COUR D'APPEL DE BORDEAUX
3ème CHAMBRE FAMILLE
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ARRÊT DU : 04 JUIN 2024
N° RG 21/05745 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MLZC
[U] [N] épouse [T]
c/
[M] [N]
Nature de la décision : AU FOND
28A
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 juillet 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LIBOURNE (RG n° 18/00519) suivant déclaration d'appel du 19 octobre 2021
APPELANTE :
[U] [N] épouse [T]
née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 8]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 9] (ESPAGNE)
Représentée par Me Pierre FONROUGE, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Jean-Philippe MAGRET de la SELAS MAGRET, avocat au barreau de LIBOURNE
INTIMÉE :
[M] [N]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 8]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Baptiste MAIXANT, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 avril 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
Présidente : Hélène MORNET
Conseillère : Danièle PUYDEBAT
Conseillère : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Mme [O] [B] veuve [N] est décédée le [Date décès 7] 2017 et a laissé pour lui succéder ses deux filles issues de son union avec M. [L] [N], prédécédé, Mme [U] [T] née [N] et Mme [M] [N].
Maître [P] [J], notaire à [Localité 11] (33), s'est vu confier la mission de régler la succession.
Le 2 juin 2017, lors du rendez-vous d'ouverture des opérations de liquidation-partage de la succession en présence des héritières et de leurs avocats respectifs a été produit un testament olographe en date du 29 novembre 2008, enregistré par Me [J] le 1er décembre 2008, par lequel Mme [M] [N] s'est vue accorder le bénéfice de la quotité disponible de sa mère.
Mme [U] [N] a alors contesté non seulement la validité de ce testament mais a indiqué que sa s'ur ayant bénéficié de donations en nature devait les rapporter à la succession.
Elle a déposé plainte le 13 décembre 2017, estimant que le testament olographe comportait des anomalies à caractère pénal car la signature serait différente de celle de Mme [O] [B]. Cette plainte a été classée sans suite.
Maître [J], avec l'accord des héritières, a procédé aux opérations d'inventaire. Ainsi, le 12 juillet 2017, Maître [D], huissier, a établi un inventaire du mobilier au domicile de la défunte. Le 12 juillet 2017, Maître [J] a établi un inventaire des objets et autres bijoux déposés au coffre de la [16] de [Localité 12].
Outre les biens meubles et meublants, il existe deux immeubles à [Localité 13] : un appartement à usage de bureau d'une valeur d'environ 950.000 euros inoccupé depuis fin août 2020, situé [Adresse 5] et un appartement à usage de bureau d'une valeur d'environ 580.000 euros inoccupé depuis début 2019 et situé [Adresse 6].
Aucune entente amiable n'ayant pu être trouvée, Mme [U] [N] a, par acte d'huissier en date du 14 mai 2018, assigné Mme [M] [N] devant le tribunal de grande instance de Libourne aux fins de liquidation-partage de la succession.
Par ordonnance du 2 décembre 2020, le Juge de la mise en état a dit n'y avoir lieu à une mesure d'expertise comptable concernant les sommes et avantages dont a pu bénéficier Mme [M] [N] de la part de sa mère, une expertise amiable ayant déjà été réalisée par un expert-comptable, le cabinet [14], sis à [Localité 12], et soumise à discussion.
