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02/05/2024 | FRANCE | N°21/03112

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 02 mai 2024, 21/03112


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 2 MAI 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03112 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MELQ













Madame [N] [P]



c/



SAS RAI TILLIERES

















Nature de la décision : AU FOND



















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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 mai 2021 (R.G. n°F 18/00250) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULÊME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 31 mai 2021,





APPELANTE :

Madame [N] [P]

née le 08 Octobre 1956 à [Localité 2] de nationalité Française demeura...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 2 MAI 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03112 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MELQ

Madame [N] [P]

c/

SAS RAI TILLIERES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 mai 2021 (R.G. n°F 18/00250) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULÊME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 31 mai 2021,

APPELANTE :

Madame [N] [P]

née le 08 Octobre 1956 à [Localité 2] de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Diane RAYNAUD substituant Me Frédérique BERTRAND de la SELARL FREDERIQUE BERTRAND SEL, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉE :

SAS Rai Tillieres, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]

N° SIRET : 318 167 020

représentée par Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Louise AUGEREAU substituant Me Frédéric BAUSSET de la SELARL BAUSSET FRÉDÉRIC, avocat au barreau de CHARENTE,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- délibéré prorogé au 2 mai 2024 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [N] [P], née en 1956, a été engagée en qualité d'ouvrière de production par les établissements Deschamps, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 novembre 1973.

En 1997, Mme [P] est devenue technico-commerciale.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des cadres de la métallurgie.

En 2007, Monsieur [X] [H] a été engagé en qualité de technico-commercial au sein des Etablissements Deschamps.

A compter du 1er janvier 2010, le contrat de travail de Mme [P] a été transféré à la société Rai Tillieres avec reprise d'ancienneté.

A compter du 1er janvier 2017, Mme [P] a fait valoir ses droits à retraite

A compter du 7 février 2017, Mme [P] a accepté un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel devant expiré le 6 juin 2017.

Par courriers des 29 août et 30 décembre 2017, Mme [P] a interrogé la société sur une éventuelle différence salariale avec M. [H].

Le 17 décembre 2018, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême, soutenant qu'elle occupait des fonctions identiques à celles de M. [H], que les principes d'égalité de traitement et 'à travail égal, salaire égal' avaient été violés et réclamant le paiement, de rappels de salaires sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 et de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 17 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que M. [H] occupait bien des fonctions identiques à celles de Mme [P] mais que la situation des salariés est différente, de sorte qu'elle peut justifier une rémunération différente,

- débouté Mme [P] de sa demande de rappel de salaire,

- débouté Mme [P] de sa demande de modification de ses bulletins de paye,

- débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour violation du principe d'égalité de traitement et du principe 'à travail égal, salaire égal',

- débouté Mme [P] de sa demande subsidiaire de rappel de salaire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 31 mai 2021, Mme [P] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 25 mai 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 janvier 2024, Mme [P] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel et ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire qu'elle occupait des fonctions identiques à celles de M. [H], qu'en conséquence le principe d'égalité de traitement et le principe « à travail égal, salaire égal » ont été violé,

- condamner la société Rai Tillieres à lui verser la somme de 22.500 euros brut à titre de rappel de salaires sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, outre les congés payés sur rappel de salaires soit 2.250 euros brut,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Rai Tillieres à lui verser la somme de 13.633 euros brut à titre de rappel de salaires sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, pour non-respect du salaire minimum conventionnel, outre la somme de 1.363,30 euros brut à titre de congés payés y afférents,

En tout état de cause,

- ordonner la modification des bulletins de salaire, sous astreinte de 50 euros par jour et document de retard à compter du 15ème jour suivant la notification ou signification de la décision à intervenir,

- condamner la société Rai Tillieres à lui verser la somme de 30.000 euros net à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Rai Tillieres à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 CPC,

- condamner la société Rai Tillieres aux entiers dépens,

- débouter la société Rai Tillieres de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 janvier 2024, la société Rai Tillieres demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angoulême le

17 mai 2021 en ce qu'il a débouté Mme [P] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et

prétentions,

- condamner Mme [P] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [P] fait valoir qu'à compter de l'année 1997, elle a exercé des fonctions de technico-commerciale, statut cadre, position II indice 100 ; qu' à l'occasion de son départ à la retraite en décembre 2016, elle a appris que M. [H], recruté en 2007 et qui exerçait les mêmes fonctions qu'elle, avait été engagé moyennant un salaire supérieur au sien, sans que son CAP de vendeur ne le justifie.

