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05/06/2024 | FRANCE | N°21/03269

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 juin 2024, 21/03269


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 5 JUIN 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03269 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MEWO









crf



SARL Brasserie de Belcier

S.C.P. SILVESTRI & [J] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL Brasserie de Belcier



c/



Monsieur [H] [S]



UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE BORDEAUX
>











Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 mai 2021 (R.G. n°F20/00033) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORD...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 5 JUIN 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03269 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MEWO

crf

SARL Brasserie de Belcier

S.C.P. SILVESTRI & [J] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL Brasserie de Belcier

c/

Monsieur [H] [S]

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE BORDEAUX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 mai 2021 (R.G. n°F20/00033) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 04 juin 2021,

APPELANTE :

SARL Brasserie de Belcier, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4] -[Localité 2]X

N° SIRET : 752 149 682 00011

représentée par Me Pauline LEYRIS, avocat au barreau de BORDEAUX

SCP Jean-Denis Silvestri & [W] [J], prise en la personne de Maître [W] [J], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL Brasserie de Belcier, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1] - [Localité 2]

non constituée

INTIMÉ :

Monsieur [H] [S]

né le 17 Mars 1963 à [Localité 5] (PAYS-BAS) de nationalité Française Profession : Cuisinier, demeurant [Adresse 3] - [Localité 2]

représenté par Me Florence MONTET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE BORDEAUX prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6] - [Localité 2]

non constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- délibéré prorogé au 5 juin 2024 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [H] [S], né en 1963, a été engagé en qualité de chef cuisinier par la SARL Brasserie de Belcier, par contrats de travail à durée déterminée d'usage à la fin de l'année 2013 et en début d'année 2014.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne du salarié s'élevait à la somme de 2.344,88 euros.

M. [S] a travaillé pour la société Brasserie de Belcier sous le statut d'autoentrepreneur du 3 juin 2014 au 30 septembre 2016.

À compter du 1er février 2016, M. [S] a été engagé en qualité de chef de cuisine par la société dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à raison de 30 heures hebdomadaires.

Par courrier du 2 avril 2017, le salarié a sollicité le paiement d'heures supplémentaires et la prise en charge par son employeur de ses frais de couverture complémentaire santé ainsi que de son impôt CFE de l'année 2016.

Par courrier en réponse du 6 avril suivant, la société Brasserie de Belcier a consenti à prendre en charge la complémentaire santé mais refusé d'accéder aux autres demandes du salarié.

M. [S] a été placé en arrêt de travail à plusieurs reprises.

M. [S] a à nouveau interpellé son employeur par lettre du 24 octobre 2018.

Par lettre datée du 22 janvier 2019, le salarié a été convoqué à un entretien au 28 janvier suivant en vue de la signature d'une convention de rupture.

M. [S] a régularisé un formulaire CERFA et signé une convention de rupture le 4 février 2019, et son contrat a été rompu le 12 mars 2019.

A cette date, il avait une ancienneté de 3 ans et 1 mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Le 10 janvier 2020, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux pour solliciter la nullité de la rupture conventionnelle, le paiement de rappels de salaires au titre de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et des heures supplémentaires, outre une indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour manquement à l'obligation de préserver la santé du salarié.

Par jugement rendu le 3 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que la rupture conventionnelle est régulière,

Par conséquent,

- débouté M. [S] de ses demandes en paiement des sommes suivantes :

* 13.678,75 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.471,50 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

* 547,15 euros au titre des congés payés afférents,

* 16.414,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 5.471,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 5.471,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de préserver la santé et la sécurité du salarié,

- requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

Par conséquent,

- condamné la société Brasserie de Belcier au paiement des sommes suivantes:

* 14.462,19 euros bruts de rappels de salaires au titre de la requalification du temps partiel en temps complet du 2 février 2016 au 12 mars 2019,

* 1.446.21 euros bruts de congés afférents,

* 2.936.51 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires impayées,

* 293,65 euros de congés payés afférents,

* 800 euros au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu qu'a exécution provisoire de droit conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,

- condamné la société Brasserie de Belcier aux dépens de l'instance,

- débouté la société Brasserie de Belcier de sa demande de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 4 juin 2021, la société Brasserie de Belcier a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 6 mai 2021.

