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29/05/2024 | FRANCE | N°21/03703

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mai 2024, 21/03703


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 29 MAI 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03703 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF27













Monsieur [T] [P]



c/



S.A.S.U. AVIATORS

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :r>


à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 mai 2021 (R.G. n°F 19/00154) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 29 juin 2021,





APPELANT :

Monsieur [T] [P]

né le 06 Octobre 1982 à [Localité 4] de nationalité Française Pro...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MAI 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03703 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF27

Monsieur [T] [P]

c/

S.A.S.U. AVIATORS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 mai 2021 (R.G. n°F 19/00154) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 29 juin 2021,

APPELANT :

Monsieur [T] [P]

né le 06 Octobre 1982 à [Localité 4] de nationalité Française Profession : Pilote d'avion, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Wilfried CORREIA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SASU Aviators, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 524 642 071 00020

représentée par Me François BELLUSSI substituant Me Anne-laure MARY-CANTIN de la SELARL RACINE, avocats au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [T] [P], né en 1982, a été engagé en qualité de pilote professionnel par la SAS Aviators, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 juillet 2016.

L'article 4 du contrat de travail prévoyait une clause de dédit-formation renvoyant ses modalités dans une annexe qui a été signée par M. [P] le 17 novembre 2017.

Celle ci détaillait les conditions de la prise en charge par la société Aviators de l'intégralité du coût de la formation de M. [P] et les frais annexes de transport, d'hébergement et de repas engendrés par la participation à la formation. En échange, M. [P] s'engageait à rester au service de l'entreprise pendant une durée minimale de 3 ans.

L'article 4 de cette convention prévoyait qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de M. [P] dans les 36 mois suivant l'achèvement de la formation, ce dernier serait tenu de rembourser le coût réel et total de la formation suivie à son départ de l'entreprise.

Le 16 août 2017, M. [P] a démissionné de son poste de travail ; il a demandé à être dispensé de l'exécution de son préavis et que l'entreprise effectue un effort pour réduire le montant dû restant à sa charge au titre de la clause de dédit-formation.

A la date de la fin du contrat, M. [P] avait une ancienneté d'une année et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Par courrier du 17 août 2017, la société Aviators a indiqué accepter la demande de dispense d'exécution de préavis de M. [P] et a exigé le règlement de la somme due au titre de la convention de dédit-formation correspondant à 14.810,64 euros, déduction faite des frais de repas qui s'élevaient à 368,72 euros, soi un total final de 14.441,92 euros. Elle a également indiquer à M. [P] être disposée à convenir d'un règlement échelonné et a rappelé qu'il serait procédé à une compensation entre la somme finale due au titre de l'indemnité de dédit-formation et les sommes qui lui revenaient au titre de son solde de tout compte.

Par courriel du 21 août 2017, M. [P] a maintenu sa demande d'exonération de l'exécution de l'obligation contractuelle au titre de la clause de dédit-formation.

La société Aviators lui a répondu par courrier du 24 août 2017.

Le 18 septembre 2017, la société a adressé à M. [P] un courrier et un courriel de relance pour le paiement de la somme due au titre de la clause de dédit-formation.

Par courriel du 20 septembre 2017, M. [P] a répondu que l'obtention du financement ayant été 'plus compliquée qu'annoncé', le déblocage des fonds pour le virement se ferait dans un délai de 10 jours.

La société Aviators a relancé M. [P] par courriel du 2 octobre 2017. De nouveaux échanges ont eu lieu entre le 2 octobre le 4 décembre 2017.

Par courrier du 8 août 2018, la société Aviators a mis en demeure M. [P] de régler la somme due au titre de la clause de dédit-formation. Ce courrier est resté sans réponse.

Par requête du 18 septembre 2018, sollicitant le règlement du montant dû par M. [P] au titre de la convention de dédit-formation, la société Aviators a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par décision du 17 janvier 2019, s'est déclaré incompétente.

Le 29 septembre 2019, la société Aviators a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux en remboursement des frais de formation en application de la clause de dédit formation, demandant qu'il lui soit donné acte qu'elle acceptait un règlement en trois fois à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement et chaque trimestre suivant cette date, sous astreinte de 20 jours d retard, outre les intérêts légaux.

