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29/05/2024 | FRANCE | N°21/03188

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mai 2024, 21/03188


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 MAI 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03188 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MERG



















Madame [Y] [K]



c/



COTY France venant aux droits de la SASU Else France

















Nature de la décision : AU FOND










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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 avril 2021 (R.G. n°F 20/00367) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 03 juin 2021,





APPELANTE :

Madame [Y] [K]

née le 19 déce...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MAI 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03188 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MERG

Madame [Y] [K]

c/

COTY France venant aux droits de la SASU Else France

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 avril 2021 (R.G. n°F 20/00367) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 03 juin 2021,

APPELANTE :

Madame [Y] [K]

née le 19 décembre 1968 à [Localité 5] de nationalité française, demeurant [Adresse 2] - [Localité 3]

représentée par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

COTY France venant aux droits de la SASU Else France, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1] - [Localité 4]

N° SIRET : 480 960 376

représentée par Me Nicolas BOUFFIER de l'AARPI Cabinet RATIO LEGIS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 avril 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [Y] [K], née en 1968, a été engagée en qualité de promoteur de ventes par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2016 avec reprise d'ancienneté au 11 juillet 2016 par la SAS Else France. Cette société qui exerce une activité de merchandising dans le domaine des produits cosmétiques notamment, a fait l'objet d'une fusion absorption le 31 octobre 2023 par la SASU Coty France qui est intervenue volontairement à l'instance.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du personnel des prestataires de service dans le domaine du secteur tertiaire.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [K] s'élevait à la somme de 1.750 euros outre des primes d'objectif.

A compter du 23 octobre 2018, Mme [K], opérée d'une tumeur au bras droit, a été placée en arrêt de travail pour maladie, lequel a fait l'objet de plusieurs prolongations jusqu'au 19 février 2019, date à partir de laquelle son médecin traitant lui a prescrit un temps partiel thérapeutique pour la période courant du 19 février 2019 au 31 mai 2019.

Le 5 mars 2019, Mme [K] a été reçue par le médecin du travail dans le cadre d'une visite médicale de reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail a émis l'avis suivant : "L'état de santé de cette salariée autorise sur son poste de travail antérieur dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique à raison d'une présence au poste de travail les mardis jeudis toute la journée et le vendredi matin, soit une reprise à 50%. L'état de santé n'autorise pas le port de charges supérieurs à 5kgs avec le membre supérieur droit la reprise du travail".

Le 6 mars 2019, la société a établi un avenant au contrat de travail de Mme [K] afin d'organiser les modalités et la répartition du mi-temps thérapeutique de la salariée, conformément aux recommandations du médecin du travail.

Le mi-temps thérapeutique de Mme [K] a été prolongé jusqu'au 31 janvier 2021. Ces prolongations ont fait l'objet de deux avenants au contrat de travail les 28 mai et 27 septembre 2019.

A l'issue d'une visite du 16 septembre 2019, le médecin du travail a indiqué que l'état de santé de Mme [K] nécessitait la mise à disposition d'un véhicule automatique avec accoudoir central.

Le 15 octobre 2019, le médecin du travail a confirmé la nécessité de la mise à disposition de Mme [K] d'un véhicule adapté.

Par courrier du 11 février 2020, Mme [K] a rappelé à l'employeur qu'il devait respecter les préconisations du médecin du travail quant à la fourniture d'un véhicule adapté.

Le 10 mars 2020, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux réclamant que la société Else France soit enjointe de mettre à sa disposition un véhicule de société avec boîte automatique et accoudoir central et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et qu'elle soit condamnée à lui verser des sommes au titre des heures supplémentaires, d'un solde de primes trimestrielles ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et défaut de protection de sa santé et de sa sécurité.

Par courriel du 21 mars 2020, le directeur de développement a évoqué une proposition d'arrangement amiable à hauteur de la somme de 6.450 euros que Mme [K] a refusée et a indiqué qu'une solution pouvait toujours être trouvée.

