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22/05/2024 | FRANCE | N°21/03277

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 22 mai 2024, 21/03277


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 22 MAI 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03277 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MEXE













Monsieur [B] [W]



c/



Madame [I] [X]

Monsieur [R] [M]

















Nature de la décision : AU FOND



















Gro

sse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 mai 2021 (R.G. n°F 18/01747) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 07 juin 2021,





APPELANT :

Monsieur [B] [W]

de nationalité Française demeurant Chez ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 22 MAI 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03277 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MEXE

Monsieur [B] [W]

c/

Madame [I] [X]

Monsieur [R] [M]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 mai 2021 (R.G. n°F 18/01747) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 07 juin 2021,

APPELANT :

Monsieur [B] [W]

de nationalité Française demeurant Chez Madame [H] [W] - [Adresse 1]

représenté par Me Valentin GUERARD substituant Me Jérôme DELAS de la SELARL ATELIER AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Madame [I] [X]

née le 29 Mars 1974 à [Localité 4] de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Florence HERBOLD, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [R] [M]

né le 14 Novembre 1977 à [Localité 5]de nationalité Française demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Michèle BAUER, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [I] [X] a été engagée en qualité de réceptionniste par le Dr [W], chirurgien dentiste, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 3 décembre 2001.

Par avenant au contrat de travail du 1er septembre 2003, la durée du travail a été portée à 29 heures mensuelles, pour un salaire de base de 897,84 euros et une prime de secrétariat de 96,28 euros.

Par un avenant du 8 décembre 2004, Mme [X] a été nommée aux fonctions d'assistante dentaire stagiaire.

Mme [X] a ensuite exercé à temps plein au cabinet de janvier 2006 à septembre 2016.

Par un avenant du 1er septembre 2016 et à compter d'octobre 2016, la durée de travail de Mme [X] a été fixée à 30 heures hebdomadaires.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des cabinets dentaires.

En février 2017, M. [W] s'est fait remplacer pendant un mois par Monsieur [R] [M].

A compter du 30 juin 2017, M. [W] a autorisé le docteur [M] à s'installer dans son local où une pièce y demeurait inoccupée.

Le 1er décembre 2017, les docteurs [M] et [W] ont régularisé un contrat d'exercice professionnel à frais communs, déposé auprès du conseil de l'ordre des chirurgiens dentistes le 11 janvier 2018.

Du 7 juillet 2018 au 30 novembre 2018, Mme [X] a été placée en arrêt de travail.

Le 1er octobre 2018, le docteur [W] a fait valoir ses droits à la retraite.

Par lettre datée du même jour, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 10 octobre 2018.

Mme [X] a ensuite été licenciée pour motif économique par lettre datée du 20 octobre 2018.

A la date du licenciement, Mme [X] avait une ancienneté de 16 ans et 10 mois.

Le 19 novembre 2018, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant des dommages et intérêts pour licenciement abusif et exécution déloyale du contrat de travail ainsi que le salaire dû pour trois heures travaillées le 30 juin 2018.

Par jugement rendu en formation de départage le 7 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [S] épouse [X] notifié le 20 octobre 2018 par M. [W] en méconnaissance des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail est privé d'effet,

- condamné in solidum M. [W] et M. [M] à payer à Mme [S] épouse [X] la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts et celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes de Mme [S] épouse [X],

- condamné in solidum les défendeurs aux dépens.

Par déclarations des 7 et 9 juin 2021, M. [W] et M. [M] ont relevé appel de cette décision.