Par jugement rendu le 10 novembre 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Brasserie de Belcier, nommant la SCP Silvestri [J] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement arrêté par jugement du 7 décembre 2022.

Le 13 avril 2022, M. [S] a assigné le CGEA de Bordeaux en intervention forcée, qui ne s'est pas constitué.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 février 2024, la société Brasserie de Belcier demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu le 3 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il :

* requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

* la condamne au paiement des sommes suivantes :

. 14.462,19 euros bruts de rappels de salaires au titre de la requalification du temps partiel en temps complet du 2 février 2016 au 12 mars 2019,

. 1.446.21 euros bruts de congés afférents,

. 2.936.51 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires impayées,

. 293,65 euros de congés payés afférents,

. 800 euros au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* la condamne aux dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau,

- dire le contrat de travail consenti à M. [S] comme étant un contrat de travail à temps partiel,

- constater l'absence de réalisation d'heures complémentaires par M. [S],

- constater l'absence de réalisation d'heures supplémentaires par M. [S],

En conséquence,

- dire qu'aucun rappel de salaire, quel qu'il soit, ne lui est dû,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

* dit que la rupture conventionnelle est régulière,

* débouté M. [S] de ses demandes en paiement des sommes suivantes :

. 13.678,75 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5.471,50 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

. 547,15 euros au titre des congés payés afférents,

. 16.414,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 5.471,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. 5.471,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de préserver la santé et la sécurité du salarié,

* dit n'y avoir lieu qu'à exécution provisoire de droit conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,

A titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire la cour accueillait les allégations de nullité de la rupture conventionnelle et décidait d'entrer en voie de condamnation à son l'égard,

- ordonner que l'ancienneté à prendre en considération soit celle de la date de prise d'effet du contrat de travail à durée indéterminée, soit le 1er février 2016,

- appliquer le barème « Macron » eu égard à l'indemnité réclamée, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail,

- ordonner que la somme perçue au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle à hauteur de 1.854,33 euros soit déduite et rétrocédée par M. [S] et condamner ce dernier au paiement de celle-ci,

En tout état de cause,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens d'instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 février 2024, M. [S] demande à la cour de :

- à titre liminaire, rejeter les pièces 28 à 31 communiquées par l'appelante les 14, 15 et 16 février 2024 (jour de l'ordonnance de clôture), en application de des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 3 mai 2021, sauf en ce qu'il l'a débouté des demandes suivantes :

* de nullité de la rupture conventionnelle et des sommes afférentes à cette demande : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnités de préavis et congés afférents au préavis,

* de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

* de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de préserver la santé et la sécurité,

* d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé,

Infirmant le jugement sur ces points et statuant de nouveau :

- fixer sa créance au passif de la procédure collective de la société Brasserie de Belcier aux sommes suivantes :

* 13.678,75 euros nets de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (5 mois), à raison de la nullité de la rupture conventionnelle signée entre les parties, viciée de violence économique,

* 5.471,50 euros bruts à titre d'indemnité de préavis (2 mois de salaires),

* 547, 15 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis,

* 5.471,50 euros nets à titre de dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail (2 mois de salaire temps complet à 2.735,75 euros),

* 5.471,50 euros nets à titre de dommages et intérêt pour manquement à l'obligation de préserver la santé et la sécurité de la salariée (2 mois de salaire),

* 16.414,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (6 mois de salaires temps complet),

Y ajoutant,

- assortir la décision à intervenir des intérêts au taux légal courant :

* pour les sommes de nature salariale, à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

* pour les sommes de nature indemnitaire accordées par le conseil de prud'hommes, à compter du jugement,

* pour la fraction des sommes de nature indemnitaires allouées par la cour, à compter de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Brasserie de Belcier à lui payer la somme supplémentaire de 1.500 euros, au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les éventuels frais d'exécution,

- déclarer l'arrêt opposable au CGEA et au commissaire à l'exécution du plan de redressement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

Par conclusions du 16 février 2024, M. [S] a demandé à la cour d'écarter les pièces 28 à 31 transmises par son contradicteur les 14, 15 et 16 février 2024, jour de l'ordonnance de clôture, pour non respect du principe du contradictoire.

Le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire. Les pièces sus visées ont été transmises dans un délai ne permettant pas au conseil de la société d'interroger celle-ci et de conclure dans les délais.