Par jugement en date du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Libourne a :
- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation partage de la succession de Mme [O] [B], veuve de M. [L] [A] [F] [N], née le [Date naissance 4] 1930 à [Localité 15] et décédée à [Localité 12] le [Date décès 7] 2017,
- désigné le président de la chambre départementale des notaires de la Gironde, afin de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision successorale de Mme [O] [B] veuve [N], avec possibilité de délégation,
- commis la présidente du tribunal judiciaire pour surveiller lesdites opérations,
- confirmé la validité du testament olographe en date du 29 novembre 2008 rédigé par Mme [O] [B] veuve [N],
- rejeté en conséquence la demande d'annulation du testament du 29 novembre 2008,
- rejeté la demande d'annulation des modifications apportées aux contrats d'assurances-vie SEQUOAI n° 21616524948 et 216/6124146 souscrits par Mme [O] [B] veuve [N] auprès de la [17],
- ordonné à Mme [M] [N] de rapporter à la succession de Mme [O] [B] la somme de 97.850 euros pouvant être qualifiée de dons manuels provenant de sa mère,
- ordonné à Mme [U] [N] de rapporter à la succession de Mme [O] [B] la somme de 2.200 euros pouvant être qualifiée de dons manuels provenant de sa mère,
- déclaré que Mme [M] [N] n'a commis aucun recel successoral et débouté en conséquence Mme [U] [N] de sa demande que Mme [M] [N] ne pourra prétendre à aucune part sur les sommes reçues au-delà de la somme de 97.850 euros,
- débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Procédure d'appel :
Par déclaration d'appel en date du 19 octobre 2021, Mme [U] [T] née [N] a formé appel du jugement de première instance en toutes ses dispositions.
Par ordonnance en date du 17 janvier 2023, le président de la chambre de la famille de la cour d'appel de Bordeaux a notamment enjoint aux parties de rencontrer un médiateur et désigné pour y procéder l'association [19]
Il n'a pas été donné suite à l'injonction.
Selon dernières conclusions en date du 11 septembre 2023, Mme [U] [T] née [N] demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien-fondé l'appel de Mme [U] [T] née [N],
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a en substance :
* ordonné l'ouverture des opérations de liquidation partage de la succession de Mme [O] [B],
* désigné le président de la chambre départementale des notaires de la Gironde, afin de procéder à ces opérations, avec possibilité de délégation, à l'exclusion de Maître [J],
- réformer pour le surplus et statuant à nouveau :
* dire et juger que le document du 29 novembre 2008 est dénué de toute force probante en ce qu'il n'est qu'une copie contestée d'un testament et qu'il ne saurait dès lors recevoir application en ce qu'il attribuait la quotité disponible des biens de Mme [O] [N] à sa fille [M],
* dire et juger nul et de nul effet le document du 29 novembre 2008 analysé comme la copie d'un testament en raison de l'insanité d'esprit de Mme [O] [B] et/ou pour vice de son consentement pour violences et à tout le moins pour dol,
* dire et juger nul et de nul effet le retrait en date du 24 avril 2013 du testament olographe du 7 décembre 2009 en raison de l'insanité d'esprit de Mme [O] [B] et/ou pour vice de son consentement pour dol,
* dire et juger nulles et de nul effet les modifications des contrats d'assurance SEQUOIA n° 216/6524948 et 216/6124146, souscrits par Mme [O] [B] auprès de la [17], en raison de l'insanité d'esprit de Mme [O] [B] et/ou pour vice de son consentement pour violences,
* ordonner qu'il soit procédé au partage en nature des immeubles dépendants de ladite succession,
* ordonner qu'en cas de difficultés, il soit procédé à la licitation des deux biens immobiliers dépendant de la succession, sur un cahier des charges établi par Maître Jean-Philippe Magret, avocat associé de la S.E.L.A.S. J. PH Magret,
* constater que Mme [M] [N] a estimé le montant des dons reçus de Mme [O] [H] [G] [B], veuve de [L] [A] [F] [N] à la somme de 97.850 euros,
* condamner Mme [M] [N] à rapporter à la succession la somme de 97.850 euros qu'elle estime avoir reçue de sa mère avec intérêt au taux légal à la date de chacun des versements constatés,
* constater que le montant des dons effectués par Mme [O] [B], Veuve de [L] [A] [F] [N] au profit de Mme [M] [N] est beaucoup plus important que ceux reconnus par Mme [M] [N] et portent sur des sommes très nettement supérieures à celle de 97.850 euros,
* dire et juger qu'à défaut de rapport de la totalité des dons reçus, ainsi que de leurs fruits et revenus, Mme [M] [N] commet le délit civil de recel successoral,
* condamner Mme [M] [N] à rapporter à la succession les dons reçus de sa mère avec intérêt au taux légal à date de chacun des versements constatés outre leurs fruits et revenus,
* dire que, conformément à l'article 778 du code civil, Mme [M] [N] ne pourra prétendre à aucune part sur les sommes reçues au-delà de la somme de 97.850 euros,
* condamner Mme [M] [N] à verser à Mme [U] [T] née [N] tous les actifs qui ont fait l'objet d'un recel, ainsi que tous leurs fruits et revenus,
* la condamner à verser à Mme [U] [T] née [N] une indemnité de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* voir ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage sauf ceux de mauvaise contestation qui seront mis à la charge personnelle des contestants.