Les dossiers ont été joints par mention au dossier du 6 décembre 2023.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 février 2024, M. [W] demande à la cour de

- réformer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- dire que les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail ne sont pas applicables à la présente espèce,

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande au titre d'un rappel de salaire sur trois heures complémentaires outre délivrance d'un bulletin de paie rectifié, ainsi qu'à sa demande formée au titre d'une exécution déloyale de la relation d'emploi,

Y ajoutant,

- condamner Mme [X] au règlement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 février 2024, M. [M] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- statuer à nouveau,

A titre principal,

- rejeter les demandes de Mme [X] car elles sont irrecevables pour défaut de qualité pour agir à son encontre,

A titre subsidiaire,

- rejeter l'application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail,

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

- rejeter la demande du docteur [W] visant à le relever indemne de toute condamnation par lui, la déclarer irrecevable car il s'agit d'une demande nouvelle,

Si la demande était considérée comme accessoire,

- il demande à ce que le docteur [W] le relève indemne de toute condamnation à son encontre,

Dans tous les cas,

- condamner Mme [X] au règlement d'une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 avril 2022, Mme [X] demande à la cour de :

- ordonner la jonction des deux procédures RG 21/03277 et RG 21/03316,

- la recevoir en son appel incident,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement, notifié le 20 octobre 2018 par M. [W] en méconnaissance des dispositions de l'article L1224-1 du CT est privé d'effet,

Et condamné in solidum M. [W] et M. [M] à lui payer la somme de 25.000 euros de dommages-intérêts et celle de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et condamné in solidum les défendeurs aux dépens,

- réformer pour le surplus,

Et y ajoutant,

- débouter les appelants de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement les docteurs [W] et [M] au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat,

- condamner in solidum le docteur [W] et le docteur [M] à lui verser :

* 3 heures non rémunérées,

- ordonner la délivrance d'un bulletin de salaire rectificatif,

- condamner in solidum les docteurs [W] et [M] au paiement d'une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le Dr [W] fait valoir qu'il a autorisé le Dr [M] à s'installer dans une pièce de son cabinet à compter du 30 juin 2017 et qu'ils ont régularisé un contrat d'exercice professionnel à frais communs le 1er décembre suivant, permettant un partage des charges et dépenses communes ; que, cessant son activité en partant à la retraite, il a licencié Mme [X] pour un motif économique résultant de sa cessation d'activité ; que les deux seuls contrats de vente ont été conclus entre les deux praticiens en juin 2017 et janvier 2018, antérieurement à la cessation de son activité, ne constituent pas un ensemble d'éléments corporels ; qu'ils étaient co-preneurs d'un bail professionnel ; qu'il n'y a pas eu de transfert d'éléments incorporels en l'absence de cession de clientèle, le Dr [M] exerçant une spécialité en implantologie et et parodontologie et ayant sa propre patientèle et n'étant pas son successeur.

Le Dr [M] fait valoir que la demande de Mme [X] à son encontre est irrecevable dès lors qu'il n'a jamais été son employeur ; qu'il a déclaré la création de son cabinet dentaire le 30 juin 2017 ; que le Dr [W] et lui même ont signé une convention de partage des dépenses ; que, durant ses absences, le Dr [W] a été remplacé par un autre dentiste ; qu'il n'y a pas eu de cession de clientèle et donc d'éléments incorporels ; que les deux achats effectués plusieurs mois avant le départ du Dr [W] pour des montrants de 15 000 euros sont inconsistants, lui même ayant acquis des matériels pour un montant de 80 000 euros ; qu'il a créé une importante patientèle et développé une activité autonome avant le départ du Dr [W].

Mme [X] répond que le Dr [M] a effectué un remplacement d'un mois avant d'être le collaborateur du Dr [W] de juillet à novembre 2017, qu'aux termes d'un email du 3 mars 2017, le premier a évoqué une passation de pouvoir ; que le contrat d'exercice professionnel prévoyait le partage des charges, dont ses salaires, à hauteur de 35% pour le Dr [W] et de 65 % pour le Dr [M] ; que le Dr [M] a pris la suite du Dr [W] ; que ce dernier n'a pas cédé sa clientèle mais que le Dr [M] a repris cette dernière en bénéficiant de la réputation du cabinet dentaire, peu important qu'il ait développé sa propre activité ; que la structure a conservé la même adresse, la même patientèle, la même salle d'attente, le même numéro de téléphone, le matériel.

Aux termes de l' article L.1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l' entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l' entreprise.

