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21/05/2024 | FRANCE | N°24/00116

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 21 mai 2024, 24/00116


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00116 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NYW7





ORDONNANCE









Le VINGT ET UN MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE à 17 H 00



Nous, Cybèle ORDOQUI, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur

[F] [D], représentant du Préfet de La Gironde,



En présence de Monsieur [K] [N], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, i...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00116 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NYW7

ORDONNANCE

Le VINGT ET UN MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE à 17 H 00

Nous, Cybèle ORDOQUI, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [F] [D], représentant du Préfet de La Gironde,

En présence de Monsieur [K] [N], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,

En présence de Monsieur [W] [S], né le 30 Janvier 2000 à [Localité 1] (ALGERIE), de nationalité Algérienne, et de son conseil Maître Amélie MONGIE,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [W] [S], né le 30 Janvier 2000 à [Localité 1] (ALGERIE), de nationalité Algérienne et l'interdiction du territoire francais ordonné par le tribunal correctionnel de Toulouse le 16 Septembre 2021 pour trois ans visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 18 mai 2024 à 14h02 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [W] [S], pour une durée de 28 jours,

Vu l'appel interjeté par Monsieur [W] [S], né le 30 Janvier 2000 à [Localité 1] (ALGERIE), de nationalité Algérienne, le 19 Mai 2024 à 17h16,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Amélie MONGIE, conseil de Monsieur [W] [S], ainsi que les observations de Monsieur [F] [D], représentant de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [W] [S] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 21 Mai 2024 à 17h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

M. [W] [S] alias [U] [P], se disant de nationalité marocaine a fait l'objet d'une interdiction du territoire français pendant une durée de trois, ordonnée par le tribunal correctionnel de Toulouse le 16 septembre 2021.

Il a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 15 mai 2024 à 15h20.

M. [S] a été placé en rétention administrative par arrêté de M. le Préfet de la Gironde du 16 mai 2024 notifié le jour même à 15 heures

Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 17 mai 2024 à 14 heures, à laquelle il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. Le Préfet de la Gironde a sollicité du juge des libertés et de la détention, au visa des articles L 742-1 à L742-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de 28 jours.

Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention le 17 mai 2024 à 21 heures 48 à laquelle il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, le conseil de M. [S] a formé une requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative.

Par ordonnance rendue le 18 mai 2024 à 14 heures 02, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a :

- ordonné les jonctions des dossiers,

- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. [S],

- déclaré recevable la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative,

- rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de contrôle d'identité,

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

- rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêté de placement en rétention administrative pour défaut de motivation lié à l'absence de prise en compte de la vulnérabilité de l'intéressé,

- rejeté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant l'arrêté de placement en rétention,

- rejeté le moyen tiré de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement,

- débouté M. [S] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

- autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [S] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de rétention.

Par courriel adressé au greffe de la Cour d'appel le 19 mai 2024 à 17 heures 16, M. [W] [S] se disant de nationalité algérienne pour être né le 30 novembre 2000 à Nostaganem en Algérie, a fait appel de l'ordonnance en date du 18 mai 2024 aux motifs qu'il aimerait bien trouver sa liberté pour faire sa vie et améliorer sa vie.

Par courriel adressé au greffe de la Cour d'appel le 21 mai 2024 à 10 heures 32, le conseil de M. [S] a fait appel de l'ordonnance en date du 18 mai 2024.

A l'appui de sa requête, le conseil relève :

- in limine litis l'irrégularité de la procédure tenant aux conditions d'interpellation et l'irrégularité des réquisitions à l'origine du contrôle d'identité,

- l'absence de nécessité du placement en rétention alors que M. [S] pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence au vu de ses garanties de représentation étant précisé que le placement en rétention doit rester l'exception tandis que l'assignation à résidence est le principe.