Selon dernières conclusions en date du 17 juin 2022, Mme [M] [N] demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne le 8 juillet 2021 ;
En conséquence,
- débouter Mme [U] [T] née [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- la condamner au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 9 avril 2024 et mise en délibéré au 4 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la nullité du testament pour défaut d'authenticité de l'écriture et de la signature
Aux termes de l'article 970 du code civil, le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Il n'est assujetti à aucune autre forme.
Le juge a en cette matière un pouvoir d'appréciation souverain pour déterminer la date ou la période à laquelle le testament a été rédigé mais également pour en interpréter son contenu.
Si l'intimée conclut à la confirmation pure et simple du jugement ayant affirmé la validité du testament olographe en date du 29 novembre 2008, attribué à sa mère, Mme [O] [B], l'appelante en soulève la nullité au motif du défaut d'authenticité de l'écriture et de la signature qui y sont apposées.
Ses doutes sur la validité du document naissent d'une part de la non concordance d'écriture entre celle y figurant et celle apparaissant sur les chèques signés à la même époque par sa mère, mais également sur les circonstances troublantes de la découverte de ce testament, Me [J], notaire, aprés lui avoir indiqué le 17 mai 2017 qu'il n'y avait pas de testament, lui ayant dit, par mail du 6 juin 2017, avoir retrouvé dans son coffre le testament dont avait fait état Mme [M] [N], soit celui 29 novembre 2008. Elle précise que ce même notaire lui avait indiqué que deux testaments postérieurs, établis le 8 juin 2009 et le 7 décembre 2009, auraient été retirés par la de cujus, le 6 octobre 2009 et 24 avril 2013, alors que ce premier testament de novembre 2008 ne l'aurait jamais été.
Elle ajoute en outre que ce document ne consiste qu'en une copie du prétendu testament qu'elle conteste, compte tenu des circonstances troublantes de sa découverte, et que par suite cette copie ne saurait être validée faute de valeur probante.
La cour relève d'une part que la plainte pénale pour faux, portant sur le document dont s'agit, déposée par Mme [U] [N], a été classée sans suite.
D'autre part, qu'un juge d'instruction a alors été saisi par la plaignante sur constitution de partie civile, et que l'expert graphologue désigné a indiqué : "Sous réserve de ce que révélerait l'original du testament litigieux, le testament, objet de notre étude, annexé à la minute du dépôt du 12 juillet 2017 par Maître [J]... étant en effet une copie de documents et seuls les tampons de l'office notarial et la signature du notaire sont en original, le testament litigieux en date du 29 novembre 2008 est avec certitude entièrement rédigé et signé de la main de Mme [O] [N]."
Enfin, dans l'ordonnance de non lieu rendue le 6 janvier 2023, non frappée d'appel, le magistrat instructeur indique : "Attendu en l'espèce que s'il y a lieu de s'étonner que Maître [J] ait signé puis déposé au coffre de son étude un document qui n'était qu'une copie, cet élément ne permet pas d'affirmer péremptoirement que ce document serait un faux."
