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05/06/2024 | FRANCE | N°24/00125

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 05 juin 2024, 24/00125


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00125 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZMW





ORDONNANCE









Le CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 10 H 00



Nous, Sylvie TRONCHE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Madame [U] [W],

représentante du Préfet de La Haute-Vienne,



En présence de Monsieur [L] [Y] [B], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français,...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00125 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZMW

ORDONNANCE

Le CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 10 H 00

Nous, Sylvie TRONCHE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Madame [U] [W], représentante du Préfet de La Haute-Vienne,

En présence de Monsieur [L] [Y] [B], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,

En présence de Monsieur [F] [R], né le 13 Avril 2000 à [Localité 1] (ALGERIE), de nationalité Algérienne, et de son conseil Maître Yoann GOINGUENE,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [F] [R], né le 13 Avril 2000 à [Localité 1] (ALGERIE), de nationalité Algérienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 07 avril 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 1er juin 2024 à 15h29 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [F] [R], pour une durée de 28 jours à l'issue du délai der 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [F] [R], né le 13 Avril 2000 à [Localité 1] (ALGERIE), de nationalité Algérienne, le 03 juin 2024 à 14h00,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Yoann GOINGUENE, conseil de Monsieur [F] [R], ainsi que les observations de Madame [U] [W], représentante de la préfecture de La Haute-Vienne et les explications de Monsieur [F] [R] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 05 juin 2024 à 10h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

Le 7 avril 2024, le Préfet de la Haute Vienne a pris à l'encontre de [F] [R] né le 13 avril 2000 de nationalité algérienne un arrêté, notifié le même jour, portant obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de territoire français portée à 4 ans ainsi qu'un arrêté portant assignation à résidence pour une durée de 45 jours.

[F] [R] a été placé en rétention administrative par arrêté du Préfet de la Haute Vienne du 29 mai 2024 notifié le jour même à 15h15.

Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 31 mai 2024 à 4h17, le Préfet de la Haute Vienne a sollicité du juge des libertés et de la détention, au visa des articles L 742-1 à L742-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de 28 jours motifs pris du non-respect des 4 précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre, du non-respect de la mesure d'assignation à résidence du 7 avril 2024, de l'absence de pièce d'identité ou de voyage en cours de validité et de l'absence de domicile fixe et de revenus licites.

Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention le 31 mai 2024 à 15h13, le conseil de [F] [R] a formé une requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative en faisant valoir le caractère disproportionné d'une telle mesure au regard du risque de fuite et de ses garanties de représentation puisqu'il est père d'une petite fille dont il s'occupe quotidiennement, a un projet professionnel en cours d'élaboration et dispose d'un hébergement.

Par ordonnance rendue le 1er juin 2024 à 15h29, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a :

- ordonné les jonctions des dossiers et statuant par une seule et même ordonnance,

- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à [F] [R],

- déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative et la contestation de l'arrêté de placement recevables,

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de [F] [R] régulière,

- rejeté la contestation de l'arrêté de placement de [F] [R],

- débouté [F] [R] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- autorisé la prolongation de la rétention administrative de [F] [R] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de rétention.

Par courriel adressé au greffe de la Cour d'appel le 3 juin 2024 à 14h, le conseil de [F] [R] a fait appel de l'ordonnance du 1er juin 2024.

A l'appui de sa requête, le conseil relève que [F] [R] doit bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence puisqu'il remplit toutes les conditions à cet effet.

Le conseil indique que contrairement à ce qu'allègue la Préfecture, son client n'est pas sans domicile fixe mais justifie d'un hébergement stable chez un ami pour lequel il produit une attestation signée et accompagnée d'une copie de pièce d'identité ainsi qu'un justificatif de domicile.

Il ajoute également que la Préfecture de la Haute-Vienne est en possession du passeport de [F] [R] depuis 2021.

A l'audience, le conseil attire l'attention de la cour sur le fait que l'article L743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne conditionne pas le bénéfice d'une assignation à résidence à la nécessité de remise d'un passeport valide. Il précise qu'ainsi, c'est en toute bonne foi que M. [R] a remis en 2021 son passeport périmé d'un an.

Il ajoute que si son client a quitté la France pour la Suisse, ne respectant pas son assignation à résidence c'est en raison d'une maîtrise insuffisante de notre langue dans la mesure où il pensait ainsi obéir à la décision d'obligation de quitter le territoire français qui lui avait été notifiée. En conséquence, il demande à la Cour, de :

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du 1er juin 2024,

- débouter le Préfet de la Haute Vienne de sa demande en prolongation de rétention administrative de [F] [R],

- ordonner la main levée de la mesure de rétention et en conséquence la remise en liberté immédiate de [F] [R],

- la condamnation du Préfet de la Haute Vienne à lui verser la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

A l'audience, Mme [W], représentante de la Préfecture, sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 1er juin 2024 et reprend les motifs de la requête en prolongation.