Elles seront écartées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [S] fait valoir pour l'essentiel qu'après l'avoir embauché selon contrats de travail à durée déterminée, l' employeur lui a demandé de réactiver son statut d'auto-entrepreneur en juin 2014 pour échapper au paiement de cotisations ; qu'en cette qualité et jusqu'en 2016, il a facturé son travail à son seul employeur à hauteur mensuelle de 1 500 euros tout en travaillant à temps complet ; que, suite à ses doléances, la société a signé un contrat de travail à durée indéterminée pour un temps partiel de 30 heures hebdomadaires en dépit d'un travail à temps plein et au delà, de la réalisation d'heures supplémentaires; qu'après lui avoir annoncé un licenciement économique, l' employeur a voulu le pousser à la démission puis lui a fait signer une convention de rupture conventionnelle qui est nulle pour vice du consentement et que la rupture de la relation contractuelle constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société répond que le restaurant ne servant des repas que le midi, M. [S] ne travaillait pas à temps complet mais effectuait des missions ponctuelles à l'occasion de services du soir ; qu'aucune violence ne peut affecter la validité de la rupture conventionnelle.

a- le travail à temps complet et les heures supplémentaires

Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, L. 3173-3 et L. 3171-4 lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [S] produit :

- la photocopie de calendriers des années 2016, 2017 et 2018 mentionnant, jour par jour et semaine par semaine, des horaires de début et de fin de travail et le nombre d' heures de travail réalisées ;

- un récapitulatif des heures supplémentaires sur les trois années, semaine par semaine ;

- sa lettre datée du 2 avril 2017 à l' employeur auquel il reproche l'absence de rémunération de 15 heures supplémentaires mensuelles en moyenne ;

- la réponse de l' employeur opposant un horaire de travail de 9h le matin à 15 heures sauf pour les jours où il faisait des achats pour le restaurant ;

- sa lettre datée du 9 avril 2017 à l' employeur aux termes de laquelle il effectue les achats et assure le service, l'entretien et le nettoyage de la cuisine,

- l'attestation de Mme [F], salariée de l'entreprise depuis le mois de septembre 2017, selon laquelle, la plupart du temps, M. [S] effectuait les courses pour la brasserie ;

- l'attestation de Mme [U] selon laquelle elle était persuadée que M. [S] effectuait un temps complet comme elle puisqu'il était présent aux mêmes horaires qu'elle, faisait des courses une fois par semaine chez un grossiste et préparait parfois les buffets pour des soirées ;

-un document intitulé ' journée type à la brasserie Belcier' : 7h : arrivée chez le grossiste le mardi, et achats au marché des Capucins les autres jours; 8 h :chargement de sa voiture et arrivée sur son lieu de travail à 9 h; 9h: déchargement du véhicule ; 10 h: cuisine, 11h30 : 10 mn pour déjeuner; 11h 45 : mise en place de son poste et début de cuisson , dressage, 12 h, service, et 15h30 : entretien de la cuisine.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l' employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

L'employeur verse deux attestations de clients se disant réguliers de la brasserie, aux termes desquelles M. [S] débutait son travail vers 9 h- 9h30 et le terminait à 14h30- 15 heures; M. [S] serait resté sur place pour prendre un café à l'issue de son service.

La société ne produit aucun relevé d'heures pour établir les horaires effectivement réalisés et ne conteste pas la réalisation par le salarié d'achats pour la brasserie avant 9 heures.

Dans ces conditions, la cour requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et dit que M. [S] a accompli des heures supplémentaires. Sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, la cour a la conviction que la créance de M. [S] à la procédure collective doit être fixée pour un montant de :

-14 462,19 euros majorée des congés payés afférents (1 446,21 euros) au titre du rappel de salaire au titre d'un contrat de travail à temps plein,

-2 936,51 euros majorée des congés payés afférents (293,65 euros) au titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

b- le travail dissimulé

M. [S] fait valoir que l' employeur a refusé de régulariser sa situation en dépit de ses demandes répétées.

Aux termes de l' article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paye ou de mentionner un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli;