Par suite, en l'absence de tout élément plus ample, c'est vainement que l'appelante entend voir juger nul et de nul effet le testament controversé au motif de son défaut d'authenticité, celui-ci ayant été écarté dans le cadre des investigations pénales.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
- Sur la nullité du testament en raison de l'insanité d'esprit de la testatrice ou d'un défaut du consentement
Aux termes de l'article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. Mais c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
L'article 414-2 du code civil précise que de son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé. Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, uniquement si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental, s'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice, si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future. L'action en nullité se prescrit au bout de cinq ans à partir du décès du disposant.
La preuve de l'insanité d'esprit du disposant peut se faire par tous moyens et peut émaner d'élément intrinsèques à l'acte, comme une incohérence des dispositions, ou d'éléments extrinsèques, comme un certificat médical produit par un médecin du disposant.
Il est constant que c'est à celui qui se prévaut de l'insanité d'esprit du disposant qui doit la démontrer ; à moins qu'il s'agisse de l'état habituel du disposant au moment de l'acte. Dans ce cas, c'est à celui qui défend la validité de l'acte de prouver l'intervalle de lucidité du disposant au moment de la rédaction de l'acte.
L'appelante considère comme nul le testament dont s'agit au motif de l'altération des facultés mentales dont aurait souffert Mme [O] [B] au moment de sa rédaction, faisant valoir qu'elle prenait un traitement thérapeutique pour ses problèmes psychiques consécutifs à un AVC et au décès tragique de son époux, [L] [N], le 19 juillet 2006.
Elle produit en ce sens un certificat médical de 2008 qui établit un état dépressif, des écritures soutenues dans une procédure judiciaire la concernant en 2008 qui indiquent qu'elle "est tombée dans une abime de douleur dont elle ne s'est jamais relevée" ainsi qu'un compte-rendu d'hospitalisation de 2014 qui fait état de pensées suicidaires chez cette patiente.
Elle considère donc que l'état mental de sa mère a été ponctué de nombreuses périodes d'insanité.
Mais c'est par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que Mme [U] [N] ne rapportait pas la preuve de l'insanité d'esprit de sa mère au moment de la rédaction du testament en litige, en affirmant que s'il n'est pas contesté que Mme [O] [B] a subi, à la suite du décès brutal de son mari en 2006, un choc psychologique sévère, pour autant il n'est pas démontré que le syndrome anxio dépressif réactionnel qui en est résulté ait provoqué une altération de ses facultés mentales au point de ne pas comprendre ce qu'elle rédigeait et signait plus d'un an après.
Il ressort notamment du rapport du Docteur [I] qui a connu la de cujus lors d'un séjour au sein de la clinique psychiatrique [10] du 28 février 2013 au 2 avril 2013, que Mme [B], si elle a manifesté alors "une anxiété majeure en rapport avec la situation familiale", ne présentait pas d'antécédent psychiatrique et qu'elle était par contre "très présente, avec aucun problème de sénescence". Le médecin a par contre cru devoir indiquer que le séjour avait permis un grand apaisement de la symptomatologie anxieuse mais que la patiente restait désemparée par le conflit entre ses filles.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a écarté toute nullité du testament pour insanité d'esprit.
- Sur le moyen tiré du vice du consentement concernant le testament
Aux termes de l'article 901 du code civil, il faut être sain d'esprit pour faire une libéralité. Celle-ci est nulle si le consentement du disposant a été vicié par l'erreur, la violence ou le dol.
L'appelante excipe la nullité du testament tirée d'un vice du consentement en exposant que Mme [O] [B] l'a rédigé sous la contrainte de sa fille Mme [M] [N], cette dernière ayant profité de sa situation de faiblesse psychologique consécutive au décès de son époux. Elle en veut pour preuve que c'est dans ce temps que l'intimée a profité des largesses de leur mère en percevant des sommes au montant impressionnants mais également en faisant financer par sa mère des biens immobiliers. Elle ajoute que celle-ci a même du être hospitalisée pour apaiser son anxiété et être à distance de sa fille [M].