Le 28 janvier 2021, le véhicule Opel Astra jusqu'alors mis à disposition de Mme [K] lui a été repris et a été remplacé par un véhicule utilitaire Ford transit.

Par courriel du 1er février 2021, Mme [K] a mis en demeure son employeur de mettre à sa disposition un véhicule adapté à ses problèmes de santé soit un véhicule de ville et non utilitaire, avec boîte automatique et accoudoir central.

Par jugement rendu le 30 avril 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [K] de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et congés payés afférents, au solde des primes trimestrielles et congés payés afférents, au dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- dit qu'il n'y a pas lieu à ordonner la remise de bulletins de salaires rectificatifs,

- condamné la société Else France à verser à Mme [K] les sommes suivantes :

* 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-protection de la santé de la salariée en raison du retard de livraison du véhicule de fonction,

* 900 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [K] de sa demande d'injonction de mise à sa disposition d'un véhicule de société avec boîte automatique et accoudoir central,

- débouté Mme [K] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Else France de sa demande reconventionnelle,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, conformément à l'article R. 1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois,

- laissé les dépens à la charge de la société Else France.

Par déclaration du 3 juin 2021, Mme [K] a relevé appel de cette décision, notifiée

par lettre adressée aux parties par le greffe le 3 mai 2021.

Le 6 avril 2022, Mme [K] a été licenciée pour motif économique après acceptation d'un congé de reclassement.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 mars 2024, Mme [K] demande à la cour d'infirmer le jugement qui l'a déboutée de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, des dommages et intérêts pour exécution déloyale, des primes trimestrielles et de l'injonction de mise à disposition d'un véhicule de société, et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société Else France à lui régler les sommes suivantes :

* 8.778,85 euros au titre des heures supplémentaires à 25% outre 877,89 euros pour les congés payés y afférents,

* 1.072,25 euros au titre des heures supplémentaires à 50% outre 107,23 euros pour les congés payés y afférents,

* 2.479 euros au titre du solde des primes trimestrielles outre 247,90 euros pour les congés payés,

* 3.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- enjoindre la société Else France de lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, les bulletins de salaire rectifiés reprenant les dispositions de l'arrêt à intervenir,

- confirmer le jugement qui a condamné la société Else à lui verser des dommages et intérêts pour non-protection de la santé et sécurité à hauteur de 4.000 euros et celle de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner la société Else France à lui payer la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'instance et frais éventuels d'exécution,

- débouter la société Else France de sa demande au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 mars 2024, la société Coty France, venant aux droits de la société Else France, demande à la cour de prendre acte de son intervention volontaire et de confirmer la décision qui a débouté Mme [K] des demandes suivantes :

- enjoindre à la société de mettre à sa disposition un véhicule de société avec une boîte automatique et accoudoir central et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, après validation par le CSE et le médecin du travail,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 11.149,86 euros au titre des heures supplémentaires,

- 1.114,99 euros au titre des congés payés afférents,

- 1.952 euros au titre du solde des primes trimestrielles,

- 195,20 euros au titre des congés payés afférents,

- 3.500 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* enjoindre à la société de lui remettre des bulletins de salaire rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

* dire que les condamnations porteront intérêts à compter de la saisine du conseil,

A titre incident,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a condamnée à verser à Mme [K] la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-protection de la santé de la salariée en raison du retard de livraison du véhicule de fonction et 900 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [K] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 8 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de prendre acte de l'intervention volontaire de la société Coty France, venant aux droits de la société Else France.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Pour voir infirmer la décision entreprise qui l'a déboutée de ses demandes à ce titre, Mme [K] soutient que ses demandes en paiement au titre des heures supplémentaires, portant sur la période comprise entre mars 2017 et septembre 2018, ne sont pas prescrites au regard de la saisine du conseil de prud'hommes intervenue en mars 2020.

