COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 02 MAI 2024
N° RG 21/02229 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MB2X
Monsieur [G] [V]
Madame [D] [M] épouse [V]
c/
SAS COMPOBAIE SOLUTIONS
S.E.L.A.R.L. [L] [W] [B]&ASSOCIES
S.C.P. [O]-BRU
Compagnie d'assurances SMABTP
S.C.P. [O]-BRU
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 février 2021 (R.G. 19/01134) par le Tribunal judiciaire de PÉRIGUEUX suivant déclaration d'appel du 15 avril 2021
APPELANTS :
[G] [V]
né le 06 Juin 1978 à [Localité 4]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Ayant pour avocat Me Jérôme ATHANAZE de la SELARL ATHANAZE JEROME, avocat au barreau de PERIGUEUX
Assisté par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
[D] [M] épouse [V]
née le 31 Décembre 1971 à [Localité 5]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Ayant pour avocat Me Jérôme ATHANAZE de la SELARL ATHANAZE JEROME, avocat au barreau de PERIGUEUX
Assisté par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
SAS COMPOBAIE SOLUTIONS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
demeurant [Adresse 7]
Représentée par Me Dorothée BONDAT de la SELARL SELUARL BONDAT, avocat au barreau de PERIGUEUX
Assistée par Me Claire PELTIER, avocat au barreau de BORDEAUX
S.E.L.A.R.L. [L] [W] [B]&ASSOCIES
ES QUALITE D'ADMINISTRATEUR A LA PROCEDURE DE SAUVEGARDE DE LA SAS COMPOBAIE SOLUTIONS,
prise en la personne de Maître [B] demeurant en cette qualité audit siége
demeurant [Adresse 1]
Non représentée
S.C.P. [O]-BRU
Es qualité de MANDATAIRE JUDICIARE A LA PROCEDURE DE SAUVEGARDE DE LA SAS COMPOBAIE
SOLUTIONS, agissant en la personne de Maître [O], demeurant en cette qualité audit siége
demeurant [Adresse 6]
Assignée à personne morale le 01/06/2021 et le 28/07/2021, par actes d'Huissier de justice
Compagnie d'assurances SMABTP
SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (société d'assurance mutuelle à cotisations variables)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Dorothée BONDAT de la SELARL SELUARL BONDAT, avocat au barreau de PERIGUEUX
Assistée par Me Claire PELTIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTE :
S.C.P. [O]-BRU
Es qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la SAS COMPOBAIE SOLUTIONS, [Adresse 6], prise en la personne de Maître [O] demeurant en cette qualité audit siège
demeurant [Adresse 6]
Assignée à personne morale le 01/06/2021 et le 28/07/2021, par actes d'Huissier de justice
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 mars 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI
ARRÊT :
- rendu par défaut
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Dans le cadre de la construction de leur maison d'habitation, Monsieur [G] [V] et Madame [D] [M] (ci-après les consorts [V]-[M]) se sont rapprochés de la société à responsabilité limitée Les Demeures Occitanes (la SARL Les Demeures Occitanes).
Un contrat de construction a été régularisé entre les parties le 1er juillet 2004 pour un montant de 136 880 euros incluant les travaux réservés par le maître d'ouvrage.
Un contrat d'assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la compagnie QBE France.
Les travaux ont débuté le 20 décembre 2004 avec l'intervention de différents sous-traitants dont la SA Compobaie Solution, chargée du lot menuiserie et assurée auprès de la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (la SMABTP).
L'ouvrage a été réceptionné sans réserve le 22 septembre 2005.
Le 10 septembre 2012, les consorts [V]-[M] ont procédé à une première déclaration de sinistre auprès de leur assureur dommages-ouvrage en raison de fissures sur les carrelages du rez-de-chaussée, sur le dallage en béton en sous-sol et au niveau du bloc Compobaie de l'entrée du garage.
Le 8 novembre 2012, l'assureur dommages-ouvrage a conclu à l'absence de désordres de nature décennale en se fondant sur les conclusions de l'expert qu'elle avait mandaté.
Les consorts [V]-[M] ont alors fait appel à leur assureur protection juridique, la MAIF. Une expertise a été effectuée et un rapport déposé le 23 septembre 2013.
A la suite d'une aggravation des désordres dénoncée par les consorts [V]-[M], une nouvelle mesure d'expertise a été diligentée par la MAIF. Un rapport a été déposé le 6 février 2014 aux termes duquel deux types de désordres ont été relevés : le premier consistant en des fissures sur le dallage du garage et le second en des fissures au niveau du bloc Compobaie du garage.
Le 10 juin 2014, un protocole d'accord a été régularisé entre les consorts [V]-[M] et la SARL Les Demeures Occitanes portant exclusivement sur les fissures sur dallage.