Elle demande à titre principal, le paiement de rappel de salaire au titre des trois dernières années de la relation de travail au regard de la différence de salaire entre M. [H] et elle-même. Subsidiairement, Mme [P] fait valoir que sa rémunération n'était pas conforme aux minima conventionnels et demande le paiement du solde de salaire correspondant.

Mme [P] demande aussi le paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral.

La société soulève le moyen tiré de la prescription des demandes :

- de paiement de rappel de salaire sur le fondement du principe ' à travail égal, salaire égal ' : Mme [P] a signé sans réserves le solde de tout compte et a recommencé à travailler pour la société après avoir pris sa retraite;

- de paiement de dommages et intérêts pour violation de ce principe : Mme [P] s'est plainte, dès son évaluation réalisée en février 2016, d'avoir été sous considérée et elle a saisi le conseil des prud'hommes plus de deux ans plus tard ; le délai de prescription de trois ans ne s'applique pas.

Elle ne peut pas non plus alléguer le délai de prescription afférent à la discrimination en l'absence de motif discriminatoire d'autant qu'elle se compare à une autre salariée.

Mme [P] a eu connaissance d'une inégalité de traitement au début du mois de décembre 2016 et elle a saisi le conseil des prud'hommes plus de deux ans plus tard.

- la demande subsidiaire fondée sur les minina conventionnels était une demande nouvelle au regard de l' article 70 du code de procédure civile;

Mme [P] répond que :

- la signature du solde de tout compte n'a pas eu d'effet libératoire dès lors qu'il ne mentionne pas de salaire;

- les rappels de salaire sollicités obéissent à la prescription triennale qu'elle a respectée pour avoir saisi le conseil des prud'hommes le 17 décembre 2018 et qu'elle peut réclamer le paiement de rappels de salaire portant sur les trois dernières années de la relation de travail, soit au titre des années 2014, 2015 et 2016 ;

-la demande subsidiaire afférente au non respect des minima conventionnels est recevable en raison de son lien avec une demande de rappel de salaire ;

- la demande indemnitaire est recevable parce que fondée sur une inégalité de traitement déterminant la nature de la créance.

le rappel de salaire

Aux termes de l'article L.1234-20 du code du travail, le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans le délai de six mois suivant sa signature, délai au delà duquel il devient libératoire pour l' employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

Le reçu pour solde de tout compte daté du 31 décembre 2016 a été signé par Mme [P] sans réserves. Il ne mentionne cependant qu'une indemnité de congés payés et une indemnité de départ à la retraite de sorte que les demandes formées par cette dernière, étrangères à ces deux indemnités, sont recevables à ce titre. Il est indifférent qu'après son départ à la retraite à cette date, Mme [P] ait à nouveau travaillé pour la société pendant six mois.

Aux termes de l'application conjuguée des articles L 1471-4 et L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement de rappel de salaire est prescrite à l'issue d'un délai de trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître ses droits.

Mme [P] a saisi le conseil des prud'hommes par requête le 17 décembre 2018. La doléance exprimée par elle ( ' une augmentation du salaire fixe' et 'n'a pas de reconnaissance financière') à l'occasion des évaluations réalisées 2014 et 2016 ne caractérise pas la connaissance qu'elle avait d'une rupture d'égalité de traitement ou du principe ' travail égal, salaire égal' à ces dates. Il sera retenu que Mme [P] a eu connaissance de ce que le salaire de son collègue était supérieur au sien au cours du mois de décembre 2016, de sorte que cette demande n'est pas prescrite.

Mme [P] fonde sa demande sur la règle 'à travail égal , salaire égal' et sur la discrimination liée au sexe. Elle invoque les dispositions de l' article L. 1132-1 du code du travail. Mme [P] compare son salaire à celui d'un collègue masculin et le moyen tiré de la discrimination ne peut être écarté parce qu'elle évoque incidemment la situation d'une collègue.

Il revient à la salariée d'établir des faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination. Au vu de ces éléments, il reviendra à l' employeur de prouver que ses décisions reposaient sur un critère objectif étranger à toute discrimination.

