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30/05/2024 | FRANCE | N°21/07025

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 30 mai 2024, 21/07025


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



1ère CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 30 MAI 2024









N° RG 21/07025 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPLZ









S.A. BANQUE CIC SUD OUEST



c/



[K] [B] épouse [W]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

























Nature de l

a décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 19/08656) suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2021





APPELA...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 30 MAI 2024

N° RG 21/07025 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPLZ

S.A. BANQUE CIC SUD OUEST

c/

[K] [B] épouse [W]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 19/08656) suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2021

APPELANTE :

S.A. BANQUE CIC SUD OUEST agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2]

Représentée par Me Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY-CUTURI-WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ E :

[K] [B] épouse [W]

née le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 6] ([Localité 6])

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Céline GARNIER-GUILLAUMEAU de la SELARL CABINET GARNIER-GUILLAUMEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Bérengère VALLEE, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Paule POIREL

Conseiller : M. Emmanuel BREARD

Conseiller : Mme Bérengère VALLEE

Greffier lors des débats: Mme Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte du 11 octobre 2012, la Banque CIC sud-ouest a consenti à la société l'Univers de Mercitrouille, un prêt professionnel n° 100571918500091404802, d'un montant de 131 500 euros, assorti des garanties suivantes :

- nantissement d'un compte à terme n° [XXXXXXXXXX01] à hauteur de 110 000 euros,

- nantissement d'un fonds de commerce constitué par la SARL l'Univers de Mercitrouille à hauteur de 131 500 euros en principal, des intérêts garantis par la loi et des frais et accessoires évalués à 26 300 euros.

Par acte du 31 janvier 2013, Mme [K] [W] s'est portée caution solidaire de tous les engagements de la société l'Univers de Mercitrouille à hauteur de la somme de 30 000,00 euros, dans la limite de 60 mois.

Le 5 juillet 2015, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société l'Univers de Mercitrouille.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 septembre 2015, la Banque CIC sud-ouest a déclaré sa créance et par courrier du même jour, a mis en demeure la caution de régler les sommes restant dues.

Par ordonnance du 18 novembre, 2015, le juge commissaire du tribunal de commerce de Bordeaux a autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce de la société l'Univers de Mercitrouille pour la somme de 36 000 euros.

Par courrier du 8 janvier 2016, la Banque CIC sud-ouest a demandé le solde créditeur du compte à terme nanti et a reçu la somme de 40 516,14 euros.

Par jugement du 9 avril 2018, après contestation de la créance par le mandataire liquidateur en charge de la liquidation de la société l'Univers de Mercitrouille, le tribunal de commerce de Bordeaux a reconnu la créance de la Banque pour la somme de 88 523,38 euros assortie des intérêts au taux de 2,70% du 9 septembre 2015 jusqu'à parfait paiement et le 8 janvier 2019, il lui a versé la somme de 12 284,53 euros et délivré un certificat d'irrécouvrabilité pour le reste de sa créance.

Après vaine mise en demeure adressée le 6 août 2019 à Mme [W] de régler la somme de 30 000 euros en sa qualité de caution, la Banque CICI sud-ouest l'a assignée en paiement par acte du 23 septembre 2019.

Par jugement contradictoire du 9 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- condamné Mme [W] à payer à la Banque CIC sud-ouest la somme de 30 000 euros arrêtée au 6 août 2019, assortie des intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- condamné la Banque CIC sud-ouest à restituer à Mme [W] la somme de 20 258,20 euros,

- ordonné la compensation entre la somme due par Mme [W] et celle à restituer par la Banque CIC sud-ouest,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- laissé à la charge de chacune des parties ses propres frais et dépens.

La Banque CIC sud-ouest a relevé appel de ce jugement par déclaration du 23 décembre 2021, en ce qu'il a :

- condamné la Banque CIC sud-ouest à restituer à Mme [W] la somme de 20 258,20 euros,

- ordonné la compensation entre la somme due par Mme [W] et celle à restituer par la Banque CIC sud-ouest,

- laissé à la charge de chacune des parties ses propres frais et dépens.

