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02/05/2024 | FRANCE | N°21/02052

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 02 mai 2024, 21/02052


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 02 MAI 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02052 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBM5













Madame [M] [A]



c/



Union Départementale des Associations Familiales de la Dordogne (UDAF Dordogne)

















Nature de la décision : AU FOND









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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2021 (R.G. n°F 19/00068) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 08 avril 2021,





APPELANTE :

Madame [M] [A] née ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 02 MAI 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02052 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBM5

Madame [M] [A]

c/

Union Départementale des Associations Familiales de la Dordogne (UDAF Dordogne)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2021 (R.G. n°F 19/00068) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 08 avril 2021,

APPELANTE :

Madame [M] [A] née [O]

née le 06 Février 1969 de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Myriam LENGLEN de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de PERIGUEUX, et Me Edwige HARDOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Union Départementale des Associations Familiales de la Dordogne (UDAF Dordogne), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 781 703 491 00030

représentée par Me Frédéric COIFFE, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [M] [A] a été engagée en qualité de chargée de mission par l'association Union Départementale des Associations Familiales de la Dordogne (ci après dénommée l'UDAF ), par contrat de travail à durée déterminée d'un an à compter du 16 juillet 1992, renouvelé le 16 juillet 1993.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 15 juillet 1994.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de l'Union Nationale des Associations Familiales du 16 novembre 1971, puis à celle des établissements de services pour personnes inadaptées et handicapées à compter du 1er janvier 2003.

Madame [A] a été reconnue travailleuse handicapée en 1997.

Elle a par ailleurs été élue déléguée du personnel en 2007 et désignée déléguée syndicale le 26 septembre 2011.

La reconnaissance de la lourdeur du handicap de Mme [A] a été obtenue en 2012 et reconduite en 2015.

Le médecin du travail a déclaré Mme [A] apte après étude de poste les 29 septembre 2014 et 13 avril 2015.

La salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 27 avril 2015 avant de reprendre le travail en octobre 2015 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique durant trois mois.

Elle a de nouveau été placée en arrêt de travail du 3 janvier 2017 au 31 août 2018, avant d'être déclarée inapte à son poste par le médecin du travail le 5 septembre 2018.

Parallèlement, une reconnaissance d'invalidité de 80% lui a été accordée le 31 janvier 2017, ainsi qu'un titre de pension d'invalidité de catégorie 2 à compter du 1er septembre 2018.

L'employeur a engagé une procédure de licenciement pour inaptitude que l'inspection du travail a refusé d'autoriser.

Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Périgueux le 10 avril 2019 afin de solliciter son reclassement ainsi que la condamnation de l'UDAF à lui verser des rappels de salaires, une régularisation des indemnités de prévoyance et des congés payés, outre des dommages et intérêts pour manquement aux obligations de loyauté, de sécurité, agissements discriminatoires et préjudice financier.

Une nouvelle procédure de licenciement a été engagée par l'UDAF de la Dordogne, aboutissant sur une décision implicite de rejet de l'autorisation de licencier la salariée le 11 septembre 2019, confirmée par le ministre du travail le 27 mai 2020 après contestation de l'employeur.

Suite à l'autorisation de l'inspection du travail, l'association a licencié Mme [A] le 30 avril 2021, date à laquelle elle avait une ancienneté de 28 ans et 9 mois.

Par jugement du 29 mars 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [A] de ses demandes :

* de se voir accorder l'indice 985.60 + 135 d'indemnités de sujétions particulières + 80 points de responsabilité rétroactivement à la date de mars 2016 dans le respect de la prescription,

* au titre de rappel de salaires,

* au titre de complément d'invalidité,

* de dommages et intérêts pour préjudice financier,

* de dommages et intérêts pour agissements discriminatoires et au manquement grave de l'employeur à son obligation de sécurité,

* au titre de son manquement à son obligation de loyauté,

* sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'UDAF de la Dordogne de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Par déclaration du 8 avril 2021, Mme [A] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 29 mars 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 mars 2022, Mme [A] demande à la cour de :