C'est par de justes et pertinents motifs que les débats devant la cour n'ont pas remis en cause et qu'il y a lieu d'adopter, que le premier juge a écarté ce moyen en affirmant que s'il n'est pas contesté que Mme [M] [N] et sa mère étaient dépendantes l'une de l'autre compte tenu des circonstances, la première ayant souhaité se rapprocher de sa fille sur qui elle savait pouvoir compter, ainsi qu'en attestent de nombreux témoins, son autre fille étant plus éloignée car résidant en Espagne, pour autant il n'était pas démontré par Mme [U] [N] que cette proximité était à l'origine d'une emprise de la part de sa soeur sur leur mère.
Par suite, échouant à démontrer matériellement l'existence de quelconques manoeuvres de la part de l'intimée sur Mme [O] [B] de nature à lui faire commettre une quelconque erreur lors de l'établissement du testament remis en cause, se montrant incapable d'établir l'existence d'une violence ou d'une action dolosive qui aurait vicié le consentement de la de cujus lors de la rédaction du document qui fait débat, l'appelante sera donc déboutée de sa demande en nullité et par suite le jugement confirmé de ce chef.
- Sur le rapport des donations faites à Mme [M] [N] à la succession et sur le recel successoral
L'article 843 du code civil dispose que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement.
Il est constant que les dons manuels sont rapportables à la succession. Caractérise un don manuel le retrait de sommes sur le compte du défunt par un héritier pour un montant largement supérieur à ses besoins ou les virements réalisés vers le compte d'un héritier sans contrepartie.
Il est constant que les donations déguisées sont rapportables à la succession.
Il est constant que les donations indirectes sont rapportables à la succession.
L'article 851 du code civil dispose que le rapport est dû de ce qui a été employé pour l'établissement d'un des cohéritiers, pour le paiement de ses dettes ou en cas de donations de fruits et revenus sauf stipulation contraire du donateur.
Conformément aux dispositions de l'article 852 du code civil, les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipement, ceux de noces et les présents d'usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant.
Le caractère du présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.
Aux termes de leurs dernières conclusions, les parties ne remettent pas en cause la décision en ce qu'elle a chiffré à la somme de 97.850 euros, le montant des sommes que Mme [M] [N] doit rapporter à la succession au titre des dons reçus de sa mère, hors cadeaux d'usage, montant retenu sur la base du rapport du cabinet d'expertise comptable [14] sollicité amiablement par l'intimée pour dresser la liste des sommes reçues et les chiffrer à partir de relevés bancaires.
L'appelante s'oppose cependant à l'homologation du rapport du cabinet [14] qui selon elle est incomplet faute pour Mme [M] [N] d'avoir porté à sa connaissance d'autres gratifications dont elle a été bénéficiaire.
Elle entend par ailleurs que l'intimée soit déclarée coupable de recel successoral au sens de l'article 778 du code civil non seulement pour la somme de 97.850 euros retenue par le jugement, mais également à celui d'autres sommes, avantages et dons que sa soeur aurait reçu de sa mère et qui auraient été dissimulés au moment de la succession.
Aux termes de l'article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
Le recel successoral nécessite l'existence d'un élément matériel résultant de la soustraction ou de la dissimulation d'un élément d'actif, d'une libéralité ou d'un héritier à la succession par le bénéficiaire, ainsi qu'un élément intentionnel tel que l'intention frauduleuse de fausser les opérations de partage ou de porter atteinte à son égalité, selon les circonstances soumises à l'appréciation souveraine des juges du fond.
La cour relève d'une part que l'appelante ne chiffre pas le montant des autres dons qui auraient été perçus par sa soeur et qui seraient non seulement rapportables mais susceptibles d'être sanctionnés par le recel. Elle demande seulement que la cour "constate" que le montant des dons effectués par Mme [O] [B], Veuve de [L] [A] [F] [N] au profit de Mme [M] [N] est "beaucoup plus important" que ceux reconnus par Mme [M] [N] et portent sur "des sommes très nettement supérieures" à celle de 97.850 euros et par suite qu'il soit dit et jugé qu'à défaut de rapport de la totalité des dons reçus, ainsi que de leurs fruits et revenus, Mme [M] [N] commet le délit civil de recel successoral.