Par dernières conclusions déposées le 7 septembre 2022, la Banque CIC sud-ouest demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux du 9 novembre 2021, en ce qu'il a condamné Mme [W] à payer à la Banque CIC sud-ouest la somme de 30 000 euros arrêtée au 6 août 2019, assortie des intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement, et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux du 9 novembre 2021, en ce qu'il a :

- condamné la Banque CIC sud-ouest à restituer à Mme [W] la somme de 20 258,20 euros,

- ordonné la compensation entre la somme due par Mme [W] et celle à restituer par la Banque CIC sud-ouest,

Et, statuant à nouveau :

- débouter Mme [W] de l'intégralité de ses demandes, comprenant également ses demandes formulées à titre d'appel incident,

- débouté Mme [W] de toute demande de restitution,

Y ajoutant :

- condamner Mme [W] à payer à la Banque CIC sud-ouest la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

- condamner Mme [W] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées le 8 juin 2022, Mme [W], demande à la cour de:

A titre principal

- infirmer la décision de première instance en date du 9 novembre 2021 en ce qu'elle a reconnu l'opposabilité du cautionnement à Mme [W],

- la confirmer en ce qu'elle entre en voie de condamnation à l'encontre de la Banque CIC sud-ouest en raison des sommes perçues au titre du prétendu nantissement

Ce faisant

- ordonner le rejet des demandes de la Banque CIC sud-ouest en raison de l'inopposabilité de l'engagement de caution invoqué à l'encontre de Mme [W] souscrit à durée déterminée,

- déclarer mal fondée la Banque CIC sud-ouest,

- la débouter de ses demandes, fins et conclusions.

Dans un même temps :

- ordonner à la Banque CIC sud-ouest le déblocage du compte bancaire au nom de Mme et M. [W] notamment numéro [XXXXXXXXXX04] et la restitution de toutes les sommes appréhendées en ce compris la somme de 40 516,14 euros avec intérêts à taux légal à compter de l'appréhension de ladite somme, indûment prélevée par la CIC en raison d'un prétendue nantissement de compte, sans contrepartie,

- à défaut, ordonner à la Banque CIC sud-ouest le déblocage du compte bancaire notamment nom de Mme [W] à hauteur de 50 % de son solde et notamment la restitution de la somme de 20 258,20 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'appréhension de ladite somme par la Banque CIC sud-ouest,

À titre subsidiaire

Si par impossible l'inopposabilité, ou sa disproportion de l'engagement de caution n'était point retenue,

Si par impossible il était fait droit de façon partielle ou totale aux demandes de la Banque CIC sud-ouest au titre du cautionnement, ordonner la compensation de cette somme indûment perçue avec toute condamnation à venir

A défaut

- rejeter les demandes mal fondées de la Banque CIC sud-ouest, l'engagement de caution étant inopposable en raison de sa disproportion,

A titre subsidiaire, si l'inopposabilité du cautionnement n'était pas retenue,

- condamner la Banque CIC sud-ouest au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts au bénéfice de Mme [W] et ordonner la compensation judiciaire des sommes réciproquement dues.

À defaut et à titre très subsidiaire

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts en application des dispositions de l'article 313-22 du code monétaire et financier et de l'article L 341-6 du code de la consommation

- prononcer la déchéance des intérêts et de toute pénalité en application de que l'article L 341-1 du code de la consommation.

En tout état de cause,

- condamner la Banque CIC sud-ouest au paiement à Mme [W] d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner aux entiers dépens de l'instance.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 4 avril 2024.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'engagement de caution solidaire

- Sur l'opposabilité de l'engagement de caution à l'égard de Mme [W]

L'appelante fait valoir l'inopposabilité du renoncement au bénéfice de discussion à son égard au motif que ce renoncement doit faire l'objet d'une mention à part entière et distincte de la mention relative à l'engagement en qualité de caution. Elle soutient ainsi que les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation imposent l'apposition, par la caution, dans l'acte de cautionnement, de deux mentions manuscrites distinctes, devant chacune précéder la signature de la caution ; que dès lors que l'acte du 31 janvier 2013 ne comporte qu'une seule signature de la caution suivant les deux mentions manuscrites apposées sans discontinuité, le renoncement au bénéfice de discussion lui est inopposable; que la banque ne peut donc se prévaloir d'une créance à son encontre avant d'avoir justifié de poursuite à l'encontre de l'emprunteur principal ou d'un certificat d'irrécouvrabilité, lequel a été délivré le 8 janvier 2019, date à laquelle l'engagement de caution avait cessé puisqu'à durée déterminée de cinq ans.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce, 'Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même."