La SA Compobaie Solution a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du 16 janvier 2009, la SAS Compobaie Solution a repris les actifs de la SA Compobaie Solution et accepté de reprendre les désordres.
Le 11 février 2015, les consorts [V]-[M] ont régularisé une seconde déclaration de sinistre auprès de leur assureur dommages-ouvrage à la suite de constatations faites par l'expert mandaté par la MAIF portant notamment sur les fissures au niveau des blocs Compobaie.
L'assureur dommages-ouvrage a mandaté le cabinet CLE Expertises pour la réalisation d'une expertise, lequel a conclu à la nature décennale des désordres.
La SAS Compobaie Solution, assurée auprès de la SMABTP, est intervenue en réparation des désordres en juillet 2015, ces travaux ayant été réceptionnés le 16 juillet 2015.
Le 1er mai 2016, les consorts [V]-[M] ont régularisé une nouvelle déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage, ayant constaté l'apparition de nouvelles fissures sur le bloc Compobaie.
Saisi par les maîtres d'ouvrage,i le juge des référé du tribunal de grande instance de Périgueux a, suivant une ordonnance rendue le 3 août 2017 au contradictoire des sociétés QBE, Compobaie Solution et la SMABTP, fait droit à la demande d'expertise judiciaire et désigné M. [J].
Ce dernier a déposé son rapport définitif le 23 novembre 2018.
Aucun accord amiable n'ayant pu intervenir, les consorts [V]-[M] ont assigné le 8 août 2019 la SMABTP et le 9 août 2019 la SAS Compobaie Solution devant le tribunal de grande instance de Périgueux afin d'obtenir au visa des articles 1792 et suivants et 1147 (ancien) du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le versement de diverses indemnités.
La SAS Compobaie Solution a été placée sous le régime de la sauvegarde le 10 décembre 2019. Les consorts [V]-[M] ont effectué une déclaration de créance le 25 janvier 2020.
Le jugement rendu le 23 février 2021 par le tribunal judiciaire de Périgueux a :
- débouté les consorts [V]-[M] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné les consorts [V]-[M] à payer une indemnité de :
- 500 euros à la SAS Compobaie Solution, prise en la personne de son représentant légal, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- 500 euros à la SMABTP au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les Consorts [V]-[M] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire,
- débouté l'ensemble des parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.
Par déclaration électronique du 15 avril 2021, M. [G] [V] et Mme [D] [M] ont relevé appel de la décision.
Par acte d'huissier du 1er juin 2021, les appelants ont assigné en intervention forcée la SCP [O]-Bru en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la SAS Compobaie Solution.
Dans leurs dernières conclusions en date du 19 février 2024, M. [G] [V] et Mme [D] [M] demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel et leur action,
- réformer la décision entreprise et, statuant à nouveau :
- juger que leur maison d'habitation est affectée de désordres de nature décennale concernant les blocs baies malgré les travaux de reprise réalisés en 2015 par la SAS Compobaies Solutions,
- juger en conséquence que la SAS Compobaie Solution voit sa responsabilité décennale engagée au sens de l'article 1792 du Code civil et que son assureur de responsabilité, la SMABTP, devra mobiliser sa garantie à ce titre,
A titre subsidiaire :
- juger que la SAS Compobaie Solution voit sa responsabilité contractuelle de droit commun engagée au sens des articles 1147 (ancien) et 1792-4-3 du code civil,
En tout état de cause :
- juger l'assureur de responsabilité de la SAS Compobaie Solution, soit la SMABTP, doit mobiliser sa garantie à ce titre,
- condamner en conséquence la SMABTP en qualité d'assureur de la SAS Compobaie Solution à leur payer les sommes suivantes :
- 53.661,97 € TTC au titre des travaux réparatoires, avec application de l'indice BT 01 de la construction depuis le dépôt du rapport d'expertise et jusqu'à parfait paiement,
- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance,
- 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- assortir l'ensemble de ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et jusqu'à parfait paiement,
- débouter la SMABTP en qualité d'assureur de la SAS Compobaie Solutions et toutes autres parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- constater et fixer à la procédure collective ouverte à l'encontre de la SAS Compobaie Solution leur créance constituée des sommes suivantes :
- 53.661,97 € TTC au titre des travaux réparatoires,
- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance,
- 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
- 500€ au titre des frais d'huissier de justice
- 8.864,22 € au titre des frais d'expertise judiciaire
- débouter les autres parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires,
