La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2024 | FRANCE | N°24/00121

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 30 mai 2024, 24/00121


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00121 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZFT





ORDONNANCE









Le TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE à 11 H 00



Nous, Bénédicte LAMARQUE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur

[Y] [K], représentant du Préfet de [Localité 5],



En présence de Monsieur [P] [W], né le 30 Août 1999 à [Localité 3] (MAROC), de nationalité Marocaine, et de son conseil Maître ...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00121 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NZFT

ORDONNANCE

Le TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE à 11 H 00

Nous, Bénédicte LAMARQUE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [Y] [K], représentant du Préfet de [Localité 5],

En présence de Monsieur [P] [W], né le 30 Août 1999 à [Localité 3] (MAROC), de nationalité Marocaine, et de son conseil Maître Barbara DUFRAISSE,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [P] [W], né le 30 Août 1999 à [Localité 3] (MAROC), de nationalité Marocaine et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 18 avril 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 27 mai 2024 à 16h04 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [P] [W], pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [P] [W],

né le 30 Août 1999 à [Localité 3] (MAROC, de nationalité Marocaine, le 28 mai 2024 à 16h00,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Barbara DUFRAISSE, conseil de Monsieur [P] [W], ainsi que les observations de Monsieur [Y] [K], représentant de la préfecture de [Localité 5] et les explications de Monsieur [P] [W] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 30 mai 2024 à 11h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

M. [P] [W], né le 30 août 1999 à [Localité 3] (MAROC), de nationalité marocaine, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de trois ans, par décision de préfet de [Localité 5] en date du 18 avril 2024, notifiée le 19 avril 2024 à 11h00.

En exécution de celle-ci, à sa sortie de détention au centre pénitentiaire de [Localité 6] [Localité 7], il s'est vu ordonner par le préfet de [Localité 5] en date du 25 mai 2024, notifié le même jour à 8h40, une mesure de rétention administrative pendant le temps strictement nécessaire au départ de l'intéressé.

Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux le 26 mai 2024 à 8h48, à laquelle il convient de se rapporter pour l'exposé des moyens, le Préfet de [Localité 5] a sollicité du juge des libertés et de la détention, au visa des articles L.742-1 à L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de 28 jours.

Par ordonnance en date du 27 mai 2024 notifiée à 16h04, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux a déclaré recevable la requête et autorisé la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Par requête enregistrée au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 28 mai 2024 à 16h00, et plaidé à l'audience, le conseil de M. [P] [W] a sollicité sous le bénéficie de l'aide juridictionnelle :

- la reformation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention,

- l'illégalité de l'arrêté de placement en rétention, et son annulation,

- sa remise en liberté,

- la condamnation de M. Le Préfet à lui verser la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

A l'appui de sa requête, le conseil relève l'absence de perspectives d'éloignement ainsi que la disproportion de la mesure de rétention alors que M. [P] [W] est sur le sol français depuis 2006 quand il était mineur et qu'il a fait l'objet d'une adoption par acte de [U] par ses grands parents, depuis l'âge de 7 ans.

Le ministère public a, par réquisitions écrites du 29 mai 2024, sollicité la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce que l'intéressé entend se maintenir sur le sol français et que par les nombreuses condamnations pour des faits de violences et tout récemment d'apologie du terrorisme, il représente une menace pour l'ordre public.

A l'audience, M. [K], représentant de la Préfecture, sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et reprend les motifs de la requête en prolongation.

M. [P] [W] a indiqué être d'accord pour quitter le territoire franais tant conscient qu'il causait du tort à sa famille. Il cherche une famille pour l'accueillir sur le territoire espagnol pour ensuite retrouver le Maroc, où il devra également être hébergé ne disposant plus de famille là-bas. Il indique avoir été partagé entre ses obligations d'exécuter les décisions de justice qui l'ont condamnées à effectuer des TIG notamment, l'obligation de se présenter au SPIP et celle d'avoir à quitter le territoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de l'appel

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable

2/ Sur la demande de prolongation de la rétention administrative

Aux termes de l'article L741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

Aux termes de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, "Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

Aux termes de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention est saisi dans les quarante-huit heures suivant la notification du placement en rétention aux fins de prolongation de la rétention au-delà de cette durée.

Il ressort des termes de l'article L742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le délai de cette première prolongation est de 28 jours.