Selon l'article L. 341-3 du même code, 'Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...".

En l'espèce, Mme [W] ne conteste pas avoir, dans l'acte de cautionnement du 31 janvier 2013, apposé intégralement et exactement les mentions manuscrites respectivement requises par les articles précitées, ces mentions figurant à la suite l'une de l'autre, en deux phrases distinctes.

Les articles L. 341-2 et L. 341-3 imposent l'un et l'autre à la caution de 'faire précéder sa signature de la mention manuscrite'.

Or, il est indiscutable que cette prescription est satisfaite s'agissant de la mention requise par l'article L. 341-3 relative à la renonciation de la caution au bénéfice de discussion, aucune disposition légale ne s'opposant en outre à ce que la caution approuve, par l'apposition d'une unique signature, les deux mentions manuscrites dès lors que celles-ci se font immédiatement suite.

Au regard de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal, écartant le moyen tiré de l'inopposabilité de l'engagement de cautionnement et du renoncement au bénéfice de discussion, a considéré que la banque était fondée à se prévaloir de l'acte de caution sans avoir à justifier de poursuite à l'encontre de l'emprunteur principal ou de la délivrance d'un certificat d'irrécouvrabilité, pour solliciter le paiement de la somme de 30.000 euros.

- Sur la disproportion de l'engagement de caution

L'article L. 341-4 du code de la consommation devenu l'article L.332-1 énonce qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription, de le prouver.

La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de celui-ci, des biens et revenus de la caution ainsi que de son endettement global, comprenant l'ensemble des charges, dettes et éventuels engagements de cautionnements contractés par la caution au jour de l'engagement.

Dès lors que, ainsi circonscrit, le patrimoine de la caution couvre le montant de ses engagements, ceux-ci sont jugés non disproportionnés. Il y a en effet disproportion manifeste dès lors que l'exécution de l'engagement de la caution, quelle que soit son importance, ne lui laisse pas le minimum vital nécessaire pour subvenir à ses besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge.

Si le créancier a fait établir par la caution une fiche patrimoniale et si elle y a apposé sa signature, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

Il est en effet de principe que lorsque la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune incohérence, de sorte que le créancier est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans effectuer des investigations complémentaires, la caution n'est pas fondée à soutenir a posteriori que les informations fournies sont inexactes ou incomplètes afin d'établir que le cautionnement appelé était en réalité manifestement disproportionné. Le souscripteur est en effet tenu d'un devoir de loyauté envers la banque sur les informations qu'il communique et il ne peut par conséquent valablement se prévaloir des erreurs dont il est lui même à l'origine.

En l'absence de fiche mentionnant les déclarations de la caution sur ces éléments, celle-ci est autorisée à prouver librement la disproportion.

En l'espèce, lors de son engagement de caution, Mme [W] a rempli une fiche de renseignements individuelle, signée le 31 janvier 2013, dont il ressort :

- qu'elle est mariée sous le régime de la séparation de biens,

- qu'elle est commerçante pour le compte de la société Mercitrouille,

- qu'elle dispose d'un patrimoine immobilier (résidence principale) d'une valeur estimative de 400.000 euros, acquis en décembre 2010 pour un montant de 190.000 euros,

- qu'elle dispose d'un patrimoine financier (compte à terme auprès de la banque CIC) d'une valeur de 131.000 euros.

Cette fiche ne mentionne toutefois pas que le compte à terme faisait l'objet d'un nantissement, ce que ne pouvait ignorer la banque CIC sud-ouest. En outre, comme le souligne justement Mme [W], la banque aurait pu s'étonner du doublement de la valeur du bien immobilier en deux ans.

Ceci étant, malgré ces incohérences, il reste qu'au vu de la seule valeur d'acquisition de la résidence principale en 2010 (190.000 euros), l'engagement de caution à hauteur de 30.000 euros de Mme [W] était largement proportionné au patrimoine de cette dernière.

