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29/05/2024 | FRANCE | N°21/04068

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mai 2024, 21/04068


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 29 MAI 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/04068 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MG3Y













S.A.S.U. VIVISOL FRANCE



c/



Monsieur [L] [K]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée

le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 juin 2021 (R.G. n°F 18/01792) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 13 juillet 2021,





APPELANTE :

SASU Vivisol France, agissant en la personne de son représentant ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MAI 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/04068 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MG3Y

S.A.S.U. VIVISOL FRANCE

c/

Monsieur [L] [K]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 juin 2021 (R.G. n°F 18/01792) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 13 juillet 2021,

APPELANTE :

SASU Vivisol France, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 398 750 117

représentée par Me Mireille PENSA-BEZZINA de la SCP COURTIGNON - BEZZINA - LE GOFF, avocat au barreau de NICE, et Me Bertrand LUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [L] [K]

né le 11 février 1967 à [Localité 3] de nationalité Française,f demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jérôme DELAS de la SELARL ATELIER AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 avril 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère, chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] [K], né en 1967, a été engagé en qualité de chauffeur livreur technicien par contrat de travail à durée déterminée à raison de 38 heures hebdomadaires à compter du 1er août 2011 par la SASU Vivisol France, prestataire de soins à domicile pour les patients ayant besoin notamment d'appareils d'assistance respiratoire.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 31 janvier 2012.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du négoce et des prestations de services dans les domaines médico-techniques.

A compter du 1er juillet 2015, M. [K] a été promu technicien référent.

En dernier lieu, sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 2.306,13 euros.

Le 20 mai 2017, une délégation de pouvoir en matière de sécurité a été signée entre les parties.

Par lettre datée du 19 janvier 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 janvier suivant.

M. [K] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 8 février 2018, l'employeur lui reprochant de ne pas s'être conformé aux directives de la société, de ne pas s'être assuré du bon déroulement des opérations de décontamination du matériel et d'avoir ainsi exposé la société à de graves conséquences.

A la date du licenciement, il avait une ancienneté de six ans et six mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 27 novembre 2018, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires pour heures supplémentaires et des dommages et intérêts au titre du non-respect des règles relatives au temps de travail.

Par jugement rendu le 17 juin 2021, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que le licenciement de M. [K] est abusif et condamné la société Vivisol France à lui payer les sommes suivantes :

* 16.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail,

* 4.612,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 461,23 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 3.854,59 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 5.208,56 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,

* 520,86 euros à titre de congés payés sur rappel d'heures supplémentaires,

* 800 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [K] de sa demande relative au temps de travail,

- débouté M. [K] du surplus de ses demandes,

- ordonné la délivrance des bulletins de salaire et de l'attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi), du certificat de travail, rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour dans un délai de 15 jours, après la signification du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire de droit,

- débouté la société Vivisol France de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens d'instance et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 13 juillet 2021, la société Vivisol France a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 octobre 2021, la société Vivisol France demande à la cour de :

- réformer en son intégralité la décision,

- juger que le licenciement de M. [K] repose sur une faute grave et parfaitement justifiée,

- le débouter de ses demandes,

- le condamner à payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 février 2023, M. [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Vivisol France, au paiement des sommes suivantes :

* 16.000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,

* 3.854,59 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 4.612,26 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 461,23 euros bruts de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

- confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit au rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents,

- condamner la société Vivisol France au paiement d'une somme de 5.208,56 euros bruts de rappel sur heures supplémentaires outre 520,86 euros bruts de congés payés afférents,

- le réformer pour le surplus,

- condamner la société Vivisol France au paiement d'une somme de 3.000 euros pour méconnaissance de la réglementation relative au temps de travail,

Y ajoutant,

- la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de l'instance.

La médiation proposée aux parties le 13 décembre 2023 par le conseiller de la mise en état n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

M. [K] sollicite la confirmation du jugement déféré ayant condamné la société appelante à lui verser la somme de 5.208,56 euros bruts à titre de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents.

Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, L. 3173-3 et L. 3171-4 lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'intimé soutient qu'il cumulait des tâches réalisées par les techniciens et les tâches d'un référent technique, qu'il avait en charge 300 patients répartis sur les départements de la Gironde et de la Dordogne de sorte que son temps de travail a excédé les 38 heures hebdomadaires contractuelles.