Pour accueillir une demande de première prolongation en application des articles précités, le juge, après avoir vérifié le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser son départ. Il est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.

- sur les perspectives d'éloignement

M. [P] [W] s'est soustrait à deux précédentes obligations de quitter le territoire français du 23 avril 2020 prise par le préfet des [Localité 4] et du 25 juillet 2022 pris par le préfet [Localité 2] qu'il n'a pas exécutées.

Il vient d'être condamné par le tribunal correctionnel de Poitiers en date du 2 mai 2024 pour des actes de terrorisme avec interdiction de revenir sur le sol français pendant une période de 10 ans à titre de peine principale.

Le représentant de la préfecture a formulé une demande de laissez-passer consulaire le 5 janvier 2023 auprès du consulat du Maroc, lequel a répondu que la demande était en cours d'instruction. Les renseignements complémentaires ont été transmis le 14 avril 2023, les certificats médicaux le 18 septembre 2023 ainsi que les justificatifs que l'intéressé avait épuisé les voies de recours le 12 octobre 2023.

Les autorités marocaines ont été relancées les 11, 26 avril et 23 mai 2024.

Il convient de rappeler que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités  consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse. Le retard pris dans la réponse des autorités étrangères ne peuvent être imputées aux autorités françaises et ne peuvent en l'état exclure toute perspective de reconduite à a frontière dans le délai de 28 jours.

Les diligences prescrites par l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont donc bien été effectuées.

- sur la disproportion de la prolongation de la mesure de rétention

Il résulte des dispositions de l'article L. 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le juge chargé du contrôle de la rétention peut toujours ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation, après remise aux autorités de police d'un passeport en cours de validité.

M. [P] [W] ne dispose d'aucun document d'identité ou de titre de voyage en cours de validité.

M. [T], son grand-père qui l'a adopté par acte de [U] du 25 août 2006, atteste être en capacité de l'héberger à son domicile, [Adresse 1].

Il produit les attestations de la directrice de l'école publique élémentaire 'Théophile de Viau' en date du 7 janvier 2021, de la directrice du foyer qui l'a accueilli entre 2011 et 2015 et des personnes attestant de ses capacités à trouver un travail, de leur attachement et de ce que la France est un lieu de repère pour lui : Mme [B] [V] avec laquelle il serait en couple, ne produisant toutefois aucun justificatif de vie commune, Mme [W] épouse [G], M. [L], Mme [H] épouse [T], sa grand-mère adoptive.

Toutefois, ces attestations sont sans emport sur la situation administrative de M. [W] et son refus d'exécuter la mesure d'interdiction du territoire français.

Par ailleurs, l'adresse proposée par M. [T] ne constitue pas une résidence stable alors que par ailleurs, il a été incarceré du 6 novembre 2020 au 25 mai 2024 notamment pour plusieurs faits de violences aggravées, outrage et menaces de mort à personne dépositaire de l'autorité publique, dégradation volontaires et vient d'être condamné à une peine de 10 ans d'interdiction du territoire, à titre de peine principale, pour outrage et apologie du terrorisme par jugement du tribunal correctionnel de Poitiers du 2 mai 2024. I1 constitue donc une menace pour 1'ordre public.

I1 est sans ressources légales et ne présente pas de projet professionnel qui lui permettrait de partir par ses propres moyens au Maroc.

M. [P] [W] ne peut pas bénéficier du régime de l'assignation à résidence sans que la mesure de rétention soit disproportionnée au trouble à l'ordre public et à l'absence de garanties de représentation, le risque de fuite qui se déduit de son opposition à un retour dans son pays d'origine, est avéré, ayant indiqué qu'il s'opposait à son retour au Maroc.

La prolongation de la rétention administrative de M. [P] [W], dépourvu de garanties de représentation est donc le seul moyen de permettre à l'autorité administrative de mettre en 'uvre la mesure d'éloignement et de garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

En conséquence, les conditions des articles L.741-1 et L.741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant réunies, c'est à bon droit que le juge de première instance a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [P] [W] pour une durée de 28 jours et l'ordonnance déférée sera confirmée.

3/ Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

M. [P] [W] n'ayant pas prospéré dans son appel, il ne sera pas fait droit à la demande.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention le 27 mai 2024,

Constatons que M. [P] [W] bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire,

Déboutons Maître DUFRAISSE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00121
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;24.00121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award