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24/05/2024 | FRANCE | N°24/00118

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 24 mai 2024, 24/00118


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00118 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NY3J





ORDONNANCE









Le VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE à 11 H 00



Nous, Cybèle ORDOQUI, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En l'absence de Monsieu

r [O] [M], représentant du Préfet de La Haute-Vienne, dûment avisé,



En l'absence de Monsieur [P] [Z], né le 19 Octobre 1988 à [Localité 4] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00118 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NY3J

ORDONNANCE

Le VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE à 11 H 00

Nous, Cybèle ORDOQUI, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En l'absence de Monsieur [O] [M], représentant du Préfet de La Haute-Vienne, dûment avisé,

En l'absence de Monsieur [P] [Z], né le 19 Octobre 1988 à [Localité 4] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, et en présence de son conseil Maître Clara CHOPLIN,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [P] [Z],

né le 19 Octobre 1988 à [Localité 4] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 15 avril 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 21 mai 2024 à 15h38 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [P] [Z], pour une durée de 30 jours supplémentaires,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [P] [Z], né le 19 Octobre 1988 à [Localité 4] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, le 22 mai 2024 à 14h35,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Clara CHOPLIN, conseil de Monsieur [P] [Z],

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 24 mai 2022 à 11h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 15 avril 2024, le Préfet de la Haute-Vienne a pris à l'encontre de M. [P] [D] [T], né le 19 octobre 1988 à [Localité 4] (Algérie), de nationalité algérienne, un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français, qui lui a été notifié le même jour à 16h21 alors qu'il faisait l'objet d'une interpellation. Partant son assignation à résidence était ordonnée.

Le 20 avril 2024, M. [D] [T] faisait l'objet d'une nouvelle interpellation.

Il a été placé en rétention administrative par arrêté du Préfet de Haute-Vienne en date du 21 avril 2024 qui lui a été notifié le même jour à 13 heures.

Par ordonnance en date du 23 avril 2024 qui lui a été notifiée le même jour à 14 heures 27, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a autorisé la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours. Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel le 24 avril 2024.

Par requête reçue au greffe du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 20 mai 2024 à 11 heures 50 à laquelle il convient de se reporter pour l'exposé des faits et des moyens, le Préfet de la Haute-Vienne a sollicité, sur le fondement de l'article L742-4 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, la prolongation de la rétention de l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 30 jours.

Par ordonnance rendue le 21 mai 2024 à 15 heures 38, le juge des libertés et de la détention a :

- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. [D] [T],

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative de M. [D] [T],

- déclaré la procédure diligentée à l'égard de M. [D] [T] régulière,

- ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée supplémentaire de 30 jours,

- dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa2 de la loi du 10 juillet 1991.

Par courriel adressé au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 22 mai 2024 à 14 heures 35, le conseil de M. [D] [T] a fait appel de l'ordonnance du 21 mai 2024.

Au soutien de son appel, le conseil relève :

- que les critères prévus par l'article L.742-2 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile n'étaient pas remplis et que la prolongation de la rétention qui intervient peu avant la date d'éloignement prévue constitue une atteinte à la vie privée tandis que M. [D] [T] présente des garanties de représentation,

- qu'il y a une erreur d'appréciation quant à l'atteinte à la vie privée ainsi que sur les diligences mises en 'uvre en méconnaissance des articles L.741-3 et L.742-4 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile,

- que les conséquences de la prolongation de la rétention sont disproportionnées et en violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ainsi qu'en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Le conseil de M. [D] [T] demande en conséquence à la Cour de :

- dire régulier, recevable et bien fondé l'appel formé par M. [D] [T],

- accorder à M. [D] [T] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,

- infirmer l'ordonnance de prolongation de la rétention rendue par le juge des libertés et de la détention le 21 mai 2024,

- ordonner la remise en liberté immédiate de M. [D] [T] ou ordonner son assignation à résidence au domicile de sa compagne,

- condamner l'autorité administrative à verser au conseil de M. [D] [T] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

A l'audience, le conseil de M. [D] [T] a été entendu et a soutenu ses demandes.

M. [D] [T] n'a pas comparu.

M. le Représentant de la préfecture n'a pas comparu et le greffe de la cour a été informé en début d'audience du départ de M. [D] [T], ce 23 mai 2024, du centre de rétention et de son départ en début de matinée de l'aéroport de [Localité 1] sur un vol à destination de [Localité 5] où il doit faire escale avant de prendre un vol à 14h40 à destination [Localité 2].

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable

Sur la régularité de la prolongation de la rétention administrative

Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, "Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

Aux termes de l'article L742-4 du CESEDA, "Quand un délai de vingt-huit jours est écoulé depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné au I de l'article L 741-1 et en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement, le Juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi.

Le Juge peut également être saisi lorsque la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement.