- infirmer le jugement critiqué rendu par le conseil de prud'hommes de Périgueux du 29 mars 2021,

Par conséquent,

- condamner l'UDAF 24 à lui régler les sommes suivantes :

* 48.031,93 euros brut au titre de rappel de salaires et accorder l'indice 954.80 + 26.70 d'Indemnité pour majoration de salaire + 135 d'indemnités de sujétions particulières + 80 points de responsabilité rétroactivement à la date de 04.2016 dans le respect de la prescription,

* 3.850,42 euros net au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés décomptés en septembre et octobre 2018,

* 68.797,10 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,

* 123.000 euros brut au titre de dommages et intérêts pour agissements discriminatoires et au manquement grave de l'employeur à son obligation de sécurité,

* 1.386,01 euros en régularisation des indemnités de prévoyance qu'elle aurait dû percevoir pour le mois de septembre 2018 en complément de sa pension d'invalidité CPAM, l'organisme de prévoyance ayant considéré l'indemnité versée au titre de la pose des congés du 1er septembre 2018 au 4 octobre 2018 comme un maintien de salaire,

* 10.000 euros au titre de son manquement son obligation de loyauté,

* 9.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et de seconde instance, ainsi qu'aux dépens,

- assortir les sommes ci-dessus des intérêts moratoires au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes de Périgueux,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 janvier 2024, l'association UDAF demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [A] de ses demandes en paiement :

* d'un rappel de salaire au titre de la classification,

* de dommages et intérêts pour préjudice financier,

* d'un complément au titre de ses indemnités de prévoyance,

* de dommages et intérêts pour agissements discriminatoires et manquement à l'obligation de sécurité,

* de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté de l'employeur,

- débouter Mme [A] de sa demande en paiement de la somme de 3.850,42 euros nets au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés décomptés en septembre et octobre 2018,

- la débouter de l'intégralité de ses autres demandes,

- réformer le jugement en ceci qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais qu'elle a engagé en première instance,

- la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel qu'elle a engagé,

- la condamner aux dépens et frais d'exécution éventuels.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

le rappel de salaire

Mme [A] fait valoir pour l'essentiel que :

- titulaire d'un diplôme de conseillère en économie sociale, d'une licence professionnelle de conseiller en consommation, d'un DU de management des interventions sociales et d'un certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement de niveau II, elle a été promue au statut cadre en qualité de responsable d'unité de tutelles majeurs protégés à l'indice 329 le 1er décembre 1997en application de la convention collective de l'UDAF de 1971;

- l'UDAF a dénoncé sa convention collective au profit de celle des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 dite' convention collective 66"; un accord transitoire a été conclu en novembre 2002 qui n'a plus été applicable à compter du 1er octobre 2004,

- en janvier 2003, elle aurait due, en sa qualité de chef de service et compte- tenu de ses diplômes et de son ancienneté, être positionnée, non pas classe II niveau III mais en classe II niveau II qu'elle n'obtiendra que six ans plus tard au coefficient de 839,30 de la convention collective 66 ;

- la différence de salaire s'accentuera en avril 2009 lorsqu'elle deviendra chef de service du milieu ouvert puis en décembre 2012 lorsqu'elle se verra confier les services 'mesures ad hoc' et 'ouvertures'.

Mme [A] produit les dispositions spéciales aux cadres de l'annexe 6 de la convention collective dite 66 ( pièce 45bis), ses bulletins de paye des mois de décembre 2002, février 2003 et décembre 2020 confirmant un positionnement en classe II niveau III en janvier 2003 et en classe II niveau II en février 2003

- la notification qui lui a été faite par l'employeur dans le cadre de la transposition de la convention collective 1971 à la convention collective 66, mentionnant un coefficient théorique de 866 et un coefficient de reclassement de 763,2, ainsi qu'une ancienneté de 10 ans ;

- le bulletin de paye de Mme [D], (ancienneté 1981) du mois de janvier 2003 mentionnant un poste de responsable d'unité, statut cadre classe II niveau II, coefficient 931,70 et une indemnité de sujétion de 110 dont une indemnité de maintien de salaire de 101,3 ;

- le bulletin de paye de M [H] (ancienneté 1988) du mois de janvier 2003 mentionnant un poste de responsable d'unité, statut cadre, classe II, niveau II, un coefficient de 839,30 et une indemnité de sujétion de 110 dont une IMS de 103,7.

