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22/05/2024 | FRANCE | N°23/05040

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 22 mai 2024, 23/05040


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 22 MAI 2024









N° RG 23/05040 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NP4E

















Monsieur [J] [F]



c/



Madame [B] [H]

















Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION















Grosse déliv

rée le :



à



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 mai 2018 (R.G. N°F15/00092) par le conseil de prud'hommes de Périgueux - Formation de départage , Section Agriculture, après arrêt de la Cour de cassation rendu le 21 juin 2023, cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 22 sept...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 22 MAI 2024

N° RG 23/05040 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NP4E

Monsieur [J] [F]

c/

Madame [B] [H]

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

à

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 mai 2018 (R.G. N°F15/00092) par le conseil de prud'hommes de Périgueux - Formation de départage , Section Agriculture, après arrêt de la Cour de cassation rendu le 21 juin 2023, cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 22 septembre 2021, suivant déclaration de saisine du 06 novembre 2023 de la cour d'appel de Bordeaux, désignée cour de renvoi,

Demandeur sur renvoi de cassation :

Monsieur [J] [F]

né le 7 avril 1973 à [Localité 3]de nationalité française, demeurant Lieudit [Adresse 2]

représenté par Me Laurent NADAUD, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Jacques VINCENS de la SELARL ME JACQUES VINCENS, avocat au barreau de BORDEAUX,

Défendeur sur renvoi de cassation :

Madame [B] [H]

née le 29 Novembre 1960 à [Localité 4] de nationalité française Profession : employée de maison, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alexandre LEMERCIER de la SELARL LEMERCIER AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 avril 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Marie Goumilloux, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Marie Goumilloux, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [B] [H], née en 1960, a été embauchée en qualité de salariée agricole suivant contrat de travail intermittent à durée indéterminée à effet au 3 septembre 2002 par M. [T] [F] auquel son fils, [J] [F], a succédé à compter du 2 avril 2007.

Le temps de travail de Mme [H] était de 300 heures par an, réparties en deux périodes, du 1er mars au 31 mai (12 semaines) et du 1er septembre au 30 octobre (4 semaines).

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective départementale des exploitations horticoles de la Dordogne.

Le 3 octobre 2013, Mme [H] a déclaré une maladie professionnelle que la caisse de mutualité sociale agricole (ci-après MSA) a accepté de prendre en charge par courrier du 8 avril 2014 notifié à l'employeur.

M. [F] a saisi la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté sa demande puis il a formé un recours devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, lequel par décision du 14 janvier 2016, confirmé par la cour d'appel de Bordeaux par arrêt du 4 mai 2017, a retenu le caractère professionnel de la maladie de Mme [H] mais a déclaré la décision de prise en charge non opposable à M. [F].

Le 29 avril 2014, Mme [H] a de nouveau sollicité le médecin du travail pour une tendinopathie.

Le médecin du travail a établi un avis d'aptitude sous réserve ainsi rédigé : « Apte sous réserve d'un reclassement à un autre poste = contre-indication aux gestes répétitifs des bras, aux gestes de tirage ou poussé, au soulèvement de charge de façon répétitive, aux travaux bras levés prolongés, au soulèvement de brouettes ou travaux de force, pioche, pelle. Pourrait être affectée à un poste exclusif d'accueil ou et de vente. Une étude de poste est à envisager. »

Le 5 mai 2014, lors de l'étude de poste réalisée en présence du médecin du travail, de Mme [H] et de M. [F], il a été constaté l'impossibilité de trouver un poste de reclassement respectant les contre-indications spécifiées dans l'avis émis le 29 avril.

Le 14 mai 2014, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude définitive à tout poste au sein de l'entreprise.

Par lettre du 15 juillet 2014, l'inspection du travail, interrogée par Mme [H], a estimé que les conditions pour procéder à son licenciement étaient remplies.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement par courrier du 7 août 2014, Mme [H] a été licenciée pour inaptitude physique d'origine non professionnelle par lettre datée du 14 août 2014.

A la date du licenciement, elle avait une ancienneté de 11 ans et 11 mois et percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 799,24 euros. L'effectif de l'entreprise était de moins de onze salariés.