Au soutien de ses prétentions, M. [K] verse aux débats les pièces suivantes :

- son contrat de travail et ses avenants établis sur un horaire hebdomadaire de 38 heures ;

- certains bulletins de salaire ;

- un courriel du 17 août 2017 que M. [K] adresse à Mme [Z], dans lequel il fait état de sa charge de travail : 'aujourd'hui j'ai 286 patients à gérer (comme un technicien normal à 14 patients près et certainement voulu par la direction) et je ne suis plus en mesure d'effectuer mon travail de référent technique. Je suis obligé de prendre sur mon temps de vie privée' ;

- un courriel qu'il a adressé le 20 mai 2015 à différents membres de la société, dans lequel il est indiqué qu'il a la charge de 308 patients, 81 sur le département de la Dordogne et 227 sur le département de la Gironde ;

- l'attestation de M. [E], technicien en assistance respiratoire travaillant au sein de la société Vivisol, qui écrit que M. [K] était 'investi, compétent et impliqué dans son travail n'hésitant pas à faire des heures supplémentaires de façon régulière' ;

- un tableau informatique récapitulant le temps de travail effectué chaque jour par M. [K] et comptabilisant le nombre d'heures supplémentaires réalisées chaque semaine entre la semaine 32 de l'année 2016 et la semaine 35 de l'année 2017 ;

- la copie de son agenda avec des mentions manuscrites listant les différents patients et lieux de livraison ainsi que les horaires correspondants, pour les années 2015, 2016 et 2017.

M. [K] produit ainsi des documents suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

La société rétorque que la production d'un agenda établi de manière unilatérale, manuscrite et sans contrôle est insuffisante au soutien de la demande en paiement d'heures supplémentaires et qu'au surplus, ces heures n'ont pas été effectuées à la demande de l'employeur.

Elle ajoute qu'elle a procédé à une vérification de la présence et du travail effectué par M. [K] sur la période litigieuse et conteste notamment les heures supplémentaires sollicitées pendant des jours fériés ou sur des périodes où le salarié était en congés.

La société Vivisol soutient, qu'après contrôle de l'activité de M. [K], certains jours sur lesquels le salarié réclame des heures supplémentaires sont des jours pour lesquels aucune activité n'a été enregistrée ou que l'heure de fin déclarée comporte un écart avec l'heure de fin d'activité mentionnée dans le système informatique.

A l'appui de ses allégations, la société produit :

- un tableau comparatif, établi pour certaines dates (41 jours sur les années 2016 et 2017) : pour chaque date retenue, le tableau comporte quatre colonnes :

* le calcul réalisé par M. [K] dans sa pièce 19,

* les indications manuscrites contenues dans les agendas produits par l'intimé,

* la mention du nombre d'heures d'activités, enregistré dans le système informatique,

* l'heure de saisie des heures d'activités dans le système informatique ;

- un tableau comparatif établi pour 23 jours sur l'ensemble de la période 2016/2017 ; ce tableau compare, pour les jours ciblés, l'heure de la dernière activité déclarée dans le système informatique et l'heure de fin indiquée dans le tableau de calcul du temps de travail de M. [K] et mentionne la différence entre les deux données.

La cour relève que si l'appelante utilise des données enregistrées dans le système informatique pour compléter les tableaux qu'elle produit pour certaines journées isolées, elle ne verse pas pour autant les données extraites de son système informatique, aucun relevé n'étant produit.

D'ailleurs, la société écrit le 7 septembre 2018, par le biais de son conseil, à l'inspection du travail qu'elle a 'tenté de mettre en place un logiciel' mais que, 'pour des raisons techniques ce logiciel n'a pas pu être mis en place'.

Il convient également de souligner que suite à un contrôle de l'inspection du travail effectué le 19 septembre 2017 au sein de l'agence de [Localité 4] de la société Vivisol, il a été demandé à celle-ci de produire notamment les plannings mensuels depuis septembre 2016 ainsi que les décomptes de la durée du travail sur la même période, pour huit salariés, dont M. [K].

L'inspection du travail a, le 8 novembre 2018, prononcé une amende administrative pour absence de tenue de décompte de la durée du travail alors même que les salariés de l'agence n'étaient pas soumis à un horaire de travail collectif unique.

Elle précise : 'le fait que l'entreprise ait tenté de mettre en place un logiciel de décompte du temps de travail ne l'empêchait pas dans l'intervalle d'instaurer un formulaire de décompte manuel' et mentionne que 'depuis un an, l'inspection du travail rappelle à l'entreprise l'obligation d'établir des documents de décompte du temps de travail pour les salariés non occupés selon un horaire collectif, sans qu'aucune action concrète n'ait été réalisée à ce jour'.