L'UDAF répond que :

- l'accord de transposition ne retient pas le niveau de diplôme. L'emploi détermine la classification elle même déterminée par le salaire ;

- la pièce 45 de Mme [A] ne démontre pas que les cadres titulaires d'un diplôme de niveau II et exerçant une mission de responsabilité devaient être positionnés en classe II niveau II ;

- au contraire, selon les termes des articles 6.1 et 6.3 de l'accord de transposition, le chefs de service coefficient 329 selon la convention collective de l'UDAF, sont positionnés en classe II niveau III.

L'annexe 6 des dispositions spéciales aux cadres versée par Mme [A] sous cote 45 bis est très postérieure à la date d'application de la convention collective 66 aux salariés des UDAF (elle mentionne l'adhésion du syndicat SNALESS en qualité de signataires par lettre du 1er décembre 2009) et ne peut fonder la demande de Mme [A] d'être positionnée en classe II niveau II en janvier 2003.

Les dispositions de l'avenant du 10 novembre 2004 ne portent pas sur la classification des salariés des UDAF mais sur les congés trimestriels des personnels tutélaires.

Le positionnement de Mme [A] lors de l'application de la convention collective 66 doit être examiné au regard des dispositions de l'accord collectif fixant les modalités d'application de cette convention collective aux salariés de l'UDAF, datant de 2002 et versé sous cote 75 de l'UDAF.

Cet accord applicable au 1erjanvier 2003 mentionne que les grilles conventionnelles sont déterminées au regard de la fonction occupée par le salarié au 31 décembre 2002, que le salarié est transposé selon sa rémunération annuelle, le cas échéant reconstituée, atteinte au 31 décembre 2002 et qui détermine un indice théorique. Si la grille conventionnelle identifiée ne permet pas de maintenir le salaire annuel brut de l'agent, le coefficient conventionnel sera augmenté d'une indemnité de maintien de salaire en points fixes. Il n'est pas question des diplômes du salarié repositionné.

L' article 7.3 de cet accord, prévoit, en son annexe 2, que les salariés dont le coefficient 329 sont positionnés en classe II niveau III, de sorte que Mme [A] ne peut se prévaloir d'un positionnement automatique en classe II niveau II.

Le 31 décembre 2002, le salaire brut annuel reconstitué de Mme [A] était de 36 260 euros. L'indice théorique 866 a été calculé au regard de cette rémunération divisée par la valeur du point de la convention collective 66 et par 12 mois. Le même calcul a été opéré pour le reclassement de M. [H] et Mme [D] dont les rémunérations - au 31 décembre 2002 - étaient supérieures compte tenu de leur ancienneté. Leur coefficient de reclassement a été calculé selon les mêmes modalités.

À cet indice, devait être ajouté un indice de sujétions particulières critiqué par Mme [A] qui se réfère à l'indice de sujétions 135 retenu pour Mme [L] qui aurait eu moins de salariés à encadrer et n'aurait eu en charge que l'accueil courrier standard, le service ouvertures et une maison relais tandis qu'elle même aurait eu la responsabilité de trois services (le milieu ouvert, mesures ad hoc et service ouverture).

La partie intimée oppose que :

- Mme [A] n'intervenait que sur un service- l'APJ- centré à [Localité 3] et en cogestion avec Mme [L] sur le service ouverture ;

- Mme [L] exerçait, en sus de la permanence des cadres, notamment la gestion de plusieurs services dont, notamment, la gestion de l'archivage, l'action éducative budgétaire, deux maisons relais, le soutien des tuteurs familiaux, le point information famille.