[F] [R] a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de l'appel

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable.

2/ Sur la régularité du placement en rétention administrative

Il résulte de l'article L741-1 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile que peut-être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres c'est-à-dire notamment lorsqu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut être regardé comme établi sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou lorsqu'il ne présente pas de garantie de représentation suffisante, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

Le conseil de [F] [R] indique qu'il peut bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence dans la mesure où les conditions de représentations posées par l'article L 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont réunies.

Toutefois, il s'évince des pièces du dossier que [F] [R] ne dispose pas d'un domicile fixe puisque régulièrement hébergé par des amis ainsi qu'en témoignent les attestations établies par M. [E] [D] et [I] [J] [A] qui l'ont hébergé alors qu'il ne résidait déjà plus au domicile de sa compagne, Mme [P] [M], mère de leur fille âgée de 6 mois et avec qui il s'était installé le 5 décembre 2023.

De surcroît, [F] [R] s'est déjà soustrait à l'exécution de 4 précédentes mesures d'éloignement en ne respectant pas les injonctions de quitter le territoire français notifiées par décisions des 4 mai 2018, 8 novembre 2019, 19 février 2021 et 28 juin 2022 ni les assignations à résidence des 19 février 2021 et 7 avril 2024, exposant que s'il n'a pas respecté la dernière assignation à résidence, c'est en raison d'une volonté d'exécuter spontanément la décision d'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet.

Il résulte de l'article L 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après la remise effective aux services de police ou de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif d'identité.

Si [F] [R], dont le passeport n'est plus valide depuis 2020, indique avoir remis ce document de voyage en 2021, il ne confirme pas s'être dessaisi de ses autres documents d'identité et surtout, n'est pas en mesure de produire devant la cour le récépissé valant justification de l'identité qui a dû lui être remis en contrepartie.

L'intéressé est défavorablement connu des services de police pour ses outrages, ses perturbations lors de contrôles policiers ainsi que pour des faits de violences intra-familiale qui ont donné lieu à sa garde à vue du 28 mai 2024.

Il indique ne pas disposer d'autres ressources que celles issues de son travail non déclaré.

Enfin, de l'aveu même de l'intéressé lors de son audition du 29 mai 2024 en garde-à-vue, l'intéressé s'oppose à son retour en Algérie indiquant être père d'une petite fille.

Sans domicile stable ni document de voyage, il ne présente aucune garantie de représentation et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 743-13 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile et être placé en assignation à résidence.

Dans la mesure où il a déclaré refuser son éloignement, le risque de fuite est patent.

Dès lors, l'autorité administrative n'a commis aucune erreur d'appréciation et le placement en rétention administrative est régulier ainsi que le premier juge l'a retenu à bon droit, justifié et proportionné au risque de fuite et à l'absence de garanties de représentation.

3/ Sur la régularité de la requête en prolongation de la rétention administrative

Aux termes de l'article L741-3 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile, "Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

Aux termes de l'article L742-1 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile le juge des libertés et de la détention est saisi dans les quarante-huit heures suivant la notification du placement en rétention aux fins de prolongation de la rétention au-delà de cette durée.

Il ressort des termes de l'article L742-4 du CESEDA, que le délai de cette première prolongation est de 28 jours.

Pour accueillir une demande de première prolongation, en application des articles précités, le juge, après avoir vérifié le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser son départ. Il est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.

Étant cependant précisé que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse.

L'autorité administrative justifie avoir saisi les autorités algériennes d'une demande de laissez-passer consulaire dès le 29 mai 2024, soit dès le premier jour du placement en rétention de [F] [R].

La demande est accompagnée de toutes les pièces utiles pour permettre l'identification de l'intéressé : photo, empreintes, acte de naissance, copie du passeport périmé notamment.

En outre, une demande de routing a été effectuée le 30 mai 2024 et une première disponibilité est signalée au 3 juin 2024.

Il est donc vérifié que les autorités consulaires ont été saisies de manière rapide et effective.

La prolongation de la rétention administrative de [F] [R] est donc le seul moyen de permettre à l'autorité administrative de mettre en 'uvre la mesure d'éloignement et de garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

En conséquence, les conditions des articles L741-1 et L741-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile étant réunies, c'est à bon droit que le Juge de première instance a autorisé la prolongation de la rétention administrative de [F] [R] pour une durée de 28 jours et l'ordonnance du 1er juin 2024 sera confirmée en toutes ses dipositions.

4/ Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

[F] [R] n'ayant pas prospéré dans son appel, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention le 1er juin 2024 en toutes ses dispositions,

Disons n'y avoir lieu à statuer sur l'aide juridictionnelle provisoire conformément à l'article 19-1-9° de la loi du 10 juillet 1991 modifiée par celle du 29 mars 2020,

Déboutons Maître Yoann GOINGUENE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00125
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;24.00125 ?
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