Enfin, tout comme l'employeur, la cour constate certaines anomalies concernant le décompte d'heures supplémentaires effectué par M. [K] sur des jours non travaillés et mentionnés comme tels par le salarié lui-même sur son agenda.

Au vu de ces éléments, des pièces produites par les parties et de la carence de l'employeur à justifier des horaires effectués, la cour à la conviction que M. [K] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées mais pas à la hauteur du nombre qu'il réclame.

La société appelante sera en conséquence condamnée à verser à M. [K] la somme de 1.557,41 euros au titre des heures supplémentaires accomplies du mois d'août 2016 au mois de décembre 2016 et à la somme de 3.151,09 euros au titre des heures supplémentaires accomplies au cours de l'année 2017, soit la somme totale de 4.708,50 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires et celle de 470,85 euros au titre des congés payés correspondants.

Sur le quantum alloué, le jugement entrepris sera donc infirmé.

Sur la demande relative au non-respect de la réglementation relative au temps de travail

M. [K] sollicite la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation relative au temps de travail.

Il fait exposer qu'il a réalisé un nombre d'heures particulièrement significatif ayant engendré des amplitudes horaires importantes.

Il fait valoir également que, durant plusieurs semaines, les durées maximales hebdomadaires de travail mais aussi les règles relatives au temps de pause et de repos quotidien n'ont pas été respectées.

La société intimée se limite à solliciter que M. [K] soit débouté de ses demandes.

Les agendas de M. [K] font état de son heure d'embauche et de débauche, à compter du lundi 31 juillet 2017, ce qui permet à la cour d'examiner le respect sur cette période, de la durée du repos quotidien et de l'amplitude horaire.

Par ailleurs, le tableau de calcul du temps de travail que M. [K] a établi décompte le nombre d'heures de travail effectuées par jour et par semaine.

Sur cette base, la cour relève qu'à plusieurs reprises M. [K] a travaillé plus de 46 heures par semaine (les semaines 40, 41, 47, 48 de l'année 2016 ainsi que les semaines 20, 27, 28, 29,30, 31 de l'année 2017) et plus de 12 heures par jour, tel le lundi 3 juillet 2017.

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation de sorte que, infirmant le jugement dont appel, la société Vivisol sera condamnée à verser à M. [K] la somme de 1.000 euros au titre des dommages et intérêts pour non respect de la réglementation relative au temps de travail.

Sur le licenciement

Par lettre datée du 8 février 2018, M. [K] a été licencié pour faute grave. Il lui est reproché de ne pas avoir assuré le bon déroulement des activités de décontamination et de ne pas avoir supervisé les activités de désinfection du matériel.

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige est ainsi rédigée :

« Le 24 juillet 2017, la directrice pharmaceutique a émis une alerte pharmaceutique suite à son passage à l'agence de [Localité 4] ayant constaté une situation catastrophique s'agissant de la gestion du stock de la maintenance et du SAV des dispositifs médicaux indiquant : 'nous avons dépassé le seuil critique pouvant mettre en danger la sécurité de nos patients et menacer notre autorisation d'activité pour cette agence'.

Dans le cadre de votre fonction de technicien référent et par référence à votre délégation de pouvoir en matière de sécurité, vous avez été sollicité afin d'organiser et de superviser l'opération de nettoyage.

Après avoir refusé à plusieurs reprises de vous conformer aux directives de la société et notamment d'organiser cette opération au motif que 'ce n'est pas à moi de rendre des comptes', aidé par le pharmacien responsable du site et d'une ressource supplémentaire, le nettoyage a finalement pu avoir lieu et la situation menaçant l'activité de l'agence a pu être résorbée.

Le 18 décembre 2017 la même situation se reproduit à nouveau. En effet, le directeur de zone nous a informé de l'état de saleté des cuves oxygène de cette agence ainsi que de problèmes de décontamination sur ce même site.

Alerté par cette situation, nous avons fait diligence afin d'avoir confirmation de cette situation au regard des risques encourus s'agissant de la sécurité de nos patients. Il est alors apparu que plus de 40 dispositifs médicaux étaient effectivement en attente de décontamination mais de plus qu'il y avait aucune information s'agissant de leur situation.

Nous ne pouvons donc que constater que malgré le rappel à l'ordre dont vous avez fait l'objet en septembre 2017, vous avez persisté dans votre refus d'assurer le bon déroulement des activités de décontamination, superviser les activités de désinfection et gérer le service après-vente des dispositifs médicaux de l'agence en laissant de nouveau se dégrader la situation.