Le tribunal doit donc être approuvé en ce qu'il a jugé que la banque était en droit de se prévaloir de l'engagement de caution de Mme [W].

- Sur le devoir de mise en garde de la banque

Mme [W] soutient qu'elle a la qualité de caution profane et reproche à la banque de ne pas l'avoir suffisamment mise en garde sur les risques d'endettement encourus à raison de ses capacités financières. Elle sollicite en conséquence la condamnation de la banque à lui payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En vertu de l'article 1147 ancien du code civil, le banquier dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou lorsqu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. La charge de la preuve d'un manquement du banquier à cet égard incombe à la caution qui l'invoque.

Le caractère averti de la caution s'évalue au regard des aptitudes de celle-ci à comprendre la portée de son engagement, à apprécier le risque inhérent à l'engagement et de son expérience dans les affaires. Il doit être démontré qu'elle avait une connaissance étendue du domaine de la finance et de la direction d'entreprise.

En l'espèce, sans qu'il y ait lieu d'examiner le caractère averti ou non de la caution, il a été vu ci-avant qu'en considération de ses capacités financières et patrimoniales, l'engagement de caution de Mme [W] à hauteur de 30.000 euros n'était pas, à la date du 31 janvier 2013 , manifestement disproportionné. Faute de justifier de l'inadaptation de l'engagement de caution à ses capacités financières ou du risque d'endettement, il ne peut être reproché à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde.

La demande de Mme [W] à titre de dommages et intérêts sera par conséquent rejetée.

- Sur le manquement de la banque à son devoir d'information de la caution

* Sur l'obligation d'information de la caution relative au premier incident de paiement

Aux termes de l'article L. 341-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce,'Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.'

En l'espèce, Mme [W] soutient que la banque encourt la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d'information de la défaillance de l'emprunteur principal dès le premier incident de paiement qu'elle situe au jour de la mise en redressement judiciaire de la société l'Univers de Mercitrouille.

Elle ne justifie toutefois ni de la date ni de l'existence même de ce redressement judiciaire que la banque conteste.

La banque CIC sud-ouest expose en effet que la société emprunteuse n'a jamais été placée en redressement judiciaire et que l'intégralité des sommes dues est devenue immédiatement exigible dès l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société par jugement du 15 juillet 2015, ce dont elle a informé Mme [W] par lettre recommandée du 8 septembre 2015.

Ladite lettre n'est toutefois pas versée au débat, la banque se limitant produire un accusé de réception, au demeurant assez peu lisible.

Cependant et en tout état de cause, ainsi que le rappelle justement l'appelante principale, dès lors qu'il ressort du décompte de créance produit qu'au 5 août 2019, la créance de la banque CIC sud-ouest s'élevait à la somme de 40.764,67 euros, comprenant celle de 36.016,42 euros en capital et celle de 532,85 euros au titre des intérêts, la déchéance du droit aux intérêts, quand bien même elle serait prononcée, n'aurait aucun effet sur le montant de la créance de Mme [W], son engagement de caution étant de 30.000 euros.

Sa demande en ce sens sera par conséquent rejetée.

* Sur l'obligation d'information annuelle de la caution

Selon l'article L. 333-2 du code de la consommation dans sa version applicable à la présente espèce,

'Le créancier professionnel fait connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement.

Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.'

L'article L. 333-6 du même code dans la version alors applicable prévoit que : 'Lorsqu'un créancier ne respecte pas les obligations prévues à l'article L. 333-2, la caution n'est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.'

L'établissement bancaire n'est pas tenu de prouver que les lettres d'information ont été reçues. Il doit en revanche établir qu'il a envoyé les lettres contenant les informations fixées par ce texte.

En l'espèce, il est exact que si la banque CIC sud ouest produit la copie de deux lettres d'information annuelle qu'elle dit avoir adressées à Mme [W] avant le 31 mars de chaque année, elle ne rapporte pas la preuve de leur envoi.

Toutefois, ainsi qu'il a été vu ci-avant, la déchéance du droit aux intérêts, quand bien même elle serait prononcée, n'aurait aucun effet sur le montant de la créance de Mme [W].

Une telle demande ne peut donc qu'être rejetée.

