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29/05/2024 | FRANCE | N°21/03872

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mai 2024, 21/03872


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 MAI 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03872 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MGJW













Madame [N] [R]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012626 du 03/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



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S.C.E.A. [O] [V]














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Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 avril 2021 (R.G. n°F 20/00118) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Agriculture, suivan...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MAI 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03872 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MGJW

Madame [N] [R]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012626 du 03/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

S.C.E.A. [O] [V]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 avril 2021 (R.G. n°F 20/00118) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Agriculture, suivant déclaration d'appel du 02 juillet 2021,

APPELANTE :

Madame [N] [R] née [Y]

née le 01 Janvier 1945 à [Localité 3] (MAROC) de nationalité Marocaine, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me FRALEUX substituant Me Nadia BOUCHAMA, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SCEA [O] [V], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, Lieu-dit '[Adresse 2]

N° SIRET : 342 676 897

représentée par Me DELAMARE substituant Me Michel DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [N] [R], née en 1945, a été engagée en qualité de 'prix faiteur saisonnier' par la SCEA [V] et Fils qui exploite une propriété viticole en Gironde, par contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er mars 2001 jusqu'au mois de novembre 2001.

Ce type de contrat, spécifique à la viticulture, est prévu par les articles 86 à 89 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde qui fixent les modalités de la rémunération 'des façons' en fonction de la production réalisée par les salariés en établissant, selon les tâches effectuées, un 'barème' du temps passé à l'exécution des travaux.

Des contrats à durée déterminée ont été ensuite régulièrement conclus entre les parties jusqu'en 2017.

Par courrier du 13 novembre 2017, la société [V] et Fils a indiqué à Mme [R] qu'elle ne serait pas en capacité de renouveler son contrat de travail à durée déterminée pour un emploi à caractère saisonnier pour l'année suivante.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à La société comptait moins de 11 salariés.

Le 29 août 2018, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne, soutenant que les contrats de travail à durée déterminée successifs conclus entre elle et la société [V] et Fils doivent être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée et réclamant des rappels de salaire pour les mois de septembre 2015 à novembre 2017, diverses indemnités et des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

Par jugement rendu le 8 avril 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que les contrats à durée déterminée sont valides, successifs et saisonniers,

- débouté Mme [R] de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée,

- dit que la relation contractuelle s'est terminée le 31 juillet 2017 à la fin du dernier contrat à durée déterminée,

- débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes à titre principal et subsidiaire,

- débouté Mme [R] de sa demande de condamner la société [V] et Fils au titre des frais irrépétibles,

- dit et jugé que le mode de rémunération est conforme au contrat à durée déterminée,

- condamné Mme [R] à payer à la société [V] et Fils la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [R] aux dépens et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 2 juillet 2021, Mme [R] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 avril 2022, Mme [R] demande à la cour de :

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne en date du 8 avril 2021 en ce qu'il a :

* dit que les contrats à durée déterminée sont valides, successifs et saisonniers,

* débouté Mme [R] de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée,

* dit que la relation contractuelle s'est terminée le 31 juillet 2017 à la fin du dernier contrat à durée déterminée,

* débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes à titre principal et subsidiaire,

* débouté Mme [R] de sa demande de condamner la société [V] et Fils au titre des frais irrépétibles,

* dit que le mode de rémunération est conforme au contrat à durée déterminée,

* condamné Mme [R] à payer à la société [V] et Fils la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme [R] aux dépens et frais éventuels d'exécution,

Statuant à nouveau,

- juger que les contrats de travail à durée déterminée successifs conclus entre elle et la société sont requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée,

A titre principal,

- condamner la société [O] [V] et Fils à lui verser les sommes suivantes

* 30.201,05 euros à titre de rappel de salaire entre les mois de juillet 2014 et juillet 2017, outre 3 020.10 euros au titre des congés afférents,

* 1.975,37 euros à titre d'indemnité de requalification,

* 2.136 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 213,60 euros au titre des congés payés afférents,

* 5.167,42 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

A titre subsidiaire,

- condamner la société [O] [V] et Filsà lui verser les sommes suivantes au titre de la rupture abusive du contrat :

* 2.136 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 213,60 euros au titre des congés payés afférents,

* 5.167,42 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

En tout état de cause,

- condamner la société [O] [V] et Fils à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 37 n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour les frais de première instance et celle de 1.500 euros au même titre pour les frais d'appel,

- condamner la société [O] [V] et Fils aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de conclusions du 4 mars 2024, la société demande le rabat de l'ordonnance de clôture. En l'absence de cause grave, elle en sera déboutée. Ses dernières conclusions recevables sont datées du 17 juin 2022.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 juin 2022, la société [V] et Fils demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer la décision entreprise par le conseil qui a jugé bon de :

* débouter Mme [R] de ses demandes tendant à voir requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

* débouter Mme [R] de ses demandes au titre d'une rupture abusive des relations contractuelles,

* la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes à ce titre,

A titre infiniment subsidiaire,

En cas de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- constater que Mme [R] ne justifie pas de ses calculs,

- ramener les éventuelles condamnations à de plus proportions,

En tout état de cause,

- dire que le mode de rémunération de la salariée est expressément prévu aux contrats de travail,

- débouter la salariée de toutes ses demandes,

- la condamner à verser à l'employeur une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée

Mme [R] sollicite la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée pour quatre motifs : l'absence de transmission des contrats à durée déterminée dans les 2 jours de leur signature, le défaut de signature des contrats à durée déterminée, l'absence de terme précis des différents contrats et l'absence de motif du recours aux différents contrats saisonniers.