À ce sujet, Mme [A] fait valoir que l'archivage était sous la responsabilité des chefs de service, Mme [L] se contentant d'appeler une fois par an l'organisme chargé de la destruction des archives, que le suivi des tuteurs familiaux, l'action éducative budgétaire, le point info familles étaient supportés par les mandataires sur un temps partiel et la responsabilité des chefs de service APJ ; que les maisons relais étaient gérées par la MSA.

Les comptes-rendus des réunions d'encadrement des 26 février 2013, 3 décembre 2013 et 24 juin 2014 et les attestations de mesdames [V], [K], [B] et [X] établissent que Mme [L] avait en charge le service ouverture avec Mme [A], les services accueil, courrier et standard et que Mme [V] organisait l'encadrement technique des mandataires. Mme [A] n'avait pas la responsabilité du service ah hoc.

Le nombre de services gérés respectivement par mesdames [L] et [A] justifiait leur indemnité de sujétions particulières.

Dans ces conditions, Mme [A] sera déboutée de sa demande de paiement d'un rappel de salaire.

le manquement à l' obligation de sécurité et les pratiques discriminatoires

Mme [A] demande le paiement de la somme de 123 000 euros en faisant valoir que :

- en novembre 2011, le médecin du travail a préconisé d'instruire une demande de reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH) et l'aménagement de son poste de travail ; en janvier 2012, il mentionnera une surcharge de travail et demandera la délégation de certaines de ses tâches ; devant l'inertie de l' employeur, elle a elle-même préparé le dossier relatif à la lourdeur du handicap que l' employeur transmettra avec retard ;

- l' UDAF, pourtant bénéficiaire d'une aide mensuelle de plus de 800 euros de la part de l'Agefiph, ne prendra pas de véritable mesure de soutien et elle a dû renoncer à poursuivre son travail à mi - temps thérapeutique ;

- l' employeur ajoutera à sa charge de travail en lui confiant la gestion des mesures ad hoc puis le service ouverture en février 2013 ;

- cette situation conduira à des arrêts de travail à compter de 2015 puis à un épisode grave survenu en 2017 au termes duquel elle sera déclarée inapte à son poste ; elle considère qu'elle a été harcelée ;

- elle n'a pas bénéficié d'entretiens annuels aux cours desquels elle aurait pu évoquer ses difficultés ;

- à compter de 2003, elle a été victime de discrimination salariale et syndicale, n'étant plus convoquée aux réunions, l'employeur va contester les refus d'autorisation de la licencier.

L'UDAF répond que :

- elle a préparé le dossier de reconnaissance de la lourdeur du handicap qui a été obtenue en septembre 2012, date à laquelle elle a augmenté le temps de travail de Mme [I] ensuite remplacée par d'autres salariées sans interruption ; elle n'a pas embauché de personnes inexpérimentées ;

- le médecin du travail n'a formulé aucune réserve après cette mise en oeuvre,

- à deux reprises, Mme [A] a confirmé l'allégement de sa charge de travail,

- Mme [A] n'a jamais saisi l'inspection du travail, le CHSCT ou le service des ressources humaines ni n'a sollicité une décharge de travail pour activité syndicale ;

- Mme [A] a eu un entretien professionnel en février 2016 soit dans le délai de deux ans prévu à la loi l'instaurant ;

- les arrêts de travail de Mme [A] sont la conséquence d'une pathologie immunitaire et sont étrangers à ses conditions de travail.

Aux termes de l' article L.4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la santé physique et mentale des travailleurs.

Par ailleurs, Mme [A] évoquant un harcèlement et les dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail, il lui revient de produire des éléments laissant supposer son existence et l' employeur devrait prouver que ses décisions sont étrangères à tout harcèlement.

L'absence de doléance antérieure à la saisine du conseil des prud'hommes, à la supposer établie, ne priverait pas la salariée d'invoquer un harcèlement moral et une violation de l'obligation de sécurité.