Sur la demande en restitution de la somme de 40.516,41 euros au titre du nantissement du compte bancaire

Dans le jugement contesté, le tribunal a estimé que le nantissement du compte joint des époux [W] nécessitait, pour être opposable à Mme [W], que celle-ci soit partie à l'acte ou, à tout le moins, l'existence d'un acte de nantissement de sa part sur ledit compte ou mandat exprès délivré par celle-ci à son époux pour procéder à un acte de disposition sur des biens indivis. Le tribunal a jugé que la banque ne rapportait pas la preuve de ces éléments et que la qualité d'épouse et d'associé de Mme [W] ne pouvait suffire à établir son acceptation ou un mandat tacite s'agissant d'un acte de disposition. Le premier juge a donc ordonné la restitution de la moitié de la somme nantie figurant sur le compte joint.

La banque, appelante, produit devant la cour l'acte de nantissement,dont il résulte que M. [G] [W] et Mme [W], constituants, remettent en nantissement à la banque CIC sud-ouest le compte n° [XXXXXXXXXX01] à hauteur de 110 000 euros en garantie du prêt professionnel n° 19185/00091404802, d'un montant de 131 500 euros.

Si Mme [W] ne conteste pas avoir paraphé et signé ledit acte, elle invoque toutefois l'inopposabilité de ce document à son égard au motif :

- d'une part, qu'il n'est pas daté et qu'il ne mentionne pas la date de signature du prêt,

- d'autre part, qu'il n'a pas été notifié au débiteur de la créance nantie et n'a pas été publié dans un registre dédié,

- enfin, qu'elle n'a pas signé l'acte en tant que constituante mais en tant qu'épouse mariée sous le régime de la communauté, alors même que les époux [W] étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, ce qui prouverait qu'elle n'est nullement engagée à titre personnel.

Sur le fondement de la répétition de l'indu, elle réclame qu'il lui soit restitué la somme de 40.516,14 euros.

Sur ce,

Depuis la réforme du droit des sûretés issue de l'ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006, les modalités de constitution du nantissement de créance de trois manières ont été allégées puisque le nantissement peut désormais être constitué par un acte sous seing privé non enregistré et que l'exigence d'une signification à peine de nullité a été remplacée par une simple notification facultative.

Aux termes de l'article 2356 du code civil, 'A peine de nullité, le nantissement de créance doit être conclu par écrit. Les créances garanties et les créances nanties sont désignées dans l'acte.Si elles sont futures, l'acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur échéance.'

Selon l'article 2362 du même code, pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement de créance doit lui être notifié ou ce dernier doit intervenir à l'acte.

En l'espèce, il est acquis que le nantissement litigieux a été conclu par écrit et que Mme [W] ne conteste pas l'avoir signé. En outre, tant la créance garantie que la créance nantie sont désignées dans l'acte de nantissement puisque les références du prêt professionnel garanti et le montant de celui-ci sont expréssement précisées, de même que les références du compte bancaire nanti et le montant de celui-ci.

Il ne peut en outre être valablement invoqué, ni le défaut d'enregistrement de l'acte, cette exigence ayant disparu depuis la réforme précitée, ni le défaut de notification de l'acte au débiteur de la créance nantie, Mme [W] étant partie à l'acte de nantissement.

Enfin, Mme [W] n'est pas fondée à prétendre qu'elle ne serait pas engagée à titre personnel alors qu'elle est expressément mentionnée comme 'constituant' dans l'acte de nantissement, la mention manuscrite faisant état de l'article 1422 du code civil, prévoyant que les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté, étant sans portée dès lors que les époux [W] étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, aucun indû n'étant caractérisé, Mme [W] sera déboutée de sa demande en restitution et le jugement critiqué sera infirmé en ce sens.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Mme [W] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, Mme [W] sera condamnée à payer la somme de 1.500 euros à la banque CIC sud-ouest.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SA Banque CIC sud-ouest à restituer à Mme [K] [W] la somme de 20.258,20 euros, ordonné la compensation entre la somme due par Mme [W] et celle à restituer par la SA Banque CIC sud-ouest, laissé à la charge de chacune des parties ses propres frais et dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déboute Mme [K] [W] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Mme [K] [W] à payer à la SA Banque CIC sud-ouest la somme de 1.500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [K] [W] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Mme Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/07025
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.07025 ?
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