Votre comportement est d'autant moins acceptable que quelques mois auparavant vous aviez été rappelé à l'ordre s'agissant de votre responsabilité au regard des opérations de maintenance et de désinfection.

Ils ont exposé nos patients à des risques graves pour leur santé ce qui aurait pu entraîner des répercussions désastreuses pour notre société.

Les faits qui vous sont reprochés exposent notre société à d'autres conséquences graves sur nos relations avec le médecin prescripteur, et par voie de conséquence sur notre chiffre d'affaires et la poursuite de notre activité encourant même un risque de suspension de l'activité par l'ARS.

Lors de l'entretien préalable :

- vous n'avez pas contesté les griefs qui vous sont reprochés,

- vous nous avez également précisé que le volume de votre patientèle ne vous permettait pas de faire votre travail, que vous aviez alerté de cette charge et qu'il n'y a pas eu de retombée,

- vous vous êtes retranché derrière une problématique de surcharge de travail.

Alors que depuis votre entrée en fonction de technicien référent, votre patientèle a été réduite, votre secteur géographique a été recentré auprès de l'agence et ce afin de vous permettre de vous consacrer à votre activité de référent.»

Sur la prescription des faits du 24 juillet 2017

Au soutien de la contestation de son licenciement, M. [K] invoque la prescription des faits du 24 juillet 2017.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même temps à l'exercice de poursuites pénales.

Cependant, un fait fautif dont l'employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires peut être pris en considération lorsque le même comportement prétendument fautif s'est poursuivi ou répété dans ce délai.

Ainsi que le soutient la société, les faits du mois de décembre 2017 constituent un renouvellement des faits 24 juillet 2017 concernant 'une situation catastrophique s'agissant de la gestion du stock et de la maintenance du SAV des dispositifs médicaux'.

Les faits ne sont donc pas prescrits.

Sur les faits reprochés

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

Le contrat de travail de M. [K] énumère, de façon non exhaustive, les fonctions du salarié, à savoir notamment :

« opérations de fractionnement, appareillage et suivi des patients sous assistance respiratoire, livraison réservoirs d'oxygène médical liquide/retour réservoirs vides et renouvellement des consommables au domicile patient, participation au service d'astreinte, intervention en urgence au domicile des patients, respect des plannings remis, édition de compte-rendu d'installation et d'observance, traçabilité, maintenance des dispositifs médicaux sur le site Vivisol suivant instructions et/ou procédure, désinfection des dispositifs médicaux issus du retour patient, rapport immédiat des éventuelles anomalies détectées, participation à la gestion des stocks, noter les données nécessaires sur les bons de livraisons, suivre les règles de sécurité et d'hygiène telles que décrites dans la procédure de 'remplissage des réservoirs patients' ».

Il y est également indiqué que M. [K] exerce ses fonctions sous les directives de M. [O], directeur technique région Sud ou de toute autre personne qui pourrait lui être substituée ou désignée.

A compter du 1er juillet 2015, M. [K] a exercé la fonction de technicien référent. Les nouvelles tâches qui lui ont été attribuées sont alors précisées dans l'avenant signé par les parties le 16 juillet 2015 :

« gestion de l'approvisionnement, gestion du stock (contrôle et suivi), gestion du SAV (contrôle et suivi), organisation du magasin et supervision de la désinfection, suivi logistique des vivitravels, participation active à l'application de la politique d'achat, participation aux audits, à la veille de l'évolution technologique, à la formation des équipes techniques, à la réalisation du reporting technique, à l'organisation de l'activité technique ».

Puis, le 20 mai 2017, le directeur général de la société a délégué un certain nombre de pouvoirs et de responsabilités en matière de sécurité à M. [K] par le biais d'une délégation de pouvoir que ce dernier a acceptée et signée.

Il est mentionné dans ce document qu'en qualité de délégataire, il appartient à M. [K] d'exercer les missions suivantes :

« veiller à l'application des règles concernant l'hygiène, la sécurité précisée dans le règlement intérieur, s'assurer du respect des consignes de sécurité et procédures, établir les plans de prévention avec les entreprises extérieurs, s'assurer que le matériel employé est strictement conforme aux exigences de la réglementation, en ce qui concerne la sécurité du personnel, faire procéder à la surveillance et à l'entretien régulier des installations électriques et de l'ensemble des équipements présents sur le site, surveiller la propreté permanente des sols et de l'hygiène des locaux, s'assurer de la conformité des stockages des produits Agent Chimique Dangereux, mettre en place les actions en lien avec le document unique d'évaluation des risques professionnels ».