- condamner la SMABTP en qualité d'assureur de la SAS Compobaie Solutions aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier de justice engagés, les frais d'expertise judiciaire et les éventuels frais d'exécution, outre les frais d'appel au profit de la SCP Taillard, avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Suivant leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 1er mars 2024, la SAS Compobaie Solution et la SMABTP demandent à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement attaqué et par conséquent :
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner les consorts [V]-[M] à leur payer, chacune, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris ceux de première instance et d'appel,
A titre subsidiaire :
- fixer à la somme de 53.661,97 € TTC le montant des travaux réparatoires,
- fixer à la somme de 3.600 € TTC le montant des frais liés au relogement,
- débouter les appelants de leurs demandes au titre d'un préjudice de jouissance comme étant non fondé,
La SCP [O]-Bru, és-qualités, n'a pas constitué avocat. Les conclusions des appelants et des intimées lui ont été signifiées respectivement les 20 février 2024 et 14 octobre 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La maison d'habitation des consorts [V]-[M] présente la particularité d'avoir été conçue avec des menuiseries dites en bloc-baie. Chaque ouverture dispose d'un encadrement en béton armé monobloc équipé d'une menuiserie et d'une fermeture. Cet ensemble est fabriqué en atelier, livré sur le chantier et mis en place dans une réservation prévue dans la maçonnerie. Sa pose intervient lors de l'élévation des murs alors que les menuiseries traditionnelles sont installées après la mise en place de la couverture, lorsque l'immeuble est hors d'eau. Ces baies sont intégrées à l'ouvrage.
L'expert judiciaire a recensé 19 fissurations traversantes à l'emplacement des armatures qui comportent des défauts d'enrobage à la fabrication. Ces fissures se prolongent en périphérie de la menuiserie. Il explique que la cause de ces désordres résulte d'un défaut de préfabrication des blocs baie Compobaie, en relevant que la mauvaise qualité des bétons utilisés (porosité) permet à l'humidité contenue dans l'air se s'infiltrer ce qui génère de la corrosion au niveau des armatures en acier mal disposées spatialement.
Le défaut d'enrobage des armatures avait déjà été souligné dans le rapport d'expertise du cabinet CE en date du 15 juin 2015.
M. [J] conclut en indiquant que ces désordres n'étaient pas apparents à la réception.
Le coût des travaux réparatoires est chiffré à la somme de 53 661,97 euros. L'expert judiciaire considère que seule une réparation de l'ensemble des cadres nécessitant le démontage des fenêtres, l'enlèvement des blocs et le changement de l'ensemble par une maçonnerie traditionnelle permet de remettre les lieux en état. L'ensemble des baies doit ainsi être repris. Ces désordres rendent incontestablement l'immeuble impropre à sa destination et sont donc de nature décennale.
La garantie de la SMABTP est recherchée en sa qualité d'assureur décennal de la SAS Compobaie Solution et non de la SA Compobaie Solution.
Contrairement à l'argumentation développée par les maîtres d'ouvrage devant le tribunal judiciaire et reprise dans leurs dernières conclusions produites devant la cour, l'expert judiciaire n'indique à aucun moment dans son rapport que les travaux de reprise effectués par la SAS Compobaie Solution ont contribué à l'aggravation des fissures ou occasionné des désordres distincts de ceux déjà existants au moment de son intervention.
Certes, M. [J] estime que les travaux réalisés par la SAS Compobaie Solution ont été inefficaces dans la mesure où n'a pas été pris en compte le caractère traversant des fissures. Toutefois, aucune faute d'exécution, contribuant à l'aggravation des désordres ou la création de nouveaux, ne peut lui être reprochée. Sa responsabilité ne saurait donc être recherchée sur le fondement des articles 1147, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016 et 1792-4-1 du Code civil.
Ainsi, les désordres ne sont pas imputables à la SAS Compobaie Solution.
Ces éléments ne peuvent que motiver le rejet de l'ensemble des prétentions des consorts [V]-[M] présentées à l'encontre de la SMABTP et donc la confirmation du jugement entrepris sur ce point, ainsi que du débouté de la demande de fixation de certaines sommes au passif de la SAS Compobois Solution.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Outre la somme mise à la charge des consorts [V]-[M] en première instance, il y a lieu en cause d'appel de les condamner au versement à la SAS Compobaie Solution et la SMABTP, ensemble, d'une indemnité complémentaire de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes présentées sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision rendue par défaut, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 février 2021 par le tribunal judiciaire de Périgueux ;
Y ajoutant ;
- Condamne Monsieur [G] [V] et Madame [D] [M] à verser à la société par actions simplifiées Compobois Solution et la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics, ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne Monsieur [G] [V] et Madame [D] [M] au paiement des dépens d'appel.
La présente décision a été signée par Monsieur Jacques BOUDY, président, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT