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03/06/2024 | FRANCE | N°24/00124

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 03 juin 2024, 24/00124


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00124 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZK2





ORDONNANCE









Le TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 11 H 30



Nous, Bénédicte LAMARQUE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée Veronique SAIGE, greffier lors de l'audience et de François CHARTAUD, greffier lors du délibéré,



En l'absence du Minist

ère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur [T] [O], représentant du Préfet de La Vienne,



En présence de Monsieur [B] [P], né le 31 Décembre 1998 à [Locali...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00124 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZK2

ORDONNANCE

Le TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE à 11 H 30

Nous, Bénédicte LAMARQUE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée Veronique SAIGE, greffier lors de l'audience et de François CHARTAUD, greffier lors du délibéré,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [T] [O], représentant du Préfet de La Vienne,

En présence de Monsieur [B] [P], né le 31 Décembre 1998 à [Localité 1] (MAURITANIE), de nationalité Mauritanienne, et de son conseil Maître Céline VALAY,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [B] [P], né le 31 Décembre 1998 à [Localité 1] (MAURITANIE), de nationalité Mauritanienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 28 mai 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 30 mai 2024 à 16h40 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [B] [P], pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [B] [P], né le 31 Décembre 1998 à [Localité 1] (MAURITANIE), de nationalité Mauritanienne, le 31 mai 2024 à 11h54,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Céline VALAY, conseil de Monsieur [B] [P], ainsi que les observations Monsieur [T] [O], représentant de la préfecture de La Vienne et les explications de Monsieur [B] [P] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 03 juin 2024 à 11h30,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] [P], né le 31 décembre 1998 à [Localité 1] (MAURITANIE), de nationalité mauritanienne, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de deux ans ans, par décision de préfet de la Vienne en date du 28 mai 2024, notifiée le même jour à 16h39.

En exécution de celle-ci, il s'est vu ordonner par le préfet de la Vienne en date du 28 mai 2024, notifié le même jour à 17h05, une mesure de rétention administrative pendant le temps strictement nécessaire au départ de l'intéressé.

Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux le 29 mai 2024 à 17h08, à laquelle il convient de se rapporter pour l'exposé des moyens, le Préfet de la Vienne a sollicité du juge des libertés et de la détention, au visa des articles L.742-1 à L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de 28 jours.

Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 mai 2024 à 09h40, à laquelle il convient de se rapporter pour l'exposé des moyens, l'intéressé a demandé au juge de constater l'irrégularité de l'arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance en date du 30 mai 2024 notifiée à 16 heures 40, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux a déclaré recevable la requête et autorisé la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Par requête enregistrée au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 31 mai 2024 à 11h54, et plaidé à l'audience, le conseil de M. [B] [P] a sollicité sous le bénéficie de l'aide juridictionnelle :

- l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention,

- sa remise en liberté,

- la condemnation de M. Le Préfet à lui verser la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

A l'appui de sa requête, le conseil relève le défaut d'examen réel et séireux de a situation de l'intéressé qui dispose d'un passport en cours de validité qui se trouve dans une situation de vulnérabilité, hospitalisé au SECOP de l'hôpital [3] à [Localité 2] depuis le 29 mai 2024, qu'il dispose d'une adresse propre et de ressources stables et est scolarisé en dernière année de Master. Il soulève la disproportion du placement en retention au regard de la menace pour l'ordre public que M. [B] [P] représente.

A l'audience, M. [O], représentant de la Préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et rappelle que l'hospitaliation de l'intéressé n'empêche pas la superposition de la prolongation de la rétention

La convocation n'a pu être remise à M. [B] [P] , la PAF du CRA ayant indiqué qu'il se trouvait en unité fermée au service d'évacuation de crise et d'orientation psychiatrique (SECOP) sans possibilité de lui remettre la convocation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de l'appel

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable.

2/ Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative

Il résulte de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que peut-être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres c'est-à-dire notamment lorsqu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut être regardé comme établi sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou lorsqu'il ne présente pas de garantie de représentation suffisante, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

Aux termes de l'article L. 741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 'la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification'.