Ces dispositions s'appliquent dès lors qu'il y a transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit des intérêts propres.

Il est constant que le Dr [W] n'a pas cédé sa patientèle. Le remplacement temporaire de ce dernier par le Dr [M] au cours du mois de février 2017 est indifférent. La réputation du cabinet dentaire qui aurait permis au Dr [M] d'attirer de nouveaux patients ne caractérise pas le transfert d'éléments incorporels. Les deux praticiens opéraient concomitamment dans des pièces distinctes et le Dr [M] produit la liste de très nombreux nouveaux patients - Mme [X] ne le contestant pas - l'ayant consulté entre le 1er juillet 2017 et le départ du Dr [W] en octobre 2018 de sorte qu'il ne peut être retenu de transfert d'élément incorporel, étant précisé que ce dernier a été remplacé par d'autres dentistes pendant ses congés.

Le contrat d'exercice professionnel à frais communs mentionne le matériel médical et informatique de chaque praticien, seul utilisateur de son propre matériel et le partage des frais et charges est indifférent pour établir un transfert d'éléments corporels.

Les achats par le Dr [M] de matériels du Dr [W] ont eu lieu en juin 2017 et janvier 2018 soit très antérieurement au départ de ce dernier et le Dr [M] a acquis des matériels pour une somme de près de 90 000 euros entre le mois de novembre 2017 et le mois de juin 2018, soit plusieurs mois avant la cessation d'activité de son confrère.

Il n'y a pas eu de transfert d'éléments corporels au sens des dispositions sus visées, peu important les termes ( ' passation de pouvoir ' ) mentionnés dans un message électronique du Dr [M] à Mme [X] le 3 mars 2017 soit dix huit mois avant le départ du Dr [W] et que le Dr [M] ait exercé sa profession dans des locaux situés à la même adresse après le départ de son confrère.

Les éléments d'un transfert d'entité économique au profit du Dr [M] ne sont pas avérés et ce dernier ne peut être considéré comme ayant été l'employeur de Mme [X] au visa de l' article L.1224-1 du code du travail.

La cessation d'activité du Dr [W] faisant valoir ses droits à la retraite constitituait un motif économique fondant le licenciement.

Mme [X] demande paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Elle fait état des démarches qu'elle a effectuées avant l'installation du couple [M] et de la tardiveté de l'annonce de son licenciement.

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Celle-ci étant présumée, il revient à la salariée d'établir la réalité du manquement de l' employeur à cette obligation.

Mme [X] étant déboutée de sa demande de voir appliquer les dispositions l' article L.1224-1 du code du travail, elle ne peut obtenir la condamnation du Dr [M] au paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Il n'est pas établi que le Dr [W] aurait informé Mme [X] de son licenciement quelques jours avant celui-ci ou aurait été l'auteur d'autres manquements et Mme [X] sera déboutée de ce chef.

Mme [X] demande enfin le paiement de trois heures complémentaires effectuées le 30 juin 2018 de 14 à 18 heures pour assister le Dr [M].

Le Dr [W] répond que cette demande ne le concerne pas.

La cour ne lit pas de réponse du Dr [M].

La cour constate que Mme [X] ne précise pas le montant du rappel de salaire qui lui serait dû et cette dernière sera déboutée de cette demande.

La cour constate que le Dr [W] ne formule pas de demande tendant à condamner le Dr [M] à le relever indemne de toute condamnation.

L'équité ne commande pas de condamner Mme [X] au paiement de frais irrépétibles.

Partie perdante, Mme [X] supportera les dépens de la procédure d'appel.

*

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Mme [X] notifié le 20 octobre 2018 par le Dr [W] en méconnaissance des dispositions de l' article L.1244-1 du code du travail est privé d'effet ;

- condamné in solidum les Dr [W] et [M] à payer à Mme [X] les sommes de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts et 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

statuant à nouveau de ces chefs,

Déboute Mme [X] de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [X] aux dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03277
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;21.03277 ?
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