Aux termes de l' article L. 8223- 1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l' article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [S] a interpellé son employeur par lettres circonstanciées des 2 et 9 avril 2017 au sujet des heures supplémentaires réalisées et non rémunérées. Le 6 avril, l' employeur a lui -même évoqué un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. En dépit des réclamations de son salarié, l' employeur n'a jamais mis en oeuvre de mesure de comptage des heures de travail réalisées. L'élément intentionnel du délit de travail dissimulé est établi et la créance de M. [S] sera fixée au passif de la société à hauteur de 16 414,50 euros à ce titre.

c- la rupture du contrat de travail

M. [S] fait valoir que l' employeur n'a pas payé les heures de travail effectuées, qu'il l'a maintenu dans un état de dépendance en évoquant un licenciement économique avant de se raviser et de le pousser à bout en le dénigrant, en le privant de travail et en abusant de son état de santé. M. [S] aurait dû être soigné pour dépression.

La société oppose qu'une seule appréhension ne caractérise pas une violence, que M. [S] a pu cumuler une activité d'auto - entrepreneur sans émettre de contestation au processus de rupture conventionnelle, a signé l'imprime Cerfa sans se rétracter et a réceptionné les éléments du solde de tout compte sans les contester.

Aux termes de l' article L.1237-1 du code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle peut être annulée lorsque le consentement d'une partie est vicié, l'autre partie ayant abusé de l'état de dépendance dans lequel se trouve son co-contractant, obtient un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telles contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

En l'état des pièces versées, il n'est pas établi que la société a abusé de la qualité d'auto- entrepreneur de M. [S]. Les lettres de ce dernier à son employeur et les deux avis d'arrêt de travail pour dépression ne suffisent pas à établir une situation de violence qui aurait vicié le consentement de M. [S].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes afférentes à une rupture conventionnelle nulle.

d- l'exécution déloyale et le manquement à l' obligation de sécurité

M. [S] reproche à l' employeur d'avoir abusé de sa situation d'auto - entrepreneur, de l'avoir embauché à temps partiel en dépit d'un travail à temps complet, en refusant de payer les heures supplémentaires, en lui imposant un rythme de travail harassant et en tentant de se débarrasser de lui pour tout moyen.

La société le conteste et ajoute que M. [S] n'apporte aucun élément au soutien de son préjudice.

La cour n'a pas retenu l'abus de la situation d'auto-entrepreneur de M. [S] et il n'est pas établi que le nombre d'heures de travail effectuées caractérisait un temps de travail harassant. Il n'est pas non plus avéré que les arrêts de travail de M. [S] résultaient de ses conditions de travail. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande afférente au manquement de l'employeur à son obligation de veiller à la sécurité et à la santé de son salarié.

La société a cependant refusé de payer un salaire à temps complet et les heures supplémentaires réalisées de manière constante. Elle a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi et violé l' obligation posée par l' article L.1222-1 du code du travail.

M. [S] a subi un préjudice tant financier que moral pendant plus de trois ans et sa créance à ce titre sera fixée à hauteur de 1 500 euros.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 tout en précisant que l'ouverture de la procédure collective a suspendu le cours des intérêts.

L'arrêt sera opposable l'AGS CGEA de Bordeaux qui apportera sa garantie dans les limites légales et réglementaires et au commissaire à l'exécution du plan.

Vu l'équité, la créance de M. [S] au passif de la société sera fixée à hauteur de 2 300 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Ecarte les pièces 28 à 31 de la société Brasserie de Belcier ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes :

- de dire nulle la rupture conventionnelle et que la rupture du contrat de travail constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- afférentes aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité de préavis;

- afférentes à un manquement de l' employeur à son obligation de sécurité,

statuant à nouveau des autres chefs,

Fixe la créance de M. [S] à la procédure collective de la société Brasserie de Belcier aux sommes suivantes :

-14 462,19 euros majorée des congés payés afférents (1 446,21 euros) au titre du rappel de salaire au titre d'un contrat de travail à temps plein,

-2 936,51 euros majorée des congés payés afférents (293,65 euros) au titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;

-16 414,50 euros au titre du travail dissimulé ;

-1 500 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

- 2 300 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ,étant précisé que l'ouverture de la procédure collective a suspendu le cours des intérêts.

Dit l'arrêt opposable au commissaire à l'exécution du plan et à l 'AGS CGEA de Bordeaux dans les limites légales et réglementaires de sa garantie;

Dit que les dépens seront utilisés en frais privilégiés de la procédure collective.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03269
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;21.03269 ?
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