Selon l'appelante, son contrat de travail ne prévoyant aucune possibilité de récupération ni une quelconque référence à un forfait annuel, les heures supplémentaires doivent être décomptées à compter de 35 heures. Elle ajoute que doivent être prises en compte à ce titre, tant les heures de présence au magasin que celles correspondant aux tâches administratives et au temps de trajet entre la dernière prestation et le retour à son domicile où elle réalise les travaux administratifs.

Elle souligne enfin avoir refusé de signer un protocole transactionnel relatif au règlement des heures supplémentaires soumis aux salariés de l'entreprise.

Sollicitant la confirmation de la décision entreprise ayant débouté la salariée de ses demandes à ce titre, la société avance qu'en application de la prescription triennale de l'article L.3245-1 du code du travail, la salariée ne peut solliciter un rappel de salaire pour la période antérieure au 10 mars 2017, la saisine du conseil de prud'hommes étant intervenue le 10 mars 2020.

Elle conteste les pièces versées par la salariée au soutien de ses demandes, les qualifiant de fantaisistes et de contradictoires.

Elle fait valoir que conformément aux dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de trajet n'est pas un temps de travail effectif et prétend que la salariée avait obligation d'aviser son supérieur hiérarchique de tout dépassement d'horaire qui faisait l'objet d'une récupération ainsi prévue par l'article 36 de la convention collective applicable.

* * *

S'agissant de la prescription des demandes antérieures au 10 mars 2022, en application des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, la salariée ne peut solliciter un rappel de salaire pour la période antérieure au 10 mars 2017, la saisine du conseil de prud'hommes étant intervenue le 10 mars 2020 ; ce point n'est pas contesté par Mme [K] qui ne sollicite le paiement d'heures supplémentaires qu'à partir du mois de mars 2017.

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. L'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Au soutien de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire dû au titre des heures supplémentaires, Mme [K] verse notamment aux débats les pièces suivantes :

- un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires réalisées pour la période du 1er janvier 2016 au 2 septembre 2018 (semaine 35), comportant également le calcul des heures supplémentaires majorées à 25% et 50% (pièce 8),

- son agenda partagé " Klee " du 2 mai 2017 au 31 août 2018 (pièce 16),

- son contrat de travail prévoyant une durée hebdomadaire de travail de 35 heures réparties sur 5 jours,

- un courriel adressé le 31 mars 2019 par les membres de la DUP de l'entreprise ainsi libellé : "Suite à notre réunion CE en date du 14 mars 2019 avec la direction, nous vous rappelons que nos temps de route retour domicile font bien partie de notre temps de travail si nous réalisons de l'administratif à notre retour au domicile et doivent donc être bien inclus dans nos 7h journalières. Mais logiquement nous avons de l'administratif (temps plus ou moins long) tous les jours car nous devons effectuer la synchronisation tous les jours. La direction demande donc bien que nous nous limitions aux 35 h hebdomadaires [']",

- l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail au sein de la société signé le 20 juin 2009 par l'organisation syndicale CFDT prévoyant d'une part, pour les salariés itinérants non cadres tels les promoteurs de ventes, une durée du travail décomptée en jours avec une durée annuelle fixée à 215 jours maximum qui doit toutefois faire l'objet d'un avenant au contrat de travail signé par chacun des salariés concernés et, d'autre part, le règlement des heures supplémentaires au-delà de 35 heures hebdomadaires,

- un courriel de Mme [K] du 20 janvier 2020 adressé à son supérieur hiérarchique lui indiquant refuser de signer le protocole d'accord reçu le 7 janvier précédent, considérant le montant proposé de 6.918 euros bruts insuffisant pour la remplir de ses droits au titre des dépassements horaires,

- un courriel de M. [B], directeur du développement, en date du 21 mars 2020 expliquant à la salariée qu'elle est la seule parmi les 37 salariées concernées à ne pas avoir accepté le protocole transactionnel concernant les dépassements d'horaire à 25 et 50 %, pour lesquels un paiement à hauteur de la somme de 3.400/3.500 euros a été proposé et l'incitant à accepter l'allocation d'une somme de 6.450 euros bruts initialement proposée à ce titre,