Par jugement rendu le 31 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que la clause de dédit-formation est régulière,

- ordonné le remboursement par M. [P] à la société Aviators de la somme de 14.078,91 euros,

- donné acte à la société qu'elle acceptait un règlement en trois versements de 4.692,97 euros exigibles à compter du trentième jour suivant la notification du jugement et chaque trimestre suivant cette date,

- débouté la société Aviators du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire totale de la décision

- dit que la condamnation portera intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- condamné M. [P] aux entiers dépens et éventuels frais d'exécution.

Par déclaration du 29 juin 2021, M. [P] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 février 2024, M. [P] demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que la clause de dédit formation était valide,

- annuler la clause de dédit formation,

- réformer le jugement en ce qu'il lui a ordonné le remboursement à la société Aviators de la somme de 14.078,91euros et condamner la société à lui restituer cette somme,

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que la condamnation porterait intérêt au taux légal à compter de la date de saisine,

- réformer le jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société à lui rembourser la somme de 1.249,79 euros d'intérêts qu'il a versée à la société,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné aux dépens et éventuels frais d'exécution,

- condamner la société aux dépens et éventuels frais d'exécution,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la société au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société au paiement de la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société au paiement des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2021 et ordonner la capitalisation des intérêts à échoir en application de l'article 1343-2 du code civil,

- débouter la société de toutes ses demandes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 février 2024, la société Aviators demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux,

- ordonner le remboursement par M. [P] des frais de formation engagés par elle à hauteur de 14.078,91 euros en application de la convention de dédit-formation conclue entre les parties le 16 novembre 2016,

- lui décerner acte de ce qu'elle accepte un règlement en trois fois, sur la base d'une échéance trimestrielle de 4.692,97 euros, exigible à compter du trentième jour suivant la notification du jugement, et chaque trimestre suivant cette date, sous astreinte de 20 euros par jour de retard,

- dire que cette condamnation à intervenir portera intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes et ordonner la capitalisation des intérêts à échoir en application de l'article 1343-2 du code civil,

Et statuant à nouveau,

- condamner M. [P] aux dépens ainsi qu'au versement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [P] de sa demande reconventionnelle de versement de la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité de la clause de dédit-formation

M. [P] soulève la nullité de la clause dite de dédit-formation qu'il a signée le 27 novembre 2016, soit le jour de son départ en formation, à 14h45 avant de se rendre en Angleterre où l'employeur avait réservé une nuitée, sa formation débutant le lendemain, ayant ainsi été mis devant le fait accompli. Il considère qu'au regard du lieu de formation, le trajet faisait partie intégrante de la période de formation.

M. [P] soutient que le contrat de travail ne prévoyait pas de clause de dédit- formation, mais uniquement la promesse d'en signer une, de sorte que la clause mentionnée à l'article 4 du contrat est nulle car elle ne contient aucune information sur le coût réel de la formation pour l'employeur, ni le montant du remboursement qu'il encourrait en cas de rupture du contrat pas plus que la manière dont l'indemnisation se produirait.

Il fait également valoir la disproportion entre la durée d'engagement de 3 ans au service de la société et la durée de validité de la formation qu'il a passée qui n'était que d'un an, produisant l'extrait des textes de l'Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne (EASA).

La société soutient au contraire que la clause de dédit-formation était valide. Elle indique que la prise en charge des formations onéreuses dans le secteur de l'aviation est connue et que tout élève pilote ou pilote a parfaitement connaissance des coûts des formations pour obtenir la qualification spécifique à l'avion piloté. Elle produit les attestations d'un commandant de bord et d'un pilote de la société lesquels confirment que cette clause de dédit-formation est une procédure classique.

Elle rappelle que lors des discussions préalables à l'embauche du salarié, la question de sa formation nécessaire pour piloter les avions Cessa 510 Citation Mustang de la société et de la prise en charge par celle-ci sur une durée de 3 ans avaient été évoquées.

Elle produit les échanges de courriels des 5 et 11 février 2016 ainsi que les attestations de M. [V], commandant de bord, et de M. [N], pilote, qui confirment que les modalités et coût des formations sont notoirement connus et font l'objet des discussions avec les pilotes lors de l'entretien d'embauche et dans les mois qui suivent dans la perspective de l'inscription à la formation.

La société soutient en conséquence que M. [P] a toujours eu connaissance de l'étendue de son engagement et du coût de la formation avant la signature de la convention, laquelle constituait une simple formalité et que le 22 novembre 2017, il lui était encore demandé des documents administratifs manquants.

La société ajoute que la formation ne débutait que le 28 novembre, de sorte qu'en lui faisant signer l'annexe la veille, elle remplissait les conditions de validité des clauses de dédit-formation.