Mme [P] produit :

- son contrat de travail à effet du 1er janvier 2010 aux termes duquel elle est affectée aux fonctions de technico commerciale statut cadre, position II indice 100 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; sa rémunération annuelle est fixée à 30 000 euros soit 2 500 euros par mois ;

- l'organigramme de la société, non contesté par celle-ci, mentionnant Mme [P] et M. [H] en qualité de technico commercial et une carte de visite de chacun d'eux ;

- ses bulletins de paye des années 2014, 2015 et 2016 : le salaire mensuel brut de Mme [P] est de 2 575 euros au cours des deux premières années, de 2 775 euros du mois de mars au mois de juin 2016, puis de 3 075 euros à compter du mois de juillet jusqu'à la fin de cette relation de travail,

- des offres de prix ou factures établies au nom des clients Eiffage et Eurovia;

- un document intitulé' CA. de [T] ( [P]) et [X] ([H])' de 2010 à 2016 ; cette pièce établie par Mme [P] n'est pas corroborée par une autre pièce;

- en pièces 14 et 15 des tableaux des clients de Mme [P] et M. [H] ; cette pièce est établie par Mme [P] sans être corroborée par une autre.

La cour prendra en compte les salaires perçus par les deux salariés au cours des années 2014, 2015et 2016 dont le montant annoncé par Mme [P] est corroboré par les bulletins de paye de M. [H], engagé en 2007,dont le salaire mensuel était de 2 500 euros lors de son embauche, de 3 250 euros en 2014 et 2015 et de 3 450 euros à compter du mois d' avril 2016.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination.

La société produit :

- un document comparatif des notes de frais des deux salariés ; cette pièce établie par l' employeur n'est pas confortée par une autre ;

- sous cote 12, un comparatif du nombre de nouveaux clients pour chacun des salariés au cours des années 2014 à 2016 mais qui n'est conforté par aucune pièce;

- le curriculum vitae de M. [H] : un CAP de vendeur obtenu entre 1980 et 1982, agent commercial de 1983 à 1996, délégué régional de 1996 à 2004, technico commercial de 2004 jusqu'à son embauche par la société en 2007.

Il n'est pas contesté que Mme [P] a été engagée en qualité d'ouvrière de production en 1973 et elle serait devenue contremaître ; la société ne conteste pas que Mme [P] est devenue technico commerciale en 1997.

M. [H] avait une ancienneté de vingt quatre ans en qualité de technico- commercial lors de son recrutement en cette qualité en 2007 tandis que Mme [P] a débuté les mêmes fonctions en 1997 ; cette différence d' ancienneté dans les mêmes fonctions est un critère objectif fondant un salaire différent.

L'augmentation du salaire de Mme [P] (300 euros de 2014 à décembre 2016) a été supérieure à celle de M. [H] (200 euros de 2014 à décembre 2016 ).

La société prouve que la différence de salaire est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Pour les mêmes raisons, la société n'a pas violé le principe 'à travail égal, salaire égal'.

À titre subsidiaire, Mme [P] demande paiement d'un rappel de salaire motif pris du non respect des minima conventionnels. En vertu de l' article 70 du code de procédure civile, cette demande additionnelle était en lien suffisant avec la demande de paiement d'un rappel de salaire et était recevable.

Les avenants fixant les rémunérations annuelles minimales pour les salariés relevant de l'indice 100 sans clause de forfait étaient de 27 223 euros en 2014, 27 386 euros en 2015 et 27 550 euros en 2016. Au cours de la même période, Mme [P] a perçu une rémunération annuelle de 30 900 euros en 2014, 30 900 euros en 2015 et 35 900 euros en 2016. Aucun rappel de salaire n'est dû à Mme [P].

la demande de dommages et intérêts

Mme [P] demande paiement de dommages et intérêts d'un montant de 30 000 euros motifs pris de la violation du principe ' à travail égal, salaire égal', de la discrimination liée à son sexe et pour non respect des minima conventionnels.

Le moyen tiré de la signature du solde de tout compte est inopérant ainsi que dit supra.

La cour n'a retenu ni discrimination, ni violation du principe 'à travail égal , salaire égal' ni non respect des minima conventionnels de sorte que Mme [P] sera déboutée de cette demande.

L'équité ne commande pas de prononcer une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, Mme [P] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [P] aux dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03112
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.03112 ?
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