- deux courriels des 13 janvier et 20 décembre 2017 adressés par M. [B] à plusieurs salariés, dont Mme [K], relatif au relevé des heures des promoteurs pour les années 2016 et 2017 rappelant que les dépassements d'horaires doivent rester exceptionnels et être récupérés régulièrement, en revanche les pièces jointes à ces mails (relevé d'heures promoteurs) ne sont pas produites.

Les pièces et décomptes produits par la salariée au soutien de ses demandes sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

La société conclut au rejet des prétentions de Mme [K], soutenant que les décomptes produits par la salariée sont fantaisistes et contredits par son agenda outre le fait qu'aucune pièce ne vient prouver la réalité des horaires y figurant. Elle affirme avoir considéré le trajet retour comme du temps de travail effectif pour éviter toute discussion.

Elle relève des contradictions entre les relevés du logiciel de temps Klee et les décomptes établis par la salariée notamment pour les semaines suivantes :

- 18 de 2017, la salariée n'a travaillé que 29 h et réclame au terme de son tableau, 5,17 heures supplémentaires,

- 19 de 2017, la salariée n'a travaillé que 29 h 30 et réclame au terme de son tableau, 9,75 heures supplémentaires,

- 20 de 2017, la salariée n'a travaillé que 35h15 et réclame au terme de son tableau, 8,67 heures supplémentaires,

- 21 de 2017, la salariée n'a travaillé que 23 h et réclame au terme de son tableau, 5,67 heures supplémentaires,

- 1 de 2018, la salariée n'a travaillé que 26 h et réclame 5,92 heures supplémentaires.

Elle en déduit que pour l'année 2017, le total des heures réalisées au-delà de 35 h s'élève à 26h15 tandis que celui pour l'année 2018 serait de 33h45. Elle précise toutefois que sur ces périodes, la salariée aurait bénéficié de 11 jours de récupération soit l'équivalent de 77h, ce qui excéderait le nombre des heures supplémentaires réalisées en appliquant un taux de majoration de 25%.

Elle affirme en outre que, Mme [K], non soumise à une quelconque convention de forfait en jours ou à des RTT, avait toutefois bénéficié de jours de récupération en compensation des heures supplémentaires accomplies conformément à l'article 36 de la convention collective applicable et des dispositions de l'article L. 3121-33 du code du travail.

Elle ajoute par ailleurs que chaque année il a été rappelé à Mme [K] la nécessité de respecter l'horaire collectif de 35 h et d'aviser son supérieur en cas de dépassement afin de fixer en suivant une récupération ; elle produit plusieurs mails échangés avec la salariée (31 mai 2017, 1er juin 2017, 29 et 30 mars 2017, 27 avril et 3 mai 2017) au sujet de journées de récupération accordées.

Enfin, elle rappelle la motivation des premiers juges qui ont considéré que la salariée n'avait jamais formulé de réclamation quant aux heures supplémentaires pendant l'exécution de son contrat de travail.

* * *

L'employeur, auquel incombe le contrôle des heures de travail effectuées, ne justifie que partiellement des horaires réalisés par Mme [K].

En effet, au vu des pièces produites par la société, il peut être considéré que pour les semaines 18, 19, 20 et 21 de 2017, la salariée qui n'a pas accompli 35 heures hebdomadaires de travail a sollicité le paiement d'heures supplémentaires à tort et a bénéficié de jours de récupérations (5) au vu des mails des 29 mars 2017, 27 avril 2017, 30 mai 2017 et du 1er juin 2017, lequel fait en outre état d'un compteur de 6h27 d'heures supplémentaires après deux journées de récupération accordées les 5 et 12 juin 2017.

En revanche l'employeur ne produit aucun justificatif pour les autres périodes.