Le 5 mars 2015, Mme [H] a saisi le conseil des prud'hommes de Périgueux aux fins d'obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein, de contester son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses indemnités notamment pour travail dissimulé et de rappels de salaires ainsi que le remboursement de cotisations de complémentaire santé.

Parallèlement, elle a saisi le conseil des prud'hommes en référé le 5 mars 2015 de demandes relatives à un rappel de salaire, sollicitant aussi le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité spéciale de licenciement ainsi que la rectification du certificat de travail.

Par ordonnance rendue le 2 avril 2015, la formation de référé a condamné M. [F] à régler à Mme [H] un rappel de salaire pour la période comprise entre le 15 juin 2014 au 14 août 2014, les congés payés afférents ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

Suite à l'appel formé par M. [F], la cour d'appel de Bordeaux a réformé la décision du conseil de prud'hommes de Périgueux, confirmant les rappels de salaires mais infirmant la décision au titre de l'octroi de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dans un arrêt du 9 juillet 2015.

Par jugement rendu en formation de départage le 17 mai 2018, le conseil des prud'hommes a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [F],

- dit que Mme [H] est recevable à agir contre M. [F] devant le conseil de prud'hommes de Périgueux,

- débouté Mme [H] de sa demande aux fins de requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps plein et des demandes subséquentes,

- constaté que l'inaptitude de Mme [H] est d'origine professionnelle,

- dit que le licenciement notifié à Mme [H] par M. [F] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné M. [F] à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

* 1.442, 06 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis,

* 144, 21 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 1.178, 84 euros à titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

* 9.000 euros à titre d'indemnité pour violation des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte,

* 1.211,33 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,

* 721, 03 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 15 mai au 15 juin 2014,

* 72,10 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- dit que les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du jugement pour le surplus,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- condamné M. [F] à remettre à Mme [H] un certificat de travail rectifié conformément aux termes du jugement,

- assorti cette condamnation d'une astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement par le greffe et ce, pendant un délai de 60 jours, au terme duquel il devra de nouveau être fait droit, charge à la partie la plus diligente de saisir le juge de l'exécution,

- débouté Mme [H] du surplus de ses demandes,

- condamné M. [F] à payer à Mme [H] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'art 700 du code de procédure civile,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 721, 03 euros bruts,

- condamné M. [F] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour les sommes autres que celles visées à l'article R. 1454-28 du code du travail.

Par déclaration au greffe en date du 19 juin 2018, M. [F] a relevé appel de ce jugement, procédure enrôlée sous le n° RG 18/3542. Mme [H] a également formé appel de cette décision le 26 juin 2018 (RG 18/3711).

Par ordonnance en date du 23 janvier 2019, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré irrecevable l'appel principal de Mme [H] en date du 26 juin 2018 dans le dossier RG n° 18/03711,

- déclaré recevables les conclusions de Mme [H] contenant appel incident en date du 21 août 2018 dans le dossier RG n°18/03542,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 22 septembre 2021, la cour d'appel de Bordeaux a :

- confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Périgueux en date du 15 mars 2018 en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

- condamné M. [F] aux dépens d'appel et à payer à Mme [H] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Par arrêt rendu le 21 juin 2023, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement notifié à Mme [H] par M. [F] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse et condamne M. [F] à payer à Mme [H] la somme de 9.000 euros à titre d'indemnité pour violation des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte,

- remis, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée,

- condamné Mme [H] aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

M. [F] a saisi la cour d'appel de renvoi le 6 novembre 2023.

Par ordonnance du 10 novembre 2023, le président de chambre a fixé l'affaire à l'audience du 2 avril 2024 dans les conditions prévues par l'article 1037-1 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 mars 2024, M. [F] demande à la cour de :

- déclarer recevables et bien fondés la saisine et l'appel formés par lui,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Périgueux du 17 mai 2018 en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamné à payer à Mme [H] la somme de 9.000 euros au titre d'indemnité pour violation des dispositions relatives au reclassement du salarié inapte,

- débouter Mme [H] de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

- réduire l'indemnité accordée à Mme [H] à hauteur de 1.800 euros,

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner que l'indemnité accordée à Mme [H] ne pourra excéder 9.000 euros,