La société soutient avoir transmis à la salariée chaque contrat de manière régulière dans les délais et invoque la convention collective applicable pour justifier l'absence de terme précis des contrats à durée déterminée.

***

Conformément aux articles L. 1242-1 et L1242-12 du code du travail, 'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Il est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.'

En vertu de l'article L.1242-13 du code du travail, ce contrat est remis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche.

Aux termes de l'article L. 1242-7 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée doit comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion.

Toutefois, il peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu dans certains cas et notamment lorsqu'il s'agit d'emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l'article L. 1242-2 dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons (...) ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

L'article L. 1242-12 du code du travail précise que le contrat de travail à durée déterminée, lorsqu'il n'a pas de terme précis, doit comporter notamment la durée minimale pour laquelle il est conclu.

L'article 15 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde précise que ' lorsque l'emploi à pourvoir ne présente manifestement pas un caractère permanent, le recours aux contrats à durée déterminée est admis dans les conditions fixées aux articles L. 1242-1 et suivants du code du travail'.

Mme [R] produit les contrats de travail à durée déterminée pour travaux saisonniers suivants à effet au :

- 15 janvier 2007, non daté et non signé avec des bulletins de paie du 1er mars au 31 juillet 2007,

- 1er février 2008, signé par la salariée le 9 mars 2008, avec les bulletins de paie du 1er février au 31 août 2008,

- 15 mars 2012, non daté, mais signé par les parties, avec les bulletins de paie du 15 mars au 31 août 2012,

- 2 avril 2013, signé par les parties, mais non daté, avec les bulletins de paie du 1er avril au 31 juillet 2013,

- 1er juin 2015, non daté, signé par la salariée avec les bulletins de paie du 1er juin au 31 juillet 2015,

- 1er février 2016, signé par l'employeur le même jour avec les bulletins de paie du 1er février au 31 juillet 2016,

- 3 avril 2017 signé par l'employeur le même jour, avec les bulletins de paie du 3 avril au 31 juillet 2017.

Mme [R] produit également ses bulletins de paie correspondant aux périodes travaillées sans que soient versés aux débats les contrats à durée déterminée permettant de vérifier leur date et leur signature.

- du 1er mars au 30 septembre 2001,

- du 1er février au 30 septembre 2002,

- du 1er mars au 31 août 2003,

- du 1er mars au 30 septembre 2004,

- du 1er février au 31 décembre 2005,

- du 1er janvier au 31 juillet 2006,

- du 1er mars au 31 juillet 2009,

- du 1er avril au 31 juillet 2010,

- du 1er mars au 31 juillet 2011,

- du 1er avril au 30 juin 2014.

L'employeur ne justifie pas de l'établissement et de la signature de contrats à durée déterminée pour lesquels seuls les bulletins de paie ont été produits, en violation de l'obligation d'un contrat écrit exigée par l'article L. 1242-12 du code du travail.

Par ailleurs, aucun des contrats produits par Mme [R] ne comporte la signature de l'employeur et du salarié en dehors de ceux du 15 mars 2012 et du 2 avril 2013 mais qui ne mentionnent pas de date.

Enfin, le contrat daté du 9 mars 2008 a en réalité débuté le 1er février 2008.

Seuls les contrats du 1er février 2016 et du 3 avril 2017 comportent une date du jour même de l'effet du contrat, mais ils ne sont pas signés par la salariée.

L'employeur, qui invoque la remise des contrats dans les délais au visa de l'attestation de la comptable selon laquelle elle remettait 'à chaque salarié leur contrat de travail le jour de l'embauche', ne le démontre pas pour chacun des contrats qui ont été conclus avec Mme [R], spécialement pour ceux qui ne sont pas versés aux débats.

Les différents contrats à durée déterminée produits ne comportaient pas de terme précis, mentionnant qu'ils se termineront à la fin des travaux ci-dessus mais n'indiquent pas non plus de durée minimale.

La particularité des contrats de prix faîteur ne dispensait pas l'employeur de fixer une période minimale d'embauche dont la durée est librement fixée par le salarié et l'employeur, le terme restant imprécis.