M. [P] aurait donc consenti à cette clause dès la signature de son contrat de travail.

***

Aux termes de l'article 1104 du code civil, dont les dispositions sont d'ordre public, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L'article 4 du contrat de travail conclu entre les parties intitulé 'Dédit-Formation' précisait que l'exercice des fonctions de pilote professionnel au sein de la société impliquait que M. [P] acquière la qualification nécessaire, complétée par une formation pratique.

Il précisait :

« Aussi la conclusion du présent contrat a pour élément déterminant du consentement réciproque des parties la réussite par M. [T] [P] d'une formation visant à obtenir la 'qualification de type', elle-même conditionnée au succès préalable des épreuves blanches dispensées en interne [soit détenir au moins 75% de bonnes réponse], et d'autre part, l'accomplissement d'une formation pratique consistant dans la résiliation en binôme de 50 heures de vol.

La société Aviators accepte d'inscrire M. [T] [P] et d'assurer la prise en charge financière de la formation permettant l'acquisition de la qualification de type, sous réserve de la réussite des épreuves blanches préalables précitées.

Les parties conviennent en conséquence de conclure, dans l'hypothèse où M. [T] [P] réussirait ces épreuves blanches internes et serait inscrit en formation, une clause de 'dédit-formation dont les modalités figurent en annexe du contrat de travail.

A l'issue de cette formation, M. [T] [P] s'engage à effectuer en binôme avec un commandant de bord désigné de la société Aviators au minimum 50 heures de vol afin de valider par la pratique la qualification ainsi obtenue.'

Ainsi, cette clause de dédit-formation figurant dans le contrat faisait référence expressément à une annexe pour le détail de ses modalités.

Malgré cet intitulé, ce n'est donc pas le contrat lui-même qui permettait à l'employeur

de réclamer le remboursement de partie de la formation, mais bien l'annexe.

La clause de dédit formation a fait l'objet d'un avenant particulier entre les parties, soumis à la signature du salarié le jour du départ en formation en Angleterre pour une durée de 3 semaines, précisant la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié.

Aux termes du document signé, la société prenait en charge le coût de la formation dispensé en Angleterre d'un montant de 17.492 euros HT et des frais de transport, d'hébergement et de repas engendrés par cette participation, de 2.295,25 euros HT pour les seuls frais connus au moment de la signature.

M. [P] ne peut utilement contester la disproportion des sommes réclamées ou de l'engagement de 3 ans, ayant accepté de passer la qualification des vols Cessa 510 Citation Mustang et ayant eu connaissance dans un échange de courriels précéant son embauche du 5 février 2016 de ce que la durée de l'engagement serait de 3 ans.

De la même manière, il ne peut être contesté que la clause de dédit-formation a bien été signée avant le début de la formation et avant le départ de M. [P] pour suivre celle-ci.

Il convient donc de confirmer le premier jugement qui a reconnu la validité de la clause de dédit-formation.

Sur le défaut de consentement de M. [P]

Au visa des articles 1130 et 1143 du code civil, M. [P] invoque la violence qu'il a subie ayant vicié son consentement, mettant en avant d'une part sa dépendance économique envers son employeur qui pouvait mettre un terme à son contrat de travail s'il avait refusé de signer la clause le 27 novembre 2016 et, d'autre part, l'avantage exclusif dont a tiré l'employeur pour obtenir le dédit de 3 ans pour une formation qui n'était valable qu'un an.

Il fait également valoir la mauvaise foi de l'employeur qui n'a pas annexé la clause à son contrat au moment de la signature le 25 juillet 2016, comme il était prévu au contrat de travail, qui n'a pas respecté la condition suspensive de réussite à des examens écrits pour la signature de l'annexe et qui ne l'a pas tenu informé pendant 6 mois sur le contenu de cette obligation.

M. [P] soulève le comportement fautif de l'employeur qui connaissait les données nécessaires à la rédaction de la clause de dédit-formation avant le jour de départ, ayant payé les billets d'avion et réservé la location de la voiture pour le temps de formation dès le 4 novembre 2016 et ayant connu le coût de la formation de 17.626 euros dès le 14 novembre 2016. Il considère ainsi qu'à la date à laquelle lui a été soumise la clause de dédit-formation, il était prêt à partir à l'aéroport et n'était plus libre de renoncer à la formation proposée.