- la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 février 2024, Mme [H] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Périgueux en ce qu'il a constaté le manquement de M. [F] à ses obligations relatives aux modalités de reclassement des salariés,

- l'infirmer en ce qu'il a lié l'absence de cause réelle et sérieuse à l'absence de notification préalable au licenciement des motifs s'opposant au reclassement de la salariée,

Statuant et jugeant à nouveau,

- requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements et fautes de M. [F] qui sont à l'origine de la maladie professionnelle subie par la salariée ayant provoqué son inaptitude,

- le condamner à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 23.849,26 euros,

Subsidiairement, si la cour devait juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- juger que l'employeur a manqué à son obligation de notifier les motifs s'opposant au reclassement préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement,

- le condamner à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant à hauteur de 23.849,26 euros,

- le condamner à lui payer la somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et autoriser la capitalisation des intérêts échus,

- condamner M. [F] aux dépens en ce compris les éventuels frais d'exécution.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

M. [F] prend acte de ce que la Cour de cassation a reconnu qu'il n'avait pas respecté la procédure de licenciement de Mme [H].

Il soutient que l'absence de notification tant de l'impossibilité de reclassement que des motifs qui s'opposaient à celui-ci exclut la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicite ainsi l'infirmation du jugement qui l'a qualifié comme tel et qui l'a condamné à payer à Mme [H] la somme de 9.000 euros à ce titre.

Mme [H] sollicite la confirmation de ce que son inaptitude était d'origine professionnelle. Elle indique que sa maladie professionnelle a été reconnue par le médecin du travail et par la commission de recours amiable qui a confirmé la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Elle affirme que les conditions de cette prise en charge sont effectivement remplies, la tendinopathie étant inscrite au tableau n°39 des maladies professionnelles ; elle ajoute que le médecin du travail a constaté l'existence de cette pathologie après la reprise de son travail et donc dans le délai de 7 jours après la cessation du risque auquel elle était exposée dès lors que le médecin du travail avait constaté que son travail était constitué de gestes répétitifs. Elle soutient que cette pathologie, qui affecte son épaule gauche, ne peut être causée par son activité parallèle de réalisation de ménages au cours de laquelle elle utilise exclusivement son épaule droite.

Elle impute l'origine de son inaptitude aux conditions de travail qui lui étaient imposées, qu'elle qualifie par ailleurs de fautives car inadaptées à son poste de travail et aux restrictions la concernant.

Par ailleurs, Mme [H] souligne que M. [F] ne lui a pas notifié les motifs s'opposant à son reclassement avant d'engager la procédure de licenciement et a par conséquent manqué à son obligation de reclassement.

Concernant ses demandes indemnitaires, à titre principal, elle invoque ses 11 années d'ancienneté pour solliciter la somme de 23.849,26 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail.

À titre subsidiaire, elle sollicite des dommages et intérêts au titre de la perte de chance de conserver son emploi du fait de l'absence de notification préalable des motifs s'opposant à son reclassement, rendant impossible toute discussion à ce sujet.

***

Compte tenu de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 21 juin 2023, les condamnations prononcées le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux au titre du rappel de prime d'ancienneté, de rappel de salaire pour la période du 15 mai au 15 juin 2014 sont définitives, de même que la constatation de ce que l'inaptitude de Mme [H] est d'origine professionnelle, les condamnations à ce titre (indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis et solde au titre de l'indemnité spéciale de licenciement) ainsi que le rejet de la demande en requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps plein sont également définitives.

La cour n'est donc saisie que de la légitimité de la rupture du contrat de travail de Mme [H].

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

L'employeur est tenu d'une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit en assurer l'effectivité en vertu des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail.

Le licenciement pour inaptitude est dénué de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

La cour d'appel de Bordeaux a reconnu par arrêt du 4 mai 2017, devenu définitif, la prise en charge de l'accident de travail de Mme [H] au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'inaptitude de Mme [H] a ainsi été reconnue comme ayant partiellement pour origine une maladie professionnelle dont l'employeur avait connaissance au moment du licenciement, ce constat ayant été validé par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 juin 2023.

Mme [H] ne précise pas quels manquements elle impute à son employeur au titre de son obligation de sécurité qui seraient à l'origine de sa maladie professionnelle.