Mme [A] verse :

- une demande de Reconnaissance de la Lourdeur du Handicap renseignée le 23 mai 2012 par l'assistante des ressources humaines qui atteste mais transmise à l'AGEFIPH le 10 juillet suivant; la décision d'obtention de cette reconnaissance le 18 septembre 2012;

- une seconde demande de RLH datée du mois d' avril 2015 motivée par une surcharge de travail liée à l'organisation ;

- la lettre de l'AGEFIPH mentionnant le montant des sommes versées à l' UDAF depuis la RLH (de 856 à 882 euros par mois) ;

- des bulletins d'hospitalisation sur la période de 2017 à 2019 ;

- le certificat médical daté du 11 décembre 2012 du praticien traitant la pathologie auto-immune de Mme [A], nécessitant des arrêts de travail souvent refusés par cette dernière, 'selon ses dires', du fait de l'accumulation de sa charge de travail ; est mentionnée la grave complication intervenue le 3 janvier 2017 à la suite de laquelle la salariée sera déclarée inapte à son poste;

- des décisions de refus de licencier Mme [A],

- un tableau comparatif du nombre de mesures par service en 2017, 2018 et 2019 ;

- le certificat du Dr [W] du 13 janvier 2021, rédigé dans le cadre de la demande de maladie professionnelle mentionnant la pathologie et un épuisement professionnel que la salariée attribue à un surcroît de travail qui aurait pu jouer un rôle dans l'aggravation de la pathologie ;

- des comptes-rendus de réunions du comité d'entreprise auxquelles Mme [A] sera présente ou convoquée à l'exception de la réunion du 17 décembre 2015.

Il est établi que la pathologie de Mme [A] la fatiguait mais aucune pièce n'indique que l'altération de l'état de santé de la salariée résultait de ses conditions de travai l: le Dr [W] émettra une hypothèse qui est insuffisante.

La contestation par l'employeur de la décision de l'inspecteur du travail de refuser l'autorisation de licencier Mme [A] relève de l'exercice d' un droit de l' employeur dont l'usage abusif n'est pas établi.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

L' employeur doit cependant établir qu'il a respecté son obligation de sécurité en prenant des mesures effectives nécessitées par l'état de santé de sa salariée.

Aux termes de sa demande d'octroi de la lourdeur du handicap datant de 2012, l'employeur estime que le surcoût du handicap consiste en une aide administrative complémentaire correspondant à cinq heures de travail par semaine effectuées par Mme [Z] et en un doublement du poste pour la conduite en lien avec les déplacements correspondant à vingt cinq heures par mois. Soit un total de 30 heures.

Le 13 avril 2015, le médecin du travail a préconisé la poursuite de la délégation des tâches.

Dans le cadre de sa demande de renouvellement de la mesure, Mme [A] a certifié l'authenticité des pièces justificatives et des informations transmises par l' employeur ; il sera cependant constaté que des chiffres ont été ajoutés à la main par l'employeur, de sorte que la signature de Mme [A] ne vaut pas acquiescement du nombre d'heures nécessaires.

L'UDAF produit :

- le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel ( 30%) de Mme [C] engagée en qualité d'agent administratif à effet du 1er septembre 2012 ; Mme [C] a été remplacée lors de ses arrêts de travail.

- une liste des salariées dont l'augmentation du temps de travail, cumulé, correspond à 30% de temps de manière ininterrompue et les avenants au contrat de travail de Mesdames [R] , [P], [Y] - [S] et [N] correspondant à ce temps partiel ajouté ;

- les deux avis d'aptitude du médecin du travail de 2014 et 2015 confirmant que l'organisation du travail était compatible avec l'état de santé de la salariée ;

- le certificat médical du 28 janvier 2016 selon lequel Mme [A] ne présente aucune contre-indication pour la reprise de son travail à temps plein,

- le certificat médical du Dr [G] du 11 décembre 2018 selon lequel Mme [A] souffre d'une maladie auto-immune nécessitant de nombreuses consultations voire hospitalisations ; le rédacteur rapporte les dires de Mme [A] quant à sa charge de travail (' selon ses dires');

Par ailleurs, il a été dit que Mme [A] n'avait pas en charge trois services et l'augmentation des mesures a été accompagnée d'une augmentation du nombre de salariés affectés à son service.