La société appelante produit des éléments pour justifier que M. [K] a reçu des formations de sécurité. Il est établi que l'intimé a participé à la journée de formation à l'habilitation électrique du 5 décembre 2016.

Elle verse ensuite trois attestations :

- celle de M. [D], directeur, qui indique avoir encadré M. [K] jusqu'au mois de juin 2017 afin que ce dernier puisse gérer son équipe de techniciens et mener à bien l'ensemble des tâches inhérentes au rôle de référent technique.

Les faits reprochés à M. [K] dans la lettre de licenciement sont, quant à eux, datés de décembre 2017 et juillet 2017, soit postérieurement à l'aide évoquée par M. [D] ;

- celle de M. [H], directeur régional, qui fait état du non-respect des procédures dans les étapes de contamination des dispositifs médicaux oxygène (cuves et portables) constaté lors de la réunion technique de l'agence de [Localité 3] le 18 décembre 2017 : absence des bordereaux bleus de traçabilité et absence de déchambrage des capots de protection ;

- l'attestation de Mme [R], directrice pharmaceutique de la société Vivisol France, qui affirme que M. [K] a des difficultés à assumer ses responsabilités de référent technique pour son site de [Localité 4]. Elle ajoute que suite à son passage en juillet 2017 et à la situation critique de l'agence, elle s'est rapprochée de M. [K] pour l'aider dans l'organisation et la gestion des priorités et qu'elle a demandé à la direction générale, qui a validé les mesures proposées, de mettre en place des mesures visant à le libérer d'un grand nombre de ses tâches quotidiennes pour qu'il se focalise uniquement sur cette activité de gestion du matériel destiné aux patients. Malgré ces actions, elle déclare que M. [K] n'a pas été à la hauteur, qu'il s'identifie comme un technicien, simple exécutant et non comme un référent.

La société produit également un échange de courriels des 18 et 20 juillet 2017 concernant la situation évoquée dans la lettre de licenciement pour le mois de juillet 2017, elle verse également des photographies non datées des locaux de l'agence.

*

La cour observe que la société fait état de rappels adressés en juillet 2017 au salarié sans verser aucun élément à cet effet. Seule est produite une alerte de Mme [M], directrice pharmaceutique, adressée le 18 juillet 2017 au CHSCT sur la situation alarmante de l'agence de [Localité 3] du fait d'un arrêt total de la désinfection du matériel et de la maintenance ainsi que de la présence, dans l'agence, de cuves en attente de réparation.

En réponse, le CHSCT préconise, l'envoi de personnels extérieurs à l'agence pour permettre son désengorgement et la venue en urgence d'un transporteur externe pour le transfèrement des cuves vers des locaux plus adaptés pour leur stockage.

S'agissant des faits du mois de décembre 2017, la société appelante ne produit pas de pièce permettant de les étayer : aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le directeur de zone a informé la société d'un état de saleté des cuves d'oxygènes de l'agence de [Localité 4], ni même des problèmes de décontamination du site, tel qu'affirmé dans la lettre de licenciement.

De même, la société affirme sans le justifier qu'elle a eu confirmation que 40 dispositifs médicaux étaient en attente de décontamination.

En réponse, M. [K] explique qu'il ne s'agissait pas de dispositifs médicaux en cours d'utilisation mais de SAV.

Par ailleurs, il résulte du tableau établi le 15 septembre 2017 par Mme [F], responsable des ressources humaines, et produit par la société, que lors d'un point fait avec M. [K], les éléments suivants ont été relevés :

- Sur la thématique de la désinfection, il est constaté que le matériel s'accumule dans la salle de décontamination et parfois dans les camions des techniciens. L'analyse qui en ressort est que les techniciens ont un vaste secteur géographique et que la priorité est donnée à la prestation chez les patients. La société préconisait donc, à ce stade et à court terme, l'embauche d'un nouveau technicien et un autre découpage des secteurs.

Il est également noté qu'une fiche anomalie a été transmise sans qu'aucune suite n'ait été donnée. La société préconisait alors d'y apporter une réponse.

- Sur la thématique du technicien référent, il est mentionné que la patientèle qui est attribuée à M. [K] est importante ce qui ne lui permet pas d'avoir le temps nécessaire pour la gestion de l'équipe. La société préconisait donc, à court terme, l'embauche d'un nouveau technicien et un autre découpage des secteurs.