Le médecin du travail a émis un avis d'aptitude avec réserve le 29 avril 2014 visant à éviter 'les gestes répétitifs des bras, les gestes de tirage ou poussé, le soulèvement e charge de façon répétitive, les travaux bras levés prolongés, soulèvement de brouettes ou travaux de force, pioche, pelle'.

La salariée n'a pas repris son poste de travail après cet avis médical et à la suite de l'étude de poste du 5 mai 2014, le médecin du travail a délivré un avis d'inaptitude définitif à tout poste.

L'existence de conditions de travail difficiles et susceptibles de générer une maladie professionnelle n'est pas en soi la démonstration d'un manquement à l'obligation de sécurité incombant à l'employeur, qui, dès connaissance prise des réserves médicales, n'a pas sollicité Mme [H] sur son poste de travail.

Il ne peut donc être retenu que l'inaptitude de la salariée est la conséquence d'un manquement de l'employeur à ses obligations.

Sur l'absence de reclassement

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail applicable dans la version antérieure à la loi du 8 août 2016, « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. (...).

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. »

L'article L. 1226-12 alinéa 1er du code du travail, dans sa version applicable au litige soit antérieurement à celle issue de la loi du 17 août 2015, énonce que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur est donc tenu de faire connaître au salarié par écrit non seulement l'impossibilité de reclassement mais également les motifs qui s'opposent à ce reclassement et ce, avant que ne soit engagée la procédure de licenciement.

L'article L. 1226-15 du même code, dans sa version antérieure à celle issue de la loi du 8 août 2016, précise :

« Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14.

Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement.»

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'absence de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle n'expose pas l'employeur aux sanctions prévues par l'article L. 1226-15 mais le rend redevable d'une indemnité en réparation du préjudice subi qui ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, si l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, il encourt la sanction d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, dont l'indemnité réparatrice inclut le défaut de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement.

En l'espèce, d'une part, Mme [H] ne soutient pas que l'employeur aurait manqué à son obligation de reclassement mais invoque uniquement le manquement à l'obligation de notification des motifs de l'impossibilité de reclassement.

D'autre part, dans la lettre de licenciement adressée à Mme [H] le 14 août 2014, M. [F] a fait part à celle-ci des raisons qui le conduisent à la licencier pour inaptitude en raison de l'impossibilité de la reclasser mentionnant 'malgré mes recherches en ce sens'. Il poursuit en réitérant que 'malgré mes recherches de reclassement, le médecin du travail confirmait donc l'impossibilité de vous reclasser au sein de ma structure.

L'inspection du travail confirmait également l'impossibilité de procéder à votre reclassement'.

La mention de l'avis d'inaptitude, l'étude de poste et la réponse de l'inspection du travail, établissent qu'aucun reclassement n'était possible en interne dans l'entreprise qui comportait moins de 11 salariés et ne faisait pas partie d'un groupe.

L'employeur ayant respecté son obligation de reclassement, le licenciement de Mme [H] repose donc sur une cause réelle et sérieuse.

En revanche, l'employeur n'a pas respecté l'obligation de faire connaître par écrit à Mme [H] les motifs qui s'opposaient à son reclassement avant d'engager la procédure de licenciement.

Mme [H] a participé à l'étude de poste et n'a formulé aucune demande d'adaptation de son poste de travail, dont les spécificités rendait cette adaptation impossible.

En considération de ces éléments, il lui sera alloué la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

M. [F], partie condamnée en paiement, supportera la charge des dépens et il sera alloué à Mme [H] la somme complémentaire de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre par le jugement déféré.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant dans les limites de l'arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2023,

Infirme le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Périgueux en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [H] dénué de cause réelle et sérieuse et condamné M. [F] à verser à Mme [H] la somme de 9.000 euros à titre d'indemnité pour violation des dispositions relatives au reclassement de la salariée déclarée inapte,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que le licenciement de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne M. [F] à verser à Mme [H] la somme de 1.000 euros au titre du préjudice résultant de l'absence de notification des motifs de l'impossibilité de tout reclassement de manière préalable au licenciement,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne M. [F] aux dépens ainsi qu'à verser à Mme [H] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 23/05040
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;23.05040 ?
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