Il résulte de ces éléments que l'UDAF a respecté son obligation de sécurité en prenant des mesures effectives conformes aux demandes de reconnaissance de la lourdeur du handicap et que la surcharge de travail alléguée n'est pas établie.

S'agissant des actes discriminatoires, il a été retenu supra que le positionnement de Mme [A] n'était pas discriminatoire.

L'ajout de charges supplémentaires telles que la gestion des mesures ad hoc a été écarté supra de sorte que la surcharge de travail alléguée n'est pas établie.

Il reste que l' employeur a tardé à instruire et transmettre la demande de RLH et n'a pas organisé d'entretiens réguliers avec sa salariée en proie avec des difficultés de santé depuis 2011.

Ces deux manquements ont causé un préjudice qui sera réparé à hauteur de 2 000 euros.

les dommages et intérêts pour préjudice financier

A titre principal, Mme [A] fait valoir que la prescription triennale des salaires ne s'applique pas en cas de discrimination ou de harcèlement moral. Elle demande paiement de la somme de 68 797,10 euros au titre des salaires qu'elle aurait dû percevoir de juillet 2003 à mars 2016.

L'UDAF oppose que Mme [A] tente de détourner les effets de la prescription triennale.

La discrimination et le harcèlement moral ayant été écartés supra, la demande de Mme [A] de paiement d'un rappel de salaire antérieure à la période triennale précédant la rupture du contrat de travail doit être rejetée.

À titre subsidiaire, Mme [A] fait valoir qu'elle subit un préjudice financier résultant de la non application de la convention collective 66. Il a été dit supra que le positionnement de Mme [A] était conforme. Par ailleurs, Mme [A] ne sollicite pas le paiement de dommages et intérêts mais le règlement d'un rappel de salaire antérieure à la période.

la régularisation des jours de congés payés

Mme [A] demande paiement de la somme nette de 3 850,42 euros au titre des 22 jours de congés payés défalqués de son solde de tout compte. Elle aurait accepté de prendre des jours de congés en septembre parce que l'employeur aurait affirmé, à tort, qu'elle perdrait le bénéfice du maintien de son salaire. Étant bénéficiaire d'une pension d'invalidité, la prise en charge par la prévoyance se serait réalisée à effet rétroactif au jour de son inaptitude reconnue par le médecin du travail à savoir le 1er septembre 2018 à hauteur de 97%.

L'UDAF répond que Mme [A] avait posé des jours de congés sur le mois de septembre 2018, qu'elle lui a ensuite demandé de les prendre en octobre avant de changer d'avis et que seuls quatre jours de congés payés ont été défalqués sur ce mois là.

Le salarié n'ayant pas bénéficié de la prise des jours de congés payés doit recevoir une indemnité compensatrice. L'UDAF ne produit pas de pièce établissant que Mme [A] avait demandé de prendre des jours de congés payés au mois de septembre 2018, de sorte que les 18 jours défalqués au titre de ce mois sont dus. Ensuite, le bulletin de paye du mois d' octobre 2018 mentionne quatre jours de congés payés alors que par lettre datée du 18 octobre, Mme [A] avait demandé à l' employeur d'annuler la prise de congés payés sur ce mois là. Les quatre jours défalqués du 1er au 5 octobre 2018 sont donc dus.

L'UDAF sera condamnée à payer à Mme [A] la somme de 3 850,42 euros

sans précision qu'il s'agit d'un montant net, cette demande n'étant pas explicitée.

la régularisation des indemnités de prévoyance

Mme [A] fait valoir que l'employeur n'a fait aucune démarche auprès de l'organisme de prévoyance CHORUM avant de mois de décembre 2018, qu'en juillet 2019, cet organisme l'a informée qu'aucune somme ne lui était due au titre de la garantie invalidité de la période du 1er septembre 2018 au 30 juin 2019 au regard du cumul des ressources perçues entre ces deux dates et qui lui ont assuré le maintien de son salaire. Elle aurait perdu le bénéfice du complément d'invalidité d'un montant de 1 386,61 euros suite à la décision de l'employeur de considérer qu'elle était en congés payés en septembre et octobre 2018.