La décision du préfet de la Vienne du 28 mai plaçant l'intéressé en centre de rétention est motivé sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire sans délai mais également sur la menace à l'ordre public que représente M [B] [P] au regard des précédents faits pour lesquels il a été interpellé (agression sexuelle, port d'arme et menace de crime et délit de port d'arme prohibée de catégorie D).

La décision fait enfin référence à l'état de vulnérabilité de l'intéressé : 'lors de l'audition réalisée le 28/05/2024, M. [P] déclare ne pas avoir de problèmes de santé ; l'intéressé a fait l'objet d'une évaluation psychiatrique le même jour qi n'a pas révélé d'incompatibilité avec un placement en garde à vue ; ainsi l'étude approfondie de sa situation ne permet pas de mettre en évidence un état de vulnérabilité particulier que ce soit à titre personnel et relativement à son état de santé ; il ne ressort donc d'aucun élément particulier du dossier que l'intéressé présenterait un état de vulnérabilité qui s'opposerait à un placement en rétention.'

L'arrêté est ainsi suffisamment motivé sans que la préfecture soit dans l'obligation de se fonder sur l'ensemble des éléments concernant l'intéressé.

L'article L741-4 al1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose pas à l'administration de faire procéder à un examen systématique de l'état de vulnérabilité de l'intéressé et n'exclut pas, par elle-même un placement en rétention ou même une prolongation de celle-ci. Il appartient à l'administration, lorsque les éléments dont elle dispose constituent des indices d'un état de vulnérabilité, accomplir toutes diligences pour s'assurer que l'état de l'intéressé est compatible avec la rétention administrative et d'en justifier dans sa décision de placement en rétention.

Au regard des déclarations de l'intéressé au moment de sa garde à vue et de l'examen psychiatrique ayant déclaré celle-ci compatible avec son état de santé, l'administration a effectué les diligences nécessaires.

Le trouble à l'ordre public est, par ailleurs, parfaitement motivé par renvoi aux procédures judiciaires où l'intéressé a proféré des menaces de mort dans un lieu de transport collectif avec arme, et de sa tentative de suicide de novembre 2023 en se tranchant la gorge et poignet avec un cutter 'à l'appel à Dieu'.

La facilité de passage à l'acte violent évoqué par le premier juge et sur laquelle s'est basée l'administration préfectorale suffit à caractériser le trouble à l'ordre public.

L'ordonnance déférée sera confirmée.

3/ Sur la demande de prolongation de la rétention administrative

Aux termes de l'article L741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

Aux termes de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, "Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

Aux termes de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention est saisi dans les quarante-huit heures suivant la notification du placement en rétention aux fins de prolongation de la rétention au-delà de cette durée.

Il ressort des termes de l'article L742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le délai de cette première prolongation est de 28 jours.

Pour accueillir une demande de première prolongation en application des articles précités, le juge, après avoir vérifié le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser son départ. Il est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.

M. [B] [P] fait l'objet d'une hospitalisation dans une unité fermée de l'hôpital [3] à [Localité 2] depuis le 29 mai 2024.

En appel, son conseil produit le certificat du Dr [U], en date du 30 mai 2024, qui atteste avoir examiné M. [B] [P] et conclut que : 'son état psychiatrique actuel n'est pas compatible avec un retour au centre de rétention administratif et nécessite une poursuite des soins en milieu hospitalier psychiatrique pour le moment'.

Au vu de cet élément nouveau et en l'absence de précision de la durée de l'hospitalisation en unité fermée de l'intéressé , il y lieu de rejeter la demande de renouvellement de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés.

L'ordonnance déférée sera infirmée de ce chef.

4/ Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code du procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention le 30 mai 2024 en ce qu'il a rejeté la contestation de l'arrêté de placement en rétention et dit la procédure régulière,

Infirmons l'ordonnance déférée en ce qu'elle a prolongé la rétention de M. [B] [P],

Statuant à nouveau du chef de l'ordonnance infirmée,

Rejetons la demande de prolongation de la rétention de M. [B] [P] pour une durée de 28 jours à l'issue des 48 heures,

Constatons que M. [B] [P] bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire,

Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00124
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;24.00124 ?
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