Au vu de ces irrégularités que constituent l'absence de remise d'un contrat écrit, l'absence de signature des parties, l'absence de date pour la plupart des contrats, par conséquent l'absence de justification de la remise dans le délai de 48 heures et enfin le défaut d'indication d'une durée minimale, il convient de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée depuis le 1er mars 2001 jusqu'au 31 juillet 2017.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes financières attachées à la requalification

Sur le rappel de salaire durant les périodes interstitielles

Mme [R] sollicite le paiement de la somme de 30.201,05 euros au titre des salaires correspondant aux périodes interstitielles, détaillées comme suit : comprises

- juillet 2014 à mai 2015, sur la base d'un salaire brut de 1.166.96 euros x 11 mois : 12.836,56 euros

- août 2015 à janvier 2016, sur la base d'un salaire brut de 2.113.35 euros x 5 mois : 10.566,75 euros,

- août 2016 à mars 2017, sur la base d'un salaire brut de 849.72 euros x 7 mois : 6.797,76 euros

En cas de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié peut prétendre aux salaires correspondant aux périodes inter-contrats à condition de rapporter la preuve qu'il est resté à la disposition de l'employeur durant les périodes séparant les contrats à durée déterminée.

La société soutient que Mme [R] a travaillé pour le compte d'autres exploitations :

- en 2010 sur une autre exploitation, mais la demande de rappel de salaire porte sur une période postérieure, c'était sur les mois d'avril à juillet,

- du 4 au 15 mai 2015 et du 21 septembre au 7 octobre 2015.

Mme [R] qui a travaillé pour d'autres employeurs au cours de certains mois de l'année 2015 ne rapporte pas la preuve qu'elle est restée à la disposition de la société [V] et fils sur toutes les périodes considérées.

Au vu du salaire mensuel brut du contrat de travail d'avril 2014 d'août 2015 et d'août 2016, et déduction faite des périodes interstitielles pendant lesquelles Mme [R] ne justifie pas être restée à disposition de l'employeur, il convient de fixer la créance de la société à l'égard de Mme [R] à la somme de 26.920,76 euros outre la somme de 2. 692,07 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de requalification

En vertu de l'article L. 1245-2 du code du travail, lorsqu'il est fait droit à une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il est accordé au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Au vu du dernier salaire mensuel brut perçu par Mme [R] d'un montant de 1.068,72 euros, et au vu de la durée de la relation de travail, il sera alloué la somme de 1.975,37 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Aux termes de l'article L. 1231-1 du code du travail le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.

Le dernier contrat à durée déterminée a débuté le 3 avril 2017 pour prendre fin le 31 juillet 2017. La date du licenciement à retenir est la date à laquelle la salariée a travaillé pour la dernière fois pour la société, soit le 31 juillet 2017.

Par courrier du 13 novembre 2017, la société a fait savoir à Mme [R] qu'elle ne lui donnerait pas d'autre travail et ne poursuivrait pas la relation de travail.

La rupture du contrat de travail à durée déterminée requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, survenue par la seule arrivée du terme initialement prévu du dernier contrat et en l'absence de toute volonté de la salariée de mettre fin à la relation contractuelle, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse emportant, outre le paiement des indemnités de licenciement et de préavis, le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

L'ancienneté de Mme [R] était de 16 ans et 6 mois , du 1er mars 2001 au 31 juillet 2017. Sa rémunération mensuelle moyenne brute était de 1.068,72 euros

Il convient de se reporter à l'article 19 de la convention collective qui prévoit un préavis de deux mois en cas de licenciement pour allouer à Mme [R] la somme de 2.136 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 213,60 euros au titre des congés payés y afférents, dans la limite de la demande.

La convention collective qui prévoit une indemnité de licenciement plus favorable sera écartée au bénéfice des dispositions de l' article R. 1234-2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits, et sur la base de la moyenne du salaire mensuel sur les trois derniers mois de 1.100,78 euros brut

La société sera condamnée à lui verser la somme à hauteur demandée de 5.167,42 euros.

L'indemnisation du licenciement sans cause réelle est sérieuse ne relève pas du barème de l'article L. 1235-3 du code du travail qui n'était pas applicable à la date de la rupture.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (moins de 10 salariés) des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [R], de son âge (72 ans), de son ancienneté, de ses faibles droits à retraite et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il convient d'allouer 8 000 euros la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par Mme [R] à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La société, partie perdante à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer au conseil de Mme [R], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700. 2° du code de procédure civile, dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, en contrepartie de sa renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré,

Requalifie les contrats à durée déterminées signés par Mme [R] avec la SCEA [O] [V] en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2001 jusqu'au 31 juillet 2017,

Condamne la SCEA [O] [V] à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

- 26.920,76 euros au titre des rappels de salaires entre les mois de juillet 2014 et le 31 juillet 2017,

- 2.692,07 euros à titre de congés payés y afférents,

- 1.975,37 euros à titre d'indemnité de requalification

- 2.136 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 213,60 euros au titre des congés payés y afférents,

- 5.167,42 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

Condamne la SCEA [O] [V] aux dépens ainsi qu'à payer à Maître Bouchama, avocat de Mme [R], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700. 2° du code de procédure civile, dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, en contrepartie de sa renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Signé par Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03872
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.03872 ?
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