Il appartient donc au juge des libertés et de la détention de s'assurer d'une part que l'administration a tout mis en 'uvre pour procéder à l'éloignement de l'étranger, dès son placement en rétention et tout au long de la période de rétention administrative et d'autre part qu'il existe des perspectives réelles de reconduite à la frontière.

En l'espèce, M. [D] [T] fait valoir, pour l'essentiel, que la mesure de prolongation de la rétention porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et à l'intérêt supérieur de son fils qui est français, tandis qu'il présente des garanties de représentation en ce qu'il est sur le sol français depuis de nombreuses années, qu'il est domicilié de manière habituelle chez sa compagne et qu'il rend visite une fois par mois à son fils, qui fait l'objet d'un placement par le juge des enfants compétent.

Il ajoute aux termes de ses écritures au soutien de son appel, ainsi qu'à l'audience par le biais de son conseil, qu'il ne conteste nullement la première prolongation de son placement en rétention mais estime que les dispositions des articles L.742-4 et L.741-3 ne sont pas applicables à sa situation et ne permettent pas la deuxième prolongation de sa rétention administrative.

Enfin, il soutient qu'il aurait pu bénéficier d'une assignation à résidence ce qui lui aurait permis de quitter sa compagne et son fils dans des conditions respectables.

En l'espèce, il convient de relever que M. [D] [T] était dépourvu de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité et admet résider en France depuis 15 ans sans avoir régularisé sa situation administrative sur le sol français.

Il est constant que s'il réside depuis 15 ans en France il ne réside que depuis quelques mois avec sa compagne au Mans, ce dont il justifie.

Il apparaît également qu'il ne dispose pas de ressources légales sur le territoire français, qu'il n'a pas quitté le territoire français suite à deux précédentes obligations de quitter ledit territoire manifestant ainsi son obstruction volontaire à la mesure d'éloignement et sa détermination à rester en France, malgré sa situation irrégulière.

En outre, il n'a pas procédé a minima à une tentative de régularisation de sa situation singulièrement dans l'intérêt de son enfant, aujourd'hui âgé de plus de deux ans, faisant l'objet d'un placement par le juge des enfants compétent et dans l'intérêt de sa compagne avec lequel il dit souhaiter partager une vie commune et avoir des projets.

Il s'en déduit que la deuxième prolongation de sa rétention n'est pas à l'origine d'une atteinte disproportionnée à sa vie privée mais qu'il s'est lui-même placé dans une situation ne lui permettant pas d'assurer une vie commune paisible avec sa compagne ou d'être plus présent auprès de son fils nonobstant le fait qu'il réside depuis plusieurs mois avec sa compagne ou rende visite une fois par mois à son fils ce dont il justifie.

Par ailleurs, il convient également de relever que M. [D] [T] a multiplié les alias pour faire échec à son identification et que ses antécédents judiciaires font état de huit condamnations.

Enfin, il est constant qu'assigné à résidence le 15 avril 2024 suite à son interpellation il était à nouveau interpellé le 20 avril 2024 et placé en rétention administrative ce qui démontre qu'il n'est pas en capacité de respecter les obligations liées à une assignation à résidence contrairement à ce qu'il affirme dans la présente instance.

Concernant les diligences de l'autorité administrative et les perspectives d'éloignement de M. [D] [T], il est constant que l'autorité administrative a saisi les autorités consulaires algériennes le 22 avril 2024 en vue de la délivrance d'un laissez-passer consulaire précisant les diligences effectuées lors des précédentes mesures d'éloignement d'où il ressortait que M. [D] [T] était reconnu par les autorités algériennes comme étant l'un de leurs ressortissants.

Le laissez-passer consulaire pour le compte de M. [D] [T] était délivré le 14 mai 2024 et il est justifié de la réservation par les autorités administratives, dès le 30 avril 2024, d'un vol depuis [Localité 1] [Localité 3] à destination de [Localité 5] puis [Localité 2] pour la date du 23 mai 2024, aucune date plus proche n'étant disponible.

Quant aux perspectives d'éloignement, il est constant qu'elles sont réelles, M. [D] [T] ayant quitté le centre de rétention ce jour pour embarquer sur le vol prévu à destination [Localité 2] après une escale à [Localité 5].

En conséquence, les conditions des article L741-3 et L742-4 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile étant réunies, la rétention administrative est le moyen de nature à garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, prise à l'encontre de M. [D] [T].

Dès lors, il convient de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 21 mai 2024 autorisant la seconde prolongation de la rétention administrative.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

M. [D] [T] n'ayant pas prospéré dans son appel, il ne sera pas fait droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable ;

Accordons l'aide juridictionnelle provisoire à M. [D] [T] ;

Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 21 mai 2024 ;

Déboutons le conseil de M. [D] [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile.

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00118
Date de la décision : 24/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-24;24.00118 ?
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