettre à la charge de Mme [M] une indemnité de 6.000 euros au profit des intimés ensemble, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais engagés en appel.
Les autres demandes au même titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
Renvoie les parties devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour la poursuite de la procédure;
Condamne Mme [M] à payer aux intimés, ensemble, une indemnité de 6.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais hors dépens engagés en appel;
Rejette les autres demandes;
Condamne Mme [M] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,