Mais, contrairement à ce que prétend la salariée, il est établi qu'un système de récupération à titre de compensation avait cours au sein de l'entreprise conformément à la convention collective applicable. Mme [K] a d'ailleurs adressé à son supérieur hiérarchique le 22 décembre 2016 une attestation confirmant la récupération de l'intégralité de ses heures au 31 décembre 2016 (verso de la pièce 25 de la salariée).

En outre, le décompte des heures effectuées par Mme [K] est critiquable en ce qu'il ne fait apparaître aucune pause méridienne et ne tient pas compte des jours de récupération qui figurent pourtant sur l'agenda qu'elle produit (26 mai 2017, 5 et 12 juin 2017, 2 et 3 novembre 2017, 22, 26 et 27 décembre 2017, 16 février 2018, 10 avril 2018, 20 juillet 2018).

En considération des explications et des pièces produites, la cour a la conviction que Mme [K] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées mais pas à la hauteur de celles qu'elle revendique et sa créance à ce titre sera fixée à la somme de 5.165,55 euros que la société Coty France sera condamnée à lui payer outre celle de 516,55 euros pour les congés payés afférents.

Sur la demande au titre du solde des primes trimestrielles

Sollicitant l'infirmation du jugement de première instance qui l'a déboutée de sa demande, Mme [K] affirme que, placée en mi-temps thérapeutique à compter du 5 mars 2019 jusqu'au 30 juin 2021, ses primes sur objectifs ont été divisées par deux alors qu'elle a atteint l'intégralité des objectifs fixés identiques à ceux d'un temps complet. Elle sollicite en conséquence la condamnation de l'employeur à lui verser la somme totale de 2.479 euros représentant les primes à lui revenir de mai 2019 à août 2021 outre la somme de 247,90 euros au titre des congés payés y afférents.

En réplique, la société, se fondant sur les dispositions de l'article L. 3123-5 du code du travail ainsi que sur l'article 7 du contrat de travail conclu entre les parties, affirme que le montant des primes de Mme [K] a été calculé, prorata temporis, en fonction de son temps effectif dans l'entreprise.

* * *

Les primes sont obligatoires et présentent le caractère juridique d'un salaire si elles sont prévues par le contrat de travail ou les conventions et accords collectifs de travail, si elles ont été instaurées par un engagement unilatéral de l'employeur ou si leur versement résulte d'un usage d'entreprise.

En vertu des dispositions de l'article L.3123-5 du code du travail, le salarié à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet par la loi, les conventions et les accords d'entreprise ou d'établissement sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques prévues par une convention ou un accord collectif et sa rémunération est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent dans l'établissement ou l'entreprise, compte tenu de la durée de son travail et de son ancienneté dans l'entreprise.

Par ailleurs, le contrat de travail de Mme [K] prévoit une rémunération répartie entre un salaire fixe et une prime sur objectifs ainsi définie : "un système de primes d'un montant cumulé annuel brut maximum de 3.600 euros. Le montant de ces primes sera en fonction de la réalisation d'objectifs qui seront fixés sur la période de référence par la société, par écrit. La prime sera calculée, prorata temporis, en fonction de votre temps de présence effectif dans l'entreprise".

Les objectifs fixés à la salariée tels qu'ils résultent de sa pièce 18 étaient les suivants:

- le respect des procédures,

- le suivi des plans de tournée,

- la moyenne visite jour,

- la qualité des linéaires maquillages,

- la responsabilité secteur.

Il est établi que la salariée a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique à compter du 5 mars 2019 jusqu'au 30 juin 2021.

S'il s'agit, comme le soutient Mme [K], d'objectifs non quantitatifs, leur réalisation était néanmoins proportionnelle à son temps de travail effectif, ses résultats étant à la hauteur de son mi-temps. Dès lors, la proratisation de cette prime en fonction de ce temps de présence effectif dans l'entreprise n'est pas contraire aux dispositions de l'article L.3123-5 du code du travail relatives à l'égalité de traitement des salariés à temps partiel avec les salariés à plein temps.