La société indique dans la lettre de licenciement que la patientèle de M. [K] a été réduite et son secteur géographique recentré afin de lui permettre de se consacrer à son activité de référent.

Or, non seulement la société ne justifie pas ses allégations mais le tableau établi par Mme [F] et décrit ci-avant démontre, au contraire, l'ampleur de la patientèle et le vaste secteur géographique attribués à M. [K].

Sur ce point, la cour se réfère également au courriel du salarié adressé le 17 août 2017 notamment au directeur général adjoint, M. [X], où il indique : 'aujourd'hui j'ai 286 patients à gérer et je ne suis plus en mesure d'effectuer mon travail de référent technique'.

Il est enfin rappelé que la cour a précédemment condamné la société à un rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits reprochés dans la lettre de licenciement ne sont pas établis alors que M. [K] n'a pas été mis en mesure d'accomplir les missions qui lui incombaient, malgré les alertes qu'il avait émises.

En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 17 juin 2021 sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M. [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont le point de départ est fixé par la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement.

L'indemnité compensatrice de préavis est égale au salaire brut, assujetti au paiement par l'employeur des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.

Elle correspond aux salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période. Elle comprend tous les éléments constituant le salaire ou s'ajoutant à celui-ci tels les avantages en nature et les gratifications.

M. [K] sollicite la somme de 4.612,26 euros correspondant à deux mois de salaire outre 461,23 euros au titre des congés payés y afférents.

La société intimée ne conclut pas sur ce point.

***

Eu égard aux pièces produites notamment l'attestation Pôle Emploi, à l'ancienneté de M. [K], et confirmant la décision déférée, la société sera condamnée à verser à l'intimé la somme de 4.612,26 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 461,23 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Sur l'indemnité de licenciement

Selon les articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date du licenciement, le salarié licencié alors qu'il compte huit mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur a droit à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans.

L'indemnité de licenciement se calcule sur la base du douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement, ou, selon la formule la plus avantageuse, le tiers des trois derniers mois.

Ce texte s'applique, les dispositions spécifiques au sein de la convention collective applicable étant moins favorables.

M. [K] sollicite la somme de 3.854,59 euros, correspondant à la somme allouée par les premiers juges.

La société appelante est taisante sur ce point.

***

Eu égard aux pièces produites, à l'ancienneté de M. [K], et confirmant la décision déférée, la société sera condamnée à verser à l'intimé la somme de 3.854,59 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [K] sollicite la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué la somme de 16.000 euros à ce titre.

Il produit des relevés de situation Pôle Emploi, pour les mois de juin, juillet et août 2018 puis pour l'année 2023 (330 jours d'indemnisation).

Compte tenu de son ancienneté et de l'effectif de l'entreprise, l'indemnité due en application de l'article L.1235-3 du code du travail est comprise entre trois et 7 mois de salaire brut.

Tel qu'il résulte des pièces et explications fournies, prenant en compte l'âge de M. [K], son ancienneté, le montant de sa rémunération, sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et les circonstances de la rupture, il lui sera alloué une somme de 12.500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail

L'article L.1235-4 du code du travail stipule que lorsque le juge condamne l'employeur à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du même code, il ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limité de six mois d'indemnités de chômage.

Il résulte des mêmes dispositions que lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le juge doit ordonner ce remboursement d'office, sans pour autant liquider le montant de la créance de l'organisme intéressé, dès lors que celle-ci n'est pas connue.

Il convient, faisant d'office application des dispositions d'ordre public précitées, d'ordonner le remboursement par la société Vivisol France à France Travail (anciennement Pôle Emploi) des indemnités de chômage perçues par M. [K] du jour de son licenciement jusqu'à la présente décision, à concurrence de six mois.

Sur les autres demandes

La société Vivisol France, partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [K] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme allouée à ce titre en première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 17 juin 2021 sauf quant au montant des sommes allouées au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés y afférents ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation relative au temps de travail,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Condamne la société Vivisol France à verser à Monsieur [L] [K] les sommes suivantes :

- 4.708,50 euros bruts au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- 470,85 euros bruts au titre des congés payés sur le rappel de salaire,

- 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation relative au temps de travail,

- 12.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Ordonne le remboursement par la société Vivisol France à France Travail des indemnités de chômage perçues par Monsieur [L] [K] du jour de son licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de six mois,

Condamne la société Vivisol France aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/04068
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.04068 ?
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