En conséquence, il demande à la Cour, de bien vouloir :

- déclarer recevable et bien fondée la requête de M. [W] [P],

- infirmer l'ordonnance en date du 18 mai 2024,

A titre principal,

- ordonner la mise en liberté de M. [W] [S],

- rejeter la demande en prolongation de rétention administrative de M [W] [S], présentée par le Préfet de la Gironde,

A titre subsidiaire,

- prononcer l'assignation à résidence de M. [P],

- rejeter la demande en prolongation de rétention administrative de M [W] [S], présentée par le Préfet de la Gironde,

Le Conseil de M. [S], demande en outre que M. le Préfet de la Gironde soit condamné à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

A l'audience, le conseil de M. [S] reprend les moyens soulevés dans sa requête d'appel et M. Le Représentant de la Préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 18 mai 2024 et reprend les motifs de la requête en prolongation.

Entendu en dernier, M. [S] explique se dénommer [U] [P], être de nationalité marocaine et non algérienne pour être né le 30 novembre 2000 à Casablanca. Il ajoute ne pas avoir compris qu'il devait quitter le territoire français car cela ne lui a jamais été expliqué, partager sa vie avec sa compagne et avoir travaillé en qualité de peintre ou de coiffeur pour payer le loyer, tout en admettant qu'il n'avait pas le droit de travailler sur le territoire français.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable

Sur la régularité de la procédure de contrôle d'identité

L'article 78-2 alinéa 7 du code de procédure pénale dispose que les réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Les réquisitions sur le fondement desquelles un contrôle d'identité est réalisé, doivent être écrites. En l'absence d'inscription de faux, la signature apposée sur des réquisitions est présumée avoir été portée par un magistrat du parquet habilité à le faire.

Les fonctionnaires de police effectuant un contrôle sur réquisitions du procureur de la République, n'ont pas à constater d'éléments objectifs, déduits de circonstances extérieures à la personne, de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger. Un tel constat, qui peut résulter du contrôle d'identité, doit seulement précéder le contrôle des titres de séjour intervenu sur le fondement de l'article L.611-1 du CESEDA. Ils ne sont pas davantage tenus de caractériser le comportement de la personne contrôlée dès lors qu'ils interviennent dans les circonstances de temps et de lieu des réquisitions.

En l'espèce, il est constant que par réquisitions du 6 mai 2024, le procureur de la République de Bordeaux a requis sur le fondement de l'article 78-2 du code de procédure pénale, la réalisation d'une opération de contrôles d'identité du mercredi 15 mai 2024 à 15h au jeudi 15 mai 2024 à 3h00, dans les lieux se trouvant à l'intérieur d'un périmètre géographique délimité.

M. [S] a fait l'objet d'un contrôle d'identité le mercredi 15 mai 2024 à 15h20 [Adresse 2] et par conséquent dans les conditions de lieux et de temps définies dans les réquisitions.

Il convient de relever que c'est en conséquence à bon droit que le premier juge a considéré que les réquisitions du procureur de la République étaient régulières et que les agents et officiers de police judiciaire procédant à ce contrôle n'étaient pas tenus de caractériser des éléments permettant de penser que M. [S] était en cours de commettre une infraction.

Il convient d'ajouter que les réquisitions du procureur de la République apparaissent suffisamment motivées en ce que le périmètre est précis et délimité et que les contrôles d'identité se déroulent sur une période de temps également limitée.

En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée en ce que la procédure de contrôle d'identité est régulière.

Sur la régularité du placement en rétention administrative

Il résulte de l'article L741-1 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile que peut-être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres c'est-à-dire notamment lorsqu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut-être regardé comme établi sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou lorsqu'il ne présente pas de garantie de représentation suffisante, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

Aux termes de l'article L741-4 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

Le placement en rétention de M. [S] se fonde sur une obligation de quitter le territoire dont il a connaissance depuis le 16 septembre 2021. Il est constant qu'il est en situation irrégulière depuis de nombreuses années, qu'il na pas de document de voyage, qu'il travaille irrégulièrement sur le territoire français ce qu'il admet, qu'il se dit de nationalité marocaine tandis qu'il a été reconnu comme ressortissant algérien par les autorités consulaires d'Algérie.