Par voie de conséquence, il convient de confirmer le jugement qui a débouté Mme [K] de sa demande à ce titre.

Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

Mme [K] sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 3.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi consécutif à l'exécution déloyale du contrat de travail, en faisant valoir que le défaut de règlement des heures supplémentaires a entraîné un manque à gagner important dans la mesure où l'assiette des indemnités journalières servies par la caisse primaire d'assurance maladie est calculée à partir du salaire incluant les heures supplémentaires.

En réplique, l'employeur conteste avoir manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

* * *

L'article L. 1221-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Il résulte des explications et des pièces fournies par les parties que Mme [K] a refusé la proposition qui lui a été faite par l'employeur, au titre des heures supplémentaires non réglées, d'une somme supérieure à celle qui vient de lui être allouée aux termes de la présente décision de sorte que la mauvaise foi de l'employeur ne peut être retenue.

Mme [K] sera en conséquence déboutée de sa demande indemnitaire subséquente et le jugement déféré sera confirmé.

Sur la demande au titre du non-respect par l'employeur de son obligation de protection de la santé et de la sécurité

Mme [K] sollicite la confirmation de la décision qui lui a alloué la somme de 4.000 euros à ce titre, considérant que l'employeur a fait montre d'une résistance abusive dans la mise en place des préconisations du médecin du travail en lui attribuant un véhicule en partie adapté à sa situation médicale, 20 mois plus tard comportant certes une boîte automatique mais étant dépourvu d'un accoudoir central en bon état.

De son côté, l'employeur soutient avoir été diligent en acceptant immédiatement la mise en place d'un mi-temps thérapeutique au bénéfice de Mme [K] et avance qu'il ne disposait pas, au moment des préconisations du médecin du travail, d'un véhicule adapté à la situation de la salariée, estimant que la mise à disposition tardive d'un véhicule adapté n'est pas fautive.

Il résulte toutefois des explications et des pièces fournies qu'à la suite de l'ablation d'une tumeur au bras droit subie par Mme [K], le médecin du travail a préconisé la mise à sa disposition d'un véhicule équipé d'une boîte automatique ainsi que d'un accoudoir central. Or, malgré un rappel du médecin du travail et plusieurs sollicitations de la salariée, la société a attribué à Mme [K] près de 20 mois plus tard un véhicule utilitaire, qui se trouvait déjà dans la flotte de l'entreprise en septembre 2019 alors même qu'elle disposait d'autres véhicules touristiques munis d'une boîte automatique, ce véhicule étant néanmoins dépourvu d'accoudoir central en bon état

En considération de ces éléments, il convient de confirmer la décision déférée.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de confirmer ou d'infirmer la décision qui a débouté Mme [K] de sa demande tendant à obtenir sous astreinte, la remise d'un véhicule adapté à sa situation médicale, cette demande étant désormais dépourvue d'objet du fait de son abandon par l'appelante.

Sur les autres demandes

La société devra délivrer à Mme [K] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

La société, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [K] la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Donne acte à la société Coty France de son intervention volontaire,

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

- débouté Mme [K] de sa demande au titre du solde des primes d'objectifs et de celle relative à l'exécution déloyale du contrat de travail,

- condamné la société Coty France à verser à Mme [K] la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité,

- condamné la société Coty France à verser à Mme [K] la somme de 900 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Constate que la demande de Mme [K] de mise à disposition d'un véhicule adapté sous astreinte n'est pas maintenue en cause d'appel,

Condamne la société Coty France à verser à Mme [K] les sommes suivantes :

- 5.165,55 euros bruts au titre des heures supplémentaires accomplies,

- 516,55 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Dit que la société Coty France devra délivrer à Mme [K] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée,

Condamne la société Coty France aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03188
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.03188 ?
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