L'imprécision de la demande ne peut permettre de considérer celle-ci comme une prétention. Elle ne saisit pas la cour.
En tout état de cause, c'est par des motifs pertinents, que l'appelante ne réussit pas à contredire, que le premier juge a indiqué que le cabinet [18] a pris soin de distinguer les cadeaux d'usage pour les anniversaires et les fêtes, échappant au rapport, des autres dons reçus donc rapportables pour parvenir à la somme de 97 850 euros, que si [U] [N] soutient que sa soeur aurait en réalité perçu bien plus que ce qui est listé, sa demande de contre expertise a été rejetée par le juge de la mise en état, dont la décision n'a pas fait l'objet d'appel, et que si elle verse aux débats un tableau qui retrace selon elle les sommes perçues par sa soeur, il s'agit en fait d'un tableau retraçant les principales opérations du compte de Mme [O] [B] sans qu'il ne soit établi que [M] [N] en ait profité. Il en est de même de plusieurs chèques dont rien n'établit qu'ils ont été faits au profit de l'intimée ou même du débat sur les conditions de financement d'un immeuble que l'intimée s'est fait construire sur le même terrain que celui où leur mère a fait également édifier une maison et pour lequel aucun élément probant ne permet d'affirmer que cet édifice, personnel à l'intimée, a été réalisée grâce à des fonds de la de cujus.
Le jugement est donc confirmé.
- Sur la nullité de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie
Mme [O] [B] avait souscrit auprès de la [17] deux contrats d'assurance-vie SEQUOIA, l'un au bénéfice de sa fille [U] à hauteur de deux tiers et du fils de celle-ci à hauteur d'un tiers (contrat n° 216/6524948 4), l'autre au bénéfice de sa fille [M] à hauteur de deux tiers et du fils de celle-ci à hauteur d'un tiers (contrat n° 216/6124146 9).
En avril 2013, elle a procédé à une modification du bénéficiaire du contrat n°216/6524948 4 en désignant sa fille [M] comme bénéficiaire de ce contrat à hauteur des deux tiers et son fils à hauteur d'un tiers.
Quant an contrat n° 216/6124146 9 sa fille [M] en était désormais bénéficiaire en totalité et à défaut son fils.
Mme [U] [T] née [N] entend voir dire nulles les modifications des contrats d'assurance-vie souscrits par Mme [O] [B] auprès de la [17] tant en raison de son insanité d'esprit due à son état dépressif que des violences qu'elle auraient subies et qui on eu pour conséquence de vicier son consentement.
Mme [M] [N] conteste la nullité alléguée des modifications des contrats d'assurance-vie souscrits par leur mère en faisant valoir qu'un rapport d'hospitalisation indique qu'elle était en pleine possession de ses facultés mentales, qu'elle a souhaité mettre ses enfants sur un pied d'égalité puisque Mme [U] [T] née [N] a également été désignée en qualité de bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie et qu'un syndrome dépressif ne saurait être de nature à altérer les capacités cognitives.
Mais dés lors qu'il a été affirmé qu'en 2013 Mme [B] n'était atteinte d'aucune altération de ses facultés mentales et que preuve des violences alléguées n'a pas été rapportée, c'est par des justes motifs que la cour adopte, que le jugement a rejeté cette demande en nullité formée par l'appelante.
Il est donc confirmé.
- Sur les dépens et frais irrépétibles
Si c'est avec pertinence que le premier juge avait ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, en revanche l'appelante échouant dans son recours sera condamnée pour ceux exposés en cause d'appel.
Elle sera en outre condamnée à verser à l'intimée la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Libourne ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [N] aux entiers dépens d'appel ;
La condamne au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,