Par ailleurs, il a été placé en assignation à résidence à deux reprises par arrêté du 24 juin 2023 et par arrêté du 20 octobre 2023.

Aucune de ces deux assignations à résidence n'a été respecté par M. [S] qui n'a pas respecté son obligation de se présenter au commissariat et ne démontre pas en avoir été empêché nonobstant le simple justificatif présenté pour une consultation médicale le mardi 28 novembre 2023.

Par ailleurs, en cause d'appel M. [S] ne fait fait pas état d'une quelconque vulnérabilité médicale et la cour rappelle qu'aux termes de l'article L741-4 al1 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile n'impose pas à l'administration de faire procéder à un examen systématique de l'état de vulnérabilité de l'intéressé et n'exclut pas, par elle-même un placement en rétention. Il appartient à l'administration, lorsque les éléments dont elle dispose constituent des indices d'un état de vulnérabilité, accomplir toutes diligences pour s'assurer que l'état de l'intéressé est compatible avec la rétention administrative et d'en justifier dans sa décision de placement en rétention.

Il n'est pas indiqué que M. [S] ait exercé son droit de subit des examens médicaux depuis qu'il a été placé en rétention administrative.

D'où il suit que l'autorité administrative a pris correctement en compte sa situation dont il n'est aucunement établi qu'il présente un quelconque état de vulnérabilité.

Enfin, M. [S] soutient qu'il réside avec sa compagne de façon stable alors qu'il produit une attestation d'hébergement de Mme [C] qui n'est pas accompagné d'une pièce d'identité et que l'attestation d'assurance produite est ancienne et ne justifie en aucun cas du fait qu'il est régulièrement domicilié à cette adresse.

En conséquence, sans domicile stable ni document de voyage, il ne présente aucune garantie de représentation et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 743-13 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile et être placé en assignation à résidence.

Il est constant que c'est en toute connaissance de cause que M. [S] se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis le mois de septembre 2021 et que dès lors, l'autorité administrative n'a commis aucune erreur d'appréciation et le placement en rétention administrative est régulier

Sur la régularité de la requête en prolongation de la rétention administrative

Aux termes de l'article L741-3 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile,"Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

Aux termes de l'article L742-1 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile le juge des libertés et de la détention est saisi dans les quarante-huit heures suivant la notification du placement en rétention aux fins de prolongation de la rétention au-delà de cette durée.

Il ressort des termes de l'article L742-4 du CESEDA, que le délai de cette première prolongation est de 28 jours.

Pour accueillir une demande de première prolongation,en application des articles précités, le juge, après avoir vérifié le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser son départ. Il est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.

Étant cependant précisé que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse.

L'autorité administrative justifie avoir saisi les autorités consulaires d'Algérie qui ont reconnu M. [S] le 21 juillet 2023 comme étant l'un de leurs ressortissants et ont délivré le 15 décembre 2023 un laissez-passer consulaire en vue de sa reconduite en Algérie.

Il est donc vérifié que les autorités consulaires ont été saisies de manière rapide et effective.

La prolongation de la rétention administrative de M. [S] est donc le seul moyen de permettre à l'autorité administrative de mettre en 'uvre la mesure d'éloignement et de garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

En conséquence, les conditions des articles L741-1 et L741-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile étant réunies, c'est à bon droit que le Juge de première instance a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [S] pour une durée de 28 jours et l'ordonnance du 18 mai 2024 sera confirmée.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

M. [S] n'ayant pas prospéré dans son appel, il ne sera pas fait droit à la demande

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable ;

Accordons l'aide juridictionnelle provisoire à M. [S] ;

Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention le 18 mai 2024 ;

Déboutons Maître [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00116
Date de la décision : 21/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-21;24.00116 ?
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