L'UDAF répond à juste titre qu'il revient à Mme [A] de demander à l'organisme de prévoyance le rappel de pension d'invalidité qui lui serait dû.

Mme [A] sera déboutée de cette demande.

la déloyauté de l' employeur

Mme [A] demande paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail par l' employeur.

À compter du 3 janvier 2017, date de son dernier arrêt de travail, et jusqu'au mois de février 2019, l'employeur ne l'aurait pas convoquée à des réunions du comité d'entreprise et des délégués du personnel en dépit de sa qualité de titulaire d'un mandat de déléguée du personnel et de déléguée syndicale.

L'employeur aurait 'mis en mouvement' son poste avant même que l'inspecteur du travail n'autorise son licenciement.

Il aurait enfin adapté un comportement dénigrant à propos des propositions de reclassement, la décision du ministre du travail étant claire à ce sujet.

L'UDAF répond que :

- l'argument de la déloyauté est évoqué de manière très vague de sorte qu'il est inopérant,

- la mise en mouvement d'un poste ne vaut pas attribution de ce poste à une autre personne et elle devait s'organiser d'autant que Mme [A] était pressée de partir ;

- le délit d'entrave ressort de la compétence du juge pénal,

- en tout état de cause, la maladie de Mme [A] ne lui permettait pas d'assister aux réunions et même, informé de la tenue de réunions portant sur la conclusion d'accords d'entreprise, le syndicat CFTC a désigné une autre personne que la salariée qui a ensuite signé des accords,

- la remarque du ministre du travail au sujet des propositions de reclassement faites à Mme [A] n'établit pas le préjudice subi par celle-ci.

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Mme [A] a détaillé les manquements de l'employeur à cette obligation de manière précise de sorte que la déloyauté de l'employeur peut être précisément examinée.

Le moyen tiré de l'absence de convocation d'un représentant du personnel relève aussi du juge prud'homal en ce qu'il a pu causé un préjudice au salarié.

L' arrêt de travail pour maladie ne suspend pas le mandat de représentant du personnel. L'UDAF ne conteste pas n'avoir pas convoqué Mme [A] aux réunions de délégués du personnel et du comité d' entreprise au cours de la période du 3 janvier 2017 au mois de février 2019.

Celà étant posé, il revient au salarié de démontrer l'existence et l'étendue de son préjudice. Ces précisions ne sont pas apportées.

L'employeur ne conteste pas avoir commencé à chercher le successeur de Mme [A] avant l'autorisation de l'inspecteur du travail de la licencier. Mme [A] ne démontre cependant aucun préjudice.

La décision ministérielle relative à l'autorisation de licencier Mme [A] mentionne que l'employeur n'a pas recherché la mise en place d'un télétravail ou recherché des postes de reclassement comparables à celui occupé par la salariée. Pour autant, Mme [A] ne précise ni ne démontre aucun préjudice.

Mme [A] sera déboutée de cette demande.

Vu l'équité, l'UDAF 24 sera condamnée à payer à Mme [A] la somme totale de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Partie perdante, l'UDAF de la Dordogne supportera la charge des entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme [A] de ses demandes relatives au manquement à l' obligation de sécurité et à la régulation des congés payés,

statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne l'UDAF de la Dordogne à payer à Mme [A] la somme de 2 000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité ;

Condamne l'UDAF de la Dordogne à payer à Mme [A] la somme de

3 850,42 euros au titre des jours de congés payés défalqués par l'employeur ;

Dit n'y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne l'UDAF de la Dordogne à payer à Mme [A] la somme totale de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel ;

Condamne l'UDAF de la Dordogne aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02052
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.02052 ?
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