La société soutient ne pas avoir pu donner à M. [P] la clause à signer avant cette date parce que celui-ci devait d'abord réussir les épreuves blanches et que les modalités pratiques relatives à la formation devaient être clarifiées tant du point de vue financier que sur le plan matériel.

Elle indique en outre n'avoir eu que peu de jours pour rédiger la clause au regard du faible effectif de l'entreprise dont le dirigeant exerçait aussi les fonctions de pilote et de gérance. Elle explique également avoir soumis à M. [P] la clause à sa signature le jour de son départ de l'aéroport de [Localité 5], en raison de la résidence du salarié, fixée à [Localité 3] et pour éviter au dirigeant un trajet sur [Localité 5].

Enfin, la société confirme que M. [P] a toujours été informé de ses obligations en termes de remboursement qu'il n'a pas contestées après son départ, demandant uniquement la réduction du montant dû.

***

M. [P] soulève la menace économique qui l'aurait empêché de s'opposer à la signature de l'annexe comportant la clause de dédit-formation.

Toutefois, il est attesté par les échanges de courriels de février 2016 précédant son embauche que M. [P] connaissait la nature de son engagement, n'ayant pas la qualification nécessaire pour piloter les avions exploités par la société Aviators.

Dans ces mêmes échanges, il négociait son salaire.

Par ailleurs, exerçant le métier de pilote depuis juin 2014, comme indiqué sur son profil Viadeo produit aux débats, il connaissait le coût des formations de qualification nécessaires sur les avions.

M. [P] a enfin démissionné de son emploi pour avoir trouvé un autre poste de pilote à proximité de sa résidence habituelle à [Localité 5], ce qui justifie aussi sa demande de dispense d'exécuter son préavis.

Il ne peut être déduit de ces éléments que M. [P] était dans une dépendance économique qui constituait une menace l'obligeant à signer la clause.

Par ailleurs, il ne saurait être fait grief à la société, qui employait moins de 11 salariés, d'avoir communiqué à M. [P], seulement le 27 novembre 2016, le contenu de la clause de dédit-formation, dont le prix du vol aller-retour avait été réglé le 28 septembre 2016, le coût de la réservation de son logement à Londres ainsi que celui de la formation et les frais de location de véhicule réglés les 7 et 10 novembre 2016, soit peu de jours avant la formalisation de l'annexe avec les montants et la durée de la formation.

Enfin, il n'est pas démontré que la société aurait abusé de son droit en faisant signer l'annexe à M. [P], celle-ci étant valide et la durée de trois ans correspondant à celle convenue entre les parties.

Aux termes des articles 1304 et 1304-4 du code civil, une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli.

Le contrat de travail prévoyait en son article 4 des épreuves que devait réussir le salarié avant sa formation.

Cette condition ayant été stipulée dans le seul intérêt de la société, celle-ci soutient que les heures de vol accomplies par M. [P] entre juillet 2016 et novembre 2017 correspondaient à ces épreuves blanches que le salarié a réussies.

Par ailleurs, M. [P] n'a pas contesté la validité de la clause avant que la société ne lui en demande le remboursement. Il a démissionné le 16 août 2017 soit un an après son embauche, sans motiver celle-ci par une quelconque pression subie lors de la signature de la clause de dédit-formation, demandant au contraire dans cette lettre et par courriers des 21 août, 20 septembre et 2 octobre 2017, des délais de paiement de la somme restant due.

Il s'était ainsi engagé dans une reconnaissance de dette le 27 août 2017, puis lors de la remise du solde de tout compte, et enfin le 20 septembre 2017, acceptant un déblocage de fonds dans les 10 jours, sans qu'aucun versement ne soit effectué.

Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que M. [P] a contracté la clause de dédit-formation en toute liberté et connaissance de cause et qu'il ne démontre pas la mauvaise foi de l'employeur qui l'aurait induit en erreur.

Conformément à l'article 1103 du code civil, il convient de condamner M. [P] à verser à la société la somme de 14.078,91 euros correspondant au remboursement au prorata de son maintien dans l'entreprise à compter du 16 décembre 2016, déduction faite des frais de repas.

Il sera donné acte à la société qu'elle a accepté le règlement de la somme en trois fois, sur la base d'un échéancier trimestriel de 4.692,97 euros, exigible à compter du

30ème jour suivant la notification du jugement et chaque trimestre suivant cette date, la mesure d'astreinte n'étant pas justifiée.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

M. [P], qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Aviators la somme de 3.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne M. [P] aux dépens ainsi qu'à verser à la société Aviators la somme de 3